C’est dans une thèse lue récemment “Selling sexual liberation: Women-owned sex toy stores and the business of social change” de Lynn Comella (“Selling sexual liberation…”, University of Massachusetts, 2004) que j’ai pris conscience de l’importance des grossistes (distributeurs, diffuseurs…) de sex-toys.
Depuis le milieu des années soixante-dix ont été fondés, aux Etats-Unis, des “women-owned sex toys stores” (magasins de godemichés tenus par des femmes). D’abord une poignée, puis, dans les années 1990, un nombre plus important. Lynn Comella montre bien comment le “modèle Good Vibration“, du nom d’un magasin de San-Francisco, inspire d’autres créatrices d’entreprises. Pas seulement parce que les unes et les autres participent, plus ou moins fortement, aux mêmes mouvements féministes “pro-sex“, mais aussi parce que Joani Blank, la fondatrice de Good Vibrations, distribuait et partageait facilement la liste de ses grossistes ou distributeurs, ses marges, ses résultats financiers, dans un esprit de sororité entrepreneuriale (a spirit of entrepreneurial sisterhood résume Comella). Le but principal de Blank n’était pas d’étendre son commerce, mais de promouvoir la naissance d’autres magasins — même concurrents — proposant la même philosophie : une libération personnelle par l’orgasme, une attitude “sex positive” et, in fine une forme de changement social.
Ces éléments étaient très important pour les fondatrices d’autres sex shops féministes (Toys in Babeland, etc…) qui ont ainsi économisé les années d’expériences accumulées par Blank. Cette dernière était même disponible comme experte, et, pour un honoraire, expliquait le fonctionnement de son magasin. Voici comment les fondatrices de T.I.B. racontent à Lynn Comella comment elles ont monté leur magasin, à Seattle :
“that day, Rachel called Joani Blank, the founder of the Good Vibration retail store in San Francisco, and said, ‘We want to consult with you because we want to open a business like yours'”
[Blank] agreed to consult with the pair for a fee of $75 (“That was the best $75 we ever spent bar none,” Cavanah would later tell me). Blank was encouraging, and assured them that any town of any size could support a store like Good Vibration. […] After almost a year of planning in which Cavanah completed a month-long, unpaid internship at Good Vibrations, teh pair opened their flagship store in Seattle.
Comella, Lynn, Selling Sexual Liberation, p.16
Récemment, j’ai compris aussi l’importance du processus inverse : pourquoi, concrètement, la faillite d’une entreprise de vente de sex-toys n’était pas nécessairement un coup porté au secteur dans son entier : une fois l’entreprise fermée, des concurrents ont contacté les propriétaires pour leur offrir de racheter leur stock, leurs adresses, leurs contacts.
Tout cela est — j’en ai conscience — un signe de mon peu de connaissance du monde du commerce, je devrais faire un MBA !
J’aurais pourtant pu comprendre l’importance de ces contacts, de ces listes, de ces “savoir-faire”, à la lecture des commentaires laissé à un tout petit billet sur le marché du sex shop, qui a attiré, depuis janvier dernier, de nombreuses personnes à la recherche d’informations sur l’ouverture d’un sex-shop, en ligne ou en “dur”. Dans mes réponses, j’essaie de produire une “fiche de synthèse”, et j’ai maintenant une belle liste de grossistes, de distributeurs et de fabriquants de sex-toys.
En prenant conscience de l’importance de ces informations, j’ai aussi compris que je pouvais, dans le cadre de mes recherches, en tirer partie : je pose quelques questions générales pour en savoir un peu plus sur le contexte des demandes (âge, niveau de diplômes, profession, fréquentation éventuelle d’un sex-shop…) en échange de mes listes ou de mes contacts. C’est pour cette raison que, pendant un moment encore, je ne rendrais pas publiques certaines informations très pratiques : c’est ma monnaie d’échange, et je souhaite que les personnes souhaitant créer des sex-shops me contactent.
C’est une manière un peu étrange de faire de la sociologie, j’en conviens [et me contactent principalement les personnes n’ayant aucun lien institutionnel, familial ou professionnel avec les sex-shops], mais je souhaite voir ce que cela donne.
Et comme nous sommes à parler un peu de commerce, voici, comme il se doit, les commentaires satisfaits de la croix vitafor mes conseils et mes listes…
1.
en 24 heures j’avais les réponses à mes questions. Avant toute chose je tiens donc à vous remercier pour votre réponse qui va me faire gagner un temps précieux. Pour satisfaire votre curiosité, je vais donc faire les présentations…
2.
Je vous remercie encore une fois pour votre aide précieuse.
En ce qui concerne votre demande, j’espère avoir répondu au mieux dans les lignes qui suivent (si vous avez besoin de plus d’infos n’hésitez pas)
3.
Je n’ai pas eu beaucoup de temps pour votre répondre. La vendeuse dont vous m’aviez envoyé le mail s’est avérée être un excellent contact et j’ai pu l’interroger la semaine dernière.