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Les billets de February, 2007 (ordre chronologique)

La nouvelle loi : Interdire les magasins à sex-toys !

Comme vous le savez, si vous êtes des lecteurs attentifs de ce blog, j’ai suivi depuis juillet la tentative de plusieurs parlementaires de faire passer une nouvelle loi visant à interdire les sex-shops. La commission des affaires sociales du sénat vient de préciser la portée de cet amendement à la loi sur la protection des mineurs (protection de l’enfance, officiellement) : il s’agit d’interdire les magasins vendant des “sex toys”.
Mais expliquons les choses dans le détail.
L’article 99 de la loi du 30 juillet 1987, depuis vingt ans, était rédigée ainsi :

LOI n°87-588 du 30 juillet 1987, Article 99
Modifié par Loi n°92-1336 du 16 décembre 1992 art. 284 (JORF 23 décembre 1992 en vigueur le 1er mars 1994).
Est interdite l’installation, à moins de cent mètres d’un établissement d’enseignement maternel, primaire ou secondaire, d’un établissement dont l’activité principale est la vente ou la mise à disposition au public de publications dont la vente aux mineurs de dix-huit ans est prohibée. L’infraction au présent article est punie de deux ans d’emprisonnement et de 200 000 F d’amende.
Pour cette infraction, les associations de parents d’élèves régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile.

Plusieurs points sont importants dans ces deux paragraphes. Tout est basé sur les “publications interdites aux mineurs” (et c’est le ministère de l’intérieur qui interdit). Le caractère “principal” de l’activité de l’établissement est aussi important (les kiosques, ainsi, ne sont pas menacés). Enfin, les “associations de parents d’élèves” peuvent seules porter plainte.
Comment est rédigé la nouvelle loi ?

L’article 99 de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 portant diverses mesures d’ordre social est ainsi rédigé :
« Est interdite l’installation, à moins de deux cents mètres d’un établissement d’enseignement, un établissement dont l’activité est la vente ou la mise à disposition du public d’objets à caractère pornographique. L’infraction au présent article est punie de deux ans d’emprisonnement et de trente mille euros d’amende.
« Sont passibles des mêmes peines les personnes qui favorisent ou tolèrent l’accès d’un mineur à un établissement où s’exerce l’une des activités visées au premier alinéa.
« Pour cette infraction, les associations de parents d’élèves, de jeunesse et de défense de l’enfance en danger, régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile. »

Les points importants sont les suivants : les “publications” ont disparu, mais les “objets à caractère pornographique” sont au centre. Un grand nombre d’associations peut désormais porter plainte. J’imagine que, parmi les “associations de jeunesse” l’on pourra trouver tout un tas de regroupements… puisqu’il n’y a a priori pas de critère officiel de définition.
Est-ce à dire que les députés et sénateurs s’inquiètent des sex-toys à proximité des écoles ? Réponse courte : oui !
Lisons, pour s’en convaincre, le Rapport n° 205 (2006-2007) de M. André LARDEUX, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 1er février 2007, que je vais décortiquer ci-dessous :

Article 3 ter (nouveau)
(article 99 de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 portant diverses mesures d’ordre social)
Réglementation de l’installation des établissements vendant des objets à caractère pornographique
Objet : Cet article, introduit par l’Assemblée nationale, vise à rendre plus sévère l’interdiction d’installation des établissements vendant des objets pornographiques à proximité des établissements d’enseignement.

Ça, c’est le titre du paragraphe.

I – Le texte adopté par l’Assemblée nationale
L’article 99 de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 portant diverses mesures d’ordre social prévoit une interdiction d’installation à moins de cent mètres des établissements scolaires pour les « sex-shops », ces derniers étant définis comme des « établissements dont l’activité principale est la vente ou la mise à disposition au public de publications dont la vente aux mineurs de dix- huit ans est prohibée ».
Cette définition comportait toutefois un défaut : en se fondant uniquement sur la vente de revues à caractère pornographique, elle ne permet pas de cerner l’activité réelle de ce type d’établissement. En effet, bien souvent, la vente de ce type de revues n’est pas leur activité principale car ils proposent également des vidéos ou encore des accessoires.

En effet, le sénateur Lardeux a raison, mais il ne précise pas que plusieurs décisions de justice ont passé outre : même s’il n’y avait pas comme caractère principal des publications interdites aux mineurs, la loi de 1987 s’est appliquée (à Rouen, Tribunal de Grande instance, ordonnance de référé du 17 juillet 2002, dossier n°02/00492 ; à Lyon, Tribunal de Grande instance, ordonnance de référé du 7 juin 2002, dossier n°02/01541 [plus d’infos ici])… Notamment parce qu’il y avait des cabines de projections pornographiques.

C’est la raison pour laquelle le présent article modifie la définition des établissements interdits d’installation à proximité des établissements scolaires, en visant non plus la vente de revues mais la vente d’objets à caractère pornographique, couramment appelés « sex-toys ». Cette nouvelle définition devrait empêcher les établissements de contourner l’interdiction, en arguant du caractère non majoritaire de leur activité de vente de revues. Elle permet également de lever le doute quant à l’inclusion ou non dans cette réglementation des kiosques et des libraires qui consacrent une partie de leur activité à la vente de revues érotiques. (je souligne)

Donc les sex-toys sont bien visés, explicitement, par cette loi. Et c’est peut-être la première fois que cette expression apparaît dans un texte parlementaire. J’entends ici les promoteurs de ces nouveaux magasins (Amours, délices et Orgues à Paris, Lilouplaisir à Montpellier, Rykiel Woman, Yoba, 1969… et autres, comme Les nuits blanchessur myspace) dire que leurs sex-toys ne sont pas pornographiques… Ces échoppes avaient en effet choisi d’utiliser le terme “sex toy” plutôt que godemiché (ou gode ou godemichet…) ou vibromasseur (vibro…) afin d’ôter à ces gadgets leur caractère pornographique, afin de “faire sortir” ces objets des sex-shops et de les requalifier comme objets de plaisir. Apparemment, les députés et sénateurs ne sont pas au courant de cette volonté de distinction symbolique. En revanche, ni les oeuvres complètes de Mapplethorpe, ni le kiosque du quartier vendant Union ou Swing ne sont concernés… Les parlementaires mettent ici l’accent sur une définition changeante de la pornographie : leur but n’est pas vraiment de protéger les mineurs d’une exposition à la pornographie (sinon les kiosques et les librairies seraient visés), mais de les protéger de ce qu’ils appellent les “objets pornographiques”, qui seraient du ressort des sex-shops.

Par ailleurs, pour renforcer la protection des mineurs en la matière, cet article s’attache à rendre plus sévères ces conditions d’installation des sex-shops, en portant de cent à deux cents mètres le rayon d’interdiction d’installation pour ce type d’établissement.

J’ai montré, dans un billet récent, il y a une semaine, que cela faisait bien plus que “rendre plus sévères les conditions d’installation” : cela interdit en pratique ces établissements à Paris.

Enfin, si la peine encourue est inchangée (deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende), elle est étendue aux personnes qui favorisent ou tolèrent l’installation des ces établissements : les associations de protection de l’enfance, dont le texte précise par ailleurs qu’elle conservent le droit de se constituer partie civile pour ce type d’infraction, pourront se retourner contre un maire qui n’aurait rien mis en œuvre pour éviter l’installation ou faire fermer un établissement de ce type dans le périmètre d’exclusion d’un établissement scolaire. (je souligne)

Cela est fort intéressant, et pourrait conduire les pouvoirs politiques locaux à une action proactive, en essayant d’empêcher l’installation de tels magasins avant même que des associations portent plainte ! Certains maires avaient déjà commencé, comme à Houilles, cela va les conforter (Houilles, affaire complexe, première partie et deuxième partie).

II – La position de votre commission

L’on s’attend là, de la part du parlement, à un sursaut de bon sens…

Votre commission est naturellement favorable à toute mesure qui permet d’améliorer la protection des mineurs contre la pornographie.
Elle constate d’ailleurs que les dispositions de cet article complètent utilement celles de l’article 17 du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance qui prévoit notamment une interdiction d’exposer à la vue du public des vidéos à caractère pornographique, sauf si le lieu où elles sont exposées est explicitement interdit aux mineurs.
Il convient toutefois de souligner que le présent article ne sera applicable qu’aux installations qui interviendront à compter de la publication de la loi. En effet, le principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère interdit aux juridictions répressives de faire application de ces dispositions aux établissements implantés dans la zone géographique désormais exclue, c’est-à-dire dans un rayon de cent à deux cents mètres des établissements scolaires.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d’adopter cet article sans modification.

Le principe de non-rétroactivité, dans ce projet, est sauvegardé (on a vu, il y a quelques années, des propositions de loi essayant de prévoir une indemnisation pour les sex-shops obligés de fermer). Tout laisse entendre, donc, que cette loi sera acceptée par le sénat la semaine prochaine…
Il sera très intéressant de voir quels seront les conséquences pour des magasins de gadgets ou de lingerie qui s’étaient mis, relativement récemment, à vendre des “sex-toys”. Il sera aussi intéressant d’essayer de repérer les répercussions médiatiques : l’action des élus du peuple apparaîtra-t-elle comme ridicule ou pleine de bon sens ?
 
Si vous avez lu jusqu’ici, alors vous serez certainement intéressé par Sex-shops, une histoire française, mon livre (sortie le 20 avril), écrit avec I. Roca Ortiz (une liste de diffusion existe, à laquelle vous pouvez vous inscrire).

Tintin et le droit du travail

Ce n’est pas aussi profond que les livres de Pierre Bayard, mais c’est amusant :

Tintin et le droit du travail, par Jean-Marie Michel Lattes.
[…]
Nestor est, lui aussi, un personnage incontournable de la saga Tintin . Il incarne un représentant exemplaire des domestiques de haut niveau tels que l’on peut encore les trouver dans les palaces traditionnels. En permanence à l’écoute et au service de ses maîtres, il semble corvéable à merci et cela jour et nuit . Nul doute qu’un contrôle de l’inspection du travail à Moulinsart serait redoutable pour le capitaine Haddock ! En effet, si on trouve dans le Code du travail la définition d’un statut spécifique à l’intention des employés de maison présentés comme « des salariés occupés par des particuliers à des travaux domestiques » (Art. L. 772-1), ils n’en demeurent pas moins sujets de droits malgré les particularismes de leur activité. La Convention collective nationale « des salariés du particulier-employeur » du 24 novembre 1999 précise ainsi que ces professions s’exercent au domicile privé de l’employeur – ce qui est bien le cas de Nestor résidant permanant de Moulinsart – pour effectuer des tâches de maison à caractère familial ou ménager sans que l’employeur ne puisse en retirer des moyens lucratifs. La Convention précise, en outre, que le salaire peut être mensuel ou horaire, à temps plein ou à temps partiel.
Si les modalités de recrutement et de rémunération de Nestor sont difficiles à déterminer, on peut cependant s’interroger sur le respect par ses employeurs des règles régissant le respect des durées maximales de travail. Nestor semble présent en permanence, jour et nuit et cela même en l’absence de ses maîtres (L’Or noir). La Convention collective de la profession prévoit, en effet, un temps complet de 40 heures (horaire d’équivalence), les heures supplémentaires étant décomptées à partir de la 41ème heure d’activité. L’article 6 de la Convention réglemente par ailleurs le travail de nuit et les congés payés sont attribués dans les conditions du droit commun. Le risque de sanction pénale du capitaine semble sur ce terrain plus qu’évident.
Enfin, l’incompatibilité des règles de protection des salariés contre les risques relatifs à l’hygiène et la sécurité avec la vie d’un domestique côtoyant un héros de type Tintin devrait permettre à Nestor d’exercer son droit de retrait .

(On regrettera que l’auteur, maître de conférences à l’université de Toulouse, ait choisi un système de blogs perclus de publicités… Les publicités ont disparu…)
Dans le même ordre d’idée, les tintinophiliaques liront avec intérêt :

Société et droit international dans « Les aventures de Tintin », de Serge Sur
[…]Quelle perception expriment-elles de la société internationale et du droit qui s’y applique ? Comment les personnages, et surtout Tintin, se situent-ils par rapport à eux, quels sont leurs jugements et attitudes ? Questions à la fois très limitées et très vastes, compte tenu de la diversité des situations qu’elles intéressent et de la multitude des exemples qui les illustrent. On ne prétend nullement épuiser un sujet dont on ne peut aborder que quelques aspects, ceux qui paraissent les plus marquants, qui dominent perceptions et attitudes. Quant aux perceptions, elles sont clairement pessimistes. Elles montrent une société internationale fragmentée, inorganisée, conflictuelle, sans règles – bref un tableau du désordre. Dès lors, les éléments de régulation, spécialement juridiques, sont absents, résiduels ou inopérants. Quant aux attitudes, souvent illustrées par les comportements du personnage éponyme, elles sont certes actives, mais dans un registre limité. Ni révolutionnaires ni même réformistes, elles ne reposent sur aucune projection normative.

D’autres juristes (droit du commerce ? pénalistes ?…) se sont sans doute aussi intéressés à Tintin…

Les petits liens utiles du lundi (1)

D’après phnk et ses petites choses (mais ce n’est pas copié, ses petites choses sont du mardi, mes petits liens du lundi) :

  • Télérama, dans un article intitulé “Garantis incollables“, s’interroge sur les universitaires “experts” à la télévision : “Une épidémie de grippe folle en Tchouvachie ? Vite, un spécialiste ! Universitaires à la parole facile et au savoir tout-terrain, ils sont la providence des plateaux. Mais sont-ils toujours crédibles ?”…
    En appui à leur enquête, la parole d’un expert : « Les médias ont toujours fonctionné par une alternance de phases de peur et de sécurisation, explique Denis Muzet, sociologue et auteur de La Mal Info. Qu’il s’agisse de la grippe aviaire ou de la vache folle, la télé sollicite des experts pour alerter, puis d’autres pour rassurer. »
    On n’est jamais si bien servi…
  • Christian Vanneste, après avoir proposé une loi uniquement destinée à son amnistie personnelle s’imagine économiste et propose l’instauration de la TVA sociale. Pour éconoclaste : “On est vraiment face à une proposition de loi aberrante : elle est anticonstitutionnelle (car contradictoire avec les traités européens) aux effets présentés de façon incompréhensible et erronée, reposant sur une logique défaillante.”
  • Mary Stevens, doctorante britannique, étudie en France les musées et la “cultural diversity”, les problèmes de la mémoire sociale (elle semble partiellement halbwachsienne, ce qui est bien).
  • Affaire de l’ENS, suite : On ne peut plus résumer l’affaire, il faut se reporter aux anciens et récents billets de Phersu. Mais, suite à une lettre ouverte dans Le Monde, signée par de prestigieux archicubes et alii, suite à la constitution de “collectifs” (malheureusement souvent anonymes, comme ce collectifbiblio), Jean Jaurès est déterré [via bibli-ens] :
    “Jean Jaurès est le pseudonyme d’un certain nombre d’archicubes, proches de l’école, qui souhaitent la voir sortir de cette paix armée qui s’est installée.”
    Jean Jaurès souhaite-t-il une “guerre ouverte” de préférence à cette “paix armée”… Oh… pauvre mémoire…
  • Romain G. m’avertit que le sociologue Jean-Claude Kaufmann est interviewé par Madame Figaro :
    « Comment sortir de ces micro-guéguerres du quotidien ?
    – Bouderies, rires, vengeances secrètes ? Chacun a sa manière de refroidir l’émotion… La bouderie, attitude féminine très sage, permet, en tirant le rideau de fer, de ne pas aller trop loin dans l’explosion et de ne pas commettre l’irréparable. Les hommes, toujours champions dans l’art de l’esquive, se mettent à fuir ou à rire (« Oh, allez, ça n’est pas grave ! »), ce qui fait flamber l’irritation féminine ! »
    Le résultat d’un programme de recherche sur les agacements conjugaux.

Mise à jour : Affaire de l’ENS encore : Une femme à abattre, tribune libre de Monique Canto-Sperber dans le journal Le Monde :

Les règles qui font la dignité du milieu universitaire exigent de n’avancer des faits qu’après les avoir vérifiés et de fonder ses analyses sur des arguments précis, et non sur des rumeurs insultantes. Les signataires de cette tribune ont voulu briser mon honneur professionnel, mais en la publiant ils ont porté atteinte à l’honneur du monde académique en son ensemble.
Dans un univers de pouvoir sans frein, une femme qui se trouve, et agit, là où l’on ne voudrait pas qu’elle soit, est marquée au fer rouge, puis bannie. Le temps de pareils verdicts est révolu, je l’espère.

Critiquer la religion ? Critiquer l’ignorance !

Je me suis réveillé en sursaut ce matin en entendant, dans le “Dossier de la rédaction” de France Info, cette prise de parole de “Carine Marcé du Département Stratégies d’Opinion de TNS Sofres”, qui nous explique pourquoi “Les Français” n’apprécient pas que l’on critique “La Religion” :

Il faut se rappeler par exemple des débats qu’y a pu y avoir au moment de la constitution en 2005 sur le fait de rattacher ou non le catholicisme, euh… à la constitution. C’est quelque chose qui a été écarté, mais en France, en fait, il y a toute une partie de la population qui, effectivement, alors qu’on vit depuis deux siècles, dans une république laïque, aurait souhaité effectivement que cette constitution fasse référence en fait à la religion catholique. Ca montre, si vous voulez, qu’effectivement, la France est un pays où la religion garde une place importante.

Lien vers la rubrique de France Info : dossier de la rédaction (format realmedia).
Vous allez me dire que la journaliste de France Info a corrigé ces erreurs énormes. Mais non, écoutez le reportage, la journaliste n’y a entendu que du feu (la Rédaction entière de France Info, puisque cette rubrique s’intitule “le dossier de la rédaction”, n’y a vu que du bien et du bon).
Le “rattachement du catholicisme à la constitution” ??? Il n’en a jamais été question, ni dans la constitution européenne (il y a eu des débats sur les racines chrétiennes, mais pas du tout sur le “rattachement au catholicisme”), ni dans aucun débat sur la constitution française. De quoi parle Carine Marsé ? (Confondrait-elle chrétiens et catholiques ? le tout pour la partie ? “rattachement” et “référence” ?)
Mais la pire des erreurs, c’est, pour un institut de sondage, de produire des chiffres censés parler de laïcité et de l’état de la laïcité en France et d’employer des personnes, qui, à la presse, vont essayer de faire croire que la France est une république laïque depuis deux siècles. Passons sur Napoléon (qui ? mais oui, le président Napoléon de la Première république !), sur Charles X, sur Louis-Philippe (très laïques, ces républicains, très “Jules Ferry”), sur Napo 3 (“12% des Français le classent parmi les hommes de l’année”)… et même, sur, par exemple, 1905 et la loi de séparation ? (séparation de quoi ? vite, un sondage TNS-SOFRES : 100% des Carine Marsé pensent qu’elle date de deux siècles)…
Je les invite, toutes les deux, à recruter par exemple l’un(e) de nos étudiant(s) de Paris 8 ou à venir suivre mon cours d’introduction à la sociologie des religions, qui se tiendra, dès fin février, à l’université Paris 8, tous les vendredis, de 18h à 21h (et j’invite aussi Nicolas S., qui doit faire un exposé sur l’Aïd, à revoir sa copie, dans laquelle se sont glissées quelques petites erreurs quant aux lieux sacrificiels).

Presses et sources

Dans l’une des scènes de Men in Black, l’un des men (agent K) montre à son partenaire la source d’information principale concernant les extra-terrestres : Weekly world news, un hebdomadaire enquêtant sur Batboy, la vie actuelle d’Elvis, ou les poltergeists de la piscine municipale…
Paris Paname est, dans le monde réel, aussi sous-estimé que Weekly world news. Des recherches rapides font remonter l’hebdomadaire gratuit de petites annonces à 1978. Le concurrent direct, Paris Boum Boum (devenu, en 2004, Top Annonces) est aussi intéressant. Je connais peu de travaux de sciences sociales à s’être appuyées sur ce qu’offrent ces hebdomadaires (à part les recherches de Liliane Kuczynski sur les marabouts africains de Paris).
Je n’ai pas eu la patience, par exemple, de compter dans Paris Paname les publicités pour les sex-shops et leurs évolutions (graphiques et rhétoriques) sur trente ans : un travail ingrat, mais probablement rentable, si l’on voit ce qui est publié chaque semaine actuellement :
C’est d’abord un habitué de la presse populaire, les éditions Concorde, que l’on va trouver, par exemple, régulièrement dans Ici Paris :
Paris Paname Concorde
Mais ce sont aussi des magasins parisiens locaux :
Paris Paname Private
Paris Paname hotesseCe magasin, est-ce révélateur ?, se présente comme un centre de divertissement pour adultes, mais aussi comme un centre de relaxation et de détente dans l’annonce ci-contre. Autant de termes qu’il faudrait mettre en relation avec ce qui pouvait être au coeur des publicités du tout début des années 1980.
Paris Paname B-rootEnfin, je ne résiste pas à la reproduction de l’annonce hebdomadaire de John B. Root, “garçons s’abstenir”.
La répétition, sur plusieurs dizaines d’années, d’annonces de ce type dans la presse gratuite, dans des hebdomadaires à grand tirage mais destinés aux classes populaires et donc peu lu par d’autres, constitue la base d’une “démocratisation” de la consommation pornographique. Probablement beaucoup plus efficace que la rhétorique démocratique des nouveaux promoteurs des “sex toys”, qui, loin de “démocratiser” l’usage des godemichés, les font probablement entrer dans les modes de consommations publiques d’autres classes sociales.

Les réclames colorées des petits commerces du sexe

Sex shop nirvana meaux publicitéDans un billet précédent, j’affirmais l’intérêt d’une lecture suivie de Paris Paname, l’hebdomadaire gratuit de petites annonces, pour une histoire sociale des sex-shops. Je vais ici poursuivre le même courant de pensées en portant mon regard sur Top Annonces et Paru Vendu. Ces deux hebdomadaires se partagent en partie le marché français : le premier avec quelques 177 éditions locales, le deuxième avec plus de 260. Chaque semaine, ce sont plusieurs (dizaines de ?) millions de lecteurs. Leurs sites internet sont très bien construits : si vous habitez Fontainebleau et que vous souhaitez vendre votre voiture, en passant des annonces dans les éditions de Melun, Chelles ou Meaux, vous pouvez aisément vérifier que les éditions locales ont publié votre annonce. Les hebdomadaires locaux sont téléchargeables (en version PDF, page à page).
Corsaire coquinJ’ai donc passé quelques heures à accumuler les publicités pour les sex-shops régionaux et communaux : de Brest à Strasbourg, de Dunkerque à Perpignan, le petit commerce du sexe fait sa réclame. Paru-Vendu et Top Annonces ne semblent pas avoir de politique générale d’interdiction de ces publicités, même s’il semble y en avoir un peu plus fréquemment dans Paru Vendu
La “Saint-Valentin” est l’occasion de publicités spécifiques. « Soyez original, pour la Saint Valentin, venez à l’Xtreme Center”, “la saint valentin arrive, osez le cadeau sexy”, “Osez l’originalité du cadeau sensuel”… à lire ces publicités, l’originalité est problématique : s’il n’est apparemment pas original — pour un sex-shop — de s’emparer de la fête des amoureux pour promouvoir son activité, il reste — du point de vue de ces magasins — toujours original pour d’éventuels clients d’acheter leurs objets.
La vie en rosePour cela, Xtrême Center offre un cadeau (si vous achetez plus de 50 euros), le sex-shop de Saintes (“27 ans d’expérience à votre service, discrétion, confiance et convivialité”) offre « un cadeau sexy et sucré », le Cupidon fait 10% de réduction (sur les gadgets), le Liberty’s 20% (sur tout le magasin), le Corsaire Coquin (de Saint-Malo) propose simplement des “spécial cadeaux Saint Valentin”. Le discours de Planete X, “la planete de tous les plaisirs”, est plus élaboré : « Pensez Cadeaux, Pensez Sex’Rigolos… » Mais l’on ne sait pas trop à quoi correspondent ces cadeaux. Mises à part quelques culottes légères, les produits ne sont pas photographiés (ils peuvent être décrits par leur marque : “Fun factory”…).
Libertys DouaiUn autre axe structure ces annonces commerciales. Les cadeaux de la Saint-Valentin s’emportent à la maison. Le reste du temps, la consommation se fait sur place : “salles vidéos permanentes, rencontres avec espaces intimes”, “Espace libertin dont un spécial couple, gratuit pour couples et femmes seules”, “le seul et l’unique sur la région projection sur écran géant”, “cabines individuelles”… les publicités insistent sur le sex-shop comme lieu de pratiques sexuelles (individuelles ou collectives). Certains magasins, enfin, servent d’interface entre consommateurs : nous vendons des revues échangistes, disent plusieurs publicités.
Sex shop publicite angoulemeSont absents de cette collection de publicités les sex-shops qui ne disposent pas de magasins “en dur”, de même que les magasins qui ne vont pas offrir DVD et cabines de projection, mais uniquement lingerie et “jouets”, et qui vont choisir d’autres supports pour leurs réclames saisonnières, par exemple le magazine “S’Toys” [un magazine “féminin chic et coquin” décrit ici, , ou encore là bas et tout là bas, et ici, ici aussi, ici, ou enfin ].
Les quelques réflexions présentes ici sont impressionnistes (au sens faible du terme) et il conviendrait de comparer dans le temps plusieurs collections composées de manière cohérente.
Publicités pour des sex-shops - 2007La sélection de publicités concerne les villes de : Mulhouse, Colmar, Geisposheim, Lille, Strasbourg, Orléans, Meaux, Lyon, Villeurbanne, Douai, Lattes, Montpellier, Perpignan, La Valette (?), Sarreguemine, Rochefort, Angoulême, Avignon, Saint-Servan, Saint Malo, Bordeaux, Kehl, Tours, Dijon… Lien vers un fichier JPG contenant 27 publicités.

Interdire les sex-shops : le débat au Sénat

J’ai essayé de suivre les débats au Sénat autour de l’Article 3-ter de la loi sur la protection de l’enfance, qui interdit l’installation les magasins vendant des “objets à caractère pornographique” (c’est à dire des “sex toys”) à moins de 200 mètres des établissements scolaires. Voici l’extrait des débats. Attention, c’est court (cela commence par la discussion de l’article 3-bis et ensuite celle qui nous intéresse, l’article 3-ter) :
image sénat
Le débat au format Quicktime

Pour en savoir plus sur cette loi, c’est ici : “Interdire les magasins à sex-toys”.

Le nouveau Tigre

Le TigreLe Tigre, après un temps de repos (mais le tigre ne dort que d’un oeil, et il a le sommeil léger), sort de sa tanière : d’abord quotidien, sur internet, à partir de demain 15 février, et fin mars, mensuel, en kiosques.

Petites choses intéressantes du dimanche, publiées le vendredi

Toujours sans copier phnk (il en est au volume 46…) :

  • Eklektik, doctorant, fait part de ses difficultés à obtenir de son directeur de thèse une présence minimale :

    Comme je compte m’inscrire à la biblio de science-po pour avoir accès à de la documentation sur la Russie, j’ai besoin d’une attestation de mon directeur de thèse. Or celui-ci ne répond jamais à mes mails (des amis connaissent la même situation), je suis donc allé today à sa permanence, il était pas là, il n’y a d’ailleurs plus d’horaires de permanence affichés (génial). Parti donc voir la secrétaire du département, qui m’a expliqué qu’il lui a interdit désormais de donner des attestations en son nom aux étudiants… Elle ne peut rien faire, ne l’a pas vu depuis belle lurette, ne sait pas s’il est sur Paris. Déja ya quelques mois, j’avais besoin d’une lettre de recommendation pour postuler à une bourse de mobilité mais il n’avait pas répondu aux mails et le délai de dépôt de dossier avait expiré… génial.

  • Jean Baubérot connaît les blogs, mais il réinvente aussi le flux RSS :

    Plusieurs internautes qui ont mis ce Blog parmi leurs “favoris” me signalent que, lorsqu’ils cherchent à savoir s’il y a de nouvelles Notes sur le Blog et qu’ils cliquent, ils sont renvoyés à d’anciennes Notes de la rubrique “Actualité”… comme s’il n’y avait pas de Notes depuis longtemps. Je leur indique
    […] que s’ils ont des difficultés à parvenir à ces Notes, il leur suffit d’aller sur Google, de taper “Baubérot” et là, dès le début de la première page, ils ont (en vert) la référence du Blog, ils (elles) cliquent et (normalement) trouvent la dernière Note.

    Il a déposé le brevet 2007-BH255461X concernant le baubéRSS (XML-transitional-àlamain).

  • L’ouvrage de l’ancien président de Paris VIII, Pierre Lunel, Fac, le grand merdier ? circule, en version PDF scannée (un peu comme le Grand Secret de Gubler en 1996), de mail à mail autour de l’université. Extraits :

    Le bureau présidentiel est un cadre pittoresque, tout entier recouvert de bois, ce qui m’apparaît vite oppressant. Il faut transformer cela. Le service général, qui dans les universités comprend une flopée de corps de métier (menuisiers, peintres, etc.), se met en quatre pour me satisfaire. Rien à ce moment-là n’était assez beau, ni assez rapide, pour le nouveau président. Cette redécoration complète du bureau, quel qu’en soit le résultat esthétique, déplaît à certains, considérant que je dilapide le « patrimoine familial » à des fins personnelles. (…)
    Je m’empresse d’adresser un courrier au personnel IATOS pour lui signifier à mots couverts que c’est l’hôpital qui se fout de la charité, et que puisqu’ils attachent tant d’importance aux sorties budgétaires, il est temps pour tous de faire des économies. Après tout, ce n’est pas difficile d’éteindre la lumière en
    sortant d’un bureau, d’une salle de cours ou d’un amphithéâtre, de fermer un robinet, ou d’éviter d’appeler des téléphones portables pendant des heures à partir de postes fixes.

    La semaine prochaine, je vous donnerai à lire les pages où Lunel donne des conseils de mode et de coiffure au monde enseignant… Et là, c’est l’hôpital tout entier — avec les cliniques privées — qui se moque de la charité.

  • Mon collègue Claude Dargent, professeur au département de sociologie (c’est la même personne que ce Claude Dargent là) est candidat socialiste à la députation, dans le 15e arrondissement. A la pointe du progrès, il propose à l’écoute ses podcasts participatifs, sur son blog.
  • Ai-je bien lu ?

    Le vendredi 16 mars 2007 la Fête des Fous aura lieu à Paris 8.
    Mais qu’est ce que c’est ? Tous vos projets les plus frappadingues sont les bienvenus ! Tout le monde peut proposer son animation, quelle qu’elle soit sur toute la fac, par exemple un spectacle, une expo, un atelier…
    La fête sera aussi l’occasion de se déguiser, de changer le quotidien. La fête de fous, une fête dont fous [sic] êtes le héros.

    Sans doute… sans doute

  • Toujours à Paris VIII, le professeur Pierre Bayard (littérature française) écrit un livre destiné à apprendre à parler des livres qu’on a pas lu. Je ne l’ai pas lu, mais je suis certain que c’est tip top ! (J’en ai lu d’autres, des Bayard). Sur France2, Philippe Tesson n’apprécie pas. Cela donne le mauvais exemple :

    Les premières pages de Comment parler des livres qu’on n’a pas lu sont sur le site des Editions de Minuit. Toutes les autres pages sont sur amazon.fr. Les journalistes adorent ce livre. Enfin un universitaire légitimant leur pratique professionnelle ?

Chose utile : Actes de la recherche en sciences sociales sur persee.fr

La revue Actes de la recherche en sciences sociales — l’une des plus importantes revues de sociologie française — qui était déjà en partie sur cairn.info est maintenant entièrement en ligne (1975-2003) sur persee.fr.
Ce sera l’occasion, pour de nombreux collègues, de relire calmement certains articles. Parmi mes préférés : La constitution du champ de la bande dessinée de Luc Boltanski (dans le numéro 1.1 de 1975).

Commissions de spécialistes

Cette année, si j’ai bien compris, les “commissions de spécialistes” de l’enseignement supérieur sont révisées et élues pour les quatre ans à venir. Ces commissions importent, ne serait-ce que parce qu’elles sont responsables des recrutements (les candidates sont évaluées par les “com’ de spé”). Elles sont souvent accusées — à raison ? — d’être les bastions verrouillés du mandarinat sclérosé [et masculin], les tenants corrompus du localisme effréné :
Ainsi Petits crimes contre les humanités de Pierre Christin commence-t-il par une scène, il est vrai criante de réalisme, mettant en scène un candidat et une commission :

Alors qu’il s’éloignait vers l’escalier, Simon aperçut les lunettes scintillantes d’espoir du dernier candidat, qui ouvrait respectueusement la porte de la salle aux tables en U, et il devina une sorte d’onde bienveillante, comme une odeur de bonne cuisine se propageant jusque dans le couloir. Chacun des membres du jury savait d’avance, tout en pensant de lui pis que pendre, que ce bafouilleux binoclard serait adoubé haut la main. Celui-ci pouvait donc faire son entrée dans le petit cénacle sans avoir rien à redouter, sauf cas d’aphasie totale, et encore. […]
Quelques récits plus ou moins objectifs – voire subtilement destinés à déstabiliser ceux dont le tour n’était pas encore venu – avaient filtré dans le corridor où la quinzaine de candidats, pour la plupart fraîchement débarqués de la gare par le bus à soufflets, attendaient par roulement, près de la machine à café indisponible.
Il y avait eu l’inévitable passe d’armes théorique entre les modernes et les anciens parmi les membres du jury. Avec ce paradoxe fatigant que les enseignants entrés dans le sérail vers les années 70, alors tout nimbés d’avant-gardisme conceptuel et se faisant un plaisir de disqualifier la pensée universitaire à l’ancienne, avaient eux-mêmes vieilli sur place et faisaient désormais figure de rabâcheurs aux yeux des nouveaux venus. Les anciens modernes étaient devenus anciens tout court mais les nouveaux modernes ne se piquaient pas pour autant de modernisme, ce qui rendait les échanges assez confus. Le malheureux auteur d’une recherche sur la littérature ouvrière dans le Nord-Pas-de-Calais qui en avait fait les frais ne voyait d’ailleurs toujours pas en quoi la querelle le concernait, mais avait bien saisi que ses chances de décrocher le poste en étaient sorties ruinées.
[…]
Il y avait bien entendu eu les questions concernant la résidence sur place, questions à la tonalité en principe bienveillante, voire familiale, mais en réalité destinées à écarter les intrus, à moins qu’il ne s’agisse d’abréger les douleurs de ceux qui n’avaient vraiment aucune chance tant leurs travaux étaient nuls (chose ne se disant jamais de face). Nous voyons sur votre dossier que vous avez déjà deux enfants et que votre épouse (époux) travaille dans le privé?
[…]
source Petits crimes contre les humanités (achetable sur amazon.fr) de Pierre Christin

L’on trouve, sur certains blogs, des sortes de conseils renforçant cette impression :

tu peux toujours réseauter pour avoir un rapport de force favorable au sein de la com’ de spé. y a pas des mandarins prêts à te soutenir? […]
je ne sais pas comment c’est dans ton domaine, ou dans cette université en particulier, mais en général, en France, tu ne t’en sors pas tout seul…
Asbel

…et aussi sur le site du Sénat, qui avait, il y a quelques années, rendu un rapport qui laissait la parole à des témoignages reçus par mail :

le problème majeur est qu’avec la meilleure volonté du monde, une commission de spécialistes ne peut même pas choisir un candidat non local quand le profil affiché pour le poste prolonge trop précisément les activités d’un laboratoire local : les étudiants issus de ce laboratoire seront forcément les mieux placés pour occuper un tel poste. Il faut donc travailler à contrôler les profils des postes en diminuant leur précision (aussi bien en termes de laboratoire d’affectation que de thématique de recherche).
source : senat.fr

Mais, dans toutes ces descriptions, le processus de composition des commissions est passé sous silence. Ce sont des commissions “en fonction” qui sont décrites. Il serait peut-être intéressant de comprendre comment ces commissions sont élues, même si j’ai peu d’information à ce sujet.
Il n’empêche, ces procédures ne sont pas sans générer quelques tensions. Et cet exemple, assez récent, dans une université que je ne nommerai pas, en donnera illustration :

À l’attention des personnels enseignants
Cher(e)s collègues
Le Bureau de l’Université du ** février 2007, après le Conseil d’Administration restreint du ** février, a été saisi d’un certain nombre de difficultés concernant le dépôt des listes pour les élections aux Commissions de spécialistes prévues pour le ** février 2007.
Des dysfonctionnements ont conduit à un traitement inégal entre collèges électoraux et sections disciplinaires.
En conséquence, dans la mesure où des recours ont d’ores et déjà été introduits et en raison de risque de multiplication de ceux-ci, le Bureau a proposé au Président de prendre la décision d’annuler la procédure en cours et de reporter les élections.
J’ai donc décidé de retirer l’arrêté du ** ** ** et de promulguer un nouvel arrêté portant convocation pour un nouveau scrutin.
Vous trouverez en annexe ces deux arrêtés ainsi que le nouveau calendrier fixant les dates successives des opérations électorales.
Conscient des inconvénients divers qui sont susceptibles de résulter de ma décision, je reste néanmoins convaincu de la nécessité de garantir la sécurité juridique des élections.
Persuadé de votre compréhension,je vous adresse mes salutations les plus cordiales.

Les “recours” mentionnés sont-ils des contestations au tribunal administratif ? On remarquera en passant que ces recours semblent fréquents dans les élections universitaires (il y en a parfois dans les élections aux conseils d’UFR)… mais semblent peu fréquents pour contester les décisions de recrutement que font les commissions de spécialistes (un révélateur des inégalités, sans doute).
J’ai bien conscience que ce billet n’est pas très dense, et qu’il y aurait plus à dire des commissions de spécialistes et de leurs élections. Je laisse les commentaires ouverts et accueillerai avec joie d’autres descriptions.

Quand un sex-shop sur internet entre en bourse – ou presque

Récemment, une entreprise de vente de sex-toys sur internet, qui souhaite ouvrir son capital, a déposé un document à l’Autorité des marchés financiers. Long document, de 172 pages, comportant des éléments intéressants : Document de base DreamNex (PDF). Je regrette n’avoir aucune formation en gestion, ce qui me permettrait de mieux saisir la structure et la profitabilité de l’entreprise.
Je vais donc me limiter à quelques citations. Commençons par un petit graphique proposé par DreamNex dans ce document :
Sexy Avenue
Il n’est pas clair, dans le “document de base”, si est décrite ici la répartition des volumes de vente ou une répartition des achats. Les données portant sur la clientèle sont basées sur des déclarations (et doivent être soumises au doute).
Mais ce qui m’intéresse le plus tient au discours financier : il s’agit, dans ce document, de convaincre l’Autorité des marchés financiers et de futurs investisseurs. Les auteurs du “document de base” oublient donc tout ou partie du discours publicitaire destiné à la clientèle :

La marge pratiquée sur les produits est élevée : 70% sur la plupart des rayons. […] DreamNex peut profiter de marges élevées tout en proposant des prix compétitifs, en comparaison avec les boutiques traditionnelles type sex-shops. En effet ces derniers pratiquent des prix très élevés, avec des marges pouvant atteindre 90%.
DreamNex peut se considérer relativement à l’abri du phénomène grandissant de chasse aux bas prix sur Internet, induite par l’utilisation de plus en plus courante des moteurs de recherche. En effet les produits vendus sur SexyAvenue ne se prêtent pas à ce type de recherche : chaque boutique érotique propose des produits assez différents et dont les noms changent d’un site à l’autre, rendant la recherche et la comparaison difficiles.
Un autre grand avantage de ce type de produits réside dans leur stabilité et leur faible obsolescence. A la différence de marchés comme le high-tech par exemple, les produits ne sont jamais obsolètes, et sont pour la plupart proposés sur le site pendant plusieurs années. Certaines références sont ainsi présentes depuis l’ouverture du site. Cette caractéristique rend suffisante une équipe réduite pour la gestion de l’offre produits, et limite les risques de rupture et d’invendus. Lorsqu’un produit est arrêté, il reste simplement en ligne jusqu’à ce que le stock soit épuisé.

Le cynisme de ces remarques (marges élevées, difficultés pour les clients de comparer les prix d’objets similaires, absence de progrès technique) destinées aux investisseurs tranche avec le discours des réclames habituelles, qui insistent plus sur l’épanouissement personnel ou conjugal qu’apporteraient certains achats.
Parallèlement à la vente d’objets, DreamNex / SexyAvenue propose aussi le visionnage de “contenu” (vidéos pornographiques), et c’est ce qui constitue le bras armé de cette entreprise (les ventes de godes, de vibro, de lingerie et autres n’ont représenté que 20% du chiffre d’affaire) :

[L]es contenus sont regroupés dans une centaine de « chaînes » différentes, classées par type de pratique sexuelle ou par type de modèle et acteur, couvrant l’essentiel des thématiques dans ce domaine : amateur, top modèles, filles du monde, gadgets, grosses poitrines, filles entre elles, fetish, hentaï, etc…
[…]
Les coûts d’achat de contenu sont faibles par rapport au chiffre d’affaires, la marge brute sur la vente de contenu étant de 95.2% en 2006.
[…]
La vente de contenus a représenté 81 % du chiffre d’affaires en 2005 et 80 % au 31 décembre 2006.

Une telle profitabilité a été remarquée par Renaud Dutreil :

En Mai 2006, DreamNex est distinguée par le ministre français des PME et reçoit le titre de « Gazelle », la désignant comme l’une des entreprises les plus performantes de France.

(il me semble, à lire le site du ministère des PME, que la dénomination de “Gazelle” ne désigne pas directement une entreprise “performante”, mais une entreprise dont mon condisciple Renaud Dutreil a remarqué le “potentiel croissance”).

Mais l’internet ne fait pas tout. Les méthodes classiques de vente par correspondance semblent intéressantes :

Malgré sa position forte sur les ventes de produits pour adultes via Internet et la croissance de ce média, la société estime que sa marge de progression la plus importante pour la vente de produits réside dans la diffusion d’un catalogue papier. Après deux premiers catalogues annuels réalisés en interne, la société va passer à une fréquence de 4 catalogues par an, plus des opérations promotionnelles. Avec ces outils de vente la société va pouvoir recruter des nouveaux clients dans la presse, sous la forme d’offres de commandes de catalogue gratuit, qui a fait ses preuves dans de nombreux domaines de VPC.

Et la délocalisation des petits producteurs de godemichés menace (si tant est qu’il en restât plus d’une poignée en France) :

DreamNex prévoit de faire fabriquer directement en Chine une sélection des gadgets et de lingerie parmi les produits les plus vendus, ce qui devrait permettre d’améliorer la marge substantiellement. Une fabrication en Chine va impliquer des commandes plus importantes, le stock pouvant atteindre 1 an de vente, ce qui reste un risque mineur, étant donné que ces produits ont une très longue durée de vie et des prix stables.

Création de catalogues papiers, fabrication de sex-toys en Chine : à la virtualisation des premiers jours succède, pour cette entreprise, une sorte de rematérialisation.
Les petits sites de vente sont considérés comme des “possibilités de croissance externe” (des entreprises à racheter). Le succès des uns fait celui des autres.

Le marché du charme sur Internet est constitué de nombreuses petites sociétés souvent très rentables, que leurs dirigeants ont parfois du mal à faire évoluer vers un stade industriel. Ainsi limitées dans leur croissance, ces sociétés deviennent des cibles potentielles.

Est-ce une particularité des sites vendant de la pornographie matérielle ou visuelle ?

Litiges avec des abonnés : à la date du présent document de base, aucun litige significatif n’est survenu avec des abonnés ou des clients, autre que les litiges concernant les impayés. Dans 95% des cas, les transactions impayées ont bien été réalisées par le porteur de la carte, qui n’a pas été utilisée frauduleusement par un tiers, contrairement à ce que prétendent ces abonnés. Une procédure de recouvrement est donc mise en place systématiquement.

En bref : un document intéressant, une petite “étude de marché” donnant à voir comment une telle entreprise se présente publiquement aux investisseurs.
Mais, comme le conclut une dépêche de l’agence Reuters :

Seduction is no guarantee of sex appeal to investors, however.
Europe’s biggest sex shop operator, Germany’s Beata (sic) Uhse, which floated in 1999 at over 13 euros a share, has seen its shares fall 25 percent in the past year to 4.75 euros. It issued a profit warning after its warehouse became flooded.
In 2002, Spanish pornography firm Private Media dropped plans to issue shares in Frankfurt when institutional investors resisted the temptation of stock in the company.
source

Virilisme et automobile

La voiture a longtemps été un symbole masculin. Si bien que, comme pour la chirurgie ou la profession d’avocat, l’on connaît le nom de la première femme à avoir obtenu un permis de conduire : « la Duchesse d’Uzès, la première femme au monde à avoir bénéficié d’un permis de conduire… » (dixit ce site). Que ce soit vrai ou non ne change rien : entre mécanique rutilante et crasse du mécanisme interne, la voiture, le camion, la camionnette ou le quatre-quatre furent longtemps, de fait, des territoires réservés.
Il n’en va, évidemment, plus de même aujourd’hui. Il est même probable que, comme pour la réussite scolaire dans le secondaire, les femmes décrochent plus fréquemment que les hommes le permis de conduire. Les grosses voitures ne sont pas épargnées, et il n’est peut-être pas de meilleur exemple que les Etats-Unis, où Hummers et autres petits tanks sont conduits aussi bien par des hommes que par des femmes. La voiture, mais aussi le pick-up, finissent par devenir des équivalents symboliques de la matrice originelle : les conducteurs et conductrices y passent un temps important, ils s’y sentent bien, l’aménagement y est organique
En bref, la voiture est dévirilisée.
Cela explique peut-être l’émergence de testicules artificiels attachés à l’arrière des voitures les plus susceptibles de virilisation, les Truck Nutz, Truck Nuts, ou Truck Balls
Truck Nuts - USADes voitures qui en ont… Il était difficile de reviriliser plus explicitement ces automobiles, même si le résultat est un peu ridicule. On ne peut exclure un certain humour potache à vouloir ainsi animaliser son véhicule (qui transparait fort bien sur le site de ce fournisseur), et surtout, à donner à voir à ceux qui suivent un spectacle peut-être humiliant — pour celui qui regarde (similaire à ce rituel d’humiliation, le teabagging).
Les oppositions à l’exposition de fausses parties privées se sont donc faites entendre : Fake Private Parts Are No Joke, Myers Says titrait, récemment, le Washington Post : un député du Maryland, les trouvant vulgaires et immorales, cherche à légiférer et interdire leur utilisation (House Bill 1163).

His bill would prohibit motorists from displaying anything resembling or depicting “anatomically correct” or “less than completely and opaquely covered” human or animal genitals, human buttocks or female breasts. The offense would carry a penalty.
traduction partielle : Son projet de loi cherche à interdire aux automobilistes d’exposer ce qui ressemble ou représente des organes génitaux humains ou animaux, des fesses humaines ou des poitrines nues féminines, qui seraient “anatomiquement correctes” ou “incomplètement couvertes ou opacifiées”.

“Nettoyons nos rues, pour nos enfants”, dit-il plus loin dans l’interview.
La revirilisation automobile est donc une initiative contestée : il est probable, avec ces “truck nuts” — sex toys paradoxaux — que l’automobile soit définitivement sortie de l’empire masculine.

Recrutements universitaires (session 1 – 2007)

Au journal officiel ce matin, l’arrêté du 16 février 2007 sur les postes de professeurs et l’arrêté du même jour sur les postes de maîtres de conférences ouverts au recrutement.
En sociologie, je compte 40 postes de MCF dont un fléché “Université Paris-VIII : sociologie du travail : 0210 S.” à Paris 8.
mise à jour : en consultant cette liste, un cher camarade commente : « quelle déprime : tous les postes sont à moustache… »

Mise à jour :
1- mes conseils de rédaction de CV analytique pour les commissions de spécialistes ;
2- les petits arrangements

Pour ne plus confondre Amish et Mormon

« Les Mormons, c’est ceux qui n’ont pas le téléphone ? »… Non, ce sont les Amishs (du moins dans l’imaginaire populaire) … Et l’on me pardonnera de proposer ce clip du Weird Al Yankovich :

As I walk through the valley where I harvest my grain
[En marchant dans les vallées où je récolte le blé]
I take a look at my wife and realize she’s very plain
[Je regarde ma femme et voit qu’elle est plain (“sans apprêt” (théol.), mais aussi : moche (vulg.), opposition avec “vallées” du vers précédent : complexe]
But that’s just perfect for an Amish like me
[Mais c’est parfait pour un Amish comme moi]
You know I shun fancy things like electricity
[Tu sais, j’évite les fantaisies, comme l’électricity]
At 4:30 in the morning I’m milkin’ cows
[A 4 h du matin, je trais les vaches]
Jebediah feeds the chickens and Jacob plows… fool
[Jébédiah nourrit les poulets et Jacob laboure]
And I’ve been milkin’ and plowin’ so long that
Even Ezekiel thinks that my mind is gone
I’m a man of the land, I’m into discipline
[Je suis un homme de la terre, j’aime la discipline (le clip laisse sous-entendre une forme de “discipline” particulière)]
Got a Bible in my hand and a beard on my chin
But if I finish all of my chores and you finish thine
[Si j’achève mon travail et si tu finis le tien [“thine” (arch.)]
Then tonight we’re gonna party like it’s 1699
[On s’amusera ce soir comme en 1699]
We been spending most our lives
Living in an Amish paradise
I’ve churned butter once or twice
Living in an Amish paradise
It’s hard work and sacrifice
Living in an Amish paradise
We sell quilts at a discount price
[On vend des patchwork à prix réduit]
Living in an Amish paradise
[On vit dans un amish paradis]

A local boy kicked me in the butt last week
I just smiled at him and I turned the other cheek
I really don’t care, in fact I wish him well
‘Cause I’ll be laughing my head off when he’s burning in Hell
[Je rirais bien quand il brûlera en enfer]
But I ain’t never punched a tourist even if he deserved it
An Amish with a ‘tude?
You know that’s unheard of
I never wear buttons but I got a cool hat
And my homies agree
I really look good in black… fool
If you come to visit, you’ll be bored to tears
We haven’t even paid the phone bill in 300 years
But we ain’t really quaint, so please don’t point and stare
We’re just technologically impaired […]

Encore moins politiquement correct, ce I’m Fat du même Weird Al est un bonheur visuel et auditif.
Weird Al Amish ParadiseCette image, extraite du clip “Amish Paradise”, bien que censée susciter le sourire, me fait immanquablement penser à une autre forme d’hybridité musicale et religieuse, Matisyahu, le musicien et chanteur reggae-juif hassidique.