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Les billets de July, 2004 (ordre chronologique)

Killers Academy

En mars 2004 est paru, aux éditions Descartes & Cie, un petit roman policier signé par un certain “Erik Rolle”, intitulé Killers Academy (mal référencé sous le titre Killer’s Academy sur Amazon).
Dans ce polar, un normalien, Alain Cholet, est retrouvé, mort assassiné, dans les sous-sols de l’Institut Supérieur d’Etudes Historiques (ISEH), mais il a en fait été assassiné dans le bureau du président de cette institution.
K.A. semble être un roman à clés: l’ISEH est très semblable à l’EHESS: situation géographique, description, origines, tout concorde. C’est d’ailleurs en en ayant entendu parler dans les couloirs de cette institution ainsi qu’à l’ENS, que j’ai décidé d’acheter le livre pour en savoir plus. J’avais moi-même, il y a quelques années de cela, écrit des nouvelles policières se déroulant à l’ENS, où l’on retrouvait invariablement des normaliens assassinés soit dans les sous-sols, soit dans le bureau du directeur.

Mais les comparaisons avec K.A. s’arrêtent là: c’est un roman dans lequel existent plusieurs niveaux de culpabilité. On passera sur la figure de la policière, pour qui cette enquête est un moyen de se découvrir elle-même. A un premier niveau de culpabilité, l’on trouve le/les tueur/tueuse/s, toujours le moins intéressant dans un polar. A un deuxième niveau de culpabilité, l’on trouve les fossoyeurs de la recherche française, essentiellement les normaliens-agrégés, des êtres soit arrogants, soit mécaniques, soit ambitieux, parfois les trois à la fois.

L’assassiné avait, peu de temps avant son meurtre, commencé à “ouvrir les yeux”, à effectuer sa “conversion”, dit l’un des personnages (un historien italien proche des “démographes (…) très malveillants” de la page 53), probablement un double de l’auteur, mais il reste figé dans un mécanisme. “Intelligent, mais sans imagination… Il produisait avec une certaine raideur un travail toujours minutieux, documenté et irréprochable. Mais il lui manquait ce petit je ne sais quoi qui fait le vrai chercheur…”

Ce livre n’est pas “minutieux (…) et irréprochable”. Tout comme dans les romans de Claire Chazal, les personnages ont tendance à brusquement changer de nom : Delier, le président de l’EHESS ISEH devient Dellier (page 64), Sylvie de Vaucassant (p.179) devient Vaucaussant (p.219), Valérie Bonneau (p.260) devient Valérie Bruneau (p.264)…

“Erik Rolle” est le pseudonyme d’un historien dont le nom n’a rien de secret, mais que je n’ai pas vu dévoilé dans des écrits publics (sauf sur ce site indiscret), et qu’il semble donc préférable de taire. K.A. n’est pas à recommander aux âmes sensibles ou à celles et ceux qui souhaitent commencer une thèse en histoire à l’EHESS.

Sex Toys

Récemment dans le New York Times Magazine, un article de Jennifer Senior montrait comment le commerce des jouets sexuels se développait dans les Etats “républicains” (le titre de l’article “Sex Tips for Red-State Girls!“, fait référence à la couleur conventionnelle du parti républicain depuis quelques années, le rouge).
Dans les années 1970, aux Etats-Unis, quelques lesbiennes féministes fondent des sex shops : Eve’s Garden, Good Vibrations, Toys in Babeland. Ces entreprises tout d’abord communautaires connaissent assez rapidement un succès qui dépasse les espérances de leurs fondatrices. Une institutionalisation, une routinisation économique s’ensuit, que la sociologue Meika Loe a bien montré (par exemple dans LOE, Meika « Feminism for sale : case study of a pro-sex feminist business », Gender and Society, 1999, 13(6):705-732).
Ces commerces sont principalement situés à San Francisco, New York ou d’autres métropoles américaines. Plus récemment, les observateurs ont remarqué la croissance d’un autre type de commerce des sex toys, reposant sur le modèle des « tupperware parties », où une vendeuse semi-professionnelle organise des soirées-vente à domicile, chez une organisatrice qui y invite ses amies. L’anthropologue Debra Curtis (CURTIS, Debra, “Commodities and Sexual Subjectivities: A Look at Capitalism and Its Desires”, Cultural Anthropology, 2004, 19(1):95-121) dans un article récent, décrit l’organisation d’un tel commerce (voir aussi cet article du New York Times du 20 février 2004).
C’est dans ce contexte que le regard, ces dernières années, s’est tourné vers le Sud des Etats-Unis. En 2002, une résidente du Texas, Joanne Webb, est arrêtée pour avoir, lors de l’une de ces soirées-ventes, avoir vendu des vibromasseurs à des policiers en civil. Au même moment, pourtant, ces lois interdisant godemichés, vibromasseurs et autres « jouets » sont fortement critiquées par les observateurs et les juristes (voir pour exemple HOLT, Angela, « From my cold dead hands : Williams v. Pryor and the Constitutionality of Alabama’s anti-vibrator law », Alabama Law Review, 2002, 53(3):927-947 texte complet pdf).
Le Sud apparaît a priori comme un mauvais terrain pour la vente à domicile de vibromasseurs. Mais c’était sans compter sur la force des Eglises évangéliques locales. Si les relations sexuelles sont restreintes au couple dans le cadre du mariage hétérosexuel, alors elles doivent être pleinement recherchées : les mêmes ouvrages des évangélistes célèbres des années 1980 qui se lamentaient sur le péril homosexuel glorifiaient l’orgasme hétérosexuel et proposaient une érotique fondée sur un partage de l’orgasme dans un cadre qui reste inégalitaire.
C’est en s’appuyant sur ce plaisir hétérosexuel que les ventes à domicile de sex toys prolifèrent : les jouets proposés (sous-vêtements comestibles, crêmes, vibromasseurs…) sont destinés aux couples et à l’améliorations de leurs relations. Au cours des soirées-ventes, les objets et leurs usages sont euphémisés, dés-érotisés au profit de leurs aspects « relationnels ».

Pour aller plus loin, un ouvrage de Rachel Maines, Technology of Orgasm (dont j’ai fait le compte-rendu dans Labyrinthe, 2004, 17) déterre avec force l’histoire cachée de l’invention médicalisée du vibromasseur.

mise à jour : un reportage sur la radio publique NPR ‘Passion Parties’ in the Conservative Southern U.S. et un autre article dans Salon, toujours sur le Sud.
mes autres écrits sur le même sujet

Parodisques

Grâce à Olivier Godechot, j’ai découvert, lundi dernier, Beatlellica (Beatallica en réalité), qui propose des versions “Metallica” des chansons des Beatles. Hey Dude est sans doute leur chef d’oeuvre : MP3

La contrepartie française de Beatlellica est sans conteste possible Adonis, le chanteur non-commercial et pape de la gentillesse, qui vient de mettre son deuxième album en ligne.

Tony Anatrella

Vers la fin du mois de juin est paru un texte de Tony Anatrella — prêtre catholique romain et psychanalyste — dans un bulletin publié par le Secrétariat général de la Conférence des Evêques de France, “Documents Episcopat” (2004, n°9). Ce texte d’une bonne quinzaine de pages, intitulé Homosexualité et mariage, s’élève contre les tentatives d’ouvrir le mariage aux couples du même sexe.
Tony Anatrella s’était déjà illustré à la fin des années 1990 en s’opposant au Pacte civil de solidarité selon des arguments tour à tour psychanalysants ou d’inspiration catholique. Jouant sur les deux tableaux sans jamais définir précisément une base théorique à ses réflexions, il produit depuis plus de quinze ans des ouvrages tels que “l’amour et le préservatif” ou “non à la société dépressive“.

Anatrella constate bien que le PaCS n’a pas ammené la fin de la civilisation, mais — il n’en démord pas — le mariage des couples du même sexe le pourrait bien. Dans le texte de Documents Episcopat, Anatrella revient sur des arguments déjà avancés à la fin des années 1990, avec de nouveaux ennemis, notamment une nébuleuse “théorie du gender” qui serait soutenue par la “Commission population de l’ONU” et “le Parlement européen de Strasbourg”.
Les arguments du prêtre romain tout comme celui du psychanalyste sont cependant intrinsèquement faussés. Pour étayer son argumentation psychologisante (les homosexuels sont souffrants et retournent leur souffrance contre l’autre en demandant des lois contre l’homophobie, p.9), Anatrella s’appuie sur une partie des écrits de Charles Socarides (un ouvrage traduit en 1970). Or Charles Socarides a été à plusieurs reprises publiquement désavoué par l’Association des Psychologues Américains (voir par exemple ici) pour avoir manqué à l’éthique professionnelle. Socarides est en effet membre d’une association cherchant à “réparer” les homosexuels en les transformant en hétérosexuels.
Pour étayer une réflexion religieuse, dans le même texte, le père Anatrella fait comme si les décisions du Vatican valaient pour toute la chrétienté. Le mauvais théologien écrit “chrétien” quand il veut dire “catholique romain”, oubliant que nombre d’Eglises chrétiennes reconnaissent les unions du même sexe, apportent leur aide à des luttes contre les discriminations ou ordonnent des pasteur-e-s gais ou lesbiennes.

La faiblesse des arguments de Tony Anatrella est facilement explicable. Lui même, au détour d’une phrase, comprend que le combat est perdu. Il écrit:

A présent, il faut non seulement expliquer, mais aussi justifier une réalité aussi simple qui a contribué, depuis le début de l’humanité, à civiliser les relations entre les deux sexes.

Il voit bien que ce qu’il pense être une sorte d’invariant universel est, en quelques années, passée de l’évidence à la question, mais il refuse de voir que la réalité n’est pas en accord avec son idéal.

L’hétérosexisme a été défini, entre autre, comme la croyance dans un fondement hétérosexuel de la civilisation (ou la société, ou le Tout…). Anatrella fournit, sans détour, un exemple parfait d’une telle croyance, où des enfants ne peuvent être élevés sans risque dans un contexte non couple-hétérosexuel-marié. Les enfants adoptés, les “enfants du divorce” (sic) sont déjà à plaindre. Les enfants qui seraient élevés “dans un tel système quasi-délirant” seraient “inscrit(s…) dans l’incohérence” (p.13 et 14). (Il prédit même un risque d’ “enfants psychotiques“)
Cet hétérosexisme se repère de manière troublante un peu partout dans son texte, où l’on peut constater qu’Anatrella (on ne sait si c’est le prêtre ou le psy qui parle) pense qu’il existe une sorte de hiérarchie des sexualités entre adultes consentants. Les actes hétérosexuels au sein du mariage lui paraissent situés plus haut que les actes hétérosexuels hors mariage, les actes homosexuels étant tout en bas (ils sont qualifiés, p.8, de “conduites primaires et superficielles”).
Sans jamais apporter la moindre preuve factuelle, empirique, vérifiable… à ses dires, Tony Anatrella s’enferme dans la répétition continuelle de “vérités humaines universelles” (p.10) qui postulent, sans démonstration, que “ce qui a toujours été tenu à distance par la société” (il veut parler de l’homosexualité) doit continuer à l’être.

Ailleurs : un mariage à Bobigny en septembre prochain (mais l’acte sera sans implication juridique.

Zach Landman’s “A nation divided”

En février dernier, pendant quelques semaines, plusieurs milliers de couples du même sexe ont eu la possibilité de se marier à San Francisco. Un lycéen de la région, Zach Landman a réalisé un film de fin d’étude d’une dizaine de minutes sur les couples, leur attente devant la mairie de la ville, avec quelques interviews. Le film est accessible sur le site de son lycée (et sur le site de la chaine publique C-SPAN : Zach Landman’s “A Nation Divided”).
(source : San Francisco Chronicle)

Astrosociology, suite et fin ?

L’astrosociology est une tentative de Jim Pass de créer un nouveau champ disciplinaire (déjà évoqué ici et ) qui puisse étudier les effets sociaux de la présence humaine dans l’espace.
Cette tentative a suscité l’étonnement et l’ironie d’une bonne partie des sociologues disposant d’un blog — créant, selon Brayden King, un mème –, ce qui a poussé Jim Pass à réagir aux commentaires sur son initiative, réaction qu’il présente en terme très généraux:

A spacefaring future is a legitimate possibility. We are more likely to move into space than back into caves, humor notwithstanding. The arguments against astrosociology seem dated as we continue to move forward in our expansion into space. Current measures such as the number of human beings in space are irrelevant to the overall trend. That is, the pace of progress in space is less important than its inevitability. It should be obvious that sociological inquiry in this area of social life is an important undertaking despite detractors.

Revue Trouble(s)

D’anciens élèves du lycée Henri IV du cinquième arrondissement de Paris publient, depuis le début de l’année, une revue, Trouble(s), qui vient de sortir son deuxième numéro. Un des intérêts de cette revue est la volonté permanente de relier — un peu à la manière des années soixante-dix, beaucoup à la manière des études queer — politique et sexualité. Le premier numéro de Troubles est disponible sur leur page d’archives ainsi que le numéro de leur précédente revue, Ravaillac, qui leur avait valu un renvoi du lycée (pour avoir posé nu en couverture, ce qui ne se fait pas, apparemment).

Jeanne Favret-Saada

Jeanne Favret-Saada, ethnologue, directrice d’études à l’EPHE, était l’auteure de Les Mots, la mort, les sorts, une anthropologie de la sorcellerie dans le bocage.
Elle a publié (avec Josée Contreras), Le Christianisme et ses juifs, une étude formidable, bien écrite, complexe, sur les antisémitismes catholiques. A partir d’un fil directeur, un spectacle de la Passion en Bavière, elle déroule une pelote bien plus importante. A signaler une interview de Jeanne Favret-Saada sur France Culture (émission Le Club des Religions du 4 juillet 2004)

Les deux formes du capital social

Il y a quelques mois maintenant, Brayden King, dans son blog, rendait compte d’un article publié dans l’American Sociological Review. The prestige of academic departments :

a department’s prestige is not only a function of quality of research and publications, but also a result of accumulated social capital – or, more specifically, the exchange networks of PhDs between institutions.

Dans cet article, le “capital social” (qui peut être grossièrement défini comme l’ensemble des ressources dérivant de l’appartenance à un réseau) est un des éléments qui permettent de comprendre le prestige d’un département universitaire.

Dans un article tout récent de la Revue Française de Sociologie (qui — le croyez vous? — n’a aucun site sur internet), Olivier Godechot et Nicolas Mariot explorent un des versants français du même problème, dans un article intitulé “Les deux formes du capital social: Structure relationnelle des jurys de thèse et recrutement en science politique”.
L’article se penche plus précisément sur la constitution des jurys de thèses en science politique et leur impact sur le recrutement des candidats aux postes académiques. La perspective générale de l’article s’éloigne de travaux qui, globalement, se plaçaient dans un cadre de sociologie des sciences (d’où la prise en compte du “prestige”) pour se placer dans un cadre de sociologie économique : un poste au CNRS ou à l’université est alors un “bien rare”.
Le jury de thèse a ceci d’intéressant qu’il matérialise, à un moment donné, un réseau dont les relations sont orientées (A invite B au jury), parfois répétitives (A peut inviter B à plusieurs reprises dans le temps). La soutenance de la thèse est l’étape qui permet le recrutement à la plupart des postes d’enseignant-chercheur ou de chercheur.

Ils concluent

L’examen de l’incidence des relations d’invitation (à un jury de thèse) sur la probabilité d’obtention de postes confirme l’existence de deux mécanismes relationnels, analytiquement distinguables, qui peuvent fonctionner au service de l’obtention de biens rares:

  • d’une part, la diversification à l’intérieur du groupe permet à l’échelle individuelle de gagner les doubles avantages, stratégiques et informationnels de la non-redondance,
  • d’autre part, la cohésion et la densité du groupe permettent au groupe d’exister, de limiter la concurrence en son sein et de se mobiliser contre les autres groupes pour l’obtention d’avantages pour ses propres membres.

La deuxième partie de la conclusion (sur la cohésion et la densité) traite de ce qui est couramment appelé le “localisme” (le recrutement dans un département d’une personne qui a effectué sa thèse dans ce département), dont Godechot et Mariot donne une mesure possible.
Si l’article de la RFS est absent d’internet, des versions préparatoires de l’article sont disponibles (ici, résumé, au format PDF dans le Bulletin de la Fédération Paris-Jourdan, ou ici, version longue, en PDF.

Centre du Christ Libérateur, mariages, etc…

Le Centre du Christ Libérateur (CCL) est une église protestante fondée par le pasteur Joseph Doucé dans les années 1970. C’est une des seules églises françaises à célébrer le mariage de deux personnes du même sexe (avec probablement l’église MCC de Montpellier).
C’est ainsi que, samedi 24 juillet 2004, les deux hommes unis à Elbeuf (Franck et Thierry) ont aussi été bénis par la pasteure Caroline Blanco du CCL. (Autres articles dans L’Union, un ancien article de l’Express). Sur la pasteure Caroline Blanco il est possible d’écouter une émission de France Culture, Le Club des Religions, 8 février 2004 (format RealMedia). D’un autre côté, le magazine Témoignage Chrétien relate les tentatives de mouvement des églises protestantes françaises sur les questions homosexuelles (bénédictions d’union, ordination de pasteurs gays) : en Janvier 2004 et en février 2004.

Et pendant ce temps là, le mariage célébré à Bègles donne lieu à des actions juridiques : le tribunal de grande instance de Bordeaux devrait se prononcer mardi 27 juillet

Bordeaux 1 – Bègles 0

Le “mariage de Bègles” a été annulé lundi par la première chambre civile du tribunal de grande instance de Bordeaux. Le délibéré qui justifie la décision n’est à ma connaissance pas encore sur internet, mais il semble que ce soit au nom des “fonctions traditionnelles” du mariage qu’un couple du même sexe ne puisse se marier.
Une interview de Noël Mamère dans le Nouvel Observateur, quelques articles dans Libération et le Figaro, viennent préciser ce qui s’est passé. (A noter, une vidéo sur France3)
Il y a quelques jours, une Proposition de loi clarifiant l’accès au mariage des couples de personnes de même sexe (n°1650) a été déposée par les députés Martine Billard, Yves Cochet et Noël Mamère.

Mariage (gay) à Springfield

La prochaine saison des Simpsons contiendra un épisode dans lequel le mariage des couples du même sexe est rendu légal à Springfield.

The feverish public debate in the US over gay marriages is to be played out in a forthcoming episode of The Simpsons, it emerged today.
The show’s producers have revealed that the cartoon classic will feature an episode in which gay marriage is legalised in Springfield.
Hints about the plot line were dropped by show producer Matt Groening at a San Diego comic convention, where he revealed that Homer Simpson becomes a minister by registering online.
(source : The Guardian)

Aux Etats-Unis, les membres du clergé (ministers) sont autorisés par les Etats fédérés à célébrer, au nom du pouvoir civil, des mariages — qui ont ainsi des “mariages civils” réalisés par du personnel religieux. Le fait que Homer se fasse ordonner online par une église (probablement la Universal Life Church) afin de pouvoir marier des amis est une pratique qui devient sinon courante, du moins visible. La journaliste Rachel Lehmann-Haupt avait écrit un article intéressant dans le New York Times Need a Minister? How About Your Brother? (janvier 2003). Et j’ai trouvé, après quelques recherches, une petite trentaine de mariages ainsi célébrés dans les annonces publiées dans le New York Times entre 1998 et 2003.
Un ami, un frère, valent mieux qu’un pasteur inconnu. A travers l’acte « religieux » de la célébration du mariage, c’est la relation affinitaire liant le groupe d’amis qui est unifiée, structurée, consolidée bien plus qu’une communauté de croyances. Il est de plus fort possible que le pasteur de service de la série, le Rev. Lovejoy ne souhaite pas marier deux hommes ou deux femmes. Lors de mon enquête sur les unions civiles dans le Vermont, j’avais aussi trouvé une poignée de “cyber-pasteurs” ayant célébré, pour des amis le plus souvent, des unions-civiles-religieuses.
mise à jour : l’épisode des Simpsons où Homer est un pasteur

Boing Boing

Un lien en provenance de Boing Boing et les statistiques explosent !

Sex Toys – Alabama

mise à jour : Mes autres écrits sur le même sujet
Le 28 juillet 2004, un panel de trois juges de la 11th U.S. Circuit Court of Appeals, par une décision rendue à 2 contre 1, déclare constitutionnelle une loi de l’Alabama interdisant la vente d’objets visant à stimuler la libido (Alabama’s Anti-Obscenity Enforcement Act prohibits, among other things, the commercial distribution of “any device designed or marketed as useful primarily for the stimulation of human genital organs for any thing of pecuniary value.”)
L’opinion (majoritaire), du juge Birch est résumée d’entrée de jeu:

In this case, the American Civil Liberties Union (“ACLU”) invites us to add 1 a new right to the current catalogue of fundamental rights under the Constitution: a right to sexual privacy. It further asks us to declare Alabama’s statute prohibiting the sale of “sex toys” to be an impermissible burden on this right. Alabama responds that the statute exercises a time-honored use of state police power—restricting the sale of sex. We are compelled to agree with Alabama and must decline the ACLU’s invitation.

Cette décision est en ligne : Williams v. Attorney General of Alabama

L’affaire en cours est bien ancienne. En 1998, une loi est votée dans l’Alabama interdisant la vente de sex toys — Ala. Code § 13A-12-200.2 (Supp. 2003). Très rapidement, un groupe de gérants de sex-shops, d’utilisatrices de vibromasseurs ou de godemichés et d’organisatrices de ventes à domicileTupperware-style“, protestent et intentent une action en justice. La première décision de justice est rendue en 1999 — Williams v. Pryor, 41 F.Supp.2d 1257, 1261-1273 (N.D.Ala.2000) — (Pryor est alors Attorney General de l’Alabama).
En appel, une deuxième décision est rendue — Williams v. Pryor, 240 F.3d 944, 947 n.1 (11th Cir. 2001), disponible ici sur FindLaw
qui demande à la cour de district de l’Alabama de préciser sa décision précédente — voir sur ces première étapes : HOLT, Angela, « From my cold dead hands : Williams v. Pryor and the Constitutionality of Alabama’s anti-vibrator law », Alabama Law Review, 2002, 53(3):927-947 texte complet pdf.
L’affaire retourne alors au niveau de la cours de district (d’Alabama du Nord) et une troisieme décision est rendue en 2002 — Williams v. Pryor, 220 F. Supp. 2d 1257 (N.D. Ala. 2002) — qui déclare inconstitutionnelle la loi votée en 1998 (l’opinion du Juge C. Lynwood Smith, Jr. peut être lue ici
Mais l’Alabama fait appel, et l’action en justice remonte au niveau du 11e circuit. La dernière décision en date est celle de la cour d’appel du 11e circuit. Cette décision a été rédigée par le juge Birch, qui avait été nommé par Bush père au 11e circuit, en 1990.

The Alabama statute proscribes a relatively narrow bandwidth of activity. It prohibits only the sale—but not the use, possession, or gratuitous distribution—of sexual devices (in fact, the users involved in this litigation acknowledge that they already possess multiple sex toys). The law does not affect the distribution of a number of other sexual products such as ribbed condoms or virility drugs.

En bref: ce n’est de toute façon pas un gros problème pour les couples, écrit le juge Birch.

we decline to extrapolate from Lawrence and its dicta a right to sexual privacy triggering strict scrutiny.

C’est là le coeur de l’opinion majoritaire: Lawrence n’étend pas le droit à la privacy.

the broad rights to “privacy” and “sexual privacy” invoked by the ACLU are not at issue. The statute invades the privacy of Alabama residents in their bedrooms no more than does any statute restricting the availability of commercial products for use in private quarters as sexual enhancements (p.20)

Enfin, le juge Birch propose une théorie de la “pente glissante”:

if we today craft a new fundamental right by which to invalidate the law, we would be bound to give that right full force and effect in all future cases—including, for example, those involving adult incest, prostitution, obscenity, and the like. (p.41)

Comme il est de tradition dans ces opinions de justice, un dissent, une opinion contraire mais minoritaire, fait partie intégrante de la décision. Dans le cas, elle a été rédigée par la seule femme du panel, la juge Rosemary Barkett (étrangement, c’est une ancienne nonne catholique, nommée par Clinton au 11e circuit) qui s’appuie très fortement sur la décision Lawrence v. Texas — qui avait, en juin 2003, déclaré inconstitutionnelle la criminalisation de la sodomie.

This case is not, as the majority’s demeaning and dismissive analysis suggests, about sex or about sexual devices. It is about the tradition of American citizens from the inception of our democracy to value the constitutionally protected right to be left alone in the privacy of their bedrooms and personal relationships.(p.43)

Le langage direct de la juge Barkett (“demeaning and dismissive“) souligne, semble-t-il l’ampleur des différends entre juges — un article intéressant sur Law.com précise cela.

Applying the analytical framework of Lawrence compels the conclusion that the Due Process Clause protects a right to sexual privacy that encompasses the use of sexual devices.(p.45)

Elle insiste sur l’importance de Lawrence. Sa conclusion:

Alabama’s statute should be invalidated because it violates a substantive due process right of adults to engage in private consensual sexual activity and because the state’s reliance on public morality fails to provide even a rational basis for its law. Ignoring Lawrence, the majority turns a reluctance to expand substantive due process into a stubborn unwillingness to consider relevant Supreme Court authority. (p.64)

Pour conclure : seuls l’Alabama, le Texas et la Georgie disposent, en 2004, d’une interdiction de vente des vibromasseurs, godemichés et autres jouets. La cour suprème de Georgie a affirmé la constitutionnalité (au regard de la loi de l’Etat fédéré) de cette interdiction. Au Texas, une femme, Joanne Webb, avait été arrêtée par des policiers en civil, mais après quelques mois, les autorités ont préféré ne pas poursuivre Mme Webb : plus d’infos ici, ou ici (reg. req’d), ou . Une analyse et de nombreux liens sur legalaffairs.org.

Mormons

L’Eglise de Jésus-Christ des Saints des derniers Jours (les Mormons) a son centre en Utah, où environ 70% de la population peut être considérée mormone. C’est dans les années 1840 qu’un petit groupes de fidèles de Joseph Smith, le fondateur de l’Eglise, est arrivé dans ce territoire. Pour différentes raisons (polygamie originelle, petit groupe, forte fécondité, stabilité de la population, faible taux de non-paternité, fiabilité de l’état civil…), l’Utah est un paradis pour la recherche génétique.
Le départ vers l’Utah avait été incité par l’hostilité des autorités de l’Illinois à l’égard des projets théocratiques de Joseph Smith. Dans la ville de Nauvoo, les Mormons avaient tenté de construire le siège de leur Eglise. Chassés au XIXe siècles, il y reviennent en force, et tentent de restaurer le village.