Eruv, eruvim (2)
L’eruv (voir mon blog précédent) apparaît comme un outil très utile pour diminuer certains des coûts associés à une pratique rigoureuse du judaïsme. Divers mouvements associés au judaïsme orthodoxe insistant sur une pratique conforme aux Ecritures, tout en cherchant une accommodation avec des pratiques contemporaines, vont alors s’emparer de l’eruv. L’érouve permet d’utiliser une poussette ou une chaise roulante pour aller à la synagogue, par exemple. Il élargit ainsi la marge de manoeuvre des personnes observant shabbat.
C’est peut-être pour cela qu’il est utilisé par les éclaireurs israélites de France: ce document (pdf) peut être un peu trop folklorique, un exemplaire des “Cahiers de la formation” du mouvement des Eclaireuses et eclaireurs israélites de France présente la meilleure manière, pour des scouts juifs, de construire un eruv. C’est peut-être aussi pour cette même raison que les opposants les plus virulents aux erouvim se trouvent à l’intérieur même des communautés orthodoxes: certains refusent toute relaxation des règles littérales.
Mais l’érouv apparait souvent, quand il est établi en ville autour d’un quartier, comme l’imposition d’une forme de sacré “fondamentaliste”, ne respectant pas la neutralité religieuse de l’espace public, même si, en pratique, un eruv est tout bonnement invisible. C’est de cette manière que les opposants à l’érouv d’Outremont, un quartier de Montreal (voir Valerie Stoker, “Drawing the Line: Hasidic Jews, Eruvim, and the Public Space of Outremont, Quebec”, History of Religion, Volume 43, Number 1, August 2003, pp.18 -49), se sont opposés, pendant plusieurs années, à l’érection d’une telle bordure sacrée. C’est aussi un peu de cette manière qu’aux Etats-Unis, des actions en justice ont été intentées quand des eruvim utilisaient du matériel urbain (poteaux électriques ou téléphoniques, lampadaires…) comme supports (une action récente, Tenafly Eruv Association v. Borough of Tenafly, 309 F.3d 144 décision du 3e circuit de 2002, analysée avec d’autres par Schlaff, Shira J. “Using an Eruv to Untangle the Boundaries of the Supreme Court’s Religion-Clause Jurisprudence” (PDF),5 U. Pa. J. Const. L. 831 (2002 – 2003)). Ce matériel urbain est, pour ce que j’ai pu constater récemment à New York, souvent utilisé, souvent pour des fils, plus rarement pour des indications.
(Je suis allé sur les lieux où avait été prise la photo que j’ai utilisée dans mon précédent blog sur les eruvim: ce rare panneau aurait pu être un canular bien forgé, il n’en est rien).
Pour le sociologue intéressé par les manifestations spatiales de la religion, l’eruv est pain béni: les cartes dressées par les synagogues ou les associations permettent de repérer — quand elles sont mises en série dans le temps comme le font Vincent et Warf (Peter Vincent & Barney Warf, “Eruvim: Talmudic places in a postmodern world”, Transactions of the Institute of British Geographers Volume 27 Issue 1, March 2002, pp. 30-51) pour l’eruv Haredi de Jerusalem entre 1962 et 2001 — l’extension ou le rétrécissement de ce qui est hallachiquement un espace privé.
[yarpp]