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Les billets de August, 2007 (ordre chronologique)

Retours de vacances

couverture inrockuptibles 609 sexe 2007De retour de vacances, je découvre une bonne critique de Sex-shops, une histoire française dans Les Inrockuptibles (numéro spécial “Sexe 2007”), illustrée d’une photo du film “Sex Shop” de Claude Berry (1972). Un extrait : «Mais qui dit boutique dit personnel, et c’est sans doute la meilleure part du livre, celle qui tend à réhabiliter les vendeurs des sex-shops, chaînons manquant entre les “gros” de l’industrie du X (producteurs, hardeurs et hardeuses, réalisateurs) et le consommateur.» (Olivier Nicklaus, Les Inrockuptibles, n°609, août 2007, p.105)
Cette partie appréciée par le journaliste trouve son origine dans le travail de ma co-auteure, Irene Roca Ortiz.
Si tout se passe bien, je serai sur France Inter vendredi matin (17 août), dans l’émission Cha Cha Tchatche (l’émission, prévue fin juillet, avait été reprogrammée).

Quelques documents rapportés de Suède :
Une publicité dans un journal gay gratuit Kom Ut pour “Sex med Victor”…
sex med victor
Une façade d’un sex-shop de Göteborg :
Martin Shop Goteborg

Sociologie des sex-shops

logo france interVous êtes peut-être arrivé ici après m’avoir entendu sur France-Inter dans l’émission Cha cha tchatche… vous voulez peut-être en savoir plus sur moi (un CV académique est disponible) ou sur mon livre Sex-shops, une histoire française, disponible dans toute les bonnes librairies. Si vous souhaitez réagir à mes propos, vous pouvez le faire de manière confidentielle (grâce au formulaire de contact) ou de manière publique en laissant un commentaire.
J’en profite : je suis à la recherche de photographies de sex-shops des années 1970 (si vous avez été touriste à Paris… n’auriez-vous pas une ou deux photos de l’époque), de témoignages d’anciens vendeurs ou d’anciens gérants, de vieux catalogues…
Mise à jour : L’émission au format MP3

Click Tracking : un plugin “heatmap” pour WordPress

Click Tracking - heatmap - davors.euJ’ai enfin trouvé un plugin pour wordpress créant presque des “heatmaps” (une représentation graphique en deux dimensions où la valeur des observations est codée en couleur). Click Tracking de Davor Strehar permet de repérer où les visiteurs de ce site cliquent : ce qui attire le regard et la souris. Sur l’image de gauche, chaque point blanc représente un clic. Je ne peux guère tirer de conclusions encore à la lecture — au visionnage — du comportement de mes visiteurs.
Mais dans quelques 50 000 clics, j’aurai une idée plus précise… même s’il semble que, déjà, les seins nus de la couverture de mon livre aimantent les souris.
Il existe d’autres systèmes (crazyegg.com notamment), mais ils sont soit payants, soit limités à quelques milliers de clics et à quelques pages… jusqu’à ce que google-analytics intègre une heatmap.
(L’ennui, c’est que cela semble faire exploser Internet Explorer… Non ?)

choses en vrac du vendredi (6)

Dans un beau désordre indien :

  • Jérôme Vidal : textes, articles, tribunes libres et photos floues (sur Vidal bis). Du temps pour seulement un texte… ce sera alors les lignes consacrées à la réception de l’oeuvre de Judith Butler en France
  • Kishore Biyiani explique au Wall Street Journal pourquoi il a transformé ses supermarchés supercleans en supermarchés artificiellement bruyants, encombrés et sales :

    Mr. Biyani, 45 years old, has built a large business and a family fortune on the simple premise that, in India, chaos sells.
    Americans and Europeans might like to shop in pristine and quiet stores where products are carefully arranged. But when Mr. Biyani tried that in Western-style supermarkets he opened in India six years ago, too many customers walked down the wide aisles, past neatly stocked shelves and out the door without buying.
    Mr. Biyani says he soon figured out what he was doing wrong. Shopping in such a sterile environment didn’t appeal to the lower middle-class shoppers he was targeting. They were more comfortable in the tiny, cramped stores — often filled with haggling customers — that typify Indian shopping. Most Indians buy their fresh produce from vendors who keep vegetables under burlap sacks.
    lire la suite de l’article

    Toutes proportions gardées, ça me rappelle les marchés faussement paysans du sud de la Loire, avé l’huile d’olive dans la bouteille ébréchée, voire même certains marchés parisiens. Biyiani place religieusement quelques oignons pourris parmis les oignons frais : l’acheteur a ainsi, en choisissant l’oignon frais, l’impression d’avoir gagné…

  • Eating a nut (funny, cute, pics…)
  • Romain j. G. lance un appel à discussion sur un article, long et sérieux, sur les rapports entre géographie et droit. L’ensemble de son blog est un must-read
  • L’anthropologue ludique J.-L. Fabiani m’a tagué récemment… je ne sais pas quoi faire avec.
  • Yannick Fer continue, régulièrement, son exploration des circulations transocéaniennes (circulations d’idées, de Dieux et de personnes).
  • Eric Fassin est passé à Lodel (le flux RSS a quelques sautes d’humeurs)

mise à jour : Formidable paragraphe dans le New York Times du jour (je souligne), dont les allusions historiques et la poésie scientifique, qui rappelle Le Chant du Styrène — devraient être savourées par Touraine Sereine (G. Cingal) :

Yet even as Dr. Knowles and others urged that much more rigorous inspection procedures be adopted to guard against lead finding its way into children’s mouths, the experts conceded that the toy recall fiasco felt like another case of Et tu, déjà vu? Humans have a long, tangled relationship with lead, now celebrating its pliant versatility, now fearing its orotund power, and who knows if we can ever put our saturnine genie back in the bottle we’ve been mining for at least 5,000 years.

Charisme de fonction

Le magazine d’informations sensationnelles, Reportages, sur TF1, est en partie en ligne. Il y a quelques semaines, l’émission portait sur les exorcistes chrétiens, et suivait les oeuvres de trois personnages. Une émission disponible ici. Un évêque “vieux catholique” in full regalia parlant latin et javanais… un prêtre catholique, exorciste diocésain, et un pasteur baptiste. Trois styles différents.

exorciste evangelique
Un extrait, avec trois exorcismes, au format Quicktime

Le “vieux catholique” mélange l’apparence séculière d’un VRP (petite malette, voiture, dynamisme) et l’apparence cléricale d’un évêque de fantaisie (chasuble dorée, latin forcené, bagouze en or qui brille…). Ses exorcismes sont audibles et visibles egzorssizoume ine dominé patrrrisse: il se dépense à la tâche.
Le pasteur baptiste est dans un style différent : pas de déguisement costume, même pas le soutien d’un bâtiment néo-gothique, ni même celui d’une langue magique. Sa force tient dans le froncement des sourcils, la puissance de sa voix (Satan semble un peu dur de la feuille), et l’imposition des mains.
Le prêtre catholique, de son côté, manifeste une nonchalance professionnelle face à tout cela. Dans une scène mémorable, il bénit un pavillon à l’eau bénite… et il en reste “vous pouvez la garder, dans une petite bouteille”. Satan ne lui pose pas de véritable problème. Il manifeste ce que Max Weber, notre maître à tous, appelait le “charisme de fonction”, l’idée selon laquelle des qualités extraordinaires étaient prêtées à un individu de par sa fonction institutionnelle : le charisme est ici “une qualité transmissible par des moyens rituels d’un porteur à d’autres” “La croyance en la légitimité ne concerne plus la personne mais les qualités acquises et la vertu de l’acte rituel”. Un prêtre catholique n’a pas à être personnellement extraordinaire, n’a pas à détenir les fruits d’une expérience… pour agir efficacement. Son ordination lui confère tout pouvoir.
À rebours, le pasteur baptiste semble détenir un charisme personnel, pas nécessairement plus instable.
L’évêque “vieux catholique” est le plus intéressant. Cette église “vieille catholique” fait partie des franges extérieures du catholicisme romain, issue de multiples scissions et recompositions. Les divers sites internet de l’évêque insistent sur la légalité canonique de son ordination… mais on sent l’institution faible, très faible, et la base de son charisme repose finalement sur une tradition : latin, vestements, vieux grimoires. Nam vivit !
Cette importance romaine du charisme de fonction n’a rien de bien neuf : Max Weber devait d’ailleurs avoir en tête l’Eglise de son temps en forgeant le concept. Et il semble bien que diverses évolutions récentes dans le catholicisme français viennent remettre en cause, en partie du moins, la centralité du charisme de fonction. Comme le souligne Céline Béraud, dans un article sur les diacres, Les diacres permanents, entre l’autel et le monde: Une légitimité et une activité aux frontières. Ces derniers, ordonnés mais souvent mariés et salariés, insistent sur une

légitimité expérientielle (…) assurant à son détenteur une autorité qui ‘‘ne repose pas prioritairement sur sa position statutaire, mais s’enracine précisément dans une expérience personnelle, un engagement, un vécu’’ . C’est une légitimité qui vient d’‘‘en bas’’, c’est-à-dire d’une inscription dans des communautés locales et des réseaux interpersonnels dont les premiers pour le diacre sont son foyer et son lieu de travail. Elle rend possible des processus d’identification. Dans le discours des diacres, on peut noter une insistance forte sur la plus grande accessibilité et la meilleure proximité qui est la leur par rapport aux personnes qui s’adressent à l’église et notamment à celles qui en sont le plus éloignées. De fait, ils se présentent volontiers comme des médiateurs privilégiés entre l’institution ecclésiale et le monde.

Incartades sexuelles

Comment réagir lorsqu’un homme politique conservateur américain (ou un pasteur évangélique) est arrêté pour avoir proposé à un policier en civil quelques dollars en échange d’une fellation ?
Les exemples, mettant plus ou moins en jeu des pratiques homosexuelles d’hommes politiques républicains, sont nombreux ces dernières années :
– l’ancien gouverneur du New Jersey était marié et démocrate, relativement progressiste, mais son affaire extraconjugale avec un jeune israélien (embauché comme expert en lutte antiterroriste) s’est mal terminée…
– l’ancien maire de Spokane dans l’Oregon, Républicain férocement conservateur, menait une double vie sur internet et appréciait les contacts électroniques avec des adolescents, tout en respectant la frontière légale des 18 ans… Dénoncé par un quotidien local, qui avait piégé le maire pendant plusieurs semaines en embauchant une personne se faisant passer pour un jeune de 18 ans… il est décédé quelques mois plus tard… Un épisode de Frontline : a hidden life, lui a été consacré (disponible en ligne gratuitement)
– un ancien député fédéral, républicain lui aussi, a été exposé publiquement quelques semaines avant les dernières élections. Il envoyait des mails à double entendre à d’anciens stagiaires. Vanity Fair a retracé son histoire.
– l’ancien président de la National Evangelical Association avait été dénoncé par un prostitué avec lequel il entretenait une relation (payante) depuis plusieurs mois — et auprès duquel il s’approvisionnait en meth. Sébastien Fath avait analysé ce scandale.
– un député du parlement de Floride, conservateur bon teint, président de diverses commissions parlementaires visant à a défense de l’ordre, des enfants ou autres… Républicain, anti-gay… est arrêté dans les toilettes publiques d’un parc : il avait proposé à un policier en civil 20 dollars pour le sucer.
– un sénateur fédéral de l’Idaho, homme politique de stature nationale depuis plus d’une dizaine d’année, vient de plaider coupable dans une affaire de sollicitations sexuelles dans les toilettes publiques d’un aéroport. Foncièrement anti-gay, défenseur de la prière à l’école, des armes à feu (il est membre important de la NRA, le lobby associé…)… mais entouré, depuis 1982, de rumeurs quant à sa sexualité.

La première réaction est souvent du type schadenfreude : le malheur qui frappe ces hommes — leurs vies sont détruites — révèle aussi l’hypocrisie du conservatisme moral. Ces leaders politiques ou religieux drappés dans leur “cuirasse de vertu” (shield of righteousness écrit Humphreys dans son Commerce des pissotières récemment traduit) essayaient d’imposer aux autres l’inverse de ce qu’ils pratiquaient pendant leur temps libre (ou leurs heures de travail, parfois). Et l’on s’amuserait beaucoup de découvrir ici en France chez certains Vicomtes antiturcs, ou chez certains députés tourquennois antigays, certaines inclinations aux plaisirs variés de la chair.
Mais d’autres réactions sont immédiatement plus complexes : ces affaires signalent l’inégalité de traitement de l’homosexualité, toujours utilisée dans un contexte de dénonciation. Participer à la dénonciation — même sous le haut patronage du commentaire “sociologique” — ne revient-il pas à consommer du temps qui pourrait être utilisé à lutter contre l’homophobie ? Je n’ai pas, en tête, de dénonciation inverse de l’hétérosexualité d’un homme politique publiquement gay… mais j’ai en tête les incartades hétérosexuelles de sénateurs américains, non sanctionnées.
Et, plus largement, sont absentes les interrogations sur le rôle des policiers dans une partie de ces histoires, policiers volontaires pour piéger des hommes dans des toilettes publiques. Des commentateurs, aux Etats-Unis, dénoncent facilement une mauvaise sexualité (anonyme, dans des lieux publics…) et en glorifient une autre (dans le cadre du mariage, qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel). Que penser, pourtant, de ces “entrapments“, qui s’arrêtent avant tout acte sexuel, et qui reviennent à rendre passibles de poursuites des claquettes et des gestes à double sens. La drague serait permise ailleurs, mais pas dans des toilettes. Les policiers de Minneapolis, qui ont arrêté le sénateur de l’Idaho, ont arrêté plus de 40 personnes en quelques mois. Ils allaient même jusqu’à répondre à des annonces, sur internet, d’hommes cherchant des coups rapides à l’aéroport.

Les réactions du sénateur de l’Idaho et du député local floridien sont inverses. Le républicain de Floride n’a pas plaidé coupable, bien au contraire : il se défend bec et ongle, publiquement, devant les caméras. S’il a proposé 20 dollars au policier ce n’était pas pour une fellation, mais pour “ne pas devenir une statistique”… dans sa défense tordue, le député raconte qu’il avait peur des grands Noirs qui trainaient dans le parc et qu’il souhaitait se faire raccompagner par le policier jusqu’à sa voiture. Est-il utile de préciser que ce discours n’a pas été apprécié par les associations antiracistes américaines. Mais le caractère mineur du personnage (un député local) a confiné le scandale à la Floride. Le sénateur, lui, a plaidé coupable, mais il déclare maintenant qu’il n’avait pas vraiment compris l’enjeu (même s’il participe, depuis les années soixante-dix, à l’élaboration des lois en tant que député de l’Idaho, puis député fédéral et sénateur…) : “je ne suis pas gay et je n’ai jamais été gay” a-t-il déclaré publiquement, hier, sa femme à ses côtés (les commentateurs soulignent qu’elle portait des lunettes noires et avait l’air “malade”). Il est à croire que, dans les deux cas, leur position sera rapidement intenable.