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Les billets de September, 2007 (ordre chronologique)

Choses variées du vendredi (6 – encore)

Le bistrot de la terrasse écrit :

j’ai recu (sic) ma réponse pour Paris 8 (st denis). Ma candidature a été accepté (sic). Bon je tiens à vous avouer qu’il va vraiment falloir que je n’ai (sic) pas le choix pour choisir cette fac.

(apparemment, il n’aime pas beaucoup…)
D’autres ont peur :

Mais bon je dois déjà choisir où je vais allé (sic) m’inscrire!!
Paris 13? Paris 12? Paris X ? Paris 8?
Tout le monde me dit de ne pas m’inscrire en sciences de l’éducation à Paris 8, c’est peut être pour ça que cette Université (mal réputé [sic]) m’attire autant… allez savoir.
(source)

Mais ces commentaires sont ceux de personnes n’ayant pas fréquenté l’université. Laissons alors la parole à Askiparait :

Alors direction une autre fac – Paris8 à Saint Denis – section cinéma. là je me suis encore plus éclatée. Je crois que ce qui m’a plu à l’université, c’est le fait de travailler pour soi, sans juge, mais avec la possibilité d’avoir du soutien quand il y a besoin. C’est aussi toutes ces potentialités qui s’offrent à vous : Je faisais un peu de militantisme, j’ai repris des cours de russe, j’ai commencé à apprendre l’arabe… et surtout, à paris 8, j’étudiais ce qui m’intéressait et j’étais entouré [sic] d’étudiants qui avaient les mêmes intérêts ! Je crois que j’ai vraiment bien profité de ce que la fac m’offrait : on a tourné des court-métrages, on voyait pleins de films et je suis partie 5 mois en séjour Erasmus à Dublin. Un de mes plus beaux souvenirs !
la suite…

Ailleurs, une sorte de reportage photo… (ce sont en grande partie mes photos, ou celles de Marie Ménoret, recomposées par une étudiante).

Mais Paris 8, mon université, dans l’actualité… Ce n’est pas toujours pour de bonnes raisons. Après les histoires étranges entre la nouvelle présidence et l’ancienne présidence (plaintes déposées, articles dans le Canard Enchaîné, publication d’un livre de semi-fiction…), voici du détournement d’argent. Ce qui est amusant, c’est que la désorganisation interne de Paris 8 — c’est du moins mon explication — a permis à cette personne de ne pas être découverte :

Une employée du Trésor s’est fait verser le salaire d’un professeur fictif pendant 15 ans
(sources inconnues – peut être “Le Parisien”)
Une agent du Trésor public de Seine-Saint-Denis a réussi pendant 15 ans à se faire verser un salaire de professeur des universités d’environ 4.000 euros avant d’être arrêtée en milieu de semaine dernière, a-t-on appris lundi de source judiciaire.
Le ministère du Budget a confirmé l’existence de ce détournement, qui atteindrait 600 000 euros au total, dans un communiqué publié en début de soirée.
Cette fonctionnaire de 54 ans, chargée de la paye des professeurs de l’Université de Marne-la-Vallée, a été mise en examen vendredi pour “détournement de fonds publics par personne dépositaire de l’autorité publique”, selon la source judiciaire, qui confirmait une information du Journal du Dimanche.
Mise en détention provisoire, elle risque 10 ans d’emprisonnement et 150.000 euros d’amende.
“Une procédure judiciaire de révocation de l’agent concerné” a de surcroît été engagée par l’administration, selon le ministère.
Convoquée mercredi par la police judiciaire à l’issue d’une enquête ouverte en juin 2007, la fonctionnaire a avoué en garde à vue avoir ouvert en février 1992 un compte fictif à la trésorerie générale, au nom d’un professeur qui n’existait pas, d’abord rattaché à l’Université Paris VIII-Saint-Denis, puis à l’université de Seine-et-Marne.
“Les salaires étaient versés sur un compte bancaire ouvert par l’agent sous une fausse identité”, selon la source judiciaire, qui précise qu’elle “a fait des investissements immobiliers, donné de l’argent à sa famille ou fait des prêts à des proches”. “Elle gérait directement le dossier fictif en calculant régulièrement augmentations et avancements“, précise cette source.
C’est en mai et juin 2007 que l’Université de Marne-la-Vallée a découvert des bulletins de paie ne correspondant à aucun professeur dans son courrier. Ces bulletins envoyés par le Trésor public avaient échappé cette fois au fonctionnaire indélicat, déclenchant une enquête.
CB

L’affaire a été suivie par Valeurs actuelles, “libéral et de droite” (sans commentaire).

Le site personnel d’Eliane Daphy, ingénieure de recherche au CNRS, contient d’intéressantes analyses mais aussi des outrages personnels. À lire, entre autres, ce comptage des femmes dans l’anthropologie sociale française.

La façade d’un des deux sex-shops de Loughborough (/lɘf.bɹɘ/, Royaume Uni) est reproduite ci-dessous :
simply pleasure
J’étais à Loughborough University pour un colloque Sex life politics (mêlant principalement géographes et sociologues).
J’y ai rencontré, entre autre, l’artiste conceptuel Paul Hartfleet, qui plante des pensées aux endroits mêmes où des injures homophobes ont été prononcées : The Pansy Project (“pansy” est une de ces injures, un peu vieillotte).

Plagiats

plagiats - université de Montreal
Lu aujourd’hui sur une des listes de diffusion académiques auxquelles je suis abonné (et reproduit avec l’autorisation de l’auteure):

Bonjour,
Voilà une situation problématique:
Un directeur de thèse utilise, dans des articles qui paraissent, les résultats des travaux de sa doctorante, sans faire aucune allusion à la doctorante.
Ce n’est pas la première fois. Et la première fois le directeur avait éludé la question.
La doctorante se trouve gênée, car elle commence à penser qu’elle va bientôt risquer, elle, le plagiat.
Qu’est-il possible de faire dans une situation pareille?
Y a t-il des précédents? Comment se sont-ils réglés?
Cette situation pouvant, j’imagine, se reproduire pour d’autres, je compilerais les réponses qui me seraient adressées personnellement, si jamais vous ne vouliez pas “encombrer” la liste.
En vous remerciant d’avance pour votre aide

Situation compliquée. Nous savons à peine — en tant qu’enseignant — régler les problèmes liée au plagiat estudiantin (mes collègues sont très réticents à convoquer un conseil de discipline et à exclure de l’université même les récidivistes)… alors si c’est un collègue ! Les réponses ayant circulé sur la liste de diffusion ne sont pas encore stables. Je citerai juste un extrait de réponse (sans citer l’auteure, là encore). Elle propose de

publier très rapidement quelque chose, un article, y compris dans une revue pas super connue, en présentant ses données et en écrivant clairement quelques phrases du style “notre hypothèse, adoptée par Dupont 2006, permet de penser que” ou bien “nos résultats ont permis à Dupont 2006 de formuler l’hypothèse bla bla”, etc – c’est à dire citer le prof en rétablissant la source des écrits récents de celui-ci.

Je ne sais pas si cela sera utile : déjà que la plupart des articles publiés dans des revues “super connues” sont peu lus… C’est beaucoup de travail pour rien.
La même personne propose la réactivation de la double direction de thèse : l’autre directeur pouvant agir comme instance de contrôle du premier.
Mais il me semble important qu’en cas de copie-plagiat, les plagieurs subissent certaines conséquences. Si nos sociétés savantes (en sociologie l’Association française de sociologie, l’Association des sociologues enseignants du supérieur…) étaient aussi des sociétés professionnelles, elles pourraient rappeler à l’ordre. Si le plagieur était connu, cela nous éviterait de lui envoyer des étudiants à encadrer. D’ailleurs, parfois, cela se sait : en cas d’exposé dans les séminaires de certains centres de recherche, m’a-t-on dit, il est préférable de ne parler que de choses qui ont été publiées, tellement l’appétit des directeurs de recherche est fort.
S’ajoute à cela une question structurelle. La citation des travaux d’étudiants est souvent mal comprise : j’ai du insister pour qu’apparaisse ma co-auteure et un critique de mon livre sur une radio culturelle, voyant qu’une grande partie des entretiens avait été réalisée par des étudiants, s’est cru intelligent de dire que “ce n’est même pas lui qui a fait les entretiens” (alors que j’aurai apprécié qu’il déclare qu’il y avait dans l’ouvrage un effort de transparence : chaque étudiant est nommément cité comme l’auteur de l’entretien utilisé).
La prise en compte des “publis” comme indice de production peut aussi conduire à des effets indirects : un livre écrit à deux, ou un article écrit à deux, vaut pour moitié, ce qui peut contribuer, dans des situation de pouvoir inégal (surtout quand le directeur de thèse est choisi parce qu’il est prestigieux), à l’effacement du co-auteur.
Je suis preneur de commentaire (la doctorante aussi, je pense) :

Menaces sur les sciences sociales ?

Depuis quelques jours, certaines communications concordantes laissent accroire l’élaboration d’une destruction des sciences sociales françaises.
Le ministre Goulard avait, il y a quelques semaines et sur un mode michelsardouiste, décrit la filière “E/S : Economique et sociale” du secondaire comme une usine à chômeurs. Le Gizmoblog en avait parlé. C’est sa suppression programmée qui est maintenant mentionnée (sur Rue89).
L’association “Positive Entreprise” trouve que les manuels scolaires de seconde ne sont pas assez gentils avec les dirigeants d’entreprise. Un peu comme les associations de créationnistes américains (pardons, de “intelligent design“) qui considèrent que la science officielle est idéologique, ou les associations catholiques s’opposant à la contraception, “Positive Entreprise” estime son expertise amateure supérieure à celle des professionnels de l’éducation. Dans leur dossier de presse très bien diffusé (France Inter s’en est fait l’écho fidèle ce matin), leurs conclusions sont sans appel : il faut faire plier les auteurs des manuels à une “vision objective” (i.e. celle de “Positive Entreprise”) :

L’association Positive Entreprise lance ainsi un appel à l’ensemble des parties prenantes (Ministère de l’Education Nationale, Corps enseignant, parents d’élèves, étudiants, Entreprises…) pour réactualiser les données des manuels scolaires et proposer une vision objective et si possible optimiste du monde de l’entreprise. Un enjeu majeur pour mieux armer les jeunes français qui sont souvent désorientés dans les premières années de leur vie active.

On trouve, parmi les membres de cette association un «diplômé d’un Executive MBA (Management Institute of Paris) à l’issue duquel il a soutenu un mémoire sur le Management des Jeunes.» Le Management des Jeunes… ça commence dès les manuels de seconde !
Pour en savoir plus, lire Olivier Bouba-Olga
Cela ne se limite pas au secondaire.

Le président de la section “36” du CNRS, Dominique Duprez, a publiquement démissionné de ses fonctions, et une lettre au directeur général du CNRS circule, exposant les raisons de la démission, dont voici quelques extraits :

Le courrier des membres du jury d’admissibilité de la section 36 en date du 4 juillet dernier suite aux déclassements et sur-classements arbitraires, de notre point de vue, de nos propositions n’a donné lieu à aucune réponse, ni de votre part, ni de celle
de la direction scientifique.
En conséquence, j’ai le regret de vous présenter ma démission de Président de la section 36 et de membre du Comité national. J’ai été élu par mes pairs sur une orientation claire d’un Comité national qui doit assurer ses fonctions d’évaluation en toute indépendance.

En clair : la section chargée du recrutement des sociologues (et juristes) au CNRS voit son travail en partie modifié par d’autres personnes, qui modifient les classements définitifs.

Entre septembre 2000 et le 1er mars 2006, les effectifs de la section 36 sont passés de 306 chercheurs à 262. Et ce n’est rien par rapport à ce qui va arriver. À l’horizon de cinq ans, on peut ainsi estimer que 18 à 25% des chercheurs du département SHS [Sciences Humaines et Sociales] feront valoir leurs droits à la retraite. Dans la section 36 [sociologie], comme dans la section 38 [anthropologie], cette proportion dépasse les 30%. Si l’on se projette à 10 ans, les évolutions apparaissent plus catastrophiques encore. D’ici 2016, plus de 55% des chercheurs actuellement en poste dans la section auront pris leur retraite. Ici encore, cette tendance générale au département SHS apparaît particulièrement accusée dans les sections 36 et 38. Pour compenser ces départs, il faudrait procéder dès maintenant à 14 recrutements annuels en moyenne dans le cadre des concours de CR2 et CR1. Vu sous cet angle, le nombre des postes mis au concours cette année en section 36 n’est pas susceptible d’empêcher la mort programmée de la section.

Seuls une poignée de sociologues et anthropologues sont recrutés chaque année au CNRS : dans une vingtaine d’années, il en restera une centaine. Si cette politique était décrite publiquement et revendiquée… passe encore. Mais c’est une gestion par l’incertitude et le bruit de couloir qui a cours : personne ne sait trop quelle est l’état des destructions, ni comment les décisions sont prises. Ni s’il y a un objectif chiffré de stabilisation du nombre de sociologue au CNRS (à 50 ?).
Exemple de bruit : seules Paris X (Nanterre), Paris V (Descartes) et Paris I (Panthéon-Sorbonnes) devraient conserver des Unités Mixtes de Recherche de Sciences sociales… le CNRS souhaite y rapatrier les différentes unités encore attachées à d’autres universités “périphériques”.
Lire aussi : Sébastien Fath,

La chasse aux godes

J’ai déjà eu l’occasion de souligner que les godemichets étaient interdits en France au début des années 1970. Tout comme diverses représentations pornographiques, ils constituaient un outrage aux bonnes moeurs (voir ici l’activité du tribunal de grande instance de Paris en 1971).
Mais l’interdiction des godemichets était-elle “réelle” ? Jusqu’où les divers acteurs du monde judiciaire ou policier se mobilisaient-ils pour les interdire sur le territoire français ?
J’ai trouvé un exemple — peut-être extraordinaire ou folklorique — dans des archives judiciaires. Notez : afin de protéger les personnes impliquées, j’ai modifié une partie des caractéristiques.

Au tout début de la décennie 1970, le Commissaire divisionnaire chef de la brigade mondaine envoie au procureur de la République ce rapport suivant :

Objet : enquête de flagrant délit,
J’ai l’honneur de vous transmettre ci-joint la procédure établie à l’encontre du nommé F…. Emile, Simon, né le 24 février 1914 à Montreuil (Seine Saint Denis), domicilié [17e arr], susceptible d’être inculpé d’Outrage aux Bonnes Mœurs
Après plusieurs surveillances, les officiers de Police de ma Brigade ont procédé le 24 courant à 19 heures 45, à l’angle de l’Avenue des Champs Elysées et de la rue Pierre Charron à Paris 8ème, à l’interpellation du nommé F… Emile qui tentait de vendre une certaine quantité de godmichets [sic].
La fouille effectuée à l’intérieur de la voiture du susnommé a permis de saisir et placer sous scellé un carton contenant 19 godmichets et un lot de petits objets en matière plastique adaptables sur ces godmichets.
Au cours de la perquisition à laquelle il a été procédé, 8 Bd […], deux films obscènes ont été saisis et placés sous scellés.
F… Emile a reconnu avoir fabriqué lui-même ces objets contraires aux bonnes mœurs, et en avoir déjà vendu une vingtaine à raison de 10 ou 15 francs pièce.
Quant aux deux films pornographiques découverts à son domicile, il prétend qu’ils ont été abandonnés chez lui par un ami, et affirme ne pas en faire le trafic.
En raison de son état de santé (il souffre d’un infarctus), et compte tenu des garanties de représentation offertes, le sieur F… Emile a été laissé libre aux charges d’usage.
[signé – le commissaire divisionnaire]

Que constate-t-on : une personne était surveillée (la soupçonnait-on de vendre des “godmichets”?). La découverte de ces objets n’a pas rendu la surveillance inutile : à partir de la découverte de ces objets, une inculpation pouvait être imaginée.
Mais que constate-t-on encore ? Ces godes étaient fabriqués par le vendeur. Il ne s’agissait pas d’un trafic international, ou d’une fabrication à l’échelle industrielle. Le fabricant était ici aussi le grossiste et le détaillant. L’illégalité de la pornographie conduisait-elle à une multiplication des petites entreprises ? A la lecture de ces archives, il me semble que oui.
Mais pour mieux comprendre cette affaire, il faut remonter un jour plus tôt, quand le subordonné du commissaire divisionnaire écrit à ce dernier :

Début NNNNN 1970, un renseignement condidentiel, parvenu à notre service, nous faisait savoir qu’un individu domicilié dans le 17e arrondissement, propriétaire d’une vieille simca immatriculée XXXX NN 75, vendait des godmichets.
Le propriétaire de la Simca était identifié. Il s’agit du nommé F… Emile (état-civil mentionné en tête du présent). Cet individu avait été interpellé par notre service en 1967, et ce dans les circonstances suivantes.
– – –
Le X NNN 1967, au cours de l’exécution de la commission rogatoire n°XXX en date du NN XXXX 1967, délivrée par Monsieur U*** juge d’instruction, du chef d’outrages aux bonnes mœurs par la voie de photographies ; une perquisition effectuée au domicile du nommé F… Emile 8 bd […] à Paris 17e et dans un local commercial, 55 rue de … à Paris 8e, permettait la découverte d’objets contraires aux bonnes mœurs, qui n’entraient pas expressement dans le cadre de la délégation.
Il s’agissait de « godmichets » et du matériel nécessaire à leur fabrication.
Monsieur U***, informé, prescrivait la Brigade Mondaine de poursuivre l’enquête en flagrant délit.
Le nommé F… reconnaissait avoir fabriqué une cinquantaine de « godmichets ». Sur ce nombre une trentaine aurait été commercialisée, à raison de 20 à 30 francs l’unité, permettant à F… de réaliser un bénéfice de l’ordre de 1000 à 1500 francs.
– – –
Plusieurs surveillances étaient exercées aux abords du 8 Bd … domicile de l’intéressé.
Ce jour à quinze heures trente, nous pouvions voir le nommé F… Emile sortir de l’immeuble et prendre place à bord de sa voiture garée sur le trottoir devant le n°8 du Bd […]
Il prenait la direction du bois de Boulogne. La circulation intense à l’entrée du bois ne nous permettait pas de continuer la filature.
Nous reprenions la surveillance boulevard de […]. A 17 heures 15 le nommé F… rejoignait son domicile toujours au volant de son véhicule puis repartait quelques instants plus tard pour se rendre Avenue des Champs Elysées. Il garait sa simca sur la contre-allée à hauteur de la rue Pierre-Charron.
Le Sieur F… pénétrait à l’intérieur du café Le Colisée, avenue des Champs Elysées, porteur d’un porte document et d’une petite mallette bleue de la Pam-Am.
Manifestement à la recherche d’une personne, l’intéressé détaillait les nombreux clients de l’établissement puis se rendait au sous-sol pour téléphoner. Il demandait ensuite à l’un des garçons si l’on n’avait pas demandé Monsieur F… Le garçon répondait par la négative.
L’intéressé s’installait ensuite à une table à l’intérieur du Colisée, face à l’entrée du café.
A 19 heures, il quittait cet établissement, puis, semblant trés (sic) méfiant faisait du « lèche vitrine » sur les Champs Elysées jusqu’à 19 heures 45, heure à laquelle il regagnait son véhicule. Nous l’interpellions à ce moment là, après avoir décliné nos qualités.
Monsieur F… reconnaissait spontanément que son véhicule contenait des « godmichets », qu’il s’apprétait à vendre à un client, répondant au prénom de Roger. Il précisait qu’il n’avait pu encore rencontrer le dit Roger, dont il ignorait tout.
[signé : l’officier de police principal]

On peut presque sentir l’atmosphère — nécessairement enfûmée — de la chasse au gode en 1970 : les policiers de la Mondaine recevant, en échange d’un service, les confidences d’un indicateur, mettant en route une enquête, identifiant le propriétaire de la simca, se cachant — en planque — devant son domicile. Le “Colisée”, bistrot quelconque, enfûmé lui aussi. Le garçon, essuyant les verres, les policiers, entrant (ils commandent un demi, puis un autre, ils restent au bar) et cherchant à repérer le vieux “à la mallette de la Pam-Am”. Le vendeur de godes, qui, étrangement, court un peu partout dans Paris.
Emile F… est “connu des services” : en 1967, il a déjà été coincé… pour “OBM” (outrage aux bonnes moeurs). Il fabriquait déjà, de manière artisanale, des godes. Il est possible que, suite à l’indication confidentielle et à la découverte qu’il s’agissait bien d’un fabricant-détaillant de godes, les policiers avaient presque la certitude qu’Emile F… vendait toujours ses gadgets.
Ce qui m’intéresse ici, c’est que cela n’a pas poussé les policiers à conclure que le surveiller était du temps perdu. Prendre sur le fait un dealer de godes était suffisamment motivant pour s’astreindre à une surveillance et à une filature. Les godemichets faisaient bel et bien l’objet d’une interdiction, et le respect de cette interdiction pouvait mobiliser les officiers de police…et, par la suite, le procureur et le juge.

Au cours de l’audition d’Emile F… on apprend qu’il a quelques connaissances techniques, principalement mécaniques, et qu’il est représentant en matériel cinématographique [les policiers trouvent d’ailleurs chez lui deux films pornographiques]. Cette audition ne nous apprend pas grand chose d’autre. Mais les policiers semblent s’intéresser aux origines des “godmichets” : se pourrait-il que les personnes ayant fourni les matériaux soient au courant de leur destination finale ? Cet “outrage aux bonnes moeurs” implique-t-il d’autres personnes. Emile F… ne va impliquer personne (du moins publiquement) : il ne connait personne, ni “Roger”, ni les autres acheteurs :

Ce soir au moment où j’ai été interpellé par les policiers, j’avais dans mon véhicule des godmichets. J’avais rendez-vous au pont de Puteaux avec un certain Roger, qui m’avait téléphoné et à qui je devais montrer et vendre éventuellement des godmichets. Je n’ai pas trouvé cette personne et sachant que ce Roger fréquentait le café Le Colisée avenue des Champs Elysées, je me suis rendue (sic) à cette adresse. Le prénommé Roger devait me reconnaître à mon sac bleu de la Pam-Am. Mais je n’ai pu le rencontrer.
[…]
Comme je vous l’ai dit, j’ai déjà été interpellé par vos services en 1967 pour ce même motif. Depuis j’avais totalement cessé ce trafic. Ce n’est qu’au mois de septembre 1969 que j’ai recommencé à fabriquer des godmichets.
J’ai dû en fabriquer environ quarante, sans plus. Je les ai fabriqués chez moi. Pour ce faire, j’ai utilisé deux moules en plâtre que j’ai confectionné moi-même, et le four de ma cuisinière.
En ce qui concerne la pâte, j’emploie du polyéthylène replastifié à l’huile vaseline.
En ce qui concerne le polyéthylène, je l’ai obtenu gratuitement en échantillonnage, auprès de la maison Rhône-Poulenc, rue NN NN à Paris. En ce qui concerne l’huile de vaseline je me suis fourni chez des droguistes.
A cette époque mon amie Claudine G… était absente. Elle était en vacances chez sa mère dans l’Indre et Loire.
Je vous affirme que mon amie n’est pas au courant de ce trafic.
En dehors de ces quarante godmichets je n’ai pas fabriqué d’autres, car j’ai en fait du mal à les écouler. Comme je vous l’ai dit précédemment, jusqu’à présent j’ai du réussir à en vendre environ une vingtaine, sans plus.
En dehors de toute main d’œuvre, j’estime que la fabrication d’un godmichet me revient à environ 0 francs 60.
En principe, je vends ces godmichets à raison de 10 ou 15 francs pièce.(…)
En ce qui concerne la vingtaine de godmichets que j’ai déjà vendus, je ne puis vous apporter aucune précision sur leurs acheteurs. Il s’agit en fait de relations qui m’étaient adressées par d’autres relations. J’ignore leurs noms et leurs adresses. Je ne puis rien vous dire à ce sujet.
J’ai fabriqué à nouveau des godmichets parce que, d’une part j’ai été sollicité, et d’autre part j’ai appris que des firmes étrangères en vendaient en France, et j’en ai déduit que cela était maintenant plus ou moins autorisé.
Comme je vous l’ai dit, j’ai eu des difficultés à vendre ces godmichets, et je n’ai pas l’intention de poursuivre ce trafic.
En ce qui concerne les deux films obscènes découverts à mon domicile, je les détiens chez moi par un ami qui réside habituellement à Dakar. Je ne l’ai jamais revu depuis.
Je n’ai jamais utilisé ces deux films et n’ai jamais cherché à les vendre.

Peut-on faire de l’herméneutique à partir du discours d’Emile F… ? Nous ne disposons pas des questions des policiers, et la transcription n’est probablement pas verbatim. La structure de l’audition doit certainement reprendre un modèle habituel qu’il va me falloir saisir. Tout ce qui est écrit, ici, a pour but de minimiser les risques : Emile F… restreint le cercle des impliqués à lui seul. Il, seul, a fabriqué. Lui, seul, a été acheter (ou soutirer) les matériaux de base. Son amie n’est pas au courant. Les clients ? Disparus !
Emile F… semble se contredire : il dit presque simultanément que s’il a recommencé à fabriquer ces objets, c’est suite à des demandes, et qu’il a du mal à les écouler. Il laisse sous-entendre l’existence de réseaux d’interconnaissance (“des relations qui m’étaient adressées par d’autres relations”) qui permettaient à la pornographie de circuler.
Ces relations s’arrêtent-elles au monde de l’achat… ou sont-elles aussi liées à la production. Emile F… est-il réellement un fabricant ? N’est-il pas plutôt un intermédiaire ? La perquisition ne repère pas de moule en plâtre (en 1970 du moins, car en 1967, le “matériel nécessaire à la fabrication” est indiqué). D’autres objets sont découverts avec les godes, que les policiers décrivent comme «soixante neuf objets en matière plastique adaptables sur ces godmichets». On ne sait pas d’où viennent ces objets.
L’hypothèse du petit fabricant de gode, utilisant une recette connue de lui seul, ou circulant — souterraine — parmi les petits dealer de porno, me séduit pourtant. Elle me séduit, parce qu’il est alors possible d’opposer ce mode de fonctionnement (illégal, semi-secret, basé sur l’interconnaissance et des signes de reconnaissance étranges — la Pan-Am…) à ce qui se met en place au même moment : un marché de la pornographie en voie de légalisation encadrée, avec ses gros acteurs commerciaux, ses circuits, ses modes de gestions…

Suites : dix mois plus tard, en première instance, Emile F…, défaillant, sera condamné à neuf mois de prison et cinq cent francs d’amende, « attendu qu’il résulte des documents de la cause et des débats la preuve qu’à Paris, courant mil neuf cent soixante dix, et plus spécialement le vingt quatre NNNNN mil neuf cent soixante dix, en tout cas depuis temps non prescrit le nommé F… Emile a fabriqué, détenu en vue d’en faire commerce, transporté, vendu, offert, même non publiquement, des godmichets (sic), objets contraires aux bonnes mœurs».

L’illétrisme, sic

J’ai reçu aujourd’hui une demande de collaboration d’une maison d’édition, que j’appellerai “Ovale” :
Editions Ovales
Les OGM… hmmm… m’intéresse pas. Le nucléaire… bof bof… Le cerveau qui fuit… m’arrive trop souvent… Qu’y a-t-il d’autre… Oh, ça semble intéressant :
Editions Ovales
Faut-il leur envoyer l’adresse de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme ? Où est-ce la preuve que c’est vraiment “le premier des chantiers” ?

Petites et grandes choses en liste (7)

Commençons par un peu de bonne sociologie : « L’externalisation des illégalités. Ethnographie des usages du travail “temporaire” à Paris et Chicago [PDF] » est une collaboration de Nicolas Jounin (qui commence sa carrière de maître de conférences en sociologie à l’université Paris 8) et Sébastien Chauvin (dont les travaux ont été récemment entrevus ici-même, ou — il y a quelques années — mentionnés ici aussi).
Le résumé annonce la couleur : « cet article s’intéresse à la manière dont le recours à l’intérim est devenu l’occasion d’une « externalisation des illégalités ». Une telle dynamique, qui ne se laisse guère approcher que par l’observation directe des usages du travail temporaire, autorise une révocabilité accrue des salariés, une réduction de leurs revenus, ou encore l’emploi d’étrangers sans titre. Les entreprises utilisatrices d’intérim en bénéficient sans avoir à en assumer les risques judiciaires ou réputationnels. »
Les entreprises d’intérim jouent en quelque sorte un rôle d’assurance. C’est l’examen de cette assurance en France et aux Etats-Unis, à partir de deux enquêtes par observation, que Chauvin et Jounin entreprennent.
Je ne vais ici que citer certains exemples de ces illégalités assurantielles structurelles. Le premier exemple a beaucoup à voir avec l’objectif de réduction du prix de la main d’oeuvre :

Sur le terrain français, l’usage veut qu’on ne fasse pas signer de contrat aux intérimaires, ou seulement en fin de « mission » (ce qui permet une régularisation de l’opération ex post), alors que selon le Code du travail, il doit être signé dans les 48h suivant le début de la mission. L’objectif comme le résultat de cette pratique sont de pouvoir renvoyer les intérimaires à tout moment. Sans cette illégalité fondamentale assurée par un tiers, le recours à l’intérim (qui implique de rémunérer l’intermédiaire) aurait moins d’intérêt que le contrat à durée déterminée (qui présente les mêmes modalités d’établissement et de rupture). Routinière et rarement contestée, une telle pratique suggère que l’illégalisme n’est pas l’anomie.
(…)
Aux Etats-Unis : une entreprise a bien aujourd’hui le droit de supprimer les « benefits » de l’ensemble de ses salariés (en d’autres termes, de s’auto-exonérer de charges sociales qui seraient, en France, obligatoires). Mais si elle ne le fait pas pour l’ensemble de sa main-d’œuvre, elle risque d’être poursuivie en justice pour discrimination6. Si elle souhaite le faire, il lui est donc recommandé de segmenter sa main- d’œuvre en trouvant des statuts d’emploi alternatifs pour le reste de ses salariés. (…) l’externalisation de la main-d’œuvre par l’emploi durable de « permatemps » constitue donc un moyen privilégié d’exclure ces derniers des bénéfices sociaux stipulés dans la convention collective ou l’accord syndical.

Le deuxième exemple est centré sur le statut illégal de certaines agences d’intérim, qui peuvent ainsi supporter les coûts de leurs entorses au droit du travail :

Dans l’intérim en France, certaines agences se montent le temps de quelques mois, ne déclarant aucun de leurs salariés à l’URSSAF, fermant avant d’avoir été contrôlées. (…) Dans le travail journalier à Chicago, beaucoup d’agences situées à l’écart de la ville, loin de la capacité de contrôle d’un Département du Travail de l’Illinois en sous-effectif chronique (77 personnes en 2006, dont 7 inspecteurs), ne sont pas déclarées, ou déclarées auprès de certaines institutions (comme le Department of Motor Vehicles) et pas d’autres (comme le Département du Travail) alors même qu’elles peuvent par ailleurs faire de la publicité dans l’annuaire ou sur internet. Certaines opèrent dans des arrière-cours, des garages de maisons individuelles, d’autres, sans locaux, à des coins de rue à certaines heures matinales.

Le dernier exemple insiste sur certaines modifications du régime d’assurance :

A terme, si la fonction assurantielle des intermédiaires de main-d’œuvre est trop sollicitée (par des mises en causes judiciaires notamment), il importe de trouver des solutions alternatives. En France, dans le métier du ferraillage de chantier, un changement s’opère actuellement, qui vise à substituer progressivement un type d’intermédiaire à un autre. Jusqu’au milieu des années 2000, les entreprises de pose d’armatures (qui, elles-mêmes, doivent leur naissance à un mouvement d’externalisation dans les années 1980) ont eu recours principalement à des intérimaires, qui constituaient au moins les deux tiers de leur main-d’œuvre, le reste étant surtout composé de cadres de chantier embauchés. Ces intérimaires, étrangers, souvent maghrébins, étaient aussi fréquemment sans-papiers. Mais sur un nombre croissant de chantiers, les entreprises utilisent désormais un autre mode de mise au travail : la prestation transnationale de services, par le biais d’entreprises polonaises détachant leurs salariés. L’argumentaire des responsables du ferraillage fait expressément référence au problème que posait la présence de sans-papiers dans le contexte d’une augmentation des contrôles menés par les pouvoirs publics. (….) le contrôle des illégalités est rendu beaucoup plus difficile, car il nécessite souvent de collecter des données dans le pays d’origine de l’entreprise.

L’étude des illégalismes — séparée de toute étude des “scandales” ou “polémiques” — m’a intéressé : ils sont structurels, leur étude permet de comprendre les stratégies des entreprises ; ils sont aussi, parfois, indicibles.

Continuons par une salade composée de liens divers en rapport avec l’Université Paris 8 :
NNN NNN [lien effacé sur demande de l’auteure], étudiante, voit ses sapins brûler :

10 mois après avoir mis le feu dans le jardin qui donne dans la rue, hier soir « ils » ont recommencé ! Cette fois-i c’était dans la soirée. Une femme nous a prévenus que nos sapins étaient encore entrain de griller. Heureusement qu’elle nous a prévenu car nous n’avions rien entendu.

Les dessous d’un département (Sciences de l’éducation) sont dénoncés de manière fort peu transparente (car anonyme) :

Bonne ambiance à la fac ! Certains profs post-libertaires se comportent comme de vulgaires employeurs. Bref, je crois qu’ils vont expérimenter le boomrang expérentiel en ligne (…)
Vous voulez tout savoir ! Vous voulez des noms ! Des anecdotes ! Et surtout comprendre les enjeux des luttes sans merci que se livrent 2 labos recrutant leurs mercenaires parmi leurs étudiants.

Le blog du département d’anthropologie de l’université Paris 8 a repris : « Pendant tout un semestre, la voix nous manquait, les bras nous en tombaient… » Magie de la chirurgie (ou des grandes vacances…) les bras (et les doigts) ont repoussé !

Une vidéo de Paris 8 sur youtube :

Elodie N.Y. arrive en master de géopolitique à Saint-Denis… et son sujet semble très intéressant :

J’étais à Paris il y a 10jours pour régler les problèmes d’inscription en master et me trouver un appart. Mission accomplie, non sans difficultés. Je vais donc finalement en Master de Géopolitique, spécialité Enjeux territoriaux et gestions des conflits de pouvoirs… à Paris 8. Et cours, euh uniquement 1 jour par semaine, le reste du temps, je dois bosser sur mon mémoire, que je fais sur devinez quoi ??? Un projet d’urbanisme très controversé à Brooklyn, Atlantic Yards.

Petit Sucre raconte quelques interactions avec les secrétariats (cette scène se passe à Jussieu) :

J’aime pas la secrétaire des L3. Déjà, elle ne me plaisait pas beaucoup au 1er semestre,(cf tout 1er article) mais là, je crois que c’est encore pire. Pour plus d’anonymat, (mais surtout parce que je ne connais pas son vrai nom), nommons la Martine, en référence à une célèbre secrétaire de ParisVIII du même nom (et surtout du même genre).
Il y a à peine 2 semaines, après les resultats des partiels, Claire, Joëlle et moi sommes passées au secrétariat de L2 maths pour quelques questions sur les rattrapages et inscription en 3ème année…et Martine était là (on se demande pourquoi d’ailleurs; comment un bouledogue pareil peut etre “amie” avec des anges comme les secretaires de L2) et bien évidemment, c’est elle qui nous a répondu:
“Pour les rattrapages, bah c’est évident ! Faut faire un papier comme quoi vous voulez participer a telle épreuve tout en precisant que vous conservez la compensation. Et puis faut nous l’apporter c’est pourtant logique !!!”
“…et puis on a reçu un papier pour les inscriptions de L3 mais il n’y a pas de date precise dessus alors on aurait voulu savoir quand….”
“Rho mais c’est pas vrai ça !!!! C’est ecrit sur le site ! vous avez qu’à chercher c’est tout !!!!”
Bon, acquiessement de notre côté…on s’est dit qu’on était peut être tombé à un mauvais moment, ou un mauvais jour (ou autre excuse bidon nécessitant une mauvaise humeur chronique face à toute personne de moins de 25 ans).

ErasmusAthènes est le blog d’une étudiante de Paris 8 :

[La responsable des programmes d’échanges internationaux] m’a tout de suite conseillée d’aller en Grèce, (ils parlent anglais et les cours sont en anglais) et m’a donné le site Internet de l’école des Beaux Art d’Athènes car c’est avec cette école que l’université où je suis inscrite est partenaire. (À savoir l’université Paris 8).
Je suis allée voir ce site, (en grec et en anglais) où il y avait marqué « sculpture » « cours de nu » « marbre » « scénographie » etc. ! Il y avait des annexes de l’école situées sur les iles où les étudiants peuvent aller y travailler pour leur projet de pratique artistique, et où ils sont logés gratuitement.

SofyyAthènes est aussi le blog d’une étudiante de Paris 8 en séjour Erasmus à Athènes (et d’ailleurs la précédente en parle) :

je continue une partie de mes études en Grèce histoire de changer d’air, de connaitre une toute autre vision du monde, une culture bien que européenne mais si différente de notre bonne vieille France. Cette aventure je l’ai entreprise avec une camarade et bonne amie Sonia.

Continuons avec les échanges : How’s That For Apples vient d’Outre-Atlantique :

At the Sorbonne, I’m taking Métiers de L’Ecrit (careers in writing); at Paris VIII, the institute for feminine studies, I’m taking Ecrire devant la Mort (writing before death). I’m a little nervous about the university courses. They start next week.

Retour aux histoire de secrétariat, cette fois-ci à Saint-Denis… J’ai du mal à comprendre pourquoi l’inscription des étudiants à l’université peut être aussi compliquée, à Paris 8. Chaque année, on trouve sur internet des plaintes, justifiées à mon avis, d’étudiants ne comprenant pas le système. Cette année, une étudiante américaine, Elaine, décrit :

Then I went to St. Denis to register for classes. Pure. Mayhem. SFSU has got it EASY: you go online and you put in your number for the class, and you press a button. Not here. You go to the secreteriat’s office, you look at a posting of classes and make your schedule there, and then you wait in line to speak to the secretariat so that she can put you on the list for each class. It’s a nightmare. This poor Japanese girl who’s in the foreign language program (but not through MICEFA) had freaking tears in her eyes, but this nice guy who works there (he had helped me out too), was explaining everything to her. I felt really bad. But you gotta be tough here. No one’s going to hold your hand.

Faut-il traduire ? “Et je suis allée à Saint Denis pour m’inscrire en cours. Un… Véritable… Désordre bordélique… (Il faut) aller dans un secrétariat, regarder une liste des cours et construire sur place son emploi du temps. Et ensuite, il faut attendre, faire la queue, pour parler à la secrétaire afin qu’elle te mette sur la liste, pour chaque cours. C’est un cauchemar ! Cette pauvre japonaise (…) avait des larmes aux yeux. (…) Je me sentais mal. Mais il faut être fort ici ! A Paris 8, no one can hear you scream” (la fin de la traduction est libre…)
Et toujours… : une liste partielle de blogs liés à Paris VIII
Terminons par un exemple de l’élasticité politique de la RATP. L’Hommage à Guy Môcquet de la station de métro Guy Môcquet était en déliquescence depuis plusieurs quinquennies. Sa fameuse lettre, couverte de la poussière collante et grise du métro, était jaunie par les ans. Mais l’actualité récente du jeune résistant communiste a poussé la Régie autonome des transports parisiens à la bougeotte :
Hommage à Quy Mocquet

La démission de Xavier Dunezat

Dans une longue lettre, Xavier Dunezat, professeur de sciences économiques et sociales, explique sa démission… Il avait été recruté comme maître de conférences en sociologie à l’université Lille 1. Extrait :

L’arrivée à la fac : entrée en désert relationnel
Je ne suis pas un enfant de chœur mais j’aimerais bien savoir comment il est possible de fabriquer ce que j’ai perçu à l’université.
Quand vous arrivez à la fac, la puce à l’oreille sur l’état de l’université peut vous être donnée par quelques signaux que l’on range traditionnellement dans les « problèmes individuels » mais que, en sociologie, nous savons être des purs produits de l’ordre social. Je pense ici à ces gens que vous croisez (rarement) dans les couloirs et qui vous fuient du regard, comme s’ils avaient peur. Je pense ici au nombre de gens en congé maladie et, visiblement, gravement malades. Je pense ici à la tristesse des regards quotidiens, à l’invisibilité des fous rires, à l’absence de pause-café collective, etc. Je pense ici – et surtout – à tous ces gens qui, lorsqu’ils n’ont plus peur de vous parler, se lancent dans des monologues qui alternent entre la leçon de sociologie et la longue anecdote qu’on comprend mal. Comme si l’accès à une certaine position dans la hiérarchie sociale vous condamnait à un drôle de comportement, si peu réceptif aux autres.
Ces quelques signaux ont alerté le novice que j’étais sur le véritable désert relationnel que constitue l’université. Dès les premières heures, vous comprenez que vous aurez peu d’interactions sur votre lieu de travail et que, si vous croyez aux vertus intégratrices du travail, vous allez en chier. Ce désert relationnel à l’université se traduit notamment de trois manières.
D’abord, les couloirs et la salle des personnels sont souvent vides, les bureaux fermés, une vague machine à café ayant la fonction symbolique de donner un peu de chaleur (liquide). Ce sont toujours les mêmes que l’on croise, en général celles et ceux qui s’épuisent dans la prise en charge des tâches collectives et qui n’ont pas toujours le temps de discuter. Non seulement les gens semblent travailler davantage à domicile mais en plus, à Lille en tout cas, bien des enseignant-e-s habitent au-delà des distances réglementaires (Voir article 5 du Décret du 6 juin 1984 modifié), en l’occurrence à Paris, parfois même à Marseille ! Evidemment, de telles distances entre lieu de travail et lieu de vie contrarient toute dynamique collective à l’université.

La Lettre de Xavier Dunezat est disponible en PDF.
Note : J’avais fait partie de la commission de spécialistes qui avait auditionné X. Dunezat à Paris 8.
Mise à jour : le lien vers la lettre, qui dirigeait auparavant vers un fichier PDF situé sur coulmont.com, vous emmènera vers un fichier PDF créé par Pierre Mercklé de Liens-socio. Cette version me semble plus “stable”. La lettre est aussi au format HTML sur liens-socio.