Singapour
L’année dernière, j’avais été invité à un atelier de trois jours à Singapour, organisé par la Asia Europe Foundation – ASEF, une organisation para-gouvernementale créée par des pays de l’union européenne et des pays d’une alliance asiatique (l’ASEAN ou une autre, je ne sais plus). Cet atelier, intitulé “Coming out in dialogue”, réunissait une petite quinzaine d’universitaires, d’activistes et d’élu-e-s, dans un pays où les “relations charnelles contre nature” sont passibles d’un emprisonnement à vie [voir les précisions sur le code pénal singapourien]. Le workshop avait donné lieu à un rapport “Coming out in Dialogue: Policies and Perceptions of Sexual Minority Groups in Asia and Europe”.
L’un des participants, Clarence Singam, avait déjà une grande expérience d’organisation dans un mouvement gay et lesbien local en pleine croissance. Mais l’atelier lui a donné des idées :
Deux idées sont nées suite à ma participation aux Talks. La première était l’idée d’un Gay Pride Month On a fait le premier l’année dernière et le second cette année : ce dernier avec, même, une participation hétéro. (voir IndigNation) Ce fut un grand succès, avec autour de 350 personnes.
L’autre idée qui me vint pendant Coming Out in Dialogue fut de travailler sur un livre composé d’histoires personnelles de coming out, avec les vrais noms et de vraies photos. Cette idée était le résultat des interactions avec les autres participants. Ca a pris plus d’un an, mais le livre est sorti le 23 août et il est maintenant en librairie. Ce n’est pas seulement une première pour Singapour, c’est une première en Asie. On y trouve 14 histoires de Singapouriens, gays et lesbiennes, et l’histoire de la mère de deux fils gays.
Dans un mail suivant, Clarence Singam précise que ce livre SQ21: Singapore Queers in the 21st Century est la sixième meilleure vente d’essais en ce moment sur l’Etat-île. [une interview, en anglais, avec deux des personnes présentes dans le livre.]
Quelques commentaires :
- Dans un état-nations formé d’une mosaïque de communautés reconnues (indiennes, chinoises, malaisiennes, indonésiennes…) une partie du mouvement gay choisit le registre rhétorique de l’appartenance à la mosaïque :
IndigNation is the Gay and Lesbian Pride Season in Singapore, reaffirming our participation in the intellectual and cultural life of this country, reminding all that we are as much a part of Singapore as anyone else.
source : IndigNationL’un des noms choisis pour le Gay Pride Month, IndigNation, mélange la colère ressentie face aux discriminations, la revendication d’indigénat, et l’appartenance à la nation…
- Le deuxième petit commentaire est lié au succès planétaire des identités gays et lesbiennes. Le coming out, la mobilisation collective, l’importation de termes anglais, la collaboration internationale (avec des activistes et des universitaires occidentaux)… contribuent à l’usage et la mise en pratiques de nouvelles identités. Le terme “gay” est ainsi utilisé, sans traduction, dans les langues locales. D’autres termes, locaux, plus anciens, qualifiant parfois la sexualité en fonction de l’identité de genre, sont remplacés ou déplacés.
Il y a toute une littérature sociologique ou anthropologique sur la mondialisation des identités homosexuelles [Rupture or Continuity? The Internationalization of Gay Identities, D. Altman – Social Text, 1996] mais à Singapour, on la touche du doigt.