La reconnaissance est au cœur de la pratique de la citation. Dans le monde académique la citation fait exister la production scientifique, et de façon peut-être plus forte dans les segments les plus mal considérés de cette production. Or, s’il est bien un domaine de recherche qui peine à exister dans les bibliographies « générales », c’est la recherche féministe, en France notamment. Tout·e spécialiste s’est heurté·e à l’ignorance endémique dont sa bibliographie de référence fait l’objet parmi les chercheur·ses en sciences humaines et sociales (y compris parmi nombre de ceux et celles qui mobilisent dans leurs écrits le mot, sinon le concept, de genre). Une telle expérience, de multiples fois réitérée, a en retour des effets de réhabilitation, voire de fétichisation, de la bibliothèque féministe : les auteur·trices de référence qui sont inconnu·es pour les outsiders tendent à être des icônes pour les insiders. […]
Références : Isabelle Clair, Baptiste Coulmont et Elsa Dorlin, « Faire référence. L’économie de la citation dans dix revues féministes », in Isabelle Clair et Elsa Dorlin, Photo de famille. Penser des vies intellectuelles d’un point de vue féministe, Paris, Éditions de l’EHESS, coll. « En Temps et Lieux », 2022, p.259-288