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Tony Anatrella

Billet publié le 09/07/2004

Vers la fin du mois de juin est paru un texte de Tony Anatrella — prêtre catholique romain et psychanalyste — dans un bulletin publié par le Secrétariat général de la Conférence des Evêques de France, “Documents Episcopat” (2004, n°9). Ce texte d’une bonne quinzaine de pages, intitulé Homosexualité et mariage, s’élève contre les tentatives d’ouvrir le mariage aux couples du même sexe.
Tony Anatrella s’était déjà illustré à la fin des années 1990 en s’opposant au Pacte civil de solidarité selon des arguments tour à tour psychanalysants ou d’inspiration catholique. Jouant sur les deux tableaux sans jamais définir précisément une base théorique à ses réflexions, il produit depuis plus de quinze ans des ouvrages tels que “l’amour et le préservatif” ou “non à la société dépressive“.

Anatrella constate bien que le PaCS n’a pas ammené la fin de la civilisation, mais — il n’en démord pas — le mariage des couples du même sexe le pourrait bien. Dans le texte de Documents Episcopat, Anatrella revient sur des arguments déjà avancés à la fin des années 1990, avec de nouveaux ennemis, notamment une nébuleuse “théorie du gender” qui serait soutenue par la “Commission population de l’ONU” et “le Parlement européen de Strasbourg”.
Les arguments du prêtre romain tout comme celui du psychanalyste sont cependant intrinsèquement faussés. Pour étayer son argumentation psychologisante (les homosexuels sont souffrants et retournent leur souffrance contre l’autre en demandant des lois contre l’homophobie, p.9), Anatrella s’appuie sur une partie des écrits de Charles Socarides (un ouvrage traduit en 1970). Or Charles Socarides a été à plusieurs reprises publiquement désavoué par l’Association des Psychologues Américains (voir par exemple ici) pour avoir manqué à l’éthique professionnelle. Socarides est en effet membre d’une association cherchant à “réparer” les homosexuels en les transformant en hétérosexuels.
Pour étayer une réflexion religieuse, dans le même texte, le père Anatrella fait comme si les décisions du Vatican valaient pour toute la chrétienté. Le mauvais théologien écrit “chrétien” quand il veut dire “catholique romain”, oubliant que nombre d’Eglises chrétiennes reconnaissent les unions du même sexe, apportent leur aide à des luttes contre les discriminations ou ordonnent des pasteur-e-s gais ou lesbiennes.

La faiblesse des arguments de Tony Anatrella est facilement explicable. Lui même, au détour d’une phrase, comprend que le combat est perdu. Il écrit:

A présent, il faut non seulement expliquer, mais aussi justifier une réalité aussi simple qui a contribué, depuis le début de l’humanité, à civiliser les relations entre les deux sexes.

Il voit bien que ce qu’il pense être une sorte d’invariant universel est, en quelques années, passée de l’évidence à la question, mais il refuse de voir que la réalité n’est pas en accord avec son idéal.

L’hétérosexisme a été défini, entre autre, comme la croyance dans un fondement hétérosexuel de la civilisation (ou la société, ou le Tout…). Anatrella fournit, sans détour, un exemple parfait d’une telle croyance, où des enfants ne peuvent être élevés sans risque dans un contexte non couple-hétérosexuel-marié. Les enfants adoptés, les “enfants du divorce” (sic) sont déjà à plaindre. Les enfants qui seraient élevés “dans un tel système quasi-délirant” seraient “inscrit(s…) dans l’incohérence” (p.13 et 14). (Il prédit même un risque d’ “enfants psychotiques“)
Cet hétérosexisme se repère de manière troublante un peu partout dans son texte, où l’on peut constater qu’Anatrella (on ne sait si c’est le prêtre ou le psy qui parle) pense qu’il existe une sorte de hiérarchie des sexualités entre adultes consentants. Les actes hétérosexuels au sein du mariage lui paraissent situés plus haut que les actes hétérosexuels hors mariage, les actes homosexuels étant tout en bas (ils sont qualifiés, p.8, de “conduites primaires et superficielles”).
Sans jamais apporter la moindre preuve factuelle, empirique, vérifiable… à ses dires, Tony Anatrella s’enferme dans la répétition continuelle de “vérités humaines universelles” (p.10) qui postulent, sans démonstration, que “ce qui a toujours été tenu à distance par la société” (il veut parler de l’homosexualité) doit continuer à l’être.

Ailleurs : un mariage à Bobigny en septembre prochain (mais l’acte sera sans implication juridique.

[yarpp]