Fermetures universitaires
mise à jour : voir plus bas l’article de l’Humanité.
Pour compenser le reportage plutôt faible de France 3 (format .mov Quicktime), voici un article du Figaro :
Paris VIII ferme provisoirement ses portes
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR Le président de cette faculté de Seine-Saint-Denis, occupée et vandalisée, veut ramener le calme,
Marie-Estelle Pech – [19 avril 2005] – LE FIGARO
L’université Paris-VIII Vincennes – Saint-Denis, fermée depuis jeudi dernier sur ordre de son président, s’enlise dans le conflit. «Pour des raisons de force majeure, l’université restera fermée aux usagers de la communauté universitaire», annonçait hier matin une simple affichette apposée à l’entrée, au grand dam de quelque 200 étudiants qui ont tenté hier à plusieurs reprises de réinvestir le QG de la contestation, l’amphithéâtre A 1, occupé pendant trois semaines.
Cet amphithéâtre et ses environs offraient hier une apparence désolante. Des graffitis sur les murs, les vitres et le sol. Les slogans contre le gouvernement côtoient ceux contre le LMD (licence, maîtrise, doctorat) et «l’ultralibéralisme» de la Constitution européenne ou, plus anecdotiquement, d’autres pour la révolution sexuelle. Des bancs ont été détruits. Des détritus jonchent le sol. Des grilles d’aération ont été arrachées, des vitres brisées. L’université estime à 75 000 euros la somme nécessaire pour nettoyer et réparer.
La faculté restera fermée jusqu’à vendredi, jour du début des vacances scolaires. «J’ai épuisé tous les recours de négociations», a déclaré hier Pierre Lunel, son président, qui a déposé plainte pour «dégradations du domaine public». Une infime minorité a, selon lui, «choisi de se livrer à une occupation ponctuée d’actes de violence contre les personnes et les biens». Dans un premier temps, l’amphi A 1 a été occupé nuit et jour dans une ambiance «peace, love et fumette» par une trentaine d’étudiants en anthropologie et certains professeurs. Ils réclamaient le maintien du département d’anthropologie, selon eux menacé de suppression par la réforme européenne LMD.
Mais peu à peu, la contestation a fait tâche d’huile et s’est politisée, notamment autour du non à la Constitution européenne et du soutien au mouvement des lycéens. «Des syndicats, l’UNEF et des militants de la jeunesse communiste révolutionnaire ont récupéré notre mouvement», expliquait hier un étudiant en anthropologie.
Pêle-mêle, dans cette faculté qui a toujours été à la pointe de la contestation, des étudiants étrangers et des chômeurs sont venus expliquer leurs difficultés dans l’amphi A 1 rebaptisé «la zone libérée». Des étudiantes voilées y ont diffusé un film controversé : Un racisme à peine voilé, pourtant interdit par le président de l’université.
Au fil des jours, les squatters ont été rejoints par des personnes étrangères à l’université. Cinq jeunes marginaux «venus des cités» environnantes dormaient avec eux. Des lycéens de Seine-Saint-Denis les ont aussi soutenus, venant en délégation dans l’amphi pour «prendre des conseils». Tous ont finalement été évacués jeudi matin par les forces de l’ordre à la demande du président de l’université.
Trouvant porte close, hier, environ 200 étudiants accompagnés de leurs professeurs ont escaladé les hautes grilles ceinturant la fac pour organiser une assemblée générale quelque peu cacophonique. «Nous commençons la guérilla !», lance au haut-parleur un professeur de psychologie très excité. «Nous devons rejoindre les lycéens et les urgentistes, favoriser une insurrection universitaire», renchérit une étudiante devant les inscriptions du hall, et notamment celle-ci : «Les lycéens sont nos petits frères et les casseurs aussi.»
Pour ces étudiants, le vandalisme dénoncé par Pierre Lunel n’est qu’un prétexte pour «casser» leur mouvement. Selon le représentant du collectif «Antropotes», il n’y avait sur les murs et les vitres que de la «peinture à l’eau». «Les amphis ne sont pas dégueulasses, on peut travailler, affirme Sarah Bénichou, membre du syndicat étudiant de gauche, l’UNEF, le gouvernement et les flics n’ont pas à fermer notre fac.» Une nouvelle assemblée générale devait être organisée aujourd’hui.
Depuis leur évacuation, les “Anthropotes” sont fort prolixes, notamment sur “Indymedia“:
[…]L’occupation de l’amphi A1 est un geste spontané en réponse aux diverses tentatives de manipulation entretenues par la présidence de l’université. En effet, jusqu’au 21 mars, Pierre Lunel avait toujours minimiser [sic] son rôle et sa capacité d’action. […] Rapidement, ce lieu prend le nom de « Zone libérée ». Dans les faits, il s’agit d’un véritable laboratoire social. Ainsi, ceux que Pierre Lunel appelle lycéens, sans papier ou dealers ne sont autres que des jeunes qui tentent d’avoir prise sur une époque qui leur échappe. Ce que Pierre Lunel nomme dérives nous le considérons comme expérimental. En tant qu’anthropologue, il aurait été mal venu de notre part d’effectuer un contrôle au faciès à l’entrée. Autant dire, que dans cette zone libérée, nous étions tous anthropologues.
http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=35447
Un article honteux de L’Humanité nie le sacage des locaux de Paris 8, parlant de “quelques dégats collatéraux”. La journaliste n’a apparemment même pas vérifié ses sources… (elle le revendique même fièrement, prétendant que l’université était totalement fermée, alors que ses collègues de France 3 y ont fait un reportage). La tournure de cette phrase “Accusés d’avoir vandalisé la fac alors qu’ils en occupaient un amphi” est fort étrange, comme si occupation et sacage étaient antinomiques. Il est fort possible de soutenir certaines des revendications de la poignée d’étudiants en anthropologie qui demandent le maintien d’un département qui s’est entretué sans avoir à nier la réalité des dégradations dont a souffert l’université.
[yarpp]La colère monte à paris-VIII – La lutte des étudiants en anthropologie se poursuit à la fac de Saint-Denis, fermée depuis vendredi sur décision de son président, L’Humanité, 19 avril 2005.
Quand les casseurs-cueilleurs se réapproprient le pouvoir des fleurs, un air de joli mois de mai souffle sur Paris-VIII. Eux, ce sont les étudiants en anthropologie, qui s’opposent depuis un mois à la réforme de leur enseignement. Accusés d’avoir vandalisé la fac alors qu’ils en occupaient un amphi, ils avaient, hier matin, pastiché le nom de nos lointains ancêtres et distribuaient des pâquerettes devant leur université. Laquelle est, depuis vendredi, fermée sur ordre de son président. « C’est avec un infini regret que j’ai dû prendre la décision de fermer l’université vendredi 15, samedi 16 et lundi 18 avril », explique-t-il sur le site Internet de l’université dionysienne, évoquant des violences et une casse « considérable ». Le chiffre de 80 000 euros de réparations est même avancé. Ce que les étudiants démentent. Quelques dégâts collatéraux, oui, reconnaissent certains. Mais rien de comparable avec ce dont ils sont accusés.
Impossible de le vérifier lundi matin, la fac étant justement… fermée. Devant ses portes, une centaine d’étudiants attendaient, ne sachant s’ils pourraient ou non y pénétrer. Les anthropologues, eux, n’avaient de cesse de réexpliquer le pourquoi de leur colère. Il y a un mois, ils découvraient les nouveaux contenus de leur formation, restructurée dans le cadre de la réforme LMD (licence, master, doctorat). Visant à l’harmonisation européenne des diplômes, celle-ci implique d’en retravailler les maquettes. Or, selon celles défendues par la présidence de la fac, l’anthropologie deviendrait, au cours des deux premières années de licence, une discipline « mineure » intégrée au département de sociologie. Elle ne redeviendrait « majeure » qu’en troisième année. Le laboratoire de recherche ayant été fermé l’an dernier, aucun master d’anthropologie n’est, en outre, prévu dans le projet. L’enseignement de la discipline ne serait plus qu’un îlot isolé, sans préparation ni débouché vers la recherche. « Ceux qui souhaitent approfondir cette discipline devront aller à Nanterre », explique Anthony, militant de l’UEC et lui-même en licence. Julia, en deuxième année, fait l’inventaire de ce qu’elle perdra si les maquettes sont adoptées telles quelles. « L’anthropologie alimentaire n’existera plus. Ni même le master d’anthropologie générale. »
La filière n’est pas la seule à être concernée. L’informatique y laisserait également des plumes, puisqu’une de ses équipes de recherche ne serait pas reconduite. Et toutes naviguent dans le flou absolu. « Nous n’avons eu qu’une réunion de vingt minutes », explique Fabien, en 3e année de communication. Adrien, en deuxième année de cinéma, n’a, lui, aucune idée de la tournure que prendra sa formation à la rentrée prochaine. « Le minimum aurait été qu’on nous informe. »
Voilà donc pourquoi, depuis trois semaines, les anthropologues occupaient un amphi (lire l’Humanité des 31 mars et 16 avril). Jeudi, alors que des négociations étaient en cours, le président envoyait les CRS les en déloger. Dans la foulée, il faisait fermer la fac. Loin d’avoir calmé les esprits, la manoeuvre semble, au contraire, les avoir échauffés. « Pourquoi ferme-t-on la fac ? Pourquoi nous envoie-t-on la police ? Parce qu’il y a une vraie contestation », criait, hier, dans un mégaphone une militante de l’UNEF. Jusqu’aux enseignants, qui, bloqués à l’entrée, ont dénoncé l’absence de dialogue et le choix de la manière forte.
Marie-Noëlle Bertrand – Article paru dans l’édition du 19 avril 2005.
2 commentaires
Un commentaire par François (19/04/2005 à 16:47)
Cette histoire me dépasse lentement; mise à jour sur http://phnk.com/blog/index.php?2005/04/05/145-quel-avenir-pour-lanthropologie
Un commentaire par Etudiante (13/09/2006 à 15:36)
Je me souvient de cette article qui décrédibilisait notre lutte. Ce journaliste du dimanche qui s’est permis de dire “Ils réclamaient le maintien du département d’anthropologie, selon eux menacé de suppression par la réforme européenne LMD.” Devrait se renseigner dès à présent sur les modalités d’inscription en DEA ou en Master II d’anthropologie à paris8 ou ailleur. S’il a des tuyos à ce sujet, j’attend sa réponse avec impatience. Pour avoir passé quelques nuits à la fac, je me souvient particulièrement de la violence des alarmes à incendie que les vigiles de la fac nous mettais dans les oreilles et de la centaine de CRS, Gendarmes, policiers en civiles… Qui armés jusqu’aux dents on sortie vinght malheureux étudiants prenant leurs livres pour des armes lorsqu’ils fouillaient leur poches. Quand à l’estimation de 75 000 euros pour les dégradations, je pense qu’il est important de préciser que la plupart des tags étaient faits à la peinture à l’eau. Enfin, bonne chance à tout les anthropologues et aux autres. isa