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Les primes d’excellence scientifique

Billet publié le 17/02/2010

L’année dernière ont été créées les primes d’excellence scientifique, et, pour y postuler, il suffisait d’envoyer un CV. Ce que j’ai fait. Je me disais que même si je n’obtenais pas les milliers d’euros prévus par cette prime, j’aurai au moins une “évaluation” gratuite de mon excellence — dont je ne doute pas.
Il semble que les dossiers ont été transmis à un quadriumvirat composé de quatre brillants hommes (aucune femme) : Valade, Cuin, Duran et Cochoy (source). On ne sait pas comment ces personnes ont été choisies (même si Valade et Cuin, par leur âge respectable, semblent être devenus des évaluateurs professionnels), ni comment les dossiers ont été étudiés : autant les mathématiciens ont décrit en détail leurs procédures (ils ont publié une Note d’information du comité d’experts d’attribution de la PES) autant mes collègues de la section 19, “sociologie, démographie” sont restés muets malgré les demandes d’explicitations.
On a une idée des conclusions générales auxquelles les experts nommés ont abouti. Il semble que, bien que cette prime d’excellence scientifique a été présentée comme une manière d’encourager les jeunes chercheurs (par des incitations financières personnelles), les personnes classées “A” soient plus souvent des professeurs d’universités que des maîtres de conférences.

L’université Paris 8 a fait la même chose, en réservant les primes aux professeurs :

Pour l’instant, le nom des heureux destinataires des 6000 euros n’est pas disponible, ni dans les compte-rendus du conseil d’administration, ni dans ceux du conseil scientifique. Mais je ne suis pas dedans.

L’expérience que j’en retire est médiocre : si mon dossier a été évalué, je n’en connais pas l’évaluation (il n’y a visiblement aucun moyen d’obtenir les rapports ou sa note, aucun des experts ne m’a contacté); et surtout, ne sachant pas qui, dans mon université ou ma discipline, a été bien classé, il est difficile de se faire une idée des exigences des évaluateurs.

En conclusion : c’est fort étrange, une évaluation sans retour. C’est flou.

Note : Je n’ai pas abordé ici l’opposition collective à la mise en place de ces primes. Ce sera pour une autre fois.

[yarpp]

14 commentaires

Un commentaire par Régis (17/02/2010 à 13:46)

Le principe de la prime est louable: pourquoi un salarié du public qui fait bien son job ne serait pas “intéressé” comme un salarié du privé, qui est évalué chaque année (EAP) et en profite pour solliciter une augmentation ou une prime? L’ennui c’est que l’université ne sait pas gérer convenablement ses ressources humaines, est figée dans un esprit mandarinal et engluée dans le copinage. Le fait que les primes de plein droit soit prélevées sur l’enveloppe des PES est significatif… tout est fait pour que la réforme soit sabordée.

Un commentaire par Antoine (20/02/2010 à 14:33)

Sans lien direct avec le billet, mais j’ai pensé que l’article pouvait vous intéresser (notamment pour le cloisonnement entre activités) : http://www.lyonne.fr/editions_locales/sens/les_sex_toys_stimulent_ses_benefices@CARGNjFdJSsGFxsHAx4-.html.

Un commentaire par Valerio (20/02/2010 à 22:53)

Les sciences humaines en France, c un peu comme l’URSS sous Brejnev, avec un goulag plus doux. Les PU étaleront leurs primes d’excellence et appartenances à diverses coteries comme les généraux soviétiques leurs décorations.

Un commentaire par Jean (21/02/2010 à 0:03)

“Celui qui a recevra encore, et il sera dans l’abondance ; mais celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il a. ” Evangile selon Saint Mattieu XIII-12… Merton aussi je crois.

Un commentaire par dorant (21/02/2010 à 12:18)

@ cher valério :
c’est aussi surtout qu’il faudrait revaloriser globalement les carrières plutôt que de diviser par l’attribution opaque et locale de ces primes et plus tard par l’individualisation-modulation des tâches.
Quand on écrit cela aujourd’hui, on passe au mieux pour un benêt, tellement l’idéologie de la compétition a été “naturalisée”.
Ceci dit, qui ne s’étonnera pas dans dix ans de la multiplication des plagiats et des fraudes scientifiques?

Un commentaire par DM (23/02/2010 à 12:41)

La solution couramment adoptée dans les disciplines de sciences exactes afin d’éviter les soupçons de collusion et de favoritisme franco-français est de faire appel à un comité d’experts internationaux. Si j’ai bien compris, les SHS françaises refusent largement l’évaluation internationale au motif que cela alignerait leurs sujets de recherche sur les sujets « anglo-saxons ». La situation semble donc assez inextricable.

Sinon, que pensez-vous des comités ANR et AERES? Parfois j’ai l’impression que c’est « je t’inspecte maintenant, tu m’inspectes l’an prochain ». Ceci dit, je n’ai jamais vu de choses choquantes, c’est juste que la France, c’est petit…

Un commentaire par dorant (23/02/2010 à 16:06)

@ DM : cette évaluation SHS par l’international poserait d’importants biais liés au contexte et à la langue. Mais les SHS ne la “refusent pas” – je ne sais même pas si la question a été posée de cette façon…
Dans les comités AERES et aussi ANR, il existe des experts étrangers; ils doivent quand même maîtriser a minima la langue, particulièrement en littérature, philosophie, droit, histoire etc… et malheureusement il n’y a pas vraiment abondance de ces experts-là.

Un commentaire par DM (23/02/2010 à 20:13)

@Dorant: Le point est que la PES ne pose pas de problème que nous ne connaissions auparavant avec les recrutements et promotions. Elle étend le domaine de ces problèmes, certes, mais n’y avait-il pas déjà des problèmes d’attribution pour les CRCT, les délégations, les postes à l’IUF, les promotions PR1 et PRCE? Et même les recrutements MdC?

@Baptiste: Pour le moment, au CNRS, comme on ne sait pas comment évaluer si quelqu’un mérite la prime, on ne la donne qu’aux gens qui sont prix Nobel ou autres grands prix. :-)

Un commentaire par san antonio (25/02/2010 à 1:01)

Bonjour,

Pour info à Lyon1 voici le mail que nous avons reçu et qui permet de demander le résultat de notre évaluation PES. Il doit marcher quel que soit les disciplines.

“Les candidats à l’attribution de la PES en 2009 désirant avoir des informations complémentaires sur l’évaluation de leur dossier peuvent saisir le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche par mail à l’adresse : gestionpes@education.gouv.fr, en précisant leur NOM, prénom, section de CNU et adresse personnelle ou professionnelle”

Un commentaire par Baptiste Coulmont (25/02/2010 à 8:33)

>San Antonio : Merci beaucoup… Aucune information de la sorte à Paris 8 mais je vais essayer !

Un commentaire par dorant (25/02/2010 à 15:52)

Les présidents d’université ont aussi TOUS reçus les évaluations individuelles des candidats, avec le classement par lettres -A, B, C – pour chacune des rubriques ainsi que la synthèse globale, toujours par lettres.
Je crois qu’il est tout aussi simple de la demander au service des RH de l’université. C’est le cas pour mon université.

Un commentaire par Baptiste Coulmont (25/02/2010 à 15:55)

> Dorant : merci… mais Paris 8 ne répond pas à ces demandes, malheureusement…

Un commentaire par Baptiste Coulmont » Pour la modestie, je ne crains personne (20/03/2010 à 12:03)

[…] y a quelques semaines, j’ai abordé ici même la question de la gestion des “primes d’excellence” à l’université Paris 8 : réservées aux professeurs, sans que l’on connaisse […]