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Université… euh… fermée

Billet publié le 18/04/2005

Impossible d’enseigner aujourd’hui, l’université était fermée, et elle restera fermée jusqu’au lundi 9 mai.
France 3 vient de diffuser un reportage, représentant malheureusement le conflit comme une histoire d’élimination de “diplômes non-rentables” et mettant en scène une étudiante dont les “montés en généralité”, pour parler en boltanski, sont un peu rudes. Le président de l’université, de son côté, parle de “deux enseignants provocateurs de longue date” manipulant une quarantaine d’étudiants…

BOBIGNY, 18 avr 2005 (AFP), Paris VIII toujours fermée, nouvelle tentative d’occupation
L’université Paris VIII de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) a été de nouveau fermée lundi alors qu’une nouvelle tentative d’occupation d’amphithéâtres par des étudiants en anthropologie avait lieu, a-t-on appris auprès du président de l’université. “J’ai décidé de fermer l’université car je ne suis plus en mesure d’assurer la sécurité des personnes. Après avoir fait évacuer jeudi l’amphithéâtre occupé depuis plus de trois semaines par un groupe d’étudiants en anthropologie, un groupe est revenu dans la journée, il y a eu des dégâts considérables”, a expliqué à l’AFP Pierre Lunel, président de Paris VIII.
Lundi matin, une assemblée générale d’étudiants prévue devant l’université s’est transformée en tentative d’occupation de certains des amphithéâtres, a de son côté expliqué à l’AFP un des étudiants mobilisés. “On a réussi à re-rentrer à l’intérieur [note : (sic) “re-rentrer” !], il y a aussi un rassemblement devant la grille d’entrée“, a dit Diego, étudiant en licence d’anthropologie.
Une trentaine d’étudiants en anthropologie de l’université avaient été évacués jeudi de l’amphithéâtre qu’ils occupaient depuis trois semaines pour protester contre la réforme licence-master-doctorat (LMD) d’harmonisation européenne des diplômes. Selon eux, elle menace la survie de leur discipline à Paris VIII. Plusieurs avaient ensuite temporairement réoccupé les locaux avant la fermeture complète de l’université vendredi. Lundi, des enseignants bloqués devant les grilles de la faculté ont affirmé à l’AFP que “le président a choisi, de manière scandaleuse, la manière forte au lieu de donner les moyens à l’université de régler de façon démocratique les conflits qui peuvent exister” et exigé “la réouverture immédiate de l’université“. Plusieurs murs du hall d’entrée ont été tagués et des bancs de l’amphithéâtre occupé détruits, selon M. Lunel, qui a évalué l’ensemble des dégradations à 75.000 euros.

Parce que les dépêches de presse ne disent pas tout, loin… loin de là, vous pouvez consulter ce texte écrit par les “anthropotes” sur Indymedia. Si l’auteur de ce texte collectif est vraiment le groupe des anthropologues ex-occupants de l’Amphithéâtre A1, alors leurs revendications sont bien vastes… Mais, pour prendre un extrait de ce texte, il me semble plutôt qu’il faille le considérer comme un canular :

Ce que cette expérience [l’occupation de l’amphithéâtre et le sacage des locaux] nous a révélé, c’est aussi la puissance et les apports de cette « transgression positive » et non cette déviance tolérée qui s’oppose à la violence qui nourrit certain [sic]. Pour exemple, ce jeune qui écrit en peignant d’une manière artistique un banc en écrivant « Nique la France, à bat les bâtards », lui-même ignore que dans sa création par la nuance de couleur entre « Nique la France » et « A bat les batards [sic] », il dévoile ses propres contradictions, se révélant à lui-même comme un bâtard de la France.
source : http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=35448

Ce canular est certes fort bien fait, mais il ne suffit à décrire ce que ressentent un grand nombre d’enseignants: Ci-dessous, voici donc le mail de colère d’un universitaire de Paris 8 (je suis en train de vérifier qu’il en est l’auteur donc son nom n’est pour l’instant pas fourni):

TROP C’EST TROP
Assez de mensonges, assez de démagogie, assez de manipulations, assez de violences
Encore une fois notre Université connaît de graves perturbations. Qu’en est-il ?
Nous avons pu lire dans la presse que le créateur du Département estimait que le LMD est “l’occasion pour l’administration de l’Université de liquider l’anthropologie”
On se demande pourquoi l’administration voudrait liquider l’anthropologie ? On se demande pourquoi si ce Département est si brillant la moitié de ses enseignants souhaitent le quitter pour rejoindre l’UFR4 ?
Pour connaître la vérité il faut comme le préconise un éminent collègue économiste adepte de Fernand Braudel, se situer dans une perspective de long terme. Que nous apprend l’histoire des dix dernières années ? Que régulièrement le Département d’anthropologie tous les deux ou trois ans connaît une crise éruptive commençant d’abord par se déchirer lui-même, il faut rappeler aux plus jeunes qu’un collègue du département a reçu des menaces de mort (et n’a pas été grandement soutenu par l’institution), que ces conflits internes ont ensuite débordé sur l’UFR 3 le paralysant en partie pour ensuite s’étendre à l’ensemble de l’Université, aboutissant à l’intervention de la police et à la fermeture de l’Université.
Comme l’histoire se répète régulièrement selon le même scénario on aura compris que le motif importe peu ce qui compte c’est de laisser libre cours à la frénésie destructrice habitant certains membres de ce Département.
Personnellement il y a longtemps que le spectacle de Guignol a cessé de m’intéresser. On ne me fera pas croire qu’il y a un mauvais président d’un côté et de gentils anthropologues de l’autre. Si le projet présenté par cette équipe (et non pas par l’ensemble du Département, il est bon de le répéter) ce n’est pas parce que l’administration est méchante, c’est parce que le projet a été considéré comme insuffisant parce que les membres de cette équipe au lieu de travailler à monter une véritable perspective pour ses étudiants a préféré s’enfermer dans la démagogie la plus stérile.
Si le Département devait être liquidé un jour le véritable responsable ne sera autre que son propre créateur : il y a des pères qui mangent leurs enfants, les anthropologues devraient le savoir.
Il nous faut également dénoncer la tartufferie de la mise en place d’une nouvelle équipe de recherche en anthropologie qui ne comporte que la moitié des anthropologues et rassemble ceux-là mêmes qui se menaçaient de mort il y a peu. Personne ne peut croire qu’ils formeront une équipe.
Aujourd’hui il n’y aurait rien de plus dangereux que de laisser se propager l’idée qu’il y a un conflit entre l’administration de l’Université et le département d’anthropologie. Cette vision sert trop bien ceux qui veulent nous entraîner dans le cycle provocation/répression. Le conflit est entre la masse de la communauté universitaire qui est prise en otage et une petite bande défendant des intérêts corporatistes.
Aussi je vous demande de diffuser le plus largement ce texte et vous prie de m’excuser si vous le recevez en plusieurs exemplaires.
SIGNE : (nom ôté avant confirmation de l’auteur)

Et enfin la lettre du directeur de “l’UFR 2” :

Cher(e) collègue,
Comme vous le savez probablement, de graves incidents se sont produits aux abords et, surtout, dans l’enceinte même de l’Université Paris 8 à la suite de l’intervention des forces de l’ordre, jeudi dernier (à la demande du Président Pierre LUNEL), pour déloger les personnes qui occupaient l’Amphi A1 depuis plusieurs semaines.
Quoi que l’on puisse penser de la sincérité, voire du bien-fondé des revendications exprimées par des enseignants du département d’anthropologie, force est d’admettre que cette contestation s’est exprimée à travers des modalités tout à fait inacceptables, dès lors qu’elle s’est traduite par des atteintes aux biens et aux personnes exerçant -ou essayant d’exercer…- leur mission de service public.
A cet égard, il n’est pas indifférent de préciser qu’à la suite des graves infractions commises ces jours derniers par les “contestataires anthropologues”, les forces de l’ordre ont procédé à plusieurs interpellations qui ont révélé la présence parmi eux d’individus extérieurs à Paris 8 et, comme l’ont dit, bien connus des services de police…
Dans la mesure où les conditions de sécurité ne peuvent encore être assurées, le Président LUNEL a pris la décision (après concertation avec le recteur de l’Académie de Créteil et le préfet de Seine-Saint-Denis) de maintenir l’Université fermée durant toute la journée du lundi 18 avril 2005. Il me charge de vous en informer immédiatement.
A mon tour, je vous saurais gré de porter cette information à la connaissance d’autres collègues (notamment celles et ceux dont je n’ai pas les coordonnées téléphoniques ou électroniques). Dès que j’en saurai davantage, je vous ferai part, évidemment, de l’évolution de la situation pour les jours suivants.
Comptant sur votre compréhension et votre collaboration, je vous souhaite néanmoins une bonne fin de semaine et vous prie, cher(e) collègue, de croire à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.
Michel JUHAN

Pour en savoir encore plus, un message du président de Paris 8.

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5 commentaires

Un commentaire par Olivia (18/04/2005 à 18:11)

Etudiante en psycho je me demande bien quand cette université décidera de réouvrir ses portes…?
Je ne pense pas que la solution se trouve dans une fermeture…le savoir ne peut enfermé!
En tout cas je vous remercie de nous tenir informé en présentant toutes les parties…

Un commentaire par Olivia (18/04/2005 à 18:42)

l’information à ma question vient de tomber! L’université ne rouvrira ses portes que le 9 mai 2005, l’information est officielle (site de l’université Paris 8 rubrique Agenda, ainsi que les médias viennent de lannoncé…)
Bonnes vacances donc à tous les étudiants et nous verrons comment s’annonce cette rentrée qui sera surement mouvementée!!!
Bon courage pour la gestion du stress aux étudiants qui devaient avoir des partiels!

Un commentaire par François (18/04/2005 à 20:48)

Le conflit prend une tournure déplorable, enfin c’est mon impression à première lecture de ces emails…

Un commentaire par Sarah (19/04/2005 à 10:05)

Je suis bien d’accord, ça devient déplorable, j’en reviens pas qu’ils aient fermé TOUTE la fac. Ca va seulement accentuer la rancoeur des anthropos et ennuyer les autres, on sent la décision de dernier recours prise dans l’urgence, c’est limite une solution de facilité. Je suis sûre qu’il y avait autre chose à faire. Je suis privée de cours, on avait des partiels de prévus, j’ai déjà pas pu rendre un devoir vendredi, il va y avoir un sacré coup de bourre à la rentrée…

Bravo pour le blog en tous cas, c’est fait d’une maniere intelligente, et les 2 sont parfois durs à associer ! Merci pour les infos, et à bientôt !

Un commentaire par Cécile (20/04/2005 à 12:53)

Ces évènements m’ont assez ébranlée. J’étais de tout coeur avec les antrhopologues au début, je trouvais leurs revendications tout à fait justifiées mais lorsque je suis passée au département art jeudi, j’ai été éberluée, comment des étudiants en anthropologie, qui sont je pense censés avoir un minimum d’ouverture d’esprit aient pu détruire à ce point le département art?? Je ne comprends pas…pourquoi doit on toujours tout casser, tout détruire pour revendiquer quelque chose alors que l’Histoire nous a prouvé à maintes reprises que cette méthode était bien vaine…non vraiment je ne comprends pas et je suis écoeurée de savoir, que les gens qui vont payer ces dégradations sont des gens qui n’y sont pour rien ( les femmes de ménage etc…)
A part ça bravo pour le blog :)

Cécile Angliciste