Sex Toys
Récemment dans le New York Times Magazine, un article de Jennifer Senior montrait comment le commerce des jouets sexuels se développait dans les Etats “républicains” (le titre de l’article “Sex Tips for Red-State Girls!“, fait référence à la couleur conventionnelle du parti républicain depuis quelques années, le rouge).
Dans les années 1970, aux Etats-Unis, quelques lesbiennes féministes fondent des sex shops : Eve’s Garden, Good Vibrations, Toys in Babeland. Ces entreprises tout d’abord communautaires connaissent assez rapidement un succès qui dépasse les espérances de leurs fondatrices. Une institutionalisation, une routinisation économique s’ensuit, que la sociologue Meika Loe a bien montré (par exemple dans LOE, Meika « Feminism for sale : case study of a pro-sex feminist business », Gender and Society, 1999, 13(6):705-732).
Ces commerces sont principalement situés à San Francisco, New York ou d’autres métropoles américaines. Plus récemment, les observateurs ont remarqué la croissance d’un autre type de commerce des sex toys, reposant sur le modèle des « tupperware parties », où une vendeuse semi-professionnelle organise des soirées-vente à domicile, chez une organisatrice qui y invite ses amies. L’anthropologue Debra Curtis (CURTIS, Debra, “Commodities and Sexual Subjectivities: A Look at Capitalism and Its Desires”, Cultural Anthropology, 2004, 19(1):95-121) dans un article récent, décrit l’organisation d’un tel commerce (voir aussi cet article du New York Times du 20 février 2004).
C’est dans ce contexte que le regard, ces dernières années, s’est tourné vers le Sud des Etats-Unis. En 2002, une résidente du Texas, Joanne Webb, est arrêtée pour avoir, lors de l’une de ces soirées-ventes, avoir vendu des vibromasseurs à des policiers en civil. Au même moment, pourtant, ces lois interdisant godemichés, vibromasseurs et autres « jouets » sont fortement critiquées par les observateurs et les juristes (voir pour exemple HOLT, Angela, « From my cold dead hands : Williams v. Pryor and the Constitutionality of Alabama’s anti-vibrator law », Alabama Law Review, 2002, 53(3):927-947 texte complet pdf).
Le Sud apparaît a priori comme un mauvais terrain pour la vente à domicile de vibromasseurs. Mais c’était sans compter sur la force des Eglises évangéliques locales. Si les relations sexuelles sont restreintes au couple dans le cadre du mariage hétérosexuel, alors elles doivent être pleinement recherchées : les mêmes ouvrages des évangélistes célèbres des années 1980 qui se lamentaient sur le péril homosexuel glorifiaient l’orgasme hétérosexuel et proposaient une érotique fondée sur un partage de l’orgasme dans un cadre qui reste inégalitaire.
C’est en s’appuyant sur ce plaisir hétérosexuel que les ventes à domicile de sex toys prolifèrent : les jouets proposés (sous-vêtements comestibles, crêmes, vibromasseurs…) sont destinés aux couples et à l’améliorations de leurs relations. Au cours des soirées-ventes, les objets et leurs usages sont euphémisés, dés-érotisés au profit de leurs aspects « relationnels ».
Pour aller plus loin, un ouvrage de Rachel Maines, Technology of Orgasm (dont j’ai fait le compte-rendu dans Labyrinthe, 2004, 17) déterre avec force l’histoire cachée de l’invention médicalisée du vibromasseur.
mise à jour : un reportage sur la radio publique NPR ‘Passion Parties’ in the Conservative Southern U.S. et un autre article dans Salon, toujours sur le Sud.
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1 commentaire
Un commentaire par goesh (07/07/2004 à 9:24)
I regret to inform you that as a child I was forced to study Latin, but not French