Journalismes, hindouismes
Avant-hier, je reçois ce mail :
Bonjour,
Je suis étudiant au centre de formation des journalistes, à Paris.
Je réalise un reportage sur les habitudes de consommation d’objets érotiques.
Je souhaite savoir si vous seriez disponible pour un entretien filmé avant demain 16h00.
Je serai en tournage ce soir dans une boutique “spécialisée”.
Pouvez-vous me rappeler au 06 ** ** ** ** aussitôt qu’il vous sera possible ?
D’avance, je vous en remercie.
Comme je demande à mes étudiants de réaliser des entretiens (cela fait partie de l’apprentissage du métier de sociologue), je me sens un petit devoir de répondre positivement à cette demande. Et je réponds “dès que possible” au mail (je dois être considéré comme un bon client, c’est le deuxième étudiant en journalisme de la même promotion qui me contacte).
Avant-hier aussi, je reçois ce mail en provenance de France2 (les demandes arrivent toujours par vague) :
Bonjour,
Dans le cadre d’un reportage sur Amma, la femme indienne qui parcourt le monde pour serrer les gens dans ses bras, je cherche un intervenant sur le thème de l’engouement pour ce genre de phénomènes en France. J’ai lu que vous étiez spécialiste des religions, et me suis donc dit que vous pourriez m’aider à replacer les pratiques d’Amma dans un contexte plus large. Le reportage serait diffusé demain mercredi au 13h, merci donc de me contacter dès réception de ce mail si vous êtes intéressé…
A bientôt
Je suis toujours flatté quand des journalistes s’adressent à moi — vanité… — encore plus quand elles ont lu mon blog, et doublement quand ce sont des travaux d’autres personnes qui ont été remarqués. Ici, en l’occurrence, c’était la réflexion de Véronique Altglas sur Amma qui avait été appréciée. Dans ma réponse (immédiate, “dès réception de ce mail“) j’ai donc redirigé France2 vers la Professeure Altglas (en fournissant adresse, téléphones, mails)… qui n’a pas été contactée, semble-t-il. Pourtant Véronique est la spécialiste du néo-hindouisme occidental. Au lieu de cela, dans le reportage, on a droit à une étrange théorie psychiatrique rapprochant l’embrassade de la communion.
Amma en France [format Quicktime], reportage, journal télévisé, 1er novembre 2006
Dans ce reportage, ce que l’on ne trouve pas, c’est une critique d’Amma en tant que gourou, ou même la notion de “secte”. La personne apparaît suffisamment amusante, ou intéressante, exotique, pour que France2 et France3 y consacrent plusieurs reportages. Mais pas assez étrange ou menaçante pour mériter dénonciation.
Signalons, à tout hasard, et sans transition (mais par association), comme l’a mentionné Fabrice Desplan récemment, la mise à disposition des archives vidéo des auditions publiques de la commission d’enquête parlementaire sur les mineurs et les dérives sectaires, sur le site de La Chaîne Parlementaire : Archives vidéo des auditions de la commission d’enquête.
Je recommande l’audition de Nicolas Jaquette, ancien témoin de Jéhovah, qui explique ses capacités d’analyse (réelles) non seulement à partir d’un travail réflexif (la rédaction d’un livre autobiographique), mais parce qu’il a “toujours vécu en double personnalité dans la secte, parce [qu’il est] homosexuel, et que l’homosexualité est réprimée dans la secte…” Il démonte ensuite les multiples jeux avec la doctrine, l’engagement, le surinvestissement… qui devraient en intéresser plus d’uns (je pense à Jean-Marc – Gayanglican ou cossaw.
L’audition de M. Leschi du Bureau central des cultes, est aussi fort intéressante : elle a donné lieu à de vifs échanges et montre combien “l’État” est perclus de tensions et d’oppositions. S’il fallait ne regarder qu’une audition, c’est celle-ci qu’il faut voir.