Que trouve-t-on dans les sex-shops ?
Je serai, mardi 5 juin 2007, invité de l’émission de Brigitte Lahaie sur RMC «Lahaie, l’amour et vous». Le thème de l’émission : “Que trouve-t-on dans les sex-shops?”. [l’émission peut être écoutée ici] Intéressant à plusieurs titres. D’abord parce que ce n’est pas “qui trouve-t-on ?”, et que la discussion est ainsi, dès le départ, tournée vers les objets et les techniques.
Dans une partie de ces magasins, on trouve des cabines vidéo. Quelques entreprises — principalement allemandes (il existe quelques entreprises françaises, plus petites) — sont responsables de ces installations, qui entourent la masturbation d’un halo technique, presque d’une cuirasse technologique. Je m’explique.
C’est au début des années 1980 que les cabines vidéo remplacent, dans les sex-shops, d’anciens systèmes de projection de films “super 8” installés dans la première moitié des années soixante-dix. L’avantage du passage à la vidéo : le client avait désormais la possibilité de choisir entre huit films différents, puis, le progrès aidant, entre seize, trente-deux… et plus. Aujourd’hui, il est même parfois possible de choisir l’angle de prise de vue de certaines scènes, de zoomer… Du point de vue des responsables de magasin, le passage à la vidéo, puis à des versions numériques permet de suivre de près les goûts et de ne proposer que des films “qui marchent” : le suivi statistique des clients est automatisé.
Du point de vue des clients : à la possibilité de choisir s’ajoute un anonymat plus grand : les cabines “super 8” ne projetaient qu’un seul film, en boucle, et le type de film (homosexuel ou non, etc…) était affiché en dehors de la cabine. Les goûts des personnes choisissant telle cabine étaient de même affichés. Charles Sundholm, dans un article de 1973, reliait ainsi les habitués à certaines machines : “They [Les habitués] may have a favorite machine because of its location or because of its special brand of pornography.” [Charles A. Sundholm “The Pornographic Arcade: Ethnographic Notes on Moral Men in Immoral Places”, Journal of Contemporary Ethnography 1973; 2; 85, DOI: 10.1177/089124167300200104]
Les cabines vidéos permettent au contraire de réserver le choix à l’intérieur, dans un colloque singulier avec la machine :
Hereby for the very first time it became possible for the customer to watch a film anonymous, without any outsider knowing witch film he was actually looking at.
source : TCDiVid
L’architecture des cabines et des lieux dans lesquelles elles sont installées continue à entourer la masturbation masculine d’un halo technique.
S’il est désormais possible de choisir, en toute tranquillité, à l’intérieur d’une cabine, le type de film désiré, il faut aussi inciter le client à entrer. DVV-GmbH construit ainsi la “cabine Millenium”
Avec sa coupe sans pareil, ses coulisses extraordinaires la cabine de luxe Millenium est fascinante. Les entrées sont conçues de façon à permettre au visiteur de jeter un regard discret sur les écrans pour l’inciter à s’y engager.
source : DVV-GmbH
Non seulement l’inciter à entrer, mais aussi ne pas l’intimider :
“The generation of customer is getting older and usualy (sic) is at war with computers. The simple service ability is therefore really important”
But Micro-tech’s managing director thinks that there will always be cubicles. “Cubicles offer the possibility to anonymously live one’s personal lust without disturbing others or being watched.”
Les clients appartiennent à des générations âgées souvent “en guerre” avec les ordinateurs. La facilité d’usage est donc très importante.
Malgré cela, le directeur exécutif de Micro-Tech pense qu’il y aura toujours des cabines : “Les cabines offrent la possibilité de vivre anonymement ses désirs personnels sans déranger les autres ou être découvert.”
source : Micro-Tech
Mais immédiatement après, la même personne précise : “Micro-tech even offers cubicles for two persons or with LCD glass for people who like being watched.” : Micro-tech propose aussi des cabines pour deux personnes ou avec une partition en verre-LCD pour les personnes qui aiment être vues…
C’est que ces cabines peuvent aussi servir de lieu de rencontres sexuelles plus ou moins anonymes, entre hommes : elles ne servent pas seulement à des pratiques solitaires.