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Les billets de May, 2005 (ordre chronologique)

Pour une préhistoire des sex-shops

Comment sont nés les sex-shops? Comment en est-on venu à considérer ces boutiques comme un type particulier, une catégorie spécifique de magasins? (Après avoir vu la cartographie des sex shops de Paris et les contraintes spatiales auxquels les sex shops sont soumis, voici une petite préhistoire…)
Il semble que ce soit en octobre 1966, dans la rue de Castagnary (15e Arr. de Paris) que s’est ouvert le premier “sex shop” parisien. En 1969, on en compterait 18, 30 en 1970 et 55 en 1972.
Un chroniqueur du quotidien catholique La Croix, Joseph Folliet, s’insurge alors devant ce qu’il considère être “Le Capitalisme du stupre” (10 juillet 1971):

J’en viens à penser qu’il existe un véritable capitalisme du stupre, que revèle aussi, à sa manière, la floraison (…) des sex shops dans la plupart des grandes villes européennes

Le 14 octobre 1972, R.V. de France Soir, dans un article intitulé “La clientèle des sex-shops trouve l’érotisme français vieillot et dépassé”, écrit :

Depuis deux ans, l’expansion des “sex shops” semble s’arrêter. On est loin de la folle ruée de novembre 1969 où fleuristes, épiciers, libraires liquidaient leur stock pour ce nouvel Eldorado.

La fin des années 1970 apparaît à l’époque comme une période de difficultés pour les sex shops : pour quelques 200 officines existant en France en 1978 (dont la moitié à Paris), 15 ont déposé le bilan en 1977.

Après des années prospères, la rentabilité est si précaire que les sex-shops doivent rester ouverts de seize à dix-sept heures par jour pour faire leurs frais. Les clients achètent de moins en moins, se contentant de feuilleter.
source: Pierre Flisson, “C’est le déclin du ‘sex-business'”, Le Figaro, 15 mars 1978

Dès 1971-1972 donc, la catégorie est bien en place pour le sens commun. Le substantif est encore entre guillemet et son genre n’est pas fixé : on dira souvent “une” sex-shop jusque dans les années 1980.

Mais le sens commun et l’art journalistique ne suffisent à eux seuls à cristalliser une telle catégorie, qui va se doter d’une existence “autonome”.
Le tout début des années 1970, après l’affaiblissement de la censure explicite, va voir la diffusion d’un argumentaire visant à restreindre la visibilité de la pornographie dans l’espace public, et à faire des services de police les garants de cette non-visibilité.
Cela se remarque par exemple au cours des débats du conseil municipal de Paris, des questions écrites au préfet (Paris n’a pas de maire avant 1976) et des ordonnances préfectorales. Le pouvoir municipal va donner corps à la catégorie “sex-shop”.
Le 8 septembre 1970, le préfet Maurice Grimaud, dans l’ordonnance n°70-15878, interdit aux mineurs de 18 ans l’accès des librairies spécialisées dans la vente d’ouvrage à caractère licencieux ou pornographiques.

(…) Considérant que se sont ouvertes, dans différentes voies très passantes de Paris, des librairies spécialisées dans la vente de publications de toute nature présentant un danger pour la jeunesse en raison de leur caractère licencieux ou pornographique et qui sont pour la plupart interdites à la vente aux mineurs de 18 ans en vertu d’arrêtés du ministère de l’Intérieur (…)

Au cours de la séance du 28 juin 1971, Monsieur André Planchet, conseiller municipal, demande que le Conseil de Paris adopte une résolution “tendant à l’adoption des mesures nécessaires pour mettre fin aux abus de la publicité en faveur des films érotiques dans Paris”.

Le Conseil de Paris,
Considérant l’étalage dans les rues de Paris des affiches publicitaires illustrant la présentation des films érotiques;
Considérant que ces affiches constituent un objet permanent de scandale pour de nombreux parisiens et sont de nature à porter gravement atteinte à l’équilibre psychologique et à la santé mentale des jeunes;
Considérant, au surplus, le caractère agressif desdites affiches qui s’imposent au regard et attirent l’attention par leur vulgarité et souvent leur mauvais goût;
Considérant que la suppression de la censure impose, pour éviter tous les abus, la règlementation très stricte de la publicité des films cinématographiques;
(…) Délibère :
M. Le Préfet de police est invité à prendre toute mesure en vue de mettre fin aux abus de la publicité en faveur des films érotiques dans les rues de Paris.

Ces tentatives de restriction de la publicité voient une sorte d’aboutissement dans l’opacification des vitrines des sex-shops. En 1973, inspiré peut-être par des expériences étrangères, M. Pierre-Charles Krieg, conseiller gaulliste de Paris, dans une question au préfet, décrit ces vitrines comme une “incitation à la débauche”. Le 14 septembre 1973, le préfet Jean Paolini, par l’ordonnance 73-16630 (modifiant l’ordonnance 70-15878), demande l’opacification des vitrines :

(…) Attendu que nombre de librairies spécialisées dans la vente d’ouvage à caractère licencieux ou pornographiques disposent de vitrines d’étalages visibles par tous;
Considérant que dans l’intérêt du bon ordre ces vitrines doivent être rendues opaques, notamment vis-à-vis des mineurs et en vue de garantir l’application de l’interdiction de l’alinéa 2 de l’art. 14 de la loi n°49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse,
Ordonne: (…)
Les vitrines d’étalages des librairies spécialisées dans la vente d’ouvrages licencieux devront être rendues opaques par tout moyen matériel dont le choix est laissé à l’initiative de l’exploitant(…)

Interdiction aux mineurs et vitres noires… l’image extérieure du sex shop est constituée dès 1973, par des ordonnances préfectorales qui font référence à des “librairies” (et pas à des “sex toys”). La vidéo n’est pas encore née. Mais cette image extérieure est aussi fortement reconnaissable. Dans un entrefilet du 19 septembre 1973, le journal Le Monde se demande ainsi :

Ne peut-on craindre (…) que le mystère ainsi recréé n’encourage plus qu’auparavant à pousser la porte de ces sex-shops et ne redonne ainsi vie à un commerce dont on dit qu’il périclitait.

Minorité menacée

Le défilé du Front National du 1er mai 2005 est un rassemblement — ça se sait — de minorités menacées. Vieilles bretonnes, jeunes alsaciennes et quelques chauves-hétéros-juifs-français-disant-non-à-l’Europe ?

Cette image est le montage de deux images extraites d’un reportage récent du journal télévisé de France 2 (13h, 1er mai 2005, à 5 minutes et 20 secondes du début). Ce vieil homme un peu pathétique est un gisement sémiologique : il est bourré de symboles (cocarde, sticker “NON”, étoile jaune, petit sac en cuir en bandoulière, calvitie) qui sont redoublés par un vibrant manifeste identitaire : la cocarde dit “Français”, l’étoile jaune dit “hétéro” (est-ce une protestation contre les pères vichystes du FN ?, est-ce contre le ralliement du Pen au mariage gay ?), le sticker “Non” dit… non ?
Moi je lis : Hétéro… non ! Et vous ?

Labyrinthe et mariage de Bègles (cour d’appel, Bordeaux)

L’arrêt de la cour d’appel est presque entièrement en ligne ici : blog de Maître Eolas et en intégralité sur le “site” de “l’observatoire” (sic) du “communautarisme” (oui, je les sicque et je les guillemette, les “observateurs” (sic)).
Passons alors à quelque chose de plus réjouissant, l’arrivée sur internet de la revue Labyrinthe, des “cahiers d’études pluridisciplinaires” qui en sont à leur vingtième numéro. La revue a été fondée par des pré-doctorants-doctorants-post-doctorants vers 1998 et est publiée par les éditions Maisonneuve et Larose. Comme vous pouvez le constater, le comité éditorial de cette revue est un prâliné fourré au normalien (mais on me fait remarquer que ce n’est pas que du normalien, c’est surtout un prâliné très crunchy, il y a une bonne moitié d’agrégées ou diplômés d’I.E.P.). Pour l’instant, les (presque) six premiers numéros sont en ligne, au format html mais l’on me signale qu’une version PDF des articles est pour un bientôt proche. Les amateurs de RSS souligneront que Labyrinthe dispose de fils RSS permettant de suivre l’actualité de la publication. Pas de risque d’information overload, c’est une revue trimestrielle. (note : je n’ai pas d’action ou de stock options dans Labyrinthe, mais j’y ai publié deux articles)
Pour finir, les trois premières pages (avec coquilles) d’un article pour la revue Social Compass, Do the Rite Thing (pdf, sur les “unions civiles religieuses” dans le Vermont).

Revue française de sociologie

La Revue française de sociologie s’est dotée récemment d’un site fort peu utile. Certes on y trouve des sommaires et des résumés (en français et en anglais), mais tout y est coincé dans un petit espace. Un texte est “offert” chaque trimestre, mais c’est un vague document pdf qui ne correspond pas à la version imprimée… Pourquoi ne pas prendre exemple sur l’American Journal of Sociology, dont le site au design dépouillé apporte souvent des annexes online aux articles publiés.
Le pire, c’est que ce site, apparemment construit par * * * * (dont le slogan est “l’excellence du net”) est très très mal référencé : une recherche sur google, par exemple, ne renvoie pas à la RFS avant la 6e page (et encore). Pourtant, le site de la RFS fait de la publicité pour “Brioude-Internet : référencement google et positionnement”… c’est sans doute ironique. On espère que ce n’est pas Brioude qui cherche à faire entrer la Revue française de sociologie sur google…

Mise à jour, 15 février 2008 : J’ai reçu aujourd’hui un mail rédigé dans un jargon pseudo légal me demandant de retirer le nom de l’entreprise ayant construit le site de la RFS (et qui a depuis cessé d’apparaître sur le site de la RFS. La raison : une recherche google sur ce nom faisait apparaître coulmont.com en première ou troisième position… ce qui finissait par gêner ces spécialistes.

Et hop, disparu le nom ! (Mais pas partout… Archive.org veille)

Jim West, maire de Spokane

Jim West, le maire de Spokane (200 000 hab.), dans l’Etat de Washington, est un Républicain qui a bâti toute sa carrière sur la loi, l’ordre et les “family values”. Ancien sheriff adjoint, ancien député puis sénateur du parlement de l’Etat de Washington (et sénateur-républicain en chef en 2003), il a été élu maire de Spokane il y a moins de 2 ans.

West opposed gay rights, abortion rights and teenage sex during his legislative career. He made headlines in 1990 when he proposed marriage from the floor of the Senate to Ginger Marshall while she was visiting the Capitol. Their marriage ended five years later and they had no children.
source : Mayor embroiled in sex scandal was known as a tough customer, By NICHOLAS K. GERANIOS, ASSOCIATED PRESS WRITER

Pour mieux comprendre la constance des choix législatifs de West Voici un exemple des mesures qu’il a soutenues :

On Christmas Eve 1985, Gov. Booth Gardner signed an executive order banning discrimination in state hiring based on sexual orientation. West and 14 other Republicans responded by introducing a bill in January 1986 that would have barred gay men and lesbians from working in schools, day-care centers and some state agencies. The bill called for screening prospective employees for sexual orientation and firing state workers whose sexual identities became known. The bill failed. Also in 1986, West voted to bar the state from distributing pamphlets telling people how to protect themselves from AIDS during sex.
West opposed gay rights bills introduced in 1985 and 1987. In 1989, West opposed a proposal to expand a needle exchange program to protect people from AIDS from Pierce County to the entire state. In 1990, as part of a bill on AIDS education, West proposed that teen sex be criminalized. The bill, written by the abstinence group Teen Aid, would have made sexual contact a misdemeanor for unmarried teenagers under 18. Sexual contact was defined as “any touching of the sexual or other intimate parts of a person” for sexual gratification. West voted in 1998 for the Defense of Marriage Act, which defined marriage as between a man and a woman. Gov. Gary Locke vetoed the bill, but the Legislature overrode his veto. As Senate majority leader, West and other Republicans in 2003 bottled up the gay-rights bill in committee and it died. As Spokane’s incoming mayor in November 2003, West said he’s opposed to extending City Hall benefits to domestic partners, citing the cost. In April 2005, the City Council approved domestic partner benefits in a 5-2 vote, enough to withstand a mayoral veto.

Quelle ne fut pas la surprise, lorsque, jeudi dernier, le Spokesman Review de Spokane consacra plusieurs pages aux aventures homosexuelles de West, avec des accusations de “pédophilie” remontant aux années 1980 quand il était chef scout (le terme de pédophilie est largement utilisé aux Etats-Unis pour parler de relations entre un adulte et des adolescent-e-s). Il semble que West ait passé ses soirées sur gay.com à essayer de rencontrer de jeunes adultes et à leur offrir des stages à la mairie de Spokane. Il a été piégé par le Spokesman Review, où un enquêteur s’est fait passer pour un jeune homme de tout juste 18 ans…
Au contraire du gouverneur du New Jersey, qui, l’année dernière, a fait son coming out en utilisant une phrase concoctée par le Human Rights Campaign chargée de réinscrire l’orientation sexuelle dans l’ambiance patriotique, “I am a gay American“, West a été outé à son corps défendant. Je m’intéresse peu aux dimensions éthiques de l’outage ou au type de journalisme pratiqué par le Spokesman Review, ou à la moralité de West. M’intéresse beaucoup plus un rapprochement du type d’existence que West menait avec un ouvrage fondamental du sociologue Laud Humphreys, Tearoom Trade, une étude des relations sexuelles entre hommes dans les toilettes publiques (cette étude, d’ailleurs, avait eu lieu dans l’Etat de Washington).
Humphreys dans T.T. en arrive (après tout un travail que je ne décrirai pas ici) à proposer une expression lui permettant de décrire le comportement, les opinions éthiques et politiques…, des hommes pratiquant en cachette les fellations dans les toilettes publiques. Il les décrit comme vivant derrière un “Breastplate of Righteousness“, a “protective shield of superpropriety” (un bouclier protecteur de surconformité).

Motivated largely by his own awareness of the discreditable nature of his secret behavior, the covert deviant develops a presentation of self that is respectable to a fault. His whole lifestyle becomes an incarnation of what is proper and orthodox. In manners and taste, religion and art, he strives to compensate for an otherwise low resistance to the shock of exposure.
Humphreys (Laud), Tearoom Trade, chapitre 7.

Les bonshommes de feu rouge

Dans la ville de Plaisir, dans les Yvelines, une informatrice, Claire S. de Montreuil, m’informe que certains feux de signalisation destinés aux piétons sont défaillants.
Feux pietons, bonhomme de feu rouge, Plaisir, Yvelines, cliche Claire S.
Cette défaillance est fort dommage. En effet, ce type de feu rouge, où l’homme porte chapeau, devient bien rare devant l’offensive des diodes luminescentes. (La documentation qui suit est extraite de la vaste collection d’Hélène Degroote)
Dans les années 1970, ces bonshommes lumineux avaient chapeau, veste, pattes d’eph’ et parfois même perspective.

Dans les années 1980, ils perdent ces caractéristiques…

Les années 90 sont celles de la L.E.D.

Et les années 2000 (c’est entièrement faux mais c’est pour les besoins de la progression narrative) sont celles du détournement de bonhomme (qui change parfois de genre) :

Les pays, proches ou lointains, emploient parfois les mêmes techniques de signalisation. Leur omniprésence est souvent invisible, mais pas tout le temps. A Berlin, quand le bonhomme de feu rouge local a été rationalisé, les habitants se sont rebellés. Il a gardé son chapeau et son embonpoint :

Le Monde ?

Il semble qu’un grand nombre de personnes sont dirigées vers ce site par l’intermédiaire d’un lien en provenance d’une “newsletter” du journal Le Monde… que peuvent-ils bien dire sur moi ?
http://dev.lemonde.fr/gestion/newsletter_partagee/saisie_contenus/
previsu_ss_squelette/1,12000,6283–3,00.html
http://infoabo-dev-ng.lemonde.fr/web/newsletter_checklist/
0,4-6283,1-0,0.html
http://abonnes.lemonde.fr/web/newsletter_checklist/enligne/
0,30-0@30-0@4-0,1-0,0.html
Si un-e abonné-e au Monde pouvait me laisser un message…

Webmaster

Après avoir rapidement mis en place le site internet du département de sociologie de Paris 8, je suis en train d’installer un système permettant plus facilement de le mettre à jour (en évitant d’avoir à ftp-er des fichiers). J’ai donc commencé à personnaliser une installation de WordPress qui puisse servir à gérer le site, permettre aux secrétaires d’y placer des “news”, de mettre à jour la bibliographie d’une enseignante… que sais-je. Le département de sociologie de Paris 8 tourne donc maintenant entièrement avec WordPress (il a été installé hier sur le serveur de Paris 8 avec l’aide de G.-M. Ribes Ros de la cellule communication de l’université).
Je suis preneur de commentaires, surtout si certains navigateurs semblent faire exploser les pages (il y a des petites erreurs de caractères et quelques images qui ne s’affichent pas, mais où ?).