La commission d’enquête sur les sectes…
J’essaie de suivre d’assez près la Commission d’enquête parlementaire sur l’influence des mouvements sectaires sur les mineurs. La qualité des interventions est inégale. Il s’agit pourtant d’auditions à l’Assemblée nationale, devant nos représentants élus. Cette commission a des buts normatifs : réformer ou proposer de nouvelles lois. Elles occupent le temps — et longtemps — de ces élus. L’on pourrait s’attendre à des échanges d’une qualité minimale (dans le raisonnement, les faits rapportés, les réflexions, les définitions). Un chercheur comme Sébastien Fath aurait pu être invité à y participer [en fait, ce ne sont pas des invitations, mais des réquisitions : l’on ne peut refuser de participer, une fois convoqué]. Des membres de mouvements visés par les parlementaires auraient pu être conviés.
Au contraire, on a le droit d’entendre un député (Jacques Myard) parler de “malversations sexuelles” (sic ??) et de pressions américaines (l’anti-américanisme de certain-e-s élu-e-s est important, et c’est un anti-américanisme fondé sur ce qu’ils conçoivent être des ingérences dans l’espace public national). Il a face à lui la présidente d’une association internationale, “Innocence en danger”, dont le discours, vous allez pouvoir le vérifier, est fondé sur des bases inégalement assurées :
Retenons une citation :
Bon, Tom Cruise, c’est la Scientologie, mais il y a une autre secte qui est extrêmement puissante aux Etats-Unis, c’est les évangélistes
Cette phrase devrait faire sursauter Sébastien Fath, à plusieurs niveaux : un petit sursaut (une question de termes : Homayra Sellier veut sans doute parler d’Evangéliques), un sursaut plus important (l’on parle ici en fait d’un mouvement religieux peu coordonné, certes en tension relative avec le monde contemporain, mais largement inscrit dans la modernité, ne prônant ni exclusivisme religieux absolu, ni socialisation séparée…), et enfin un sursaut jusqu’au troisième étage du “site Pouchet” (comparer les quelques milliers de scientologues et les dizaines de millions d’évangéliques en une seule petite phrase… c’est manquer de la plus élémentaire notion d’échelle).
Je ne suis pas tendre avec Mme Sellier. C’est avant tout parce que j’estime — me voilà fort normatif — qu’une audition, lors d’une commission d’enquête, ne doit pas s’appuyer sur des on-dits, des “j’ai vu un reportage à Envoyé Spécial”…
J’ai pas été témoin direct (…) Ce que je sais sur le mouvement des raéliens, c’est ce que j’ai lu. C’est un document extraordinaire qui a été tourné par une journaliste française…
Toutes les auditions ne sont pas aussi dénuées de fondement. Il y a eu “pire” (l’audition de l’AFSI). Il y a eu bien mieux : L’audition la mieux construite, j’en parlerai prochainement, provenait d’un ancien Témoin de Jéhovah qui avait une maîtrise étonnante du discours en public, une force de conviction et un raisonnement mesuré mais aussi très réflexif (peut-être dû en partie à une socialisation chez les TJ : lecture biblique, confessions publiques, evangélisation de trottoir, porte-à-porte aident à apprendre à parler en public).
Mais là, il faut laisser encore une fois la parole à Mme Sellier. Je n’ai pas essayé de sélectionner les passages les plus amusants :
L’on a ici non seulement une absence de compréhension des mécanismes d’adhésion et de croyance (les Raéliens ont des doctrines trop drôles pour être vraiment dangereux… Par comparaison qu’une vierge elle-même conçue “sans péché” puisse accoucher d’un sauveur miraculeux annoncé par une étoile… fait tout à fait sens, n’est-ce pas ?), mais la volonté de limiter fortement la liberté d’expression, au nom, bien sûr, des “enfants”.
L’on a donc, in fine, une sélection rigide d’intervenants (en provenance il est vrai de nombreux secteurs de l’Etat — juges, policiers… — du para-étatiques — associations reconnues d’utilité publiques et financées par subventions — et du secteur associatif). Mais une partie des intervenants semble avoir été sélectionnée par effet de réseau ou proximité personnelle plus que pour la qualité de ses recherches ou de ses analyses.
Je me demande bien ce que l’on pourra lire dans le rapport qui sera construit à partir de ces auditions…
2 commentaires
Un commentaire par AntoineD (25/10/2006 à 14:01)
C’est grâtiné.
Ça me donne envie de retourner à l’université, de peur d’être aussi imprécis quand je parle de quelque chose…
Un commentaire par Baptiste Coulmont (25/10/2006 à 14:37)
Je ne suis pas certain que l’université soit d’une grande aide. Ce genre d’audition peut prendre les auditionnés par surprise, s’ils sont peu préparés à l’exercice. L’enregistrement en direct, sans coupe, révèle plus que ce que l’on souhaite diffuser.