Paris 8 dans le Canard enchaîné
Je ne sais pas vraiment ce que le Canard enchaîné trouve à Paris 8… Cette semaine, c’est le troisième article en quelques mois (après deux précédents consacrés à l’ancien président, Pierre Lunel — biographe de Bob Denard. « La fac de Paris-VIII, vitrine de la grande misère des universités »… avec, en sous-titre : “la ministre Valérie Pécresse pourrait en faire l’un des symboles de la nécessaire réforme”.
L’article commence par certains “mots doux” adressés à l’encontre de l’université : “usine à chômeurs”… sans rappeler l’état de délabrement des locaux (entretien absent, toilettes qui fuient jusque dans les couloirs, revêtement de sol qui se délite, portes qui ne ferment plus, faux plafonds qui tombent — sur les étudiants ou les enseignants, absence de savon à côté des lavabos…). Pour se faire un exemple, il suffit de jeter un coup d’oeil à une série de photos de Paris 8, que Marie Ménoret et moi-même avons fait… rien n’a changé depuis trois ans que j’y enseigne. C’est plus que sale, c’est dégoûtant.
L’absence de financement de l’université française est criant, mais dans le cas de Paris 8, c’est plus qu’un cri… (et le Canard Enchaîné décrit assez bien la situation).
Il serait étrange que cette université, fondée sur des principes gauchistes, soit “sauvée” par la droite, sur des principes tout autres, mais c’était un peu la teneur de certains bruits de couloirs, hier. Sur quels principes : avant tout la rentabilité… une partie des personnes interrogées par le Canard faisant partie des pôles rentables de l’université. Mais on ne sait pas ce que la Pécresse mentionnée en sous-titre propose.
Un collègue, appelé depuis à joindre l’un des sommets de la hiérarchie universitaire, se demandait à haute voix, il y a quelques années, pourquoi le Conseil Régional de l’Ile de France, ou plutôt le Conseil Général de la Seine Saint Denis, ne déclarait pas Paris 8 université “prioritaire” — en la finançant au niveau auquel ses équivalents européens financent les universités régionales. Que les acteurs politiques locaux s’intéressent à l’université locale lui semblait plein de bon sens. Il me semble, aussi, que “Paris”, jamais, ne fera de cette université de banlieue une université prioritaire (sauf à la transformer en college destinée au premier cycle universitaire).
Mais mon interrogation principale, pour le moment, concerne les raisons profondes de l’intérêt des journalistes du Canard.
Pour aller plus loin : Le début de l’article du Canard (sans le dessin hors propos de Cabu)
5 commentaires
Un commentaire par Manuel (22/06/2007 à 15:28)
Bonjour Baptiste
Je me connectais justement sur votre blog en me disant que j’allais vous demander votre avis sur cet article. J’ai ma théorie : la rédaction du Canard ne rembourse que les tickets de métro pas ceux de la SNCF. Résultat : on se contente de la proche banlieue pour les enquêtes “in vivo”…;-).
Je conçois que cet “acharnement” peut-être agaçant. Un autre point m’énerve. L’emploie à qui-mieux-mieux du terme “fac”. A l’heure de la réforme et de la pluridisciplinarité, l’emploi du mot “fac” et du mot “université” n’a pas le même sens.
C’est le genre d’article qu’on regarde d’un oeil bienveillant d’octobre à Janvier et qui rend fou quand les inscriptions approchent.
Un commentaire par Le prof à la dérive (23/06/2007 à 10:59)
C’est honteux de voir un établissement dans cet état, par contre les différent bâtiment que les politiciens peuvent occuper, ne sont pas dans cet état là, bien au contraire.
Un commentaire par Pierre M (23/06/2007 à 23:47)
Si je comprends bien P8 n’est pas prêt de figurer dans le classement de Shangaï tant les conditions d’études et de recherche ne sont pas propices à l’activation scientifique des personnes qui y travaillent ? :-)
En ce qui concerne les rôles des collectvités locales, elles n’ont pour l’instant qu’un rôle relativement limité dans l’enseignement supérieur, puisque celui-ci est clairement une compétence Etat. Même si les CG s’occupent des aspects sociaux de la vie étudiante, que les CR aident les Crous à construire des cités-U, et s’impliquent de plus en plus dans les aspects Recherche (encore que ça dépend des choix politiques des CR), les crédits de l’Etat peinent à arriver jusque aux universités via les collectivité pour réaliser les différents programmes (les ex contrat de plan comme les nouveaux contrats de projet). Une remise à plat des compétences et de la place de chaque collectivité dans le mille feuille français (Etat, région, dpt, communautés urbaines, communes, services déconcentrés de l’Etat..) permettrait d’y voir plus clair. Plutôt que de laisser les universités aller une par une, avec les moyens qui sont les leurs, taper à la porte des executifs locaux pour mendier un nouveau batiment ou le raffraichissement des murs…
ps : Manuel serait-il préoccupé par les notes de frais en ce moment (private joke) ???
Un commentaire par Manuel (2) (01/07/2007 à 22:59)
Ah, c’est drôle que vous ne montriez pas plutôt ce genre de choses :
http://www.paris-philo.com/album-283026.html
Mais je comprends, vous avez envie de vous faire peur, c’est au, même niveau que BHL à propos de Deleuze quand il disait que sa pensée faisait l’apologie du pourri etc.
Malgré ce que vous dites, votre truc fait un effet du genre “voyez dans quoi naît l’intellectualité de banlieue” ; discours au mieux gaucho-misérabiliste, au pire humanitariste outré.
On se rendra bien compte avec les années que UP8 est un pôle d’excellence critique (et pas seulement à cause de Rancière ou Samoyault).
Un commentaire par Baptiste Coulmont (02/07/2007 à 7:03)
> Manuel (2) : Je sais bien que Paris 8 est un pôle d’excellence critique… j’y enseigne ! Je ne supporte pas les conditions d’enseignement dégradantes. Il est toujours possible de prendre de jolies photos… je vous l’accorde.