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Homosexualité et prostitution masculines

Billet publié le 01/09/2005

J’accueille aujourd’hui Régis Revenin, actuellement doctorant en Histoire (à Paris 7) et auteur d’Homosexualité et prostitution masculines à Paris (1870-1918) (Paris, L’Harmattan, 2005) qui sort ces jours-ci. Avant de lui laisser la parole, je signale qu’une dizaine étudiants (dont R. Revenin) mettent en place, à la rentrée, un atelier en études lesbiennes et gays (voir ici pour plus d’informations).

Régis Revenin, Homosexualite et prostitutionContrairement à ce que d’aucun-e-s pourraient croire, la Belle Epoque est une période tout à fait méconnue de l’histoire des homosexualités (féminines et masculines) en France, excepté quelques grandes figures lesbiennes ou gays – littéraires le plus souvent (Colette, Lorrain, Proust…). C’est pourtant à la fin du XIXe siècle qu’apparaît à Paris (mais aussi dans de nombreuses grandes villes occidentales, comme l’illustrent très bien les recherches des historiens George Chauncey pour New York et Matt Cook pour Londres notamment) une subculture gay, très visible, avec ses lieux de sociabilité propres dont une grande partie est spécifiquement homosexuelle, ses lieux de rencontre en plein air, ses codes sociaux, ses mœurs sexuelles, ses moyens de résistance à l’ordre social et sexuel…
L’émergence d’un “monde” – à défaut de pouvoir réellement parler de “communauté” – homosexuel parisien (avec ses bains, bals, bars, “bordels”, cafés et restaurants, sa “drague” en plein air et sa prostitution masculine) coïncide avec le développement (depuis le Second Empire et les écrits “scientifiques” d’Ambroise Tardieu) de discours médicaux fustigeant l’homosexualité en tant que perversion sexuelle, au motif de la soustraire à la répression policière et judiciaire, lesquels écrits peuvent être interprétés comme la ré-appropriation pseudo-laïque et pseudo-scientifique de la “question homosexuelle”, autrefois monopolisée par les discours religieux.

Aussi j’ai tenté de démontrer, à partir de rapports de police jusqu’alors inédits, d’articles de presse, d’ouvrages de médecine, de récits autobiographiques et d’écrits littéraires, combien la vie des gays parisiens n’était pas, à la Belle Epoque du moins, systématiquement marquée du sceau de la répression, en mettant en question les mythes qui entourent de manière récurrente l’historiographie gay en France (et plus globalement dans l’ensemble des pays occidentaux) : ainsi, l’homosexualité n’était pas nécessairement cloisonnée dans les “classes” privilégiées de la société française (bien au contraire même…), lesquelles n’étaient certainement pas plus tolérantes que les “classes” populaires ; les gays parisiens n’ont pas tous vécu cachés, honteux, invisibles, isolés et malheureux jusqu’aux années dites de “Libération sexuelle” (après 1968) ; le “monde gay” (comme l’actuel quartier du Marais à Paris, et les “quartiers gays” parisiens qui l’ont précédé : Saint-Germain-des-Prés, puis la rue Sainte-Anne) n’est pas né ex nihilo en même temps qu’apparaissaient le-s mouvement-s homosexuel-s après la Seconde Guerre mondiale (j’ai ainsi recensé quelque cent dix “établissements gays” avant la Première Guerre mondiale) ; enfin, les “quartiers gays” parisiens avant 1918 n’étaient pas principalement situés à Montmartre ou à Pigalle… mais très nettement dans les 2e et 9e arrondissements de la Capitale.

Aussi, si un véritable flot discursif (journalistes, juges, médecins, moralistes, policiers, romanciers) s’abat sur les gays à la Belle Epoque, si la police des mœurs parisienne surveille assidûment les “pédérastes”, les arrestations policières et les condamnations judiciaires, pour autant qu’elles existent, restent tout à fait rarissimes, et les rafles anti-homosexuelles semblent n’être qu’un mythe, du moins entre les années 1880 et la fin de la Première Guerre mondiale (cf., pour les années 1920 et 1930, les travaux de l’historienne Florence Tamagne). Je fais même l’hypothèse que le “monde gay” parisien était sans doute plus développé en 1900 qu’il ne l’était dans les années 1950 et 1960, et que les surveillances policières et la répression judiciaire étaient sans conteste nettement plus fortes dans ces années-là qu’elles ne l’étaient à la Belle Epoque… Ainsi les lectrices et lecteurs sont invité-e-s à se débarrasser de leurs préjugés sur cette période en particulier, et sur les périodes passées de manière plus générale, en oubliant quelque peu le récit militant (qui peut constituer certes une source, un témoignage, mais rien de plus) et la “victimologie” encore trop présente dans l’historiographie gay.
Régis Revenin — auteur de Homosexualité et prostitution masculines à Paris (1870-1918) (Paris, L’Harmattan, 2005) [le lien vous dirigera vers amazon.fr]
Il est possible d’acheter Homosexualité et prostitution masculines à Paris (1870-1918) sur le site de l’Harmattan, en papier ou en PDF.

[yarpp]

1 commentaire

Un commentaire par patrick cardon (09/12/2005 à 9:37)

rdvs avec Régis Revenin ce soir à Lille 17 h Café citoyen Lille Place du marché aux chevaux ‘carrefour rue de béthune, tue du Molinel) dans le cadre de la 14e édition du festival QuestionDeGenre
info 0320063391