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Les billets de March, 2007 (ordre chronologique)

Belles vaches et brebis égarées…

L’ego-googlage est amusant, mais avec Google Books il est possible de Googler ses ancêtres :
Concours de la plus belle vache
François Coulmont a donc reçu — il y a longtemps, un prix au concours de la plus belle vache. Dommage que ni les archives familiales, Cure coulmontni Google Books, ne conservent de photo (ou de gravure) de la bête en question.
Mais cet extrait de L’Ami de la Religion est plus amusant : il célèbre le curé de Saulzoir, près de Cambrai, qui arrive à faire abjurer une poignée de « protestans »… [Ils étaient peut-être membres d’assemblées locales étudiées, cent cinquante ans plus tard, par Sébastien Fath.] Il faudrait renoncer à la raison pour n’être pas Catholique, nous dit-on… Curé zélé que cet aïeul : “En moins de trois ans, le zèle éclairé de ce jeune prêtre a ramené dix-huit brebis égarées.”
Plus sérieusement, Google Books commence à devenir un point de départ intéressant pour l’histoire du XIXe siècle.

L’organisation du marché et les salons de l’érotisme

Erotix, Erotica Dream, Eropolis, Erotissima… les « salons de l’érotisme » sont des sex-shops itinérants qui s’arrêtent quelques jours dans les préfectures (et parfois les sous-préfectures) provinciales.
L’origine — s’il fallait en trouver une — est probablement la “Sex Messe”, le salon du sexe de Copenhague, qui, à l’été 1969, européanise la diffusion des productions pornographiques scandinaves. Jean-Claude Lauret, dans La foire au sexe (Paris, André Balland, 1970), décrit longuement ce salon :

Rassasié de films, je visite les stands. Ceux-ci exposnt tout un matériel destiné à faire jouir, mieux, plus vite et plus souvent : préservatifs, vibromasseurs, bagues électriques, lingeries enfin, offrant aux utilisateurs toute liberté de mouvements et d’imagination. (…) On a beaucoup pensé aux dames. On peut imaginer que ces industries sont dirigées par des femmes PDG qui s’efforcent de fournir à leurs compagnes des substituts dont elles ont cruellement senti l’absence dans leur jeunesse. Nouvelles salutistes, elles oeuvrent ainsi pour le bonheur sexuel de la gent féminine…
Dans un de ses catalogues une firme déclare que « si la femme, durant l’accouplement, ne sent pass assez le pénis de l’homme, les condoms spéciaux proposés ci-dessu apportent dans la majeure partie des cas une aide exceptionnelle ».

Salon Erotisme ClermontCes salons se sont exportés en France, mais toujours sous une forme minimaliste : En 1994, le salon “Erotica 94”, qui s’est tenu à l’Aquaboulevard de Paris, n’avait qu’une quinzaine de stands. En 2007, le salon “Vénus”, avatar parisien du salon berlinois du même nom, est annulé. Mais ces formes minimalistes ont essaimé sur le territoire :

c’est la Province qui a permis le développement spectaculaire de cette grande foire itinérante du sexe. Normal à bien y réfléchir. Car des villes comme Rennes, Clermont ou encore Grenoble n’étaient jusqu’alors guère achalandées questions fantasmes si ce n’est par quelques sex-shops ravitaillés sur le tard et disséminés ça et là. La grande caravane du sexe, avec ses stars, ses strass et ses shows, y a donc trouvé un acueil des plus chaleureux.
source : Interconnexion, avril 2003

«En 2005, ce sont 16 salons qui tournent en France» déclare le directeur d’une des sociétés organisatrices :

L’idée est née en mai 2001, dans le Var. Erick Heuninck, Catherine et Jocelyn Quesne décident de se lancer dans une aventure commune… mais peu commune: créer des salons érotiques en France. Le premier est un spécialiste d’organisation et de gestion d’événements. Les deux autres, des strip-teaseurs professionnels.
source : Le Républicain Lorrain, jeudi 26 janvier 2006

Il faudrait, pour travailler sérieusement, réussir à compter le nombre de salons de ce typeest enant en France chaque année depuis 1970, à préciser leur localisation, à évaluer — par exemple — les articles dans la presse locale, afin de pouvoir repérer la place de ces formes commerciales et spectaculaires dans une géographie nationale de la sexualité. Parce qu’ils sont éphémères, temporaires, ils n’attirent opposition et formes de contrôle social que par moments… Mais leur circulation sur l’ensemble du territoire métropolitain a probablement quelques conséquences (en terme de diffusion d’informations par exemple). Reste à se pencher sur ces salons… Ce que je ne vais pas faire ici : ce billet est un simple collage d’extraits de journaux.
Ces salons permettent certes à un public d’accéder à un grand sex shop, mais c’est aussi, pour les commerçants (détaillants ou grossistes, ou encore fabricants), l’occasion de présenter leurs produits. Quand un salon se tient, en 2006, en Normandie, le journal local demande au patron d’un sex-shop local :

Que représente le salon pour vous?
Jean-Claude Hus: C’est un tremplin. L’année dernière, cela nous a permis de gagner 25% de clients supplémentaires. Ici, nous expliquons aux gens que nous sommes des professionnels. Nous planchons d’ailleurs sur des grandes surfaces de l’érotisme, des boutiques de 1.500 m2! Un peu comme le magasin Concorde à Paris. Il y a eu une polémique autour d’un sex-shop à Rouen dernièrement. Nous, nous sommes au coeur du centre-ville depuis 10 ans et nous n’avons jamais eu de problème.
source : Paris-Normandie, 12 septembre 2006

Avec les mêmes questions en tête, la Voix du Nord interroge le patron d’un fabricant de godemichés “en latex naturel”, à plusieurs occasions, en 2004 et 2005 :

Dès cet automne, le nouveau patron de Domax commencera la tournée des 350 sex-shops français mais aussi des salons de l’érotisme (« Berlin, c’est le summum ! »), seule opportunité de rencontrer son véritable public, écouter les doléances et remarques des utilisateurs. Assurer un véritable service après-vente en quelque sorte puisque, là un peu plus que chez d’autres fabricants, c’est bien le plaisir du consommateur qui est en jeu…
source : La Voix du Nord, Samedi 10 juillet 2004

Comme d’autres font les marchés, elle fait les salons érotiques «En France, en Belgique et même en Espagne.» Un peu comme notre industriel de Courcelles-les-Lens. «En terme d’image, c’est bien. Par contre, sur un salon on fait zéro euro de bénéfice.» L’emplacement se paie au prix fort (1500 Euro(s) pour lui à Erotica Douai). Les retombées seront pour demain.
source : La Voix du Nord Samedi 2 avril 2005

Les responsables de certains commerces de “sex toys” avec lesquels j’ai pu parler m’ont aussi signalé cette absence de bénéfices, le coût élevé de ces manifestations, et l’absence de correspondance entre les attentes du public et ce qu’ils proposaient à la vente…
La Voix du Nord semble adorer les salons de l’érotisme, et le quotidien les suit dans les villages les plus improbables :

Nicolas et Sandrine ne sont pas encore des habitués des salons de l’érotisme. N’empêche que le couple n’en est pas à son coup d’essai. Leur baptême, c’est au salon Erotica de Lille qu’ils l’ont effectué. Avec timidité puisque Nicolas a dû insister pour y emmener Sandrine. Hier, à Maing, c’est Sandrine qui a voulu venir. «En fait, la première fois, nous avons acheté des gadgets classiques comme de la lingerie coquine et des boules de geisha. Aujourd’hui, j’aimerais bien me laisser tenter par autre chose», confie la jeune femme. Quand on dit qu’il n’y a que le premier pas qui coûte…
source : La Voix du Nord Dimanche 26 juin 2005

Parfois, cependant, l’organisation de tels salons suscite l’hostilité : ils sont pornographiques plus qu’érotiques.

L’organisateur du salon, Luc Janssen, se défend d’avoir mis sur pied une manifestation hard. Et il met en avant les 80 % de visiteurs qui « viennent en couple ». Selon lui, « la France avait un sérieux retard sur l’ouverture d’esprit à l’importance du plaisir physique », alors que la Belgique (dont il est citoyen) organise 12 salons, la Hollande 20 et l’Allemagne 30.
source : Sud Ouest, Samedi 15 avril 2000

Le ton est plus léger, ironique, sur les chaînes de télévision locales. La semaine dernière, France3 Auvergne a suivi l’installation du salon de l’Erotisme de Clermont-Ferrand. “À Paris le Salon de l’Agriculture, 430 kilomètres plus au sud, un autre salon. Ici pas d’animaux, tout au plus quelques petits cochons…” déclare le journaliste.
Salon Erotisme Clermont
Reportage de France3 Auvergne – format Quicktime

Ailleurs sur internet

  • un diaporama sur le site de La Dépêche de Toulouse
  • customtaro à La Rochelle :

    Au début, il faut se faire à l’idée de voir du sexe partout et puis au bout d’un quart d’heure, on se prend au jeu et on fouille pour trouver de bonnes affaires en matière de vêtements, d’accessoires etc…
    Cela peut paraître choquant pour certains ce genre d’évènement mais c’est une sortie en couple assez marrante à faire.

Le Figaro sur Gallica

contre obesiteLe Figaro est enfin copieusement sur Gallica. Conformément à la tradition gallicanne, le tout est très difficile d’accès et de circulation… Mais bon, on y arrive, surtout quand on arrive à tomber sur la page de navigation par année :
Le Figaro, 1854-
On peut y lire, jour après jour, en 1905, les débats sur la loi de séparation des Églises et de l’État :
separation figaro
Vos crimes ? Vous avez brûlé Savonarole, Jean Huss ! emprisonné Galilé ! et favorisé mon adversaire aux dernières élections ! (dessin de Forain, décembre 1905, Le Figaro)
Interrogé par un journaliste du Figaro, un évêque déclare : “Un jour viendra où le peuple de France sera ingouvernable, parce que l’école sans Dieu, la mauvaise presse, qui flatte les grossiers appétits, et le suffrage universel qui les introduit dans la nation, auront supprimé toute autorité”
eveque separation figaro
Autres journaux :
La Croix (pour la fin du XIXe siècle) : Réaction à la Séparation :

M. Loubet a signé la loi de séparation (…) consommant définitivement le crime national qui vient de se commettre (…)

Charite La Croix antisemitesAu moment de l’Affaire Dreyfus, on remarquera, en permanence dans La Croix, dessins et articles antisémites. Ainsi cet extrait du 10 décembre 1898 :
 
« (…) une foule nombreuse avait envahit la salle, les marchands juifs occupaient le premier rang. Un grand nombre d’entre eux, montés sur les bancs, empêchaient le public de voir la vente. Les brillants, pierres précieuses, chaînes, etc. des victimes avaient été accaparées par les fils de la Synagogue (…) M. l’abbé Odelin (…) a voulu se rendre acquéreur d’un lot de chapelets(…) . Les juifs le lui ont disputé jusqu’à 41 francs…»
 
Or, argent, juifs malpolis (et recevant leur richesse de l’étranger… pire ! de l’Angleterre), pauvres “victimes” françaises dépouillées par les “fils de la Synagogue”… Cet entrefilet de La Croix conjugue en quelques paragraphes les stéréotypes les plus fréquents (avarices, avidité, absence de civilisation, inféodation internationaliste…).

Anthropologies du même, de l’autre et du similaire

En 1956, l’anthropologue Horace Miner (1912-1993) publie, dans la revue American Anthropologist, un petit article (moins de 5 pages) intitulé Body Ritual among the Nacirema [Miner, Horace M., “Body Ritual among the Nacirema”, American Anthropologist, 58:3, June 1956, 503-507 – Body ritual among the Nacirema en PDF].
Que celles et ceux qui n’ont pas lu cet article le lisent avant d’aborder la suite… “Spoiler Alert” !
Miner écrit en introduction :

Nacirema culture is characterized by a highly developed market economy which has evolved in a rich natural habitat. While much of the people’s time is devoted to economic pursuits, a large part of the fruits of these labors and a considerable portion of the day are spent in ritual activity. The focus of this activity is the human body, the appearance and health of which loom as a dominant concern in the ethos of the people. While such a concern is certainly not unusual, its ceremonial aspects and associated philosophy are unique.

Les lecteurs attentifs auront remarqué un usage puissant de termes objectivants (comme “ritual activity”, “ethos”, “ceremonial aspects and associated philosophy”… Les plus attentifs auront même remarqué que Nacirema, à l’envers, se lit americaN
J’ai découvert ce texte en lisant un article d’Alykhanhthi Lynhiavu publié dans la revue Multitudes l’été dernier [voir aussi ce texte]. J’ai d’abord cru qu’«Alykhanhthi Lynhiavu» était un pseudonyme, mais non…
Cet article, Nacirema : histoire d’un hoax en ethnologie est fort intéressant, mais commet plusieurs erreurs :

Dans ce canular qui dénonçait le refus de la diversité culturelle dans la démarche anthropologique et qui berna la fameuse revue American Anthropology, on ne sait précisément ni quand ni comment ni par qui l’imposture fut finalement révélée.

C’est parceque la “fameuse revue” n’a jamais été bernée : Miner avait, avant de l’envoyer à A.A., essayé d’y intéresser le New Yorker… Et l’éditeur de la revue ne cesse, dans l’introduction du numéro, de forcer le trait :
“Pendant toutes les années où nous avons assisté à la Cérémonie de l’Intichiuma que l’on appelle, dans notre jargon, le Annual Meeting, nous avons entendu, répété, ce débat autour de la fonction propre de la revue (…)” Et la même personne, quelques numéros plus loin (à la fin de l’année 1956) décrit, dans l’éditorial, l’article de Miner comme “un exemple individuel [de recherche] récalcitrant” à toute classification. Wink wink…. Horace Miner et Alan Sokal n’avaient pas les mêmes intentions…
De même : peut-on dire, simplement, que cet article “dénonçait le refus de la diversité culturelle dans la démarche anthropologique” ? On constate à la lecture que la démarche anthropologique proposée par Miner voit de l’Autre, de la Diversité, là où il ne devrait pas y en avoir, puisque c’est un “native” qui étudie des “natives” et que sa seule différence est sa culture anthropologique, qui lui fait voir le monde de manière “objective”. L’un des ressorts de l’article est de commencer par placer les Nacirema relativement à d’autres peuples, tous Indiens… et les lecteurs en concluent trop rapidement que les Nacirema sont, eux-mêmes, un certain type d’indigènes. Indigènes, ils le sont. D’un certain type, non.

Body Ritual Among the Nacirema peut alors être lu de plusieurs manières, ce qui en fait la richesse… et ce qui l’a fait devenir un “charmant petit classique” :

  • soit comme une critique de la mauvaise anthropologie (l’application immodérée de concepts tels que “magie” ou “rituels” à tout bout de champ), et dont on trouverait — si l’on souhaitait être injustement méchant — des exemples récents, dans Un ethnologue à l’Assemblée de Marc Abelès « tentative d’ethnologiser les députés français en usant des ressources habituelles à l’étude des sauvages » écrit Bruno Latour. C’est peut-être une forme de relativisme culturel qui est visée…
  • soit comme une critique de l’ethnocentrisme (l’application de ses propres schèmes de pensée, culturels, à d’autres sociétés et la croyance associée en leur supériorité) du type Lettres persanes, avec ceci de différent que c’est un auto-ethnocentrisme qui est à l’oeuvre (l’usage de catégories “modernes”, “scientifiques”, pour décrire — en le repoussant dans le “primitif” — le monde moderne) ;
  • soit — et c’est plus complexe — comme une critique du “grand partage” entre irrationalité rituelle et rationalité pratique : les Nacirema sont décrits comme de grands capitalistes (le marché est l’institution la plus importante) et, simultanément, de grands utilisateurs de magie pratique. Comment cohabitent, dans l’exemple fictif proposé par Miner, divers usages de la causalité ?

L’étude de Miner sur les Nacirema a donné lieu à plusieurs types de “suites” :
D’un côté, à quelques études qui appliquent le naciremisme aux anthropologues eux-mêmes (voir par exemple Walter Goldschmidt, “Clan Fission among the Ygoloporthna: A Study in Dysfunction”, American Anthropologist, Vol. 88, No. 1. (Mar., 1986), pp. 172-175.)

Mais aussi, étrangement, certaines “suites” se trouvent dans des études citant l’article de Miner non pas comme un canular, mais comme l’observation sensée de la société de spectacles corporels américaine (un point qu’Alykhanhthi Lynhiavu souligne dans son article) Est-ce seulement une blague, l’article de Miner ? Non, pas pour l’ensemble des anthropologues :

As Horace Miner’s 1956 paper on ‘Body Ritual among the Nacirema’ (‘American’ spelt backwards) clearly showed, body rituals were central to the rapidly expanding consumer culture of the most dominant western market society in the postwar era. In this context, individuals conducted the many rituals enacted on the body on a daily basis in the privacy of the bathroom ‘shrine’, as opposed to public ceremonies. Further, in contemporary consumer culture, dress, demeanour and cosmetics are important markers of lifestyle and social class. Consequently, women are constantly being invited to transform themselves by doing something to their bodies. This notwithstanding, the public signification of the body as a marker of the individual’s status, age, family, sex and tribal affiliation is more clearly symbolised in pre-modern societies, and anthropology in the nineteenth century started out by focusing on these sites.
source : Body, Dance and Cultural Theory, chp.1 (Palgrave ed.)

Enfin, et c’est de cette manière que j’ai, très récemment, utilisé l’article, Body Ritual among the Nacirema sert d’introduction à la “pensée sociologique”. Un article synthétise ces usages, Student Reactions to Horace Miner’s Body Ritual among the Nacirema, de Lynn Thomas, sans minimiser les problèmes d’interprétation que pose cette réflexion sur l’ethnocentrisme, le vocabulaire anthropologique, les faiblesses de l’un, les mécompréhension de l’autre…

Crédit photo

Dans le magazine Sciences Humaines (n°181, avril 2007) les oeils yeux (je fatigue) avertis découvriront, page 18, ce crédit photographique (ici grossi plusieurs fois) :
Crédit Photo SciencesHumaines
Pour comprendre les raisons de cette apparition mystérieuse… il faudra acheter le magazine Sciences Humaines.

Crédit photo (2)

Les raisons de l’apparition mystérieuse de mon nom en “crédit photo” dans le dernier numéro de Sciences Humaines sont explicitées dans cet article La morale du sex toy, de Xavier Molénat…
La photo illustrant cet article dans la version papier est celle-ci :
Une sorte de crèche dont les personnages sont des godemichés et des vibromasseurs (et autres plugs), en vitrine d’un magasin de New York, Babeland, prise lors de mon dernier séjour là bas.
Cette photo, déposée sur flickr en janvier, avait attiré l’oeil de l’illustratrice du magazine, le mois dernier :

Je suis rédactrice graphiste pour le magazine Sciences Humaines. Une de vos photos, “nativibraty” à New York m’intéresse pour illustrer un article sur les sex toys. Pouvez-vous m’indiquer vos conditions dd’utilisation et le fichier de la photo existe-t-il en haute résolution.
Merci bien (dead line le 16/02)

On trouvera, dans Sex-shops, une histoire française (à paraître en avril), d’autres photos de sociologues. J’ai utilisé deux photos prises par Alain Gi*** (voir ses photos brésiliennes sur flickr) à Pigalle et une autre par Marie Ménoret à Caen, en plus des miennes et d’une formidable façade immortalisée par un policier, et retrouvée aux Archives de la préfecture de police.

Les rebus divers du lundi

Ne sachant que faire de ces morceaux d’information sur les sex-shops, qui ne s’insèrent pas toujours dans un discours généralisateur et analytique, les voilà dans le désordre :
Le boulanger patron de sex-shop de Saint-Béat, après les journaux télévisés et le “Morning Café” de M6, se retrouve sur “Incroyable mais vrai” :

Le commentaire d’Eric Darchis.

En façade d’un sex-shop rue de la Gaîté (75014, Paris) : la description technique d’une cabine de visionnage.
Cabine rue de la gaité
Au Japon, une chaine de magasin s’empare de la masturbation payante : “Treasure Island” (Takarajima). Admirable Design, le blog de Masayoshi Sato, les décrit :

De l’extérieur cela ressemble à ces inombrables sex shops de tous les pays du monde. Mais les Japonais ne s’y trompent pas. La nouvelle chaîne à l’enseigne de Treasure Island (Takarajima) ainsi que des initiatives privées, sont réservées aux plaisirs solitaires. Même si la nuit (car c’est ouvert 24 heurs sur 24) vous pouvez vous y rendre avec votre meilleur (e) ami (e). Mais ce sera alors, deux fois plus cher.
L’intérieur est lui, très luxueux : des écrans plasma pour un fantasme sur grand écran, un fauteuil-relax massant de grand confort pour plus de volupté et des toilettes à cuvette or, pour le côté design bling bling !
lire la suite…

Une vidéo silencieuse : la visite du sex-shop de Saintes. Sur le site de ce magasin l’on peut lire :

Cinema sex shop saintes
Pour 10€, vous pouvez accéder aux 2 salles de cinéma (une salle hétéro et une salle gay) tout au long de la journée. 9 tickets achetées, la 10° et offerte. Si vous ne pouvez pas garder vos tickets, nous avons une solution simple et discrète.
Le cinéma permanent est gratuit pour les femmes et les couples hétéros

Un grossiste de sex-shop est soupçonné de détournement de fonds :

LE PARISIEN, 23 février 2007, (section Val D’Oise), Damien Delseny
Domont, Enquête financière autour d’un fournisseur de sex-shop
DE L’ABUS de bien social, du blanchiment d’argent, une société spécialisée dans la fourniture d’articles pour les sex-shops et une banque luxembourgeoise. Voici les quelques éléments d’une information judiciaire ouverte depuis plusieurs mois à Pontoise et qui vient de connaître un sérieux coup d’accélérateur. La semaine dernière, les trois membres d’une même famille ont été mis en examen par un juge pontoisien pour « abus de bien social », « banqueroute » et « blanchiment d’argent ». […]
Après la mise en examen de l’ancien patron de BB Distribution et de ses proches, l’enquête va se poursuivre pour évaluer avec précision l’ampleur des détournements. « Mais le dossier est déjà copieux, notamment en raison de certains articles saisis dans le stock de l’entreprise et placés sous scellés », sourit une source proche de l’enquête faisant allusion aux revues et gadgets variés plus habitués à nourrir les rayonnages des sex-shops que ceux des archives des tribunaux.

La rue Saint-Denis perdrait ses magasins traditionnels. Le Maire se réjouit (extrait du journal Métro, 22 février 2007) :
2007 02 22 metro saint denis sexshops

Le salon parisien de l’érotisme, Eropolis, est décrit dans Libération :

Salon Eropolis ce week-end au Bourget :
«Je suis en haut, je suis Madonna»
Salon Eropolis ce week-end au Bourget
Par Ondine MILLOT
QUOTIDIEN : samedi 17 mars 2007
Dix heures et demie, vendredi matin. Ciel gris plombé et hangar cafardeux du parc des expositions du Bourget. Entre deux vigiles armoires une petite bombe blonde fait des bonds. «Laissez-nous passer, on est les artistes !» Elle porte un mini corsaire en avance sur le printemps, une veste tout aussi rétrécie, une casquette noire avec des têtes de mort dorées. Amal, 25 ans, «professeur de danse et strip-teaseuse», fait depuis trois ans partie de l’équipe d’Eropolis, salon de l’érotisme itinérant. Après Marseille et avant Caen, Avignon puis Béziers, les voilà à Paris. «La plus grosse date», souligne Amal. Dans une demi-heure le salon ouvre ses portes, dans quarante minutes elle doit être sur scène. […]

SexyAvenue / Dreamnex, dont j’avais déjà parlé ici, est autorisé à vendre ses actions en bourse :

Sexy Avenue : quand le charme s’invite en Bourse, Marseille, Le Figaro, ALIETTE DE BROQUA.
Publié le 19 mars 2007, Actualisé le 19 mars 2007 : 08h3
La société DreamNex, qui exploite le site, est un vétéran de la vague Internet.
UN PEU de charme dans le monde de la finance… Le site Sexy Avenue.com prépare son entrée à la Bourse de Paris, sur l’Eurolist C. Arrivée prévue le 27 mars. En sept ans d’existence, ce sex-shop virtuel est parvenu au premier rang français des sites de charme. C’est à sa manière un vétéran de la bulle Internet.

Cours et bref

Thésard, une vie de loser, par Clarisse Buono, dans Libération aujourd’hui.

Qui a conscience de la façon dont se traduit la paupérisation des jeune surdiplômés aujourd’hui ? S’il est entendu que se lancer dans une carrièr de chercheur n’a jamais été une sinécure, le quotidien de nombreux jeune chercheurs de nos jours tient du sacerdoce.

[Qu’en pense Sans Objet ?]
[De Clarisse Buono a été publié récemment Félicitations du Jury]
L’éducateur et le photographe, par Jean-François Laé et Numa Murard, Mouvements, hier

D’un côté : L’insalubrité, le pauvre, l’enfant en famille ; de l’autre : les lieux de rédemption, le foyer pour célibataires : à Montréal, entre 1937-1955, la photographie renseigne la médecine et le travail social.
Tant en Angleterre qu’en France, aux Etats Unis qu’au Canada, le pauvre est, on le sait, l’objet d’une remarquable attention à la fin du XIXe et au début du XXe siècles. Fruit de l’industrialisation, cette figure se fragmente en autant de lieux que de milieux. Or, cette fragmentation des lieux se décuple avec la photographie, déjà très présente dans l’activité médicale et psychiatrique ainsi que dans l’ethnologie folklorisante des Indiens d’Amérique. Soudain l’image violemment montre l’insupportable.

Poste — poste à moustache, par Saskia Cousin, EspacesTemps.net… au sujet des recrutements universitaires :

Surtout, l’on ne peut que conseiller de conserver le sens de l’humour, bouclier indispensable en cas de situations désespérantes. Désespérantes mais non désespérées : il ne faut pas oublier tout de même que les bonnes surprises n’arrivent pas qu’aux autres, qu’il existe des postes imberbes (sans « moustache »), des commissions vraiment à la recherche d’un candidat qui recrutent d’illustres inconnus parce que leur dossier, leur motivation et leur audition remportent l’adhésion.

[Rappel : une discussion sur les moustaches des postes]
L’Énervé donne quelques conseils pour la constitution des dossiers de candidature aux postes de maîtres de conférences :

Appeler les gens. Un enseignant-chercheur est par définition rattaché à une composante d’enseignement (un département d’enseignement, une UFR, etc.) et à une composante de recherche (un labo). Les noms et les emails des responsables de ces composantes sont mentionnés dans la définition du profil, n’hésitez pas à les appeler.

Le même Énervé propose une série de conseils précis concernant la présentation analytique :

pensez à structurer votre CV! les rapporteurs risquent d’avoir beaucoup de dossiers à lire, en particulier pour les postes de maîtres de conf! un dossier bien présenté les disposera en votre faveur. Mon conseil:…

[C’est à lire en complément de nombreux conseils, parmi lesquels mes conseils concernant la rédaction des “CV analytiques”…]

Mise à jour : le commentaire de Sans Objet à la tribune libre de Clarisse Buono dans Libération.

Sexualité, politique et religion

Une des choses qui m’avaient surprises, lors de mon long séjour à New York, était l’omniprésence des publicités pour diverses églises (et synagogues) dans la presse gaie locale. Gay City News et le New York Blade (ce dernier moins fréquemment) avaient, chaque semaine, environ une page de publicité à caractère religieux. Mes séjours plus courts à Boston, Philadelphie, Chicago et Washington — et la lecture consciencieuse des informations LGBT locales m’ont convaincu qu’il ne s’agissait pas du tout d’un particularisme newyorkais. Religion et homosexualité n’étaient pas nécessairement contradictoires, gays et lesbiennes semblaient même, en partie, recherchés en tant que public ou fidèles potentiels.
JFCS - jewish - chicagoCette première image, par exemple, provient d’un des magazines gay de Chicago (le Windy City News ou le Chicago Free Press, je n’ai pas les références sous la main). Elle est destinée aux éventuels gay (lesbiennes bi ou trans) juifs à la recherche d’un lieu de prière… mais aussi d’un soutien communautaire. L’identité ici est presque plus ethnique que religieuse. Ce sont les “families” qui sont au coeur de l’action : la “communauté LGBT” n’est pas constituée que d’individus.
St marks nyA New York, St Mark’s Church est présente dans le Gay City News chaque semaine ou presque, sans toujours centrer ses publicités sur des références à l’identité gaie. Ici, dans une publicité de début janvier 2007, c’est même le Kwanzaa, le Noël noir américain, qui est mis en avant. L’Eglise épiscopale, à laquelle se rattache St Mark’s, est l’une des principales dénominations bourgeoises américaines : une dénomination presque aristocratique dans son recrutement social. Sa petite taille (quelques 2 millions de fidèles) cache une influence sociale plus importante (au travers, notamment, de sa richesse immobilière, des hommes et femmes politiques qui s’en réclament, ou des séminaires et instituts théologiques qui y appartiennent). En 2003, un prêtre gay — et hétéro-divorcé — a été élu évêque.
Inner Light - Washington DCA Washington, je me suis amusé à la lecture de cette publicité pour Inner Light Ministries (slogan : “I see GOD in you”). Grande métropole noire, D.C. compte visiblement au moins une église gaie noire afro-centrée : l’évêque Cheeks (dont on nous signale que c’est l’anniversaire, et que cette fête sera religieuse) se prénomme Kwabena et est paré d’atours Afro. “Inner Light Ministries” ne semble pas posséder de frontières théologiques précises : c’est un « Omnifaith outreach ministry dedicated to spiritual transformation » nous dit le site internet. Assemblée précaire, elle ne semble plus exister en 2007.
Voici donc trois exemples, rapides, trois vignettes cherchant à montrer combien, pour une partie du protestantisme, du judaïsme et du “new age” (comment mieux décrire Inner Light ?), certaines formes d’homosexualité on été « dépeccabilisées ».
politicians NYLes églises ne sont pas les seules institutions sociales à s’afficher dans la presse homosexuelle. Chaque année, fin juin pour la Gay Pride, et vers Noël, les femmes et hommes politiques locaux achètent des encarts publicitaires : “Joyeuses fêtes et Bonne année” nous disent ensemble (ils se sont côtisés) Tom Duane et ses collègues. Le NYPD, la police municipale (mais pas l’armée !), est aussi une acheteuse fréquente d’espaces publicitaires, en période de recrutement.
Les perméabilités sont grandes entre institutions à vocation “universaliste” (police, représentation politique, voire églises dans une moindre mesure) et celles dont la vocation apparaît à première vue comme particulariste. Nombre de Français tireraient à propos de ces exemples l’alarme du “communautarisme” (certains groupes constituent même cette dénonciation en fonds de commerce)… je les laisse crier au loup.

Papier toilette

Sur le site de l’université Paris 8 :
Marchés publics : fourniture de papier toilette : “date limite de remise des offres : 5 avril 2007 12h00” :

Le marché a pour objet la fourniture de
– Papier toilette
dont les caractéristiques sont décrites dans le document « liste et caractéristiques des fournitures » joint au présent règlement de consultation.

Vous êtes gentils, lecteurs, donc voici les caractéristiques demandées :

PAPIER MICRO GAUFFRE
(Par 96) BLANC Rouleau de 160 Feuilles

Ce n’est pas ça qui va sauver l’université française, mais c’est un début…

Genre et religion + séminaristes homosexuels

Les blogs universitaires ayant pour auteurs des sociologues des religions sont relativement nombreux en France (Sébastien Fath, Jean Baubérot, Fabrice Desplan, Yannick Fer…) Ils restent très masculins… et très protestants dans leurs sujets d’études. Cela sera peut-être un jour l’objet d’un billet de Béatrice de Gasquet dont les travaux universitaires et le blog portent sur les rapports entre genre et religion (flux RSS) et qui m’avertit que :

Le séminaire rabbinique américain du courant Conservative va accepter les étudiants homosexuels
A la suite d’un processus de réflexion approfondi et réfléchi, le JTS a pris la décision, qui prend effet dès ce jour, d’accepter les étudiant.e.s gay et lesbiennes qualifié.e.s dans son école rabbinique et dans son école cantoriale (hazzanout).
Cette décision a été prise trois mois après que le CJLS, Comité sur la Loi Juive de l’Assemblée rabbinique du mouvement Conservative a approuvé une teshouva (responsum) autorisant l’ordination de gays et de lesbiennes, amenant de ce fait le JTS à examiner cette question.

Béatrice de Gasquet et alii organise par ailleurs un atelier “Genre et religion”, dont la prochaine séance devrait intéresser quelques personnes : Prochaine séance de l’atelier EFiGiES « Genre et religions » jeudi 29 mars – Discussion collective sur le thème « Sexualité et religion : problématiques, terrains, méthodes »

Les «étranges pratiques»

Le Parisien affiché dans l'universitéHier, Le Parisien publiait, dans la rubrique “Faits Divers”, juste au dessus d’un article sur les aveux d’un violeur-assassin, quelques colonnes sur “Les étranges pratiques de l’ancien patron de la fac”. En quelques heures, les photocopies de l’article se retrouvaient affichées un peu partout, et des scans plus ou moins bien effectués envahissaient les boîtes à mail.
Cet article, apparemment bien renseigné (mais qui donc fait “fuir” les informations ?), mentionne “un contrat […] conclu en 2004 entre l’université et un cabinet d’audit sans appel d’offre, alors que le montant (plus de 100 000 euros) l’aurait exigé. Ce cabinet [était] dirigé par un enseignant associé de l’université”. Le Parisien mentionne aussi « le mystérieux rapport sur l’IUT », qui avait “mis en lumière des dysfonctionnements”… mais personne ne se souvient où ce rapport a été rangé.
« L’ancien patron » étant juriste je vais éviter un moment de recopier l’article.

Des gadgeteries (et des magasins de lingerie) pour des gadgets

Les godemichés ont-ils nécessairement besoin de magasins spécialisés ? L’opération symbolique et matérielle visant à ôter à une partie d’entre eux tout caractère licencieux — en changeant la couleur, par exemple — a-t-il rendu contingent leur lien avec les sex-shops. Au cours des dernières années, ce mouvement se percevait à travers l’ouverture de commerces qui refusaient la dénomination de “sex shops” mais axaient leur publicité sur la vente de sex-toys : des magasins ambigus souvent nommés “sex shops pour femmes”. Ces commerces de demi-luxe (ayant pour nom Yoba, Amours délices et orgues, 1969… Lilouplaisir à Montpellier, Olly Boutique à Lyon, Dulce à Bordeaux… Lady Paname à Bruxelles) restaient des endroits sexualisés : un signe le prouve, les petits panneaux interdisant le plus souvent l’entrée des mineurs.
Mais le processus de sortie des sex shops s’est poursuivi. Quelques sex toys, godemichés ou vibromasseurs d’un certain type, sont désormais présents dans les rayons de magasins “classiques”, non interdits aux mineurs, et dont la fréquentation n’entraîne ni perte de réputation, ni tache morale.
Durex Play MonoprixIl me semble, sans en être certain, que les magasins de farces et attrapes ont souvent eu en stock quelques objets en latex à usage orgasmique… mais les jouets pour adultes sortent aussi de ces magasins. L’illustration ci-contre a été prise dans un “Monoprix” parisien, où les voisins des préservatifs (d’ailleurs “texturés” et aromatisés) sont de petits vibromasseurs. Une chronique récente de Beaudonnet sur France Info (mars 2007), portant sur la “guerre du préservatif”, explicitait la stratégie des fabriquants, qui souhaitent faire de leurs produits des jeux “à valeur ajoutée” pour (jeunes) adultes, vendus bien plus chers que les objets simplement prophylactiques.
Les moyennes surfaces ne sont pas les seules à stocker des jouets sexuels. Des marchands de parfum avaient, il y a quelques années, commencé à vendre des canards vibrants. Mais j’ai pu prendre conscience, concrètement, au cours des derniers mois de plusieurs autres types de lieux de vente.
Une correspondante m’écrivait par exemple l’année dernière :

Je suis gérante d’une boutique d’accessoires de mode et de lingerie depuis 18 mois. Au préalable, j’effectuais de la vente à domicile de lingerie fine.
Je constate que les femmes (quelque soit l’âge ou la situation socio-professionnelle) sont des consommatrices laissées pour compte des sextoys. En effet, peu d’entre elles osent franchir la porte d’un sexshop ou lorsqu’elles le font, effectuent très vite un demi-tour. Et peu d’entre elles osent commander ce genre d’articles sur le net (peur d’une erreur d’un facteur, des enfants découvrant avant…).
C’est pourquoi elles me demandent de passer par ma boutique pour commander ces objets. Elles regardent les sites, me notent les références et je commande. La livraison se fait en arrière boutique et juste entre femmes.

Cette correspondante décrit ici un bel exemple de gestion du stigmate — cet attribut potentiellement discréditant. Le magasin de lingerie agit comme interface entre les vendeurs de godemichés et les clientes souhaitant minimiser tout risque pour leur vertu publique. Le patron d’un “sexy shop” destiné principalement à une clientèle féminine, du Sud de la France, m’avait aussi signalé que, en faisant le tour des magasins de son quartier pour annoncer son implantation, la gérante d’un magasin de lingerie lui avait dit avoir un moment stocké, en arrière boutique, quelques jouets pour adultes.
Une autre personne me décrivait, dans un mail, son magasin :

[P]our l’instant c’est encore une boutique de prêt à porter. J’ai mis de-ci de-là des huiles et des kits de séduction. Seule une de mes deux vitrines est travaillée avec des produits sexy… Je ne mets aucun vibro en rayon, ou en vitrine (sauf forme rigolote comme, le canard ou le rouge à lèvre vibrants…). Ils sont présentés sur demande de la cliente.
Pour le moment, et c’est quelque chose que je continuerai dans le temps, je propose des réunions à domicile (plus difficiles à mettre en place, puisque ça demande le concours de la cliente !). Et pour le coup, il s’avère que l’intérêt pour les objets vibrants, et la demande n’est pas du tout la même en boutique ou en réunion. Pour les quelques mois d’activité à mon actif, je reconnais qu’il faut du temps pour bousculer les vieilles habitudes, mais je suis optimiste quant à l’avenir…

Je lui ai demandé une photo, pour mieux comprendre son magasin (situé à Sainte-Maxime, dans le Var) :
Sainte Maxime - boutique Capucine - maximegirl (a) aol.com

Sainte Maxime - boutique  Capucine - maximegirl (a) aol.comma boutique prend forme! Je ne vous cache pas que j’avance un peu à tâton… Ne sachant pas trop comment m’organiser au début… Et ayant peur des réctions de mes clientes ! Mais bon, plus de peur que de mal, elles ont très bien pris les choses !
Il est vrai qu’au démarrage, ma boutique “Capucine”, n’était qu’une boutique de prêt à porter féminin et accessoires. Dans le métier depuis un bon nombre d’années, et avec la conjoncture actuelle, nous (commerçants) ne savons plus bien quoi faire pour séduire de nouveau notre clientèle. Alors pour arrondir tout d’abord les fins de mois, je voulais proposer des réunions genre “Tupperware”. Dans ma région c’est un peu difficile, les gens ne se reçoivent pas chez eux (appartements trop petits!), alors vu que Ste Maxime est un petit village, le bouche à oreille c’est fait vite, et par curiosité les clientes venaient me questioner au magasin.
[…] Les sex-toys quant à eux sont en réserve. Je les sors souvent mais uniquement sur demande… Ainsi pas de soucis pour les enfants ou clientes un peu susceptibles.
Un panneau annonce que je propose toujours les fameuses réunions. Dans peu de temps, je vais mettre un site en place, ainsi je pourrais garder le contact avec des clientes saisonnières (nos estrangers, comme on dit ici) ou peut-être toucher des personnes plus réservées.
Ayant essayé tous mes articles, je peux en parler très librement, et il semblerait que l’ensemble de mes clientes adhèrent… J’ai eu beaucoup de très bons retours. Et c’est très motivant. Je touche du bois, mais mes craintes d’être ennuyée par une population masculine, ou féminine, réticente se sont trouvées infondées !
[…]
PS: le mannequin en vitrine a un serre-tête avec des petites cornes rouges (ce qui explique la queue de diable!!!)

Dans ce magasin aussi, les jouets moins “innocents” que le canard sont hors regard. Un canard dont le camouflage, encore efficace il y a quelques années, semble devenir transparent : il me semble même que ces canards jouent ici le rôle d’annonciateurs. Si ces canards sont là, c’est qu’il doit y avoir plus derrière : moins un camouflage qu’un leurre, si l’on me permet de filer la métaphore cynégétique.
Les magasins de lingerie féminine ne sont pas les seuls à ouvrir leurs rayons aux sex toys. Diverses gadgeteries proposent, parmi la quincaillerie, les parapluies et les verres à cocktail, quelques vibromasseurs. En vitrine, là aussi, les canards. Plus loin dans le magasin, en haut d’étagères, quelques semi-phallii (phalla ?) colorés. Le Diablotin, à Dreux, m’écrit :
Magazin Les Diablotins Dreux

Je reprend contact avec vous pour vous donner des nouvelles de notre activité de sex toys. Nous avons fait rentrer quelques produits de chez fun factory et différents objets de chez Big teaze toys. Depuis l’implatation de sex toys dans le magasin je n’ai eu que deux remarques négatives et dans l’ensemble la clientèle trouve cela plutôt rigolo […]
La première réflexion est venue d’un de mes clients qui a demandé à une vieille dame dans le magasin si elle trouvait ça choquant. Les gens sont plus ouverts que l’on ne pense car elle a répondu d’un air amusé que non. Et la femme de mon client est revenue quelques semaines plus tard avec son bébé en poussette dans le magasin pour prendre des magnets.
La deuxième réflexion est venu d’une dame BCBG qui est entrée alors que je rangeais les sex toys et, surprise par mon activité peu commune, a dit à sa copine “Je crois que nous nous sommes trompé de magasin“. C’est tout, juste une réaction de défense face à une situation angoissante pour elle.

L’offre est grosso-modo la même dans un magasin parisien du Forum des Halles, qui propose un rayon “sexy” :
Objectica Rayon sexyLe magasin n’est en rien interdit aux mineurs (c’est une “gadgeterie”) mais les jouets phalliques sont placés bien en dehors de portée des enfants (voire même des grands enfants), à plus d’un mètre soixante de hauteur — au contraire des incontournables canards, à hauteur de client-e. La zone est rendue visible par un “SEXY” en néon rose (que l’on voit mal sur la photo).

Cette boutique, comme toutes les gadgeteries, propose un choix d’articles autour du thème “sexe”, pas toujours de très bon goût d’ailleurs : pâtes zizi, antistress en forme de seins ou de sexe masculin, etc.
Mais contrairement à la plupart de ces boutiques, l’enseigne (…) propose désormais une sélection de sextoys, principalement des fun factory et des Big tease toys, qui, par leurs couleurs et leurs looks rigolos, ne dénotent presque pas avec les figurines Titi ou Caliméro juste à côté.
source

D’autres gadgèteries proposent les mêmes produits.
Ce sont des gadgets spécifiques qui sont mis en vente dans ces magasins : vibrants mais non phalliques — attachables au pénis comme les anneaux vibrants — ou légèrement phalliques mais vert-fluo ou rose-bonbon. Ils sont nombreux à insérer la sexualité dans les filets de l’électrification.
Répondre brièvement à la question que je posais rhétoriquement en début de billet (des magasins spécialisés sont ils nécessaires ?) est donc possible : plus maintenant. Certains moyens d’accéder à l’orgasme, certains adjuvants des relations sexuelles, semblent trouver un espace commercial public, à l’extérieur de la catégorie juridico-administrative de sex-shop [rejoignant en cela d’autres adjuvants habituels — le lit, les coussins –, d’autres plus récents — le viagra, les contraceptifs]. Mais certaines frontières restent, au niveau micro-social, encore visible : certains jouets restent “en arrière-boutique”, d’autres hors de portée immédiate des clients. Le camouflage [dont j’avais plus longuement parlé ici] — revisité sous la forme ironique du canard annonciateur et non plus de l’appareil de massage facial — est toujours en partie présent.

Amazon m’aime ?

Ce lien donne chez moi des résultats étranges (enfin, pour être précis, un résultat attendu, et un autre plus étrange)…