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Les billets de August, 2005 (ordre chronologique)

De retour de vacances

De retour de vacances en Croatie, et pour le prouver, en photo, un des sex-shops de Zagreb, la capitale.
Zagreb Sex Shop, juillet 2005

Alabama, encore et encore

En Alabama, une loi interdit la vente des gadgets habituellement présents dans les “sex shops”. Depuis 1998, une action en justice tente de faire reconnaître l’inconstitutionnalité de cette loi. J’ai eu l’occasion de parler à plusieurs reprises, l’année dernière, de cette histoire qui dure depuis plus de sept ans maintenant.
Au début de cette année, la Cour Suprème des Etats-Unis a refusé d’examiner l’appel de la plaignante (Sherri Williams), sans donner de raisons ; et plus récemment (le 4 août), son avocat a demandé un ré-examen du dossier par une cour de justice fédérale de l’Alabama, en arguant que la décision Lawrence v. Texas rend de facto une telle loi inconstitutionnelle. La décision Lawrence v. Texas, rendue en 2003 par la Cour Suprême des USA, rendait inconstitutionnelles les lois “anti-sodomies” et — donc — la criminalisation des interactions sexuelles entre adultes consentants dans l’espace privé, mais plus largement, et c’est ce que cherche à faire reconnaître l’avocat de Sherri Williams, toute législation fondée uniquement sur des convictions morales.
Signe de l’épuisement de l’intérêt pour cette histoire, pour l’instant, rares sont les quotidiens à en avoir parlé :

Sex toy sale ban on familiar turf in federal court
Thursday, August 04, 2005 – By DAVID HOLDEN
The Hunstville Times

Attorneys point to Texas case in effort to strike state law
The lawyers for a group that has for six years fought Alabama’s law banning the sale of sexual aids are asking a federal judge to again rule the statute unconstitutional.
In 1998, the Alabama Legislature enacted a law that bans only the sale of sex toys, not their possession. Alabama residents may lawfully purchase sex toys out-of-state for use in Alabama, or use them if the devices have other recognized medical or therapeutic uses. The state law doesn’t regulate other items, such as condoms or virility drugs.
Sherri Williams, who owns the Pleasures adult toy shops in Huntsville and Decatur, seven other women and two men representing consumers, challenged the law. The ban has never been enforced because of their legal challenge.
In his motion, filed Tuesday, asking U.S. District Judge Lynwood Smith to render a summary judgment declaring the ban unconstitutional, Huntsville attorney Michael Fees maintains the U.S. Supreme Court’s 2003 ruling in Lawrence v. Texas protects sex toy users from unwarranted state intrusion in their bedrooms. The ruling in the Texas case decriminalized gay sex on privacy grounds in that state.

Signalons aussi un article du magazine XBiz, revue qui se présente comme une revue professionnelle de l’industrie pornographique.

Houilles et son sex shop

A quelles conditions est-il possible d’interdire l’implantation d’un sex-shop, en France ?

En France, depuis le début des années 1970, les maires se plaignent du manque de moyens légaux pour fermer les sex-shops dont ils ne veulent pas. Depuis le tout début des années 1980, des associations de riverains pétitionnent les autorités municipales dans le même but, mais se voient souvent répondre que ces commerces sont légaux et que rien ne s’oppose à leur existence s’ils respectent les arrêtés municipaux et le Code pénal.
En 1987, afin de donner aux maires une plus grande liberté d’action, l’article 99 de la loi n°87-588 du 30 juillet interdit l’installation de sex shops à moins de 100 mètres d’un établissement scolaire. Désormais, les autorités municipales peuvent au minimum gérer l’implantation de tels magasins “spécialisés”.

La révision du Code pénal a produit l’article 227-24 :

Article 227-24
(Ordonnance nº 2000-916 du 19 septembre 2000 art. 3 Journal Officiel du 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002)
Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d’un tel message, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur. (…)

Cet article oblige alors les sex-shops qui réussiraient à s’installer quelque part à opacifier leurs vitrine.
Avec ce petit arsenal législatif, les autorités municipales réussissent à interdire l’ouverture de commerces pornographiques, comme à Lyon en 2002. Mais parfois, comme récemment à Houilles (dans les Yvelines), un sex shop s’ouvre, respectant toutes les lois et tous les règlements mais en déclenchant la colère de certains riverains. Les séances du conseil municipal de Houilles en gardent la trace.
Face à l’ouverture d’un sex shop “Cassandre” Boulevard Jean-Jaurès à Houilles, le maire prend, le 13 avril 2005, un arrêté interdisant l’ouverture du magasin, arrêté motivé par les considérants suivants :

« Considérant les projets de la Ville relatifs aux équipements pour mineurs à proximité immédiate, soit :
-au 7 boulevard Jean Jaurès: ouverture prochaine d’un pôle jeunesse;
-entre le 54 et le 58 boulevard Jean Jaurès et le 27 rue Molière un emplacement réservé pour la création d’une crèche et un équipement à vocation enfance et
petite enfance.
Considérant que l’exploitation d’une telle activité commerciale est incompatible avec les deux équipements publics sus-visés ».

Cassandre ne s’est pas laissé faire. Et une cour de justice lui a donné raison. Un jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 12 mai 2005 déclare :

« Considérant , enfin, que le maire de la commune de Houilles, responsable du maintien de l’ordre public sur le territoire de sa commune, pouvait, en application des pouvoirs de police qu’il tient du code général des collectivités territoriales, réglementer les conditions d’exploitation d’un commerce de sex-shop en raison de circonstances locales particulières, que l’avocat de la commune de Houilles a fait valoir au cours de l’audience que des circonstances particulières s’opposaient à l’ouverture du commerce en cause, tenant, d’une part, à la situation dans une zone résidentielle pavillonnaire fréquentée par de nombreux enfants du commerce de la SOCIETE CASSANDRE et d’autre part, à l’opposition de nombreux habitants de la commune à l’ouverture de ce commerce ; que, toutefois, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, d’une part, le commerce est situé à plus de cent mètres de tout établissement d’enseignement, d’autre part, la pétition des habitants de la commune hostiles à l’ouverture de ce commerce ne rassemble que seize signatures; qu’il n’apparaît pas, par conséquent, dans ces conditions, que l’ouverture d’un sex-shop serait susceptible d’apporter des troubles à l’ordre public dans la commune de Houilles ; »

L’affaire n’en est pas restée là, looooin de là. La pétition, qui n’avait rassemblé que seize signatures, enfle rapidement et le 9 juin 2005, le groupe politique “En avant pour Houilles” (qui consiste en deux personnes, apparemment, Marie-Michèle Hamon et Bernard Duclos, proches, très proches, de l’UMP) pose une question au maire, lors du conseil municipal :

QUESTION ORALE DU GROUPE “EN AVANT POUR HOUILLES”
Monsieur le Maire,
L’ouverture du commerce Cassandre exerçant l’activité de sex shop au 24 boulevard Jean Jaurès crée un émoi légitime dans le quartier et la commune, comme le montre le résultat de la pétition en cours : plus de 1.500 signatures a ce jour.
(…)
La commune de Houilles s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat qui, nous le rappelons, statue en droit ; à cette heure nous ne connaissons pas le résultat de cette démarche. [NOTE de B. Coulmont : c’est un peu étrange : le conseil municipal a lieu le 9 juin et la décision a été rendue, publiquement, la veille…]
A la suite du déroulement de cette procédure d’urgence, commencera la procédure au fond qui nécessitera des délais importants qui peuvent atteindre, devant les juridictions administratives, plusieurs années. Dans une telle hypothèse, le commerce nommé Cassandre pourra développer ses activités sans nulles contraintes.
Cette situation est d’autant plus grave qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’interdit l’accès des mineurs dans ces établissements à la différence des réglementations applicables aux cinémas pornographiques et aux débits de boissons.
Dans une telle hypothèse, les autorités locales investies du pouvoir de police ont cherché à réglementer l’activité soumise au principe de la liberté du commerce et de l’industrie par l’interdiction de l’accès de ces commerces aux mineurs, l’obligation pour leurs exploitants à opacifier les vitrines et l’obligation à prévoir des horaires d’ouverture et de fermeture.
Nous observons que le commerce en cause a opacifié sa vitrine dans des conditions aléatoires, puisque le film plastique apparaît tenu par du papier collant et a déjà chu.
Il apparaît nécessaire de rassurer la population du quartier.
Vous avez d’ailleurs reçu quelques représentants des auteurs de la pétition le jeudi 16 mai 2005 et le samedi 4 juin 2005, sans d’ailleurs avoir réussi véritablement à tous les apaiser. Il nous semble, sous réserve d’une meilleure stratégie juridictionnelle, utile de prendre des mesures concrètes notamment dans le domaine réglementaire pour la protection des mineurs dès à présent, sachant que certains adolescents sont déjà entrés dans ce local commercial.
Dans ces conditions, auriez-vous l’obligeance de bien vouloir nous indiquer les mesures que vous comptez prendre.
En tout état de cause, Monsieur le Maire, soyez assuré que le groupe « En avant pour Houilles » sera toujours à vos côtés dans la préservation de la tranquillité et de la sécurité des Ovillois, d’autant plus quand la protection et la santé des jeunes restent prioritaires.

Cette question, fort longue, est pain béni pour le maire qui répond :

La Ville a fait appel de cette ordonnance en démontrant qu’une pétition signée par 1 600 personnes, soit plus de 5 % de la population, étaient hostiles à l’ouverture de ce magasin. Qu’une école maternelle et une école primaire sont situées certes à plus de 100 m mais tout de même non loin du commerce litigieux et que, surtout, la commune aménage à proximité de ce commerce un “pôle jeunesse” destiné à abriter des services d’animation, d’information et de loisirs à l’intention des jeunes, que les travaux de réalisation de cet équipement public doivent s’achever dans les prochains mois.
La protection de la jeunesse est ainsi mise à mal et pour toutes ces raisons, le Conseil d’Etat a estimé qu’il fallait annuler l’ordonnance du juge des référés(…)

En effet, le Conseil d’Etat a permis au maire d’interdire l’ouverture d’un sex shop parce qu’un projet de “pôle jeunesse” allait, dans un futur prochain, le situer à proximité du magasin… La loi de 1987 est-elle devenue inutile ?
Pour se faire une idée, voici, dans sa presque entièreté, la décision du Conseil d’Etat :

Conseil d’État statuant au contentieux N° 281084
Mentionné aux Tables du Recueil Lebon
Juge des référés
M. Bernard Stirn, Rapporteur
M. Stirn, Président

Lecture du 8 juin 2005

REPUBLIQUE FRANCAISE, AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 1er juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la COMMUNE DE HOUILLES, représentée par son maire ; la commune demande au juge des référés du Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance du 12 mai 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, a fait droit à la requête de la société Cassandre tendant à ce qu’il soit enjoint au maire de Houilles (Yvelines) de suspendre l’exécution de l’arrêté du maire de Houilles du 13 avril 2005 interdisant l’ouverture d’un sex-shop sis au 24, rue Jean Jaurès ;
2°) de rejeter la requête de la société Cassandre ;
la commune soutient que c’est à tort que le juge des référés a estimé que la condition d’urgence était remplie ; qu’en effet le préjudice financier allégué n’est pas établi dès lors que les travaux d’aménagement du magasin sont encore en cours et que la société ne justifie pas d’une perte de chiffre d’affaires ; que l’intérêt général commande l’exécution de l’arrêté contesté ; que c’est à tort que le juge des référés a considéré la décision litigieuse comme manifestement illégale ; que la localisation du sex-shop dans un secteur fréquenté par des mineurs et l’opposition de la population de Houilles constituent des circonstances locales particulières sur le fondement desquelles le maire pouvait légalement prendre l’arrêté contesté au titre de son pouvoir de police générale ;
Vu l’ordonnance attaquée ;
Vu le mémoire en défense, présenté par la société Cassandre, elle conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3000 euros soit mise à la charge de la COMMUNE DE HOUILLES au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la condition d’urgence est remplie ; que l’arrêté fait obstacle à l’exercice de l’activité dont elle tire ses revenus ; que des travaux d’aménagement importants ont été réalisés ; qu’ils sont déjà très avancés ; qu’elle a signé un bail commercial qui l’engage à payer à son bailleur un loyer pour une durée minimale de trois ans ; qu’aucun impératif d’ordre public ne commande l’interdiction de son activité ; que la décision litigieuse porte atteinte de manière grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et de l’industrie ; qu’aucune circonstance locale particulière ne justifie la décision contestée ; que les pétitions invoquées par la commune pour justifier de l’opposition de la population locale sont postérieures à l’intervention de l’arrêté ; que le magasin n’est pas situé dans un secteur particulièrement fréquenté par des mineurs ; que la décision du maire, qui ne pouvait pas non plus être prise sur le fondement des dispositions de l’article 99 de la loi du 30 juillet 1987 ou de l’article 227-24 du code pénal, est dépourvue de base légale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code pénal, notamment son article 227-24 ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment ses articles L. 212-1 et L. 2212-2 ;
Vu l’article 99 de la loi n° 87-558 du 30 juillet 1987 portant diverses mesures d’ordre social, modifié par les articles 273 et 284 de la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, la COMMUNE DE HOUILLES et d’autre part, la société Cassandre et le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire ;
Vu le procès-verbal de l’audience publique du lundi 6 juin 2005 à 17 heures au cours de laquelle ont été entendus :
– Me Foussard, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la commune de Houilles ;
– le représentant de la COMMUNE DE HOUILLES ;
– le représentant de la société Cassandre ;

Considérant qu’en vertu de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que, par arrêté du 13 avril 2005, le maire de Houilles a, sur le fondement de ses pouvoirs de police générale, pris une mesure qui doit s’analyser comme une interdiction d’ouverture par la société Cassandre d’un sex shop , au motif que l’établissement projeté portait atteinte à la tranquillité de la population et se trouvait situé à proximité d’équipements destinés à la jeunesse ;
Considérant que l’article 99 de la loi du 30 juillet 1987 modifiée interdit l’installation à moins de cent mètres d’un établissement d’enseignement maternel, primaire ou secondaire, d’un établissement dont l’activité principale est la mise en vente ou à la disposition du public de publications dont la vente aux mineurs de dix-huit ans est prohibée ; que l’article 227-24 du code pénal réprime par ailleurs le fait de permettre à un mineur de voir un message de caractère pornographique et interdit en conséquence la présentation en vitrines ouvrant sur l’extérieur d’articles présentant un tel caractère susceptibles d’être vus par un mineur ;
Considérant qu’indépendamment de ces dispositions législatives, il appartient au maire, chargé de la police municipale en vertu de l’article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales, de prendre à ce titre, conformément à l’article L. 2212-2 de ce code, les mesures permettant d’assurer dans la commune le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ; que le maire peut faire usage des pouvoirs de police générale dont il dispose à l’égard d’un établissement qui, sans tomber sous le coup ni de l’interdiction édictée par la loi du 30 juillet 1987 ni de l’incrimination prévue par l’article 227-24 du code pénal, présenterait, en raison des circonstances locales, des dangers particuliers pour la jeunesse ou pour la tranquillité de la population ;
Considérant qu’en l’espèce la décision d’interdiction du maire de Houilles est fondée sur des motifs tirés d’une part de la tranquillité de la population, d’autre part de la présence à proximité du commerce litigieux d’établissements scolaires et d’équipements destinés à la jeunesse ;
Considérant, sur le premier point, qu’il appartient au juge des référés de se placer, pour apprécier l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, à la date à laquelle il se prononce ; qu’à cet égard, si l’ouverture, à la suite de la décision du juge des référés du tribunal administratif, du sex shop n’a pas entraîné de troubles particuliers, il résulte de l’instruction que la population du quartier d’habitation de caractère pavillonnaire où se situe le projet de la société Cassandre a témoigné d’une hostilité à ce projet qui s’est traduite par une pétition signée, à la date de l’audience publique, par 1600 personnes ;
Considérant, sur le deuxième point, qu’il résulte de l’instruction, et qu’il a été confirmé au cours de l’audience publique, qu’une école maternelle et une école primaire sont situées certes à plus de cent mètres mais tout de même non loin du commerce litigieux ; que, surtout, la commune aménage à proximité de ce commerce un pôle jeunesse , destiné à abriter des services d’animation, d’information et de loisirs à l’intention des jeunes ; que les travaux de réalisation de cet équipement public doivent s’achever dans les prochains mois ;
Considérant qu’eu égard à l’ensemble de ces éléments, et même s’il n’est pas contesté que le projet de la société Cassandre ne tombe sous le coup ni de l’interdiction édictée par la loi du 30 juillet 1987 ni de l’incrimination prévue par l’article 227-24 du code pénal, la mesure prise par le maire de Houilles, qui repose sur des motifs qui sont au nombre de ceux que les autorités chargées de la police municipale peuvent légalement retenir, apparaît fondée sur des éléments d’appréciation tirés de la tranquillité de la population et de la protection de la jeunesse qui ne font pas apparaître d’atteinte manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue la liberté du commerce et de l’industrie
; que la COMMUNE DE HOUILLES est, dès lors, fondée à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a estimé réunies les conditions auxquelles l’article L. 521-2 du code de justice administrative subordonne la mise en oeuvre des pouvoirs qu’il confère au juge des référés ;
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE DE HOUILLES la somme que la société Cassandre demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :
O R D O N N E :
——————
Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Versailles en date du 12 mai 2005 est annulée.
Article 2 : La requête présentée devant le juge des référés du tribunal administratif de Versailles par la société Cassandre ainsi que les conclusions de cette société tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la COMMUNE DE HOUILLES, à la société Cassandre et au ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

Ce jugement est très rapidement intégré aux divers recueils de jurisprudence, car l’on peut lire aujourd’hui dans le Juris Classeur :

JurisClasseur Administratif > Fasc. 126-20 : POLICE MUNICIPALE > II. – Règlements internes > C. – Objet > 2 Respect des libertés individuelles ou publiques
Fasc. 126-20 : POLICE MUNICIPALE § 252 à § 261 (Mise à jour)
04/07/2005
252

Notion de circonstances locales
L’article 99 de la loi n° 87-558 du 30 juillet 1987 interdit l’installation d’un « sex shop » à moins de cent mètres d’une école, d’un collège ou d’un lycée. Cette mesure de police administrative spéciale est complétée par l’article 227-24 du Code pénal qui réprime les contrevenants à cette interdiction. Un commerce de cette nature peut également être réglementé par l’autorité locale de police administrative générale lorsqu’il est situé à plus de cent mètres d’un établissement scolaire. S’il souhaite en interdire l’implantation, le maire doit alors rapporter des circonstances locales et un danger particulier pour la jeunesse ou pour la tranquillité de la population. Ces circonstances sont démontrées si les habitants du quartier ont témoigné une vive hostilité en signant notamment une pétition rassemblant 1600 noms et si le commerce est implanté à proximité d’une école maternelle et primaire et d’un pôle de jeunesse destiné appelé à abriter des services d’animation, d’information et de loisirs à l’intention des jeunes. Pour ces raisons, le juge des référés a estimé que l’arrêté de police administrative générale ne portait pas, en l’état de l’instruction, une atteinte manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue la liberté du commerce et de l’industrie (CE, réf., 8 juin 2005, n° 281084, Cne Houilles).

Ainsi, désormais :
S’il souhaite en interdire l’implantation, le maire doit alors rapporter des circonstances locales et un danger particulier pour la jeunesse ou pour la tranquillité de la population.

sources : http://www.ville-houilles.fr/municipal/c090605.pdf et Légifrance : Conseil d’État, Juge des référés, 2005-06-08, 281084, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon

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Mise à jour : Le 12 mai 2006, le tribunal administratif de Versailles a rendu une décision sur le fond, reportez-vous à Houilles et son sex-shop, 2e partie.

Mise à jour du 22 février 2007 L’article 99 de la loi du 30 juillet 1987 a été modifié en février 2007 : l’interdiction d’installation est de deux cents mètres, et la définition des sex-shops change. Pour plus d’informations, consulter cet article.

Sexe et magazines

Les Inrockuptibles (n°504, 27 juillet-16 aout) et Sciences Humaines (n°163, août-septembre 2005) tirent leur couverture sur le sexe. Pour le magazine culturel, c’est une sorte de tradition estivale : un numéro pornographique au coeur de l’été : entre les photos et les reportages “société”, quelques articles, trop courts, sont consacrés à Marcela Iacub et au dernier livre de D. Welzer-Lang. La recherche de la subversion faisant quand même partie du fond de commerce des Inrocks, un portrait d’un-e activiste queer nous apprend que le port de la moustache a une signification très très subversive…
Iacub (souvent en note de bas de page, une interview avec photo) figure aussi au centre du dossier consacré à la sexualité par Sciences humaines. Le magazine tente de contextualiser ce qui pourrait être a priori être analysé comme une forme de libération. Eric Fassin très concis, historicise le mouvement queer (sans moustache).
Dans les deux magazines, prostitution, pornographie et choses “queer” semblent être au coeur des réflexions.

Le but est semblable, mais le procédé légèrement différent : Libération propose chaque jour un article sur la sexualité. Aujourd’hui “Métro, boulot, vibro”, sur un sex shop, Rebecca Rils, de Pigalle, une “supérette érotique banalisée”. Une interview d’un sociologue de Bordeaux, Patrick Baudry, propose une description de l’évolution du sex shop dans le “paysage urbain” depuis le début des années 1970. Les spécialistes pointilleux y décerneront plusieurs erreurs, de détail : les sex shops se seraient installés dès el début aux abords des gares et dans les quartiers de prostitution (ce n’est pas vraiment le cas pour les premiers, qui s’installent dans le bas 15e arr, les Champs Elysées, le Quartier Latin…), les vitrines seraient opaques (pas avant 1973 et un arrêté du préfet de police qui consolide une décision de la cour d’appel de Besançon en 1972)… Le reste semble plus proche de la réalité, même si Baudry reste étrangement aveugle aux politiques urbaines : tout y est décrit comme si les sex shops agissaient de manière autonome… (de Baudry, il est aussi possible de lire un article dans la revue Urbanisme (n°325).

Le sale boulot

La sociologie du travail s’intéresse assez souvent au “sale boulot”, en ce qu’il permet de comprendre une partie des classifications internes à un métier. Dans un mémoire de maîtrise de sociologie (Master 1) de l’université Paris V (qui sera soutenu en septembre 2005) sur les sex-shops parisiens, Irène Roca-Ortiz décrit l’une des spécificités du sale boulot auquel sont confrontés les vendeurs et les vendeuses. Voici, ci dessous, un extrait de son mémoire (un paragraphe intitulé “Les tâches corollaires à la vente”) :

Travailler dans un magasin implique d’autres activités que la vente, notamment ce qui concerne la gestion du stock et l’entretien du magasin. Ces activités accessoires peuvent être perçues comme pénibles. Ainsi, la gestion du stock, le rangement et l’étiquetage de celui-ci peut prendre une grande partie du temps de travail, notamment lors des jours de livraison. Dans tous les commerces, mais peut être particulièrement au sex-shop, il faut « attendre le client ». Si ce temps d’attente est souvent rempli par d’autres tâches corollaires à la vente, l’attente constitue aussi une activité en soi, qui peut s’avérer ennuyeuse.
Mais c’est le nettoyage des salles et des cabines de projection présentes dans la plupart des sex-shops qui suscite plus de réactions. Ces tâches de nettoyage moins conventionnelles car liées aux résidus de la masturbation des clients ne sont pas particulièrement appréciées. Leur gestion par le personnel révèle la hiérarchie interne du métier. Dans certains magasins, le nettoyage est accompli par des hommes de ménage qui sont parfois, après un temps, promus vendeurs. Dans d’autres magasins, le nettoyage est l’objet d’une rémunération complémentaire. Ce n’est pas le cas partout : dans le sex-shop de la rue Saint-Denis où j’ai fait mon terrain l’entretien de la propreté est assuré par les vendeurs, sans complément de salaire. Comme l’endroit propose des services de projection de films en salle collective et en cabine, l’entretien est fait avec des gants de latex et avec des produits désinfectants, plusieurs fois par jour si nécessaire. Les cabines de projection sont nettoyées après le passage de chaque client. Même si la plupart du temps les clients sont respectueux des lieux, les poubelles n’en sont pas moins remplies de mouchoirs tâchés de sperme. En revanche, le nettoyage de la salle de projection collective demande plus d’effort, comme le souligne l’un des vendeurs, John :

« Moi et Hugo c’est pile ou face, soit il fait en haut et je fais en bas. En général celui qui est le plus gâté est celui qui fait en bas, ben le cinéma, en général, c’est pas top, hein, à nettoyer, hein… quand on fait l’orgie… les préservatifs (…) après y en a qui font sans préservatifs, donc forcément on a le compte qui revient par terre… »

L’aspect qui me semble le plus important dans le nettoyage concerne la protection de soi de la « souillure ». Les gants de latex et les produits désinfectants sont utilisés par tous ceux doivent nettoyer les cabines. L’effort de protection face à la « souillure sexuelle » est chargé de sens. John a su particulièrement bien expliquer ses efforts :

« Mais nous on a des gants, moi je touche à rien, j’ai ma petite pince. Je fais « hop ! », ça ramasse, « tac », mon balai, je le prends, je le mets où, mais c’est bon, je touche à rien, hein ! Sinon je pourrais pas. (…) Le pire au départ, c’est, tu sais quoi, sincèrement, c’est les sacs ! Parce que tu prends le sac, où y a que des mouchoirs [je ris], non mais, tu prends le sac [il théâtralise ses gestes], tu prends le sac tu remues, pour refermer après ça fait boum ! [pour l’odeur] Non, mais oui, au départ je respirais avec le nez… [il rit] je respirais, boum ! t’as cette montée de, cette odeur ! (…) Et là, c’est là, quoi ! là faut supporter, là… mais bon. Faut faire avec, quoi (…) mais bon… on a pris l’habitude donc, maintenant on respire par la bouche non par le nez… parce que sinon… »

Comme John, Fatia, vendeuse dans un autre sex-shop, trouve l’expérience de l’odeur assez éprouvante :

« On met des gants, donc on touche pas directement, c’est pas euh… Le seul truc qui peut être dégoûtant c’est l’odeur. Les seuls trucs répugnants c’est les odeurs, et puis les hommes des fois, ben, ils sont maladroits, et ils visent pas là où ils devraient viser, mais bon… Je me dis aussi qu’y a des infirmières qui sont mal payées, et qui lavent les malades qui sont incontinents, qui nettoient la merde, et à côté ça c’est rien… Bon, c’est pas top mais ça paie bien, hein ? c’est une fois qu’on ouvre le sac que c’est dur [il faut pas respirer…] Mais des fois c’est dur, hein ! pas seulement l’odeur là, mais l’odeur des clients aussi. Y a des clients que, ben, on dirait qu’ils se lavent pas, c’est à la limite des fois du vomissement ! »

Dans le magasin où travaillent Michèle et Fatia, le nettoyage n’est pas obligatoire, les vendeuses reçoivent une « prime de nettoyage » non négligeable (150€) si elles acceptent de le faire. Cette prime semble apporter une reconnaissance symbolique à l’activité.

« On a aussi une prime de ménage, si t’as pas envie de le faire tu le fais pas… Tu laves pas le sol, tu laves pas les cabines… et puis si tu le fais, c’est tout benef’ pour toi… et puis nettoyer les cabines, c’est pas sorcier » Michèle

C’est au moment de la signature de son contrat de travail que l’employé-e accepte ou refuse cette activité. La « prime de nettoyage » étant intéressante économiquement, l’activité est acceptée la plupart du temps. Comme il s’agit de cabines qui sont nettoyées après chaque client, les employé-e-s se repartissent entre eux le travail. Or, Fatia souligne que :

« Tout le monde veut prendre la prime pour faire le ménage, mais personne veut faire les tâches ! Mais on est là, on voit qui fait quoi… Et ben, la petite nouvelle elle est pas encore allée nettoyer les cabines, hein !»

Source : ROCA ORTIZ, Irène. 2005. Les sex-shops à Paris, Mémoire de Master 1 en sciences humaines et sociales, sous la direction de Philippe Combessie, Université René Descartes – Paris 5.

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Rompre des fiançailles ?

Mes articles sur les fiançailles [voir un rite mou ?, un rite en construction ? ou une entreprise de morale ?] et un conseil de Martine Segalen ont amené une journaliste du magazine Elle a me poser quelques questions. J’espère ne pas avoir dit trop de bêtises… je suis en général surpris par les citations choisies pour illustrer mes propos, on verra bien ce que ça donne.
Une question qui n’a pas été abordée est celle des inquiétudes des juristes, après la Première Guerre mondiale, au sujet de la rupture des fiançailles — mais pourquoi donc ces débats n’intéressent pas Elle ?. Un article souvent cité, “Le Problème juridique de la rupture des fiançailles” (de Louis Josserand, dans le Recueil Hebdomadaire de Jurisprudence Dalloz, 1927(10), Chronique, pp.21-24) en fait une “manière de divorce par anticipation”.

[A]lors qu’autrefois on se mariait sur place, dans son milieu et dans son monde, depuis quelques années les unions se sont multipliées entre gens appartenant à des classes, à des groupes sociaux, à des pays différents. Les projets éclos soudainement, dans de semblables conditions, ne résistent par toujours à un examen plus sévère […]

D’où, selon lui, la mode des ruptures.
Un autre juriste (Jean Lefebvre, voir références en bas) présentait plus en détail le contexte d’un renouveau des promesses de mariage :

Pendant longtemps, nos parent n’auraient pas toléré ce que l’on appelle aujourd’hui l’émancipation de la jeune fille. Celle-ci à la fin du siècle dernier [i.e. le XIXe siècle] était encore élevée au couvent et les « entrevues » avec les candidats au mariage, lorsqu’elles se produisaient, se déroulaient selon des rites immuables de convenances mondaines, précédées d’enquêtes méticuleuses et de pourparler entre les familles.
Il s’en suivait que les promesses de mariage étaient certainement plus rares qu’aujourd’hui. Une jeune fille qui eût été l’objet d’une proposition directe eut renvoyé l’imprudent au verdict de ses parents. Ces promesses n’avaient pas non plus la même importance que de nos jours.
[…]
Par ailleurs les moeurs du temps permettent aux jeunes gens, aux jeunes filles des rencontres fréquentes, faciles, libres ; sur le « court » de tennis ou à la plage, au bureau ou à l’atelier, à l’université et déjà au Lycée, dans les oeuvres sociales, les contacts directs se multiplient, bousculant l’antique étiquette, voire la « vieille galanterie française » pour y substituer un esprit de camaraderie et de libre examen de problèmes que jadis la jeune fille n’avait même pas le droit d’aborder.

Donc : des promesses plus nombreuses, faites par les futurs mariés eux-mêmes et surtout, directement par la fiancée…
Tout cela pose un gros problème au juriste consciencieux. Car Josserand remarque — tout comme ses confrères — que si les promesses de mariages sont “nulles et non avenues” (depuis 1838 et un arrêt de la cour de cassation), les dommages versés en cas de rupture sont de plus en plus fréquents (en 1927, toujours) :

Ainsi, d’une part, la Cour de cassation proclame la nullité absolue, la complète inefficacité de la promesse de mariage, et d’autre part, elle subordonne l’allocation de commages-intérêts au profit de la victime à la preuve péremptoire de la réalité de ladite promesse : il nous paraît difficile d’accumuler en quelques idées plus de contradictions.

Soucieux d’unité logique, Josserand en vient à proposer une nouvelle vision des fiançailles :

[L]a promesse de mariage n’est pas une opération qui doive être considérée isolément et qui se suffise à elle-même ; elle n’est pas un but, mais un moyen, un avant-contrat ; son rôle est d’ouvrir une période d’épreuve au cours de laquelle rien de définitif, rien de juridiquement irréparable ne saurait être accompli […]
Ainsi compris, les promesses de mariage affectent un type juridique analogue à celui du contrat de louage de services à durée indéterminée, tel qu’il est fixé dans le code civil dans l’art. 1780 modifié par la loi du 27 décembre 1890 […]
[E]n consolidant, en consacrant juridiquement le situation antérieure au mariage, c’est le mariage lui-même qu’elles [les fiançailles] viennent consolider, et par le jeu des principes généraux du droit ; sans prêter au reproche d’incohérence et de contradiction.

(Celles et ceux qui veulent aller plus loin
– et s’offrir une discussion juridique bien datée sur les méfaits de l’émancipation féminine consulteront :LEFEBVRE, Jean, Le Problème de la Rupture des fiançailles ou promesses de mariage en jurisprudence, étude de droit comparé Thèse pour le doctorat, Université de Dijon, faculté de droit, Paris : Jouve et Cie, 1935, 240p.
– et s’offrir un article du Yale Law Journal sur les Rules of engagement (le titre est un jeu de mot sur les fiançailles et les conditions de possibilité d’une attaque militaire) liront avec grand intérêt l’article de Rebecca Tushnet Rules of Engagements)
).

PS : 1 -la lecture d’une série de thèses de droit sur les fiançailles et leur rupture m’a fait prendre conscience de l’ampleur du plagiat parmi les juristes, au moins entre 1850 et 1935 : on trouve des dizaines de pages copiées, sans indication de leur provenance… Il devient alors beaucoup plus facile de produire une thèse rapidement.
2- Il va peut-être falloir revoir les catégories que j’utilise… J’ai placé ce billet dans la rubrique “sexualité” parce que je n’ai pas de rubrique “droit”…
3- J’ai écrit plusieurs articles sur les fiançailles

Antimanuel d’éducation monkienne

Quelques remarques au sujet d’un ouvrage récent…
MonkDans l’une des meilleures séries américaines du moment, je veux parler de Monk, le détective agoraphobe éponyme, claustrophobe, poussière-phobe et maniaque de l’ordre résoud les énigmes les plus invraisemblables avec l’aide d’une assistante dénuée apparemment de toute phobie. voir cet extrait de Monk au format Quicktime .mov
Dans l’un des meilleurs livres du moment, l’Antimanuel d’éducation sexuelle de Iacub et Maniglier, une équipe similaire à certains égards propose un parcours dans le droit sexuel contemporain, même si l’on a affaire à deux Monk dont l’amour de la cohérence cache une phobie de la noncongruence, aucune assistante n’est là.
Pensez : un philosophe et une juriste ! La juriste ne cesse de traquer les conséquences illogiques de certaines décisions de justice et le philosophe celles de certains systèmes d’idées. Ce qui en fait un très bon livre, mais un livre de/pour maniaques.
Pour prendre un exemple : dans un épisode récent de Monk, le détective, arrivé sur les lieux d’un crime, entreprend de replacer parallèlement l’une aux autres les scellés temporaires que la police a placé, un peu n’importe comment. Dans certains passages de l’Antimanuel, l’on apprend par exemple que la majorité sexuelle — dès 15 ans — n’en est pas vraiment une car tout ce qui est permis entre adultes consentants ne l’est pas avec une (trop) jeune fille. La question des “droits sexuels” est la plus intéressante : si le droit de dire non à une relation sexuelle est bien protégé, celui de dire oui l’est beaucoup moins : jamais l’on ne peut attaquer en justice la personne (parent, amant…) qui souhaite nous empêcher d’avoir une relation sexuelle avec la personne de notre choix, et cet empêcheur de tourner en rond n’est pas vu comme un maniaque sexuel, un pervers ou un malade.
Le dernier chapitre propose [l’établissement d’]une cité utopique, dont le droit de la post-sexualité serait entièrement logique, la pure application de principes faisant du sexuel un domaine indifférent.
C’est un des éléments qui m’a le plus étonné à la lecture — qui précède ce livre — d’articles de juristes : ils font comme si “le législateur”, “la doctrine”, “le juge” existait réellement et devait produire des discours cohérents entre eux… alors que la combinaison, variable dans le temps, des intérêts des individus ne peut que produire des combinaisons variables. Jamais l’origine sociale, le niveau de diplôme, le sexe, la situation matrimoniale, l’âge du “juge” ou des députés n’entre en ligne de compte et leur production — du droit — vaut pour elle-même. Dans l’ouvrage de Iacub et Maniglier, aucun mouvement social n’existe : une des seules mentions d’une association, à la fin, est pour souligner qu’elle n’exista pas bien longtemps… (p.310)
On trouve un compte-rendu beaucoup plus développé chez Hecate, histoire d’une vie de lecteur et une forme d’illustration sur le blogroll des Perles du chat.