Petites et grandes choses en liste (7)
Commençons par un peu de bonne sociologie : « L’externalisation des illégalités. Ethnographie des usages du travail “temporaire” à Paris et Chicago [PDF] » est une collaboration de Nicolas Jounin (qui commence sa carrière de maître de conférences en sociologie à l’université Paris 8) et Sébastien Chauvin (dont les travaux ont été récemment entrevus ici-même, ou — il y a quelques années — mentionnés ici aussi).
Le résumé annonce la couleur : « cet article s’intéresse à la manière dont le recours à l’intérim est devenu l’occasion d’une « externalisation des illégalités ». Une telle dynamique, qui ne se laisse guère approcher que par l’observation directe des usages du travail temporaire, autorise une révocabilité accrue des salariés, une réduction de leurs revenus, ou encore l’emploi d’étrangers sans titre. Les entreprises utilisatrices d’intérim en bénéficient sans avoir à en assumer les risques judiciaires ou réputationnels. »
Les entreprises d’intérim jouent en quelque sorte un rôle d’assurance. C’est l’examen de cette assurance en France et aux Etats-Unis, à partir de deux enquêtes par observation, que Chauvin et Jounin entreprennent.
Je ne vais ici que citer certains exemples de ces illégalités assurantielles structurelles. Le premier exemple a beaucoup à voir avec l’objectif de réduction du prix de la main d’oeuvre :
Sur le terrain français, l’usage veut qu’on ne fasse pas signer de contrat aux intérimaires, ou seulement en fin de « mission » (ce qui permet une régularisation de l’opération ex post), alors que selon le Code du travail, il doit être signé dans les 48h suivant le début de la mission. L’objectif comme le résultat de cette pratique sont de pouvoir renvoyer les intérimaires à tout moment. Sans cette illégalité fondamentale assurée par un tiers, le recours à l’intérim (qui implique de rémunérer l’intermédiaire) aurait moins d’intérêt que le contrat à durée déterminée (qui présente les mêmes modalités d’établissement et de rupture). Routinière et rarement contestée, une telle pratique suggère que l’illégalisme n’est pas l’anomie.
(…)
Aux Etats-Unis : une entreprise a bien aujourd’hui le droit de supprimer les « benefits » de l’ensemble de ses salariés (en d’autres termes, de s’auto-exonérer de charges sociales qui seraient, en France, obligatoires). Mais si elle ne le fait pas pour l’ensemble de sa main-d’œuvre, elle risque d’être poursuivie en justice pour discrimination6. Si elle souhaite le faire, il lui est donc recommandé de segmenter sa main- d’œuvre en trouvant des statuts d’emploi alternatifs pour le reste de ses salariés. (…) l’externalisation de la main-d’œuvre par l’emploi durable de « permatemps » constitue donc un moyen privilégié d’exclure ces derniers des bénéfices sociaux stipulés dans la convention collective ou l’accord syndical.
Le deuxième exemple est centré sur le statut illégal de certaines agences d’intérim, qui peuvent ainsi supporter les coûts de leurs entorses au droit du travail :
Dans l’intérim en France, certaines agences se montent le temps de quelques mois, ne déclarant aucun de leurs salariés à l’URSSAF, fermant avant d’avoir été contrôlées. (…) Dans le travail journalier à Chicago, beaucoup d’agences situées à l’écart de la ville, loin de la capacité de contrôle d’un Département du Travail de l’Illinois en sous-effectif chronique (77 personnes en 2006, dont 7 inspecteurs), ne sont pas déclarées, ou déclarées auprès de certaines institutions (comme le Department of Motor Vehicles) et pas d’autres (comme le Département du Travail) alors même qu’elles peuvent par ailleurs faire de la publicité dans l’annuaire ou sur internet. Certaines opèrent dans des arrière-cours, des garages de maisons individuelles, d’autres, sans locaux, à des coins de rue à certaines heures matinales.
Le dernier exemple insiste sur certaines modifications du régime d’assurance :
A terme, si la fonction assurantielle des intermédiaires de main-d’œuvre est trop sollicitée (par des mises en causes judiciaires notamment), il importe de trouver des solutions alternatives. En France, dans le métier du ferraillage de chantier, un changement s’opère actuellement, qui vise à substituer progressivement un type d’intermédiaire à un autre. Jusqu’au milieu des années 2000, les entreprises de pose d’armatures (qui, elles-mêmes, doivent leur naissance à un mouvement d’externalisation dans les années 1980) ont eu recours principalement à des intérimaires, qui constituaient au moins les deux tiers de leur main-d’œuvre, le reste étant surtout composé de cadres de chantier embauchés. Ces intérimaires, étrangers, souvent maghrébins, étaient aussi fréquemment sans-papiers. Mais sur un nombre croissant de chantiers, les entreprises utilisent désormais un autre mode de mise au travail : la prestation transnationale de services, par le biais d’entreprises polonaises détachant leurs salariés. L’argumentaire des responsables du ferraillage fait expressément référence au problème que posait la présence de sans-papiers dans le contexte d’une augmentation des contrôles menés par les pouvoirs publics. (….) le contrôle des illégalités est rendu beaucoup plus difficile, car il nécessite souvent de collecter des données dans le pays d’origine de l’entreprise.
L’étude des illégalismes — séparée de toute étude des “scandales” ou “polémiques” — m’a intéressé : ils sont structurels, leur étude permet de comprendre les stratégies des entreprises ; ils sont aussi, parfois, indicibles.
Continuons par une salade composée de liens divers en rapport avec l’Université Paris 8 :
NNN NNN [lien effacé sur demande de l’auteure], étudiante, voit ses sapins brûler :
10 mois après avoir mis le feu dans le jardin qui donne dans la rue, hier soir « ils » ont recommencé ! Cette fois-i c’était dans la soirée. Une femme nous a prévenus que nos sapins étaient encore entrain de griller. Heureusement qu’elle nous a prévenu car nous n’avions rien entendu.
Les dessous d’un département (Sciences de l’éducation) sont dénoncés de manière fort peu transparente (car anonyme) :
Bonne ambiance à la fac ! Certains profs post-libertaires se comportent comme de vulgaires employeurs. Bref, je crois qu’ils vont expérimenter le boomrang expérentiel en ligne (…)
Vous voulez tout savoir ! Vous voulez des noms ! Des anecdotes ! Et surtout comprendre les enjeux des luttes sans merci que se livrent 2 labos recrutant leurs mercenaires parmi leurs étudiants.
Le blog du département d’anthropologie de l’université Paris 8 a repris : « Pendant tout un semestre, la voix nous manquait, les bras nous en tombaient… » Magie de la chirurgie (ou des grandes vacances…) les bras (et les doigts) ont repoussé !
Une vidéo de Paris 8 sur youtube :
Elodie N.Y. arrive en master de géopolitique à Saint-Denis… et son sujet semble très intéressant :
J’étais à Paris il y a 10jours pour régler les problèmes d’inscription en master et me trouver un appart. Mission accomplie, non sans difficultés. Je vais donc finalement en Master de Géopolitique, spécialité Enjeux territoriaux et gestions des conflits de pouvoirs… à Paris 8. Et cours, euh uniquement 1 jour par semaine, le reste du temps, je dois bosser sur mon mémoire, que je fais sur devinez quoi ??? Un projet d’urbanisme très controversé à Brooklyn, Atlantic Yards.
Petit Sucre raconte quelques interactions avec les secrétariats (cette scène se passe à Jussieu) :
J’aime pas la secrétaire des L3. Déjà, elle ne me plaisait pas beaucoup au 1er semestre,(cf tout 1er article) mais là, je crois que c’est encore pire. Pour plus d’anonymat, (mais surtout parce que je ne connais pas son vrai nom), nommons la Martine, en référence à une célèbre secrétaire de ParisVIII du même nom (et surtout du même genre).
Il y a à peine 2 semaines, après les resultats des partiels, Claire, Joëlle et moi sommes passées au secrétariat de L2 maths pour quelques questions sur les rattrapages et inscription en 3ème année…et Martine était là (on se demande pourquoi d’ailleurs; comment un bouledogue pareil peut etre “amie” avec des anges comme les secretaires de L2) et bien évidemment, c’est elle qui nous a répondu:
“Pour les rattrapages, bah c’est évident ! Faut faire un papier comme quoi vous voulez participer a telle épreuve tout en precisant que vous conservez la compensation. Et puis faut nous l’apporter c’est pourtant logique !!!”
“…et puis on a reçu un papier pour les inscriptions de L3 mais il n’y a pas de date precise dessus alors on aurait voulu savoir quand….”
“Rho mais c’est pas vrai ça !!!! C’est ecrit sur le site ! vous avez qu’à chercher c’est tout !!!!”
Bon, acquiessement de notre côté…on s’est dit qu’on était peut être tombé à un mauvais moment, ou un mauvais jour (ou autre excuse bidon nécessitant une mauvaise humeur chronique face à toute personne de moins de 25 ans).
ErasmusAthènes est le blog d’une étudiante de Paris 8 :
[La responsable des programmes d’échanges internationaux] m’a tout de suite conseillée d’aller en Grèce, (ils parlent anglais et les cours sont en anglais) et m’a donné le site Internet de l’école des Beaux Art d’Athènes car c’est avec cette école que l’université où je suis inscrite est partenaire. (À savoir l’université Paris 8).
Je suis allée voir ce site, (en grec et en anglais) où il y avait marqué « sculpture » « cours de nu » « marbre » « scénographie » etc. ! Il y avait des annexes de l’école situées sur les iles où les étudiants peuvent aller y travailler pour leur projet de pratique artistique, et où ils sont logés gratuitement.
SofyyAthènes est aussi le blog d’une étudiante de Paris 8 en séjour Erasmus à Athènes (et d’ailleurs la précédente en parle) :
je continue une partie de mes études en Grèce histoire de changer d’air, de connaitre une toute autre vision du monde, une culture bien que européenne mais si différente de notre bonne vieille France. Cette aventure je l’ai entreprise avec une camarade et bonne amie Sonia.
Continuons avec les échanges : How’s That For Apples vient d’Outre-Atlantique :
At the Sorbonne, I’m taking Métiers de L’Ecrit (careers in writing); at Paris VIII, the institute for feminine studies, I’m taking Ecrire devant la Mort (writing before death). I’m a little nervous about the university courses. They start next week.
Retour aux histoire de secrétariat, cette fois-ci à Saint-Denis… J’ai du mal à comprendre pourquoi l’inscription des étudiants à l’université peut être aussi compliquée, à Paris 8. Chaque année, on trouve sur internet des plaintes, justifiées à mon avis, d’étudiants ne comprenant pas le système. Cette année, une étudiante américaine, Elaine, décrit :
Then I went to St. Denis to register for classes. Pure. Mayhem. SFSU has got it EASY: you go online and you put in your number for the class, and you press a button. Not here. You go to the secreteriat’s office, you look at a posting of classes and make your schedule there, and then you wait in line to speak to the secretariat so that she can put you on the list for each class. It’s a nightmare. This poor Japanese girl who’s in the foreign language program (but not through MICEFA) had freaking tears in her eyes, but this nice guy who works there (he had helped me out too), was explaining everything to her. I felt really bad. But you gotta be tough here. No one’s going to hold your hand.
Faut-il traduire ? “Et je suis allée à Saint Denis pour m’inscrire en cours. Un… Véritable… Désordre bordélique… (Il faut) aller dans un secrétariat, regarder une liste des cours et construire sur place son emploi du temps. Et ensuite, il faut attendre, faire la queue, pour parler à la secrétaire afin qu’elle te mette sur la liste, pour chaque cours. C’est un cauchemar ! Cette pauvre japonaise (…) avait des larmes aux yeux. (…) Je me sentais mal. Mais il faut être fort ici ! A Paris 8, no one can hear you scream” (la fin de la traduction est libre…)
Et toujours… : une liste partielle de blogs liés à Paris VIII
Terminons par un exemple de l’élasticité politique de la RATP. L’Hommage à Guy Môcquet de la station de métro Guy Môcquet était en déliquescence depuis plusieurs quinquennies. Sa fameuse lettre, couverte de la poussière collante et grise du métro, était jaunie par les ans. Mais l’actualité récente du jeune résistant communiste a poussé la Régie autonome des transports parisiens à la bougeotte :
2 commentaires
Un commentaire par EH (30/09/2007 à 17:44)
J’ai ouï dire que le syndicat Sud Etudiant Paris 8 aidait justement les étudiants à s’inscrire en début d’année. Il paraît que cette année, la date de clôture des inscriptions était très tôt dans de nombreuses filières (tout début septembre), ce qui revenait à un filtrage implicite – seuls les étudiants les plus informés et les plus parisiens s’étant inscrits. Aux tables d’accueil, les gens de Sud aidaient les étudiants à s’inscrire dans d’autres filières, elles encore ouvertes, avec l’idée qu’ils pourront toujours se réorienter dans six mois… Une façon de contourner l’obstacle. Il paraît aussi que la validation des diplômes étrangers se fait au gré de l’agent qui s’en charge, avec bien sûr un mépris pour les diplômes des pays “du Sud” ou “de l’Est”.
Un commentaire par Baptiste Coulmont (30/09/2007 à 17:56)
> EH : une petite imprécision… Ce ne sont pas des agents qui examinent les diplômes étrangers, mais les collègues responsables des équivalences. Se posent alors des problèmes d’«équivalences» entre disciplines. Des cursus en instituts de théologie (coraniques ou évangéliques) ne préparent pas nécessairement à une entrée en 3e année de licence de sociologie… quoi qu’en pensent leurs diplômé-e-s. L’absence de maîtrise du français (un exemple : l’arabisation des enseignements en Algérie) n’aide pas non plus. L’expérience passée (par exemple, sur les X dernières années, un taux de 0% de réussite en licence) incite aussi à la prudence… En pratique, tous les diplômes ne sont pas équivalents.