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La démission de Xavier Dunezat

Billet publié le 30/09/2007

Dans une longue lettre, Xavier Dunezat, professeur de sciences économiques et sociales, explique sa démission… Il avait été recruté comme maître de conférences en sociologie à l’université Lille 1. Extrait :

L’arrivée à la fac : entrée en désert relationnel
Je ne suis pas un enfant de chœur mais j’aimerais bien savoir comment il est possible de fabriquer ce que j’ai perçu à l’université.
Quand vous arrivez à la fac, la puce à l’oreille sur l’état de l’université peut vous être donnée par quelques signaux que l’on range traditionnellement dans les « problèmes individuels » mais que, en sociologie, nous savons être des purs produits de l’ordre social. Je pense ici à ces gens que vous croisez (rarement) dans les couloirs et qui vous fuient du regard, comme s’ils avaient peur. Je pense ici au nombre de gens en congé maladie et, visiblement, gravement malades. Je pense ici à la tristesse des regards quotidiens, à l’invisibilité des fous rires, à l’absence de pause-café collective, etc. Je pense ici – et surtout – à tous ces gens qui, lorsqu’ils n’ont plus peur de vous parler, se lancent dans des monologues qui alternent entre la leçon de sociologie et la longue anecdote qu’on comprend mal. Comme si l’accès à une certaine position dans la hiérarchie sociale vous condamnait à un drôle de comportement, si peu réceptif aux autres.
Ces quelques signaux ont alerté le novice que j’étais sur le véritable désert relationnel que constitue l’université. Dès les premières heures, vous comprenez que vous aurez peu d’interactions sur votre lieu de travail et que, si vous croyez aux vertus intégratrices du travail, vous allez en chier. Ce désert relationnel à l’université se traduit notamment de trois manières.
D’abord, les couloirs et la salle des personnels sont souvent vides, les bureaux fermés, une vague machine à café ayant la fonction symbolique de donner un peu de chaleur (liquide). Ce sont toujours les mêmes que l’on croise, en général celles et ceux qui s’épuisent dans la prise en charge des tâches collectives et qui n’ont pas toujours le temps de discuter. Non seulement les gens semblent travailler davantage à domicile mais en plus, à Lille en tout cas, bien des enseignant-e-s habitent au-delà des distances réglementaires (Voir article 5 du Décret du 6 juin 1984 modifié), en l’occurrence à Paris, parfois même à Marseille ! Evidemment, de telles distances entre lieu de travail et lieu de vie contrarient toute dynamique collective à l’université.

La Lettre de Xavier Dunezat est disponible en PDF.
Note : J’avais fait partie de la commission de spécialistes qui avait auditionné X. Dunezat à Paris 8.
Mise à jour : le lien vers la lettre, qui dirigeait auparavant vers un fichier PDF situé sur coulmont.com, vous emmènera vers un fichier PDF créé par Pierre Mercklé de Liens-socio. Cette version me semble plus “stable”. La lettre est aussi au format HTML sur liens-socio.

[yarpp]

93 commentaires

Un commentaire par sansaloni (01/10/2007 à 18:21)

J’aimerais que Xavier Dunezat puisse justifier son choix d’une manière plus positive, à savoir en quoi il en va différemment dans l’enseignement secondaire ou dans les IUT.
Le schéma qu’il décrit s’applique, peu ou prou, à n’importe quel structure collective : piston, passe-droit, hiérachie, mépris, exploitation, planqués… Personnellement, je travaille (à un niveau assez élevé de la structure hiérarchique) dans un grand groupe, international et coté à la bourse de Londres, et j’ai pu observer à de multiples reprises la mise en oeuvre d’une dynamique identique.
Je crains que cette façon d’agir et d’être ne se généralise, pour autant que les individus choisiront cette forme de fuite plutôt que le combat collectif. Le geste de M.Dunezat n’est-il pas un geste de faiblesse, d’impuissance ? En quoi s’inscrit-il dans une dynamique de lutte collective contre ce Sarkozysme qui nous envahit, tout simplement parce qu’il sait, magnifiquement et sournoisement, surfé sur notre individualisme !!

Un commentaire par clic (01/10/2007 à 23:10)

c’est un texte que je trouves assez étrange. En tant que vacataire, j’ai bien pu voir tout ce qu’il raconte, mais je ne comprends pas pourquoi il tient absolument à lier tous les problèmes au développement d’une logique entreprenariale et à la domination masculine. Ca ne tient pas vraiment debout à mon avis et ça affaiblit son propos. Parfois ça arrive comme un cheveu sur la soupe et ça a tendance à m’énerver. Un peu comme si les problèmes n’étaient pas vraiment grave s’ils n’étaient pas liés au capitalisme. Un peu comme s’il lui fallait absolument en rajouter une couche idéologique. Ceci dit, son témoignage est intéressant. C’est amusant de voir écrit quelque chose que tout le monde sait, dont tout le monde se plaint sans véritablement s’y opposer. Est-ce qu’on va le remettre sous le tapis? c’est bien possible. Ou alors, ça va finir en discours complètement idéologique qui ne débouchera sur rien. C’est un peu l’écueil vers lequel se dirige ce texte. Bon, je dis ça, mais j’ai arrêté au milieu (énervé par une énième saillie sur les patrons qui n’ont vraiment rien à voir avec le sujet) et je regretterai peut-être ce commentaire quand j’aurais tout lu… je l’espère en fait…

Un commentaire par clic (01/10/2007 à 23:12)

“La liberté pédagogique est une vieille rengaine du personnel enseignant afin de protéger l’indépendancegnagnagna…et surtout le privilège de rendre le moins de comptes possible.”
héhé… j’aime beaucoup…

Un commentaire par clic (01/10/2007 à 23:39)

bon voila… fini le texte, et bien je ne regrette pas mon avis. Il fait pleins de remarques très justes sur le rapport à l’enseignement et aux étudiants, mais je ne comprends rien à sa critique du Sarkozysme qui mériterait à mon avis un point Eolas (on est sur un blog, ayons des références bloguesques…). Le pire, c’est que d’un tel texte, c’est surement les passages anti sarkozystes creux qui vont rester, alors que ce qui me semble vraiment intéressant est bien dans la façon dont l’université délaisse complètement l’enseignement, et se justifie en méprisant les étudiants. On verra bien.

Un commentaire par Baptiste Coulmont (02/10/2007 à 11:08)

> Clic : Je ne sais pas ce qui restera. Personnellement, c’est le passage sur le désert relationnel qui m’a marqué…

Un commentaire par Violoncelle (02/10/2007 à 11:43)

Un peu naïf, comme l’auteur le dit lui-même. Ce serait encore plus surprenant de la part d’un sociologue si ce paradoxe ne constituait lui-même une loi applicable à nombre de trajectoires. Faire de la sociologie, ou des sciences humaines, n’est-ce pas mettre à distance ? Et d’abord et avant tout : vouloir Se mettre à distance de l’objet ?

Ce texte, d’où j’ai senti du dégoût, une répugnance non masquée, m’inspire le retour du refoulé, tout chercheur y étant particulièrement exposé par sa “vocation” et son activité.

Qu’est-ce qui a motivé ce texte ? A priori, qu’importe… Mais compte tenu de sa résonance partisane, des difficultés inhérentes à la recherche, autant institutionnelles, sociales et psychologiques, que pouvons-nous en faire ?

À mon avis, rien. Mais c’est l’art et le pouvoir que de savoir monter les petits événements en épingle.

Alors, avec un peu d’imagination, pourquoi pas…

Un commentaire par J. Lautman, prof émérite (02/10/2007 à 13:10)

Reçu ce texte via une de mes ex doctorantes devenue MCF qui m’empêche d’être totalement coupé des générations ultérieures…
Rien à faire des liaisons douteuses avec l’époque Sarkozy.
Ce texte est courageux , fondé et sinistre car il met l’accent sur un point majeur : l’incapacité, ou le refus, mais je crois plus à l’incapacité des sociologues en Université à faire leur métier et à se comporter normalement, c’est à dire à passer du temps à leur bureau , à échanger, discuter , s’informer , se confronter avec des collègues . D’où la fuite . Heureusement bon nombre ont chacun leur réseau mais certains n’ont pas de réseau et évidemment, pour eux , c’est invivable, sauf à se boucher les yeux.
Pourquoi est ce ainsi ? Parce que les sociologuies universitaires français de ma génération avons été incapables de fixer un canon minimum d’acord sur ce qui peut être objet d’enseignement universitaire etr de recherche digne de ce nom ( objets, méthodes). D’où l’ouverture à un relativisme angoissant.
Oserai-je ajouter que nombreux sont ceux qui savent trop bien que la majorité des étudiants en socio ne sont pas bons et ne méritent pas que les profs et MCF fassent beaucoup d’efforts pour eux puisqu’eux mêmes n’en font guère.

Un commentaire par clac (02/10/2007 à 13:16)

Quel gâchis…
Vrai témoignage et démarche rare. A lire sans doute tant beaucoup dans cela est si vrai. A mettre sous les yeux de tant d’enseignants….
Mais quel besoin que toute magouille soit forcément libérale? Et comment peut-on être tout à la fois si triste de nos université et (apparement) s’opposer aussi à toute réforme d’elle? Et comment peut-on croire qu’ aucune sélection n’est jamais nécessaire à l’université (y compris en thèse donc…)?…
Oui, quel gâchis… de vous et de nous: restez, il y a dans le regard des étudiants de quoi remplir une vie entière.

Un commentaire par Gizmo (03/10/2007 à 6:02)

La lettre est très longue, et probablement très longuement réfléchie. Je suis économiste à Orléans, et je ne reconnais pas grand-chose dans la description générale qui est faite du milieu universitaire, même si certains faits sont évidemment peu contestables. Est-ce propre à la sociologie ? à l’université de Lille 1 ? Cette longue lettre mériterait une réponse point par point, mais globalement, la démission me semble être une fuite : dans un environnement où les contraintes sont fortes (faiblesse du personnel administratif ; accroissement des exigences en termes de pédagogie, de recherche, et d’animation collective ; manque général de moyens), je reste à l’Université JUSTEMENT pour contribuer à améliorer les choses, par petites touches successives, peu ambitieuses mais pragmatiques. Peut-être Xavier Dunezat avait-il symboliquement “surinvesti” dans la carrière universitaire ? Je ne vois dans sa démission ni courage, ni ignominie. Je lui souhaite le meilleur dans sa nouvelle-ancienne carrière, et j’espère que les jeunes doctorants lecteurs de sa lettre ne prendront pas pour universel ce qui n’est peut être qu’une contingence.

Un commentaire par clic (03/10/2007 à 9:39)

@ gizmo: j’espérais des remarques venant d’autres disciplines ou d’autres pays. J’ai tendance à comprendre les problèmes comme qu’il présente comme résultant de logiques institutionnelles et donc plutôt en lien avec l’université française en général et peu avec la sociologie:
– l’absence de formation à l’enseignement
– l’absence d’évaluation et de conséquences (en terme de carrière) de l’enseignement.
– la division entre grande école et université qui laisse aux universités les étudiants les plus faibles et peu de moyens et motive peut-être peu les enseignants. Si on rajoute le fait que la sociologie est souvent un second choix, on se retrouve plutôt avec des étudiants relativement faibles et peu motivés ce qui tend surement à démotiver les enseignants eux-même.
Voila pour le rapport aux étudiants. Quand au “désert relationnel” je n’en saisis pas vraiment les raisons. On pourrait penser que la recherche en sociologie est plutôt individuelle, donc pousse à cela, mais il me semble que c’est un peu court et pas nécessairement vrai. Peut-être que mon troisième point précédent joue. On entend si souvent les MCF se plaindre du niveau des étudiants qu’on se dit qu’en ricochet, cela doit les atteindre forcément (qu’est-ce que je vaux si mon métier consiste à enseigner à des gens qui ne valent rien?)
Voila, je n’ai pas trop d’idée mais c’est vrai que j’aurais aimé savoir si dans d’autres département, les gens se reconnaissent dans cette description. Ceci dit et pour finir, je trouves qu’il en rajoute un peu (parfois beaucoup) tout le temps, mais globalement et si on modère quelque peu le propos, l’essentiel de ce qu’il dit me semble juste.

Un commentaire par Christian BAUDELOT (03/10/2007 à 9:42)

La fac vue du lycée ! Une première qui doit tous nous faire beaucoup réfléchir sur les conditions de travail à l’université, le désert relationnel, l’absence, mère de tous les phantasmes et des haines, la recherche du salut par les publications, le mépris pour la pédagogie….
Dans sa caricature parfois un peu naïve, le tableau est tragique et juste. Ouvrons le débat et changeons les choses.

Un commentaire par Baptiste Coulmont (03/10/2007 à 10:21)

Pour l’instant, je pense que la lettre de X. Dunezat est surtout diffusée à travers des listes de diffusion de sociologues (et de science-politistes). Je ne sais pas comment réagiraient géographes, historiens, philosophes, littéraires… Un des intérêts de cette lettre est d’ouvrir une discussion (et je pense qu’elle a un peu commencé). Les positions des unes et des autres face au texte sont en tout cas intéressantes.

Un commentaire par clic (03/10/2007 à 10:34)

@ baptiste: j’ai fait un peu de pub, au hasard de mes lectures de blog. Je continuerai un peu. Ton blog étant probablement le blog de sociologie le plus lu, s’il peut y avoir une discussion, c’est probablement ici.

Un commentaire par alsaleh (03/10/2007 à 11:33)

J’ai rencontré le même désert relationnel; Et puis, au bout d’un an de volontarisme sociabilisant, je connaissais plein de gens sympas et accueillants, tant parmi les enseignants que les personnels et les étudiants.
Je vais dire un truc con, mais il faut sourire aux autres, leur dire un bonjour avec le prénom, et, au bout d’un moment, ça se décoince, car tout le monde, secrètement, ne rêve que de ça, même si par peur ou inhibition ou je-ne-sais-quoi, on rentre les antennes…
;-)

Un commentaire par Tom Roud (03/10/2007 à 14:01)

Texte intéressant, mais à mon avis la situation décrite est un peu extrême.
Il y a des choses généralisables à mon avis :
– la dévalorisation de l’enseignement, mais c’est un problème structurel : les MdC ne sont évalués que sur la recherche. D’où une distortion très forte entre ce que ce jeune MdC, qui venait manifestement surtout pour enseigner, a ressenti et la réalité. Il ne parle d’ailleurs que d’enseignement, pas de recherche; or il n’y a de fait à l’université aucune incitation à s’investir dans l’enseignement, juste la conscience des bons profs.
– le manque de relations entre enseignants. Là aussi, il y a un vrai problème dû à mon avis au manque de poste. Comme il dit, on préfère recruter des vacataires pour faire les TD. Du coup, il n’y a pas d’équipes éducatives stables; les vacataires/moniteurs ne sont dans l’établissement que pour faire des enseignements et il n’est pas toujours possible de monter une vraie équipe pédagogique.
– Sur sa vision de son propre recrutement : il a bénéficié des intérférences destructives entre deux candidats locaux et est donc sorti du haut du panier du reste des candidats valables. Même s’il y a des magouilles, cela signifie que lui était probablement le meilleur, donc son recrutement à été probablement juste par une espèce de “Ruse de la raison”. Là encore, ce genre de choses arrive partout
– c’est vrai qu’il n’y a pas de formation pédagogique des MdC, mais les moniteurs doivent suivre des formations CIES, qui si elles sont bien utilisées et organisées peuvent vraiment être intéressantes. Le fait qu’il ait enseigné au lycée a probablement joué un rôle déterminant dans son recrutement : il avait l’expérience du terrain de l’enseignement.
– il y a aussi probablement un problème de public. Quoi qu’on en dise et d’expérience, tous les étudiants sont loin d’être très motivés. Les profs jouent un rôle, mais c’est aussi un problème de société qui dévalorise sa propre université

Mon avis général est que la situation décrite est un peu extrême, probablement due aussi à un effet “Fac de province” un peu isolée avec tout ce que cela implique : bisbilles locales, baronnies, manque de moyens … Il y a peut-être un biais dû à la sociologie, mais je peux imaginer que cela se passe comme ça dans d’autres disciplines. Je ne connais que Jussieu où j’ai enseigné la physique; les gens de mon équipe étaient consciencieux, Paris VII avait un côté “Fac de gauche” assez intéressant (mais parfois agaçant, comme cette manie des é-e-s :P) dans la manière d’organiser l’enseignement (obligation de rotation, nombreuses réunions pédagogiques). En revanche, les problèmes structurels dont je parle plus haut (manque d’incitation à enseigner, recrutement de plus en plus fréquent de non-permanent) crée partout des problèmes.

Deux trucs pour finir :
– c’est dommage que les gens motivés démissionnent. J’imagine que la pyramide des âges en sociologie est la même que partout ailleurs : d’ici quelques années, notre MdC aurait pris de la bouteille et aurait pu changer les choses. Plus généralement, comme il y a décalage entre les opinions politiques proclamées de certains chercheurs bien au chaud dans leur poste statutaire et leurs attitudes face aux étudiants (avant la thèse, pendant, et après), il faut des gens pour jouer la mouche du coche et réformer le système de l’intérieur. Je comprends qu’on se décourage, mais on n’a pas le choix, il faut se battre.
– beaucoup de gens démissionnent de postes McF ou du CNRS. Pour des raisons totalement différentes en général : ils trouvent des postes de recherche bien mieux à l’étranger.

Un commentaire par Clik Clak (03/10/2007 à 14:12)

Il fallait l’écrire, le faire, tout ce qu’on veut. Néanmoins, cela reste un sport de riches. Il retombe largement sur ses pieds. Je me demande s’il n’aurait pas mieux fait de tenter de combattre en interne, quitte à y perdre de l’énergie. Mais il semble croire à ses idéaux, cet enseignant.
Chapeau bas tout de même.

Un commentaire par Baptiste Coulmont (03/10/2007 à 17:27)

Christian Baudelot résume bien la position de l’auteur : “la fac vue du lycée” ! Il trouve toujours des titres forts.
> Tom Roud : merci pour la comparaison inter-disciplinaire (et trans-facs)

Un commentaire par thi (03/10/2007 à 21:07)

Mais qui est donc ce Baudelot ? Je plaisante…

Par contre j’en suis à “Fabrication d’un-e local-e” dans la lettre de Xavier Dunezat et rien n’est une surprise jusqu’ici, tout est une bonne confirmation (cela me rappelle le livre de Judith lazar “secrets de familles…”) : je trouve le ton juste et sincère. Rageur même et donc un peu familier pour qui fréquente les arcanes finalement si peu “universitaires” de l’Université.

Maintenant vos commentaires m’inquiètent : encore du Sarkosy !! Mais qui à donc inventé ce produit publicitaire diabolique ?

Un commentaire par kodak (03/10/2007 à 22:15)

La lettre de démission de M. Dunezat est arrivée dans ma boîte mail via une association de doctorants et jeunes docteurs en cinéma dont je suis membre. Elle cadre avec une discussion que nous avons et que je qualifierais de « récurrente et inquiète » sur notre devenir au sein de l’université et plus largement sur le fonctionnement universitaire.
Ce que raconte M. Dunezat est totalement transposable dans notre filière et dans la plupart des facultés d’arts (changeons simplement le rapport de 100 candidats pour 30 postes par an au rapport de 100 candidats pour 5 postes). Ce qu’il raconte du concours de recrutement, des manœuvres des commissions de spécialistes, des profils de postes bétonnés pour le candidat local, des enseignants vacataires corvéables et soumis (s’ils veulent avoir un poste un jour) est hélas un refrain connu chez nous, et sans doute ailleurs aussi. J’ai même entendu dans un colloque une intervenante qu’on présentait comme la toute nouvelle recrue sur tel poste alors que le concours n’était même pas terminé : imaginez l’effet d’une telle annonce sur ceux qui dans la salle étaient eux aussi candidats, qui croyaient peut-être encore (les naïfs !) à leurs chances.
Je n’épiloguerai pas sur les propos de M. Dunezat en matière de pédagogie, d’organisation des enseignements et de répartition des tâches administratives entre les enseignants, sinon pour dire que la situation qu’il décrit correspond grosso-modo à celle que je connais dans la fac parisienne où je suis vacataire. Mêmes maux, mêmes remèdes, y compris jusque dans la décision univoque de réduire le nombre de semaines de cours et dans le délire répressif face au « copier-coller ». Quant à la mission « d’orientation et d’insertion professionnelle » désormais requise dans l’enseignement supérieur, elle n’émeut guère les enseignants de nos filières habitués à former des « précaires par définition ». Les plus avisés ont tout de même remarqué que nos « précaires » à nous se nomment « intermittents », ce qui n’est sans doute pas le mode d’insertion professionnelle rêvé par le ministère.
Je préfère la naïveté (même feinte) de M. Dunezat à la distance pincée que certains commentaires prennent vis-à-vis de ses propos : surinvesti mais défaitiste, courageux mais en fuite, sa description est juste mais il en rajoute, etc. Quant aux aspects partisans, carrément « anti-sarkozistes », ils sont de trop, vraiment ! N’a-t-il pas vu que le vent avait tourné ? Ah si seulement il avait appris à sourire aux autres, à les appeler par leur prénom, il serait resté parmi nous !
Il n’y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.
La démission « publique » de M. Dunezat dérange ceux qui s’accommodent de ce qu’il dénonce. Au mieux, ils diront qu’ailleurs (en province !) c’est sans doute comme ça, mais que chez eux tout va bien. Et qu’ils sont là pour veiller au grain, qu’ils restent, eux, pour se battre.
L’université n’était pas faite pour M. Dunezat. Il a le courage d’en partir, et de le dire. Combien sont ceux qui au cours de leurs études font un constat à peu près identique au sien, et renoncent ? Combien sont ceux qui soutiennent, qui se qualifient, qui publient, qui enseignent comme vacataire, qui se re-qualifient, qui auditionnent 5, 10, 20 fois même, et qui renoncent ? L’université n’était pas faite pour eux non plus ? Eux n’auront jamais la « chance » d’en partir, ni celle de le dire publiquement. La démission « publique » de M. Dunezat a le mérite de dire les raisons de nombre de « démissions » secrètes.

Un commentaire par thi (04/10/2007 à 0:05)

j’ai finalement terminé la lettre de Xavier Dunezat et j’asquiesse sur tout.
En particulier je souscrit au dernier commentaire posté par KODAC sur ce blog : certains des avis émis ici paraissent prendre une distance qui me parait “déplacée” par rapport à la réalité qu’énonce – et non dénonce – M. Dumezat.

Savez-vous chers amis sociologues que certains d’entre nous ont aussi entrepris la même démarche que lui – et sans le coussin d’un poste au Lycée – ? Et pour les mêmes raisons !

Un commentaire par kiki (04/10/2007 à 9:50)

Ce texte ouvre un vrai débat. Je crois que son auteur était en effet fait pour la fac et que son départ est très dommage.
Les anecdotes sur le localisme, l’absence de considération de l’enseignement, etc., ne surprendront pas grand monde qui connait un peu le fonctionnement de l’université. Ce qui m’a le plus touché, c’est la partie sur l’invisibilisation des enseignants, MCF comme précaires. J’ai passé deux ans comme ATER dans une autre université de Lille sans jamais avoir été reçu par quiconque ou pris un café avec un autre prof ou chercheur (excepté la relation qui m’avait pistonné… bah oui… mais cette relation étant un-e turbo-prof, il était dur de se voir…).
J’ai en revanche donné des TD un an à Lille-1 (en éco), j’y retourne souvent pour mes recherches, et je trouve le portrait un peu dur de cette fac :
– oui, pas mal de gens ont le melon et s’écoutent parler ! un peu comme dans pas mal d’endroits ! Mais ni plus ni moins qu’ailleurs (de ce que j’ai vu, comparativement à un labo de socio parisien, beaucoup moins ! ledit labo parisien était un vrai nid de guêpes, avec des égos démesurés, une recherche constante de la flatterie, un narcissisme évident, etc. etc.).
– mais il y a des gens qui s’aiment bien ! enfin, c’est l’impression que j’en ai eu. Je pense à croire que les rapports humains que j’ai observés (et vécus) n’étaient pas que factices.
– j’ai vu une vraie mobilisation des enseignants en éco lors du CPE, premiers signataires d’une pétition qui a circulé, encourageant les étudiants grévistes, organisant des débats sur le contrat de travail, les politiques d’emploi etc. Je trouve certaines parties de la lettre un peu injustes. (et oui, le slogan de la fac peut être commenté, mais il existait déja quand j’étais étudiant il y a une douzaine d’années… avant le sarkozysme, il y a eu le mitterrandisme et le chiraquisme, hélas!)
– surtout, je sais la mobilisation de certains enseignants d’économie pour les élèves en difficulté : création de dispositifs pour les étudiants étrangers, salariés, orientation et aide pour le logement, les bourses, etc. Je n’avais pas vu ça dans les autres facs où je suis passé. Je trouve le portrait de Lille 1 un peu dur, dans la mesure où sociologues et économistes travaillent pas mal ensemble (au-delà des indispensables guéguerres et clans, of course). Je sais l’ambition de beaucoup pour des enseignements de qualité, des permanences avec les étudiants, etc. Mais peut-être suis-je tombé sur les bons (et évité, par instinct ou parce que les autres ne sont en effet pas très présents…) ?!

Un commentaire par clic (04/10/2007 à 9:50)

@ Kodak:
– il peut exister des situations différentes dans différents endroits. Permettez donc que tout le monde ne parle pas de la même voix. L’intérêt d’une discussion “publique” est bien là: mieux saisir les problèmes. Si vous avez tout compris et que tout avis divergent est nécessairement mauvais, pourquoi discuter?
– “en rajouter” ou faire intervenir des explications fausses (ces problèmes sont largement antérieurs à Sarkozy) n’aide à rien. Cela ne permet pas de trouver de solutions, cela vous décridibilise, cela permet à d’éventuels adversaires politiques de balayer vos propos d’un revers de main. C’est de la très mauvaise stratégie.

Un commentaire par Philippe Cibois (04/10/2007 à 20:15)

Il existe des moyens collectifs pour lutter contre le localisme. Les mathématiciens ont mis au point un système d’affichage du ratio de locaux sur l’ensemble qui assure la publicité du système et le contrôle collectif. cf http://perso.orange.fr/cibois/Localisme07.pdf
Mais il faut que collectivement nous agissions : c’est à l’ASES, l’Association des Sociologues Enseignants du Supérieur de le faire. Ne rien faire, c’est laisser la place à ceux qui utilisent le système dans leur intérêt. La solution n’est pas individuelle (comme le fait Xavier Denuzat mais il retrouvera les mêmes problèmes, ou d’autres, ailleurs), mais collective. Un sursaut est possible.
J’invite l’ASES à ne pas avoir peur d’agir, ce qui semble le cas actuellement.

Un commentaire par christophe (05/10/2007 à 6:40)

à Kodak: je pense que la lucidité sur les conditions de travail n’empêche pas d’essayer d’être un être humain. Personnellement, j’en ai ras-le-bol des personnes qui masquent leur incapacité à vivre derrière le cynisme, des “trop-tristes” bref…
Je suis parfaitement conscient de ce qui se passe socialement, de cette transition vers une société atomisée qui est cruelle, et qui s’est accélérée ces cinq dernières années de manière spectaculaire. Mais je ne comprends pas cette équation douteuse du défaitisme et de la valeur individuelle. En se coupant les mains, il est vrai qu’on s’épargne de les salir. Mais on se coupe également les mains.
Je pense que le cas de Monsieur Dunezat est réellement une démission pour des motifs de ras-le-bol. Qu’il ait réussi à la théoriser, tant mieux pour lui. Mais ce que j’ai appris de la prudence théorique, c’est qu’une théorie de la méchanceté du monde est très souvent une théorisation de l’impuissance même du théoricien, et que la conséquence de cette impuissance particulière à une impossibilité universelle est un sophisme du désespoir. C’est vieux comme le Ménon de Platon, qui, acculé par Socrate à admettre qu’il ne sait pas ce que veut dire “savoir”, et esquivant cette conséquence, théorise l’impossibilité universelle de connaître, au lieu de reprendre les choses depuis le début.
Que le monde soit méchant, ce n’est pas nouveau. Que le travail tout court (et pas seulement à l’université, pensons aux suicides au technocentre de Renault ou à Peugeot PSA…, mais lire aussi “souffrance en France”, etc…) soit dur, c’est une chose, mais on ne peut pas en tirer la conséquence que le renoncement est une solution universalisable…
Etre conséquent, ce n’est pas forcément tirer les dernières conséquences…
Je vous invite à lire l’interview de Jacques Bouveresse, “Le philosophe et le réel”, chez Points-Seuils,
et je retourne à mes quartiers (désertés) de philosophe universitaire qui a la naïveté de croire que la noirceur du monde peut être secouée par ceux qui parviennent à garder le moral, et qui ont, du coup, la responsabilité de ne pas tirer la gueule à ceux qui vont sombrer ou qui ont déjà sombré.
N’oublions pas ce passage de la Chanson de Léo Ferré, “Les anarchistes”:
“joyeux, et c’est pour ça qu’ils sont toujours debout”.
Bien à vous,
gardez la pêche!
Christophe

Un commentaire par Troll (05/10/2007 à 21:08)

Le Sarkozy (ou sarkoziste) si souvent mis en cause dans la lettre pourrait se dire aussi que tout cela est le symptôme des privilèges attachés aux “régimes spéciaux” des universitaires (emploi à vie, synonyme d’impunité…). A réformer donc. Non ?

Un commentaire par Arnaud Parienty (06/10/2007 à 7:27)

Ayant été chargé de TD en LEA à Paris III, je partage de nombreux constats (mais pas l’analyse politique) de cette lettre. Mais que faire ?
– Venant du lycée, le copinage dans les nominations à la fac choque. Pourtant, le système lourd et rigide du second degré semble difficile à transposer au supérieur. D’ailleurs, les profs de prépa sont nommés sur décision opaque et arbitraire de l’inspection. Un certain degré de cooptation semble inévitable. Peut-être la composition des commissions doit-elle être revue ?
– L’arbitraire de l’évaluation est un scandale (absence de concertation des enseignants, chacun évalue ses étudiants dans son coin, les objectifs de l’évaluation ne sont pas précisés. On m’a même dit une fois que le programme de l’UV était vieux et que e devrais le refaire !), qui renvoie au fait que la fac ne s’intéresse qu’aux 5% d’étudiants qui iront en 3ème cycle (c’est-à-dire à sa propre reproduction). La faiblesse de l’administration (quels moyens humains pour gérer un département ?) est sûrement en cause, ainsi que le déséquilibre entre les fonctions d’enseignant et de chercheur.
– L’absence totale de formation professionnelle (enseigner est un métier ; le fonctionnement de la fac est la négation de cette évidence) est ce qui choque le plus un prof de lycée (qui a eu une formation, a lu de la pédagogie et de la didactique, se voit transmettre des méthodes, etc…).
– Autre problème, non signalé dans la lettre, mais bien connu des profs de lycée : les 25% les meilleurs des bacheliers généraux ne vont pas à la fac, mais en prépa, en IEP, etc… Il ne doit pas être gratifiant pour les profs de savoir qu’ils ne verront les bons étudiants potentiels qu’en 3ème cycle (éventuellement).

Finalement, l’équilibre de la fac ressemble à celui des pays de l’Est (on fait semblant de travailler et ils font semblant de nous payer), les profs, nantis de la sécu et d’un salaire de base, vivant leur vie ailleurs (dans la recherche pour ceux que ça intéresse, dans le conseil en entreprise, pour ceux qui veulent s’enrichir, etc…).
Une question dérangeante, pour finir : pourquoi rien de tout cela n’est-il vrai en médecine ? C’est pourtant la fac, je crois.

Un commentaire par Mathieu P. (06/10/2007 à 14:04)

Thésard et moniteur à Paris 1, j’ai lu avec intérêt cette lettre. Et aussi pas mal d’agacement face à la violence qui était faite à la langue française à coups de é-e-s, à mon avis aussi inutiles que typographiquement laids. Je passe pour m’intéresser au fond.

Pour commencer, l’auteur identifie bien de nombreux travers, en particulier le manque d’implication de certains enseignants dans le premier cycle universitaire : absence aux examens, cours routiniers ou mal préparés, par de volonté de coordination avec les chargés de TD… Cependant, cela ne me semble pas être un cas général dans les universités où je connais d’autres jeunes enseignants (Paris 1, Paris 4, Paris 7).

De même, j’ai également entendu parler comme d’un cas fréquent de la sélection d’un troisième larron, reconnu inférieur par tous, dans le cas de l’impossibilité de départager les deux meilleurs candidats.

Pour le reste, je suis sous l’impression que si l’auteur de la lettre choisit la démission comme issue, c’est que son mélange de naïveté et d’aveuglement idéologique. Pour commencer la naïveté sur les missions de l’Université. L’auteur s’insurge ainsi, en des termes très peu mesurés, contre la volonté de professionalisation des cursus universitaires. Dans une filière connue pour son manque de débouchés, cela me semble une attitude tout aussi nuisible pour les étudiants que celle consistant à ne s’intéresser qu’à ceux qui iront en troisième cycle. Les étudiants que j’ai eu en face de moi tenaient d’ailleurs un discours en ce sens : beaucoup ne venaient pas à l’université pour apprendre quoi que ce soit, mais pour obtenir leur diplôme leur permettant d’accéder à un emploi bien rémunéré (le contenu dudit diplôme ne leur important qu’en ce qu’il importerait au futur employeur).

Au niveau des collègues, il a déjà été signalé comme le prisme de la discrimination sexuelle biaisait le regard de l’auteur. Je me demande si cela n’a pas contribué à son isolement parmi ses collègues.

Enfin, il me semble, à discuter avec d’autres doctorants, que l’effet des réseaux sur le recrutement diminue régulièrement quand on s’éloigne des humanités pour aller vers les sciences. Le cas que je connais le mieux, l’économie, est à mi-chemin, avec des universités qui ne recrutent pratiquement que des candidats locaux, et d’autres qui au contraire se sont formellement interdit le recrutement de locaux. Ces dernières, face aux problèmes pour les jeunes docteurs de trouver une place (les autres établissements recrutant local) les poussent à l’expatriation.

Un commentaire par christian Pihet (06/10/2007 à 22:01)

J’ai également lu la lettre de M. Dumezat à partir de ce blog. Que puis-je ajouter aux différents commentaires ?
Je suis géographe, président de commission de spécialistes dans mon université ( de taille moyenne, Angers) et également président de section (39) au CNRS. Je redis donc que bien des constats émis par l’auteur et différents commentateurs ne peuvent sans doute être remis en cause bien qu’ils apparaissent extrêmes et parfois désespérants mais que l’ensemble ou le fonds du texte ne me convainc pas vraiment.
Quelques observations
– les mécanismes de fonctionnement des CSE sont plus complexes, moins “mécaniques” et plus contradictoires que ce qui est décrit. De ce que j’ai vécu, il me semble qu’avec le filtre préalable opéré par le CNU, les débats s’organisent autour du profil mis au concours et de la stratégie des (ou du labo). Très vite, ils se centrent sur un petit nombre de candidats – locaux ou non – et alors les participants vont énoncer les différents paramètres du choix, assez souvent vécus en termes de risques. Viendra-t-il ou non? Quelles “plus-value” – réseaux nationaux et internationaux – peut-il (elle) apporter? Comment va-t-il s’intégrer dans l’équilibre d’ensemble de la communauté?
Nier que des “préselections” existent serait grotesque. Cela existe mais en ce qui me concerne, mes observations m’amènent à proposer l’hypothèse qu’il existe au sein de la CSE une pluralité de ces présélections et que le classement final va dépendre de l’évaluation des risques et avantages que tel ou telle va apporter par son recrutement. Et de l’adhésion à cette évaluation que le candidat ou son “défenseur” va susciter. Ce qui fait que les jeux sont peut-être plus rarement faits à l’avance que ce qu’on imagine.
Par ailleurs, il faut revenir sur le profilage des postes. M. Dumezat en fait un portrait un peu mécanique à partir de la préselection d’un “bon” étudiant. Là-aussi, je nuance, tout au moins à partir de ma posture de géographe. Le profilage d’un poste se fait bien souvent assez longtemps à l’avance, à cause des exigences de calendrier du ministère, voire une année ou plus lorsqu’il s’agit de remplacer un départ à la retraite. C’est donc plutôt en fonction de ce poste – exemple: géographie de l’environnement, d’une aire culturelle ou d’un processus – que les présélections vont débuter et non pas l’inverse. Le pouvoir étant diffus dans l’université, plusieurs types de préselections vont s’opérer : celle autour du – des – candidat local,- locaux – s’il y en a , celle recherchée à l’extérieur par d’autres membres de la CSE. Comme l’arrivée d’un nouveau collègue change les rapports internes, chacun va essayer de s’en prémunir ou de minimiser les risques en ouvrant le débat et en prenant date au sein de la CSE. D’où l’évaluation assez souvent partagée qui s’opère lors de la phase finale du recrutement. Du fait des exigences posées, ce sont plutôt de bons candidats qui sont présélectionnés et je rejoins ici l’analyse de Tom Roud. Le scandale d’un pistonné médiocre serait trop important et rejaillirait sur son promoteur…
– Pour le reste du texte, notamment sur le “désert relationnel”, je partage partiellement le constat. Néanmoins il est possible d’améliorer cela. Les organisations existent à l’université comme ailleurs et ce serait faire injure à un sociologue que d’écrire qu’elles ne fonctionnent pas et ne créent pas du lien. Mais il faut prendre le temps de les découvrir et d’analyser leurs divers intérêts. Là-aussi ce n’est pas au géographe de faire remarquer au sociologue que l’observation puis la participation sont des démarches successives qui nécessitent de la patience et de la modestie.
En définitive, un témoignage qui provoque le débat. Et qui devrait nous pousser à réagir plus collectivement et à nous organiser mieux, l’enjeu de la réussite des étudiants étant considérable dans le contexte actuel.

Un commentaire par Baptiste Coulmont (07/10/2007 à 10:37)

A tous : Merci beaucoup d’avoir pris le temps de commenter le texte de Xavier Dunezat, et d’avoir apporté des perspectives extérieures à la sociologie. Le dernier commentaire de Christian Pihet me semble bien expliquer le fonctionnement des commissions de spécialistes… et les raisons du profilage des postes parfois plusieurs années avant leur ouverture.
L’intérêt pour la lettre de démission semble grand, à la lecture des statistiques d’accès au site, au nombre de commentaires, aux discussions entre collègues… et au coup de téléphone d’une journaliste qui cherchait à entrer en contact avec Xavier Dunezat.

Un commentaire par a* (09/10/2007 à 14:22)

Moi aussi j’ai trouvé ce texte réaliste (malheureusement), si ce n’est le machisme, bcp de femmes ont ici les mêmes pratiques que les hommes tant sur le plan relationnel que pédagogique.. et de jeunes hommes s’investissent en pédagogie.. Indifférence, repli sur sa “recherche”, lourdeur de l’institution, manque de moyens, réformes continues, dispersion dans de multiples activités “inévitables”.. bien des raisons au laxisme, à la hiérarchisation des investissements, au délaissement des étudiants de L au profit des meilleurs de M, l’usage extrême des étudiants est quand même très rare… Et quoi faire collectivement maintenant ??!! Tous démissionnés ?? Je pense que si vous avez démissionné c’est aussi que le grand nord français est bien loin de votre bretagne natale et que la vie d’un turbo prof est bien pénible et couteuse, je ne suis pas naÏve, ni idéaliste.. Une collègue anonyme

Un commentaire par Briend (14/10/2007 à 19:53)

En tant qu’ancienne élève de X.Dunezat je peux affirmer que cet homme est un grand idéaliste et qu’il rêve les yeux ouverts. Mais ce n’est pas tout, il est inspiré et il va toujours au bout de ses idées. C’est ce qui le rend fort. C’est un homme honnête et généreux qui donne beaucoup sans réclamer en retour et en tant que prof c’est dingue! Il est le premier et sûrement dans mon parcours le dernier à offrir autant et à permettre d’apprendre si facilement. Il nous a fait comprendre qu’il n’y avait pas besoin d’être autaint et d’instaurer une distance pour être un bon prof.

Respect et merci pour tout.

Un commentaire par Baptiste Coulmont (15/10/2007 à 12:41)

Merci “Briend” ! Il n’y avait pas encore eu de commentaires d’élèves de Xavier Dunézat.

Un commentaire par Micha (15/10/2007 à 17:16)

Bonjour,
Je suis entrée à l’université en 1961 comme étudiante en Pharmacie et en suis sortie en 2004, maître de conférences. L’essentiel de ce qui y est décrit, je le reconnais comme mon vécu. Une coûteuse dépense vaine dans les concours de professeur. J’avais participé au Forum du Sénat au printemps 2001 en envoyant plusieurs contributions. On ne peut pas dire que c’est nouveau. Hélas !

http://www.senat.fr/consult/universitaires.html

Ma position de retraitée m’oblige maintenant à la réserve, mais je suis triste de voir que le système se perpétue.
Merci et bon courage à tous pour la suite et changer enfin.

Un commentaire par Yorick (15/10/2007 à 17:31)

Bien que courageuse (Xavier insiste sur le fait qu’un autre poste l’attendait en cas de démission), cette démarche ne fait malheureusement que révéler au grand public la réalité des recrutements MCF en France.

A mon sens, le probleme n’est pas forcement de recruter “local” (apres tout, pourquoi pas, toutes les entreprises font ca alors pourquoi pas les labos ? Et oui, les labos sont des entreprises comme les autres, il va falloir s’y habituer, simplement au lieu de produire des objets manufactures ils produisent des services et de la connaissance…mais arrêtons d’appeller cela des “concours”, vu l’argent que ca coûte, pitié !), le problème c’est la différence de niveau que cela entraine entre les universités francaises (ou on recrute des locaux souvent moins performants que les candidats externes) et l’Amerique du Nord par exemple. Ici, beaucoup moins de recrutement local (ou alors le candidat a VRAIMENT un sacré dossier scientifique, genre il a 20 publications dans des bonnes voire tres bonnes revues, y compris Nature ou Science), une compétition accrue pour les postes, et un niveau moyen nettement supérieur, en terme de production scientifique : on ne demande pas aux enseignants fraîchement nommés de faire 300 heures de TP ininteressants par an à des groupes de 40 étudiants dont la moitié s’en fout. Ici, ils PAYENT, les étudiants, et cher en plus, donc ils bossent, et quand ils finissent, leur titre a une valeur : il n’y a pas toutes écoles d’ingenieurs comme en France qui font que quand tu rentres en fac tu finis MDC, instit ou chomeur : ici l’Université a une valeur, personne ne te demande d’ordonnance quand tu es “docteur” et post-doc est un vrai statut ! Pourquoi ca marche pas comme ca chez nous ? Parce que les Universitaires, en principe, ils sont CONTRE l’economie de marché, la productivité, le libéralisme etc etc…Dans les Universités américaines les plus prestigieuses (princeton, stanford, mc gill etc), ca marche à la compétition mais ca n’empeche pas les profs d’avoir une sacrée éthique ni de faire des super cours (en plus ils sont évalués par les étudiants, impossible en France !). Une seule solution : une refonte totale du système universitaire francais, c’est malheureux mais c’est comme ca, pas d’autres solutions. Et puis ARRETONS ce systeme de fonctionnariat qui fait que celui qui fait des super cours et publie dans des bonnes revues gagne autant que celui qui ne fait rien, PITIE !

Un commentaire par cybele (15/10/2007 à 17:47)

Je suis actuellement en poste dans une université Anglaise. Ce que dit cette lettre est totalement exact. Ici, les professeurs sont à leur bureau toute la journée lorsqu’ils ne font pas cours. Les élèves peuvent venir les voir à n’importe quel moment, pour toute question. Ils sont joignables par mail, par téléphone, etc…bref disponibles pour les élèves. Rien à voir avec les universités françaises donc…

Un commentaire par basile (15/10/2007 à 17:53)

Enseignant vacataire à la fac de lettres de Nice pendant plusieurs années et en même temps prof dans le secondaire, j’ai vécu les mêmes choses que X.Dunezat, sans pouvoir véritablement mettre de mots là dessus. Etudiants méprisés, cours granguignolesques, couloirs vides et froids, regards fuyants des Collègues. Salle des profs, vide. Conflits incroyables et mesquins entre les enseignants. Tout cela mis sur le compte de “manque de moyens”. Je n’ai pas demandé à ce que mon contrat soit renouvelé. Je n’ai pas connu ça dans d’autres organisations : une fac de sciences humaines inhumaine. Les étudiants dociles, souvent traités comme de la m…, ne bronchent pas ou alors entre eux, a demi mot, alors qu’il y a aurait vraiment de quoi tout péter. Moi non plus, je ne vois pas le lien avec Sarkozy, le libéralisme ou le sexisme… les profs sont à 90% responsables de cette situation, le étudiants sont responsables du reste parce qu’il se laissent faire. Quelques uns (profs ou étudiants) sauvent l’honneur mais il s’épuisent vite face à l’incroyable inertie de ce monde là.

Un commentaire par tomroud.com » Blog Archive » Le Monde me cite ;) (15/10/2007 à 18:02)

[…] Via le blog de Baptiste Coulmont, j’avais participé à la discussion sur la lettre de démission de X. Dunezat. […]

Un commentaire par basile (15/10/2007 à 18:29)

Quant aux filières BTS ou IUT, X.Dunezat semble les mépriser, il est donc lui aussi formaté par le système qui veut que tout ce qui rapproche enseignement en entreprise soit suspect.. Quelques étudiants, plus malins, se rendent compte que c’est là l’un des seuls moyens d’accéder un jour à une formaton qualifiante reconnue. Après un ou deux ans de fac, ils essaient d’y entrer mais les places sont de plus en plus chères et réservées en priorités aux titulaires de bac STI ou – éventuellement – S. Elles peuvent déboucher sur des masters pro de plus en plus recherchés. Je ne comprends pas cette malédiction de l’Ecole et de l’université française qui persiste à mépriser – la plupart du temps – le monde de l’entreprise. Il faudrait que celà soit bien expliqué clairement aux bacheliers : “dans 80% des cas, la fac va, au mieux enrichir ta culture mais ce n’est pas ton doctorat en ethnomusicologie occitane qui remplira ta marmite plus tard”. Je m’arrête là j’ai pas envie que l’on croie que je suis de droite.

Un commentaire par Gabriel (15/10/2007 à 18:50)

Salut,

Certains aspects de la lettre me semblent excessifs, notamment sur le désert relationnel. En revanche, la partie sur le mépris des étudiants m’a le plus frappé. Même si individuellement certains enseignants essaient de faire quelque chose, du point de vue du système universitaire, c’est le moins disant pédagogique. On essaie de grapiller sur le nombre d’heures de cours, sur le nombre d’heures d’examen, on refuse de mettre en place une réelle coordination pédagogique (au nom de la sacro-sainte autonomie pédogique ou des libertés universitaires). L’idée même de demander à certains ce qu’ils font dans leurs cours apparaît comme une insolence. Les étudiants doivent faire avec 36 sons de cloche différents. Et quand ils échouent, c’est qu’ils ont toujours été nuls.
C’est le lycée, le coupable. Le collège, le primaire, la maternelle, les parents. Mais jamais les universitaires se demandent ce qui se fait au lycée ou au collège, se tenant dans une indifférence totale vis-à-vis des collègues du secondaire
A tout cela on pourrait ajouter un passage sur l’anarchie administrative. La gestion des facs repose pour l’essentiel sur des universitaires qui ne connaissent rien au management, à la comptabilité, au droit public. Je dis pas cela pour faire de l’université une entreprise. Il suffit de voir les réunions interminables qui n’aboutissent à rien pour saisir l’inefficacité structurelle du système. Il faut mesurer l’ignorance, parfoisvfeinte, des textes légaux pour comprendre la somme des décisions arbitraires. Il faudrait former les MCF stagiaires (et les profs aussi) à des notions de gestion de projets. Mais cet état d’incapacité arrange bien du monde..
Franchement, je ne sais pas ce qu’il faudrait pour changer les choses. Ce ne sont pas les bonnes volontés qui manquent. Ni les mauvaises d’ailleurs.
Il faudrait commencer par prendre ce qui marche dans le secondaire, étoffer l’encadrement avec un système de prof principaux, plus d’heures de cours, un cahier des charges drastique au niveau pédogogique avec un corps d’inspection qui ne sombrerait pas dans l’infantilisation des enseignants. Il faudrait un peu plus d’amour-propre.

Mais de l’amour-propre, les universitaires en manquent, eux qui acceptent des bureaux minuscules (quand ils en ont !), des téléphones limités à la région (alors qu’on leur demande d’être à rayonnement international), des ordinateurs obscolètes, du papier compté à la feuille. Aussi je ne suis pas sûr que les universitaires puissent réellement changer la donne. En plus, on leur ressortira dans les dents leurs “192 heures de travail à l’année”, leurs privilèges, etc.

Ce dont on ne se rend pas compte , c’est que c’est le niveau moral de la Nation qui fout le camp (j’aime bien employer de grands mots). Des étudiants qui ne savent plus comment s’écrit Auschwitz, qui ne savent plus quand commencent la deuxième guerre mondiale, qui ont du mal à penser. L’avantage quand on ne pense plus, c’est qu’on a du temps de cerveau disponible. Pourtant, ils ne demandent que ça de penser, nombreux sont ceux quivsouffrent de ne pas être au niveau, qui ont envie de comprendre, malgré leurs lacunes, malgré les heures travaillées dans tel ou tel resto (J’ai encore en mémoire cette étudiante que j’ai collée au rattrapage et qui m’explique les larmes aux yeux ses 24 heures de travail hebdomadaires chez Flunch). Pour eux, les études c’est l’avenir d’une vie meilleure que le système leur refuse. Pour eux, la fac c’est important. Et pour nous ?

Gabriel

MCF Histoire contemporaine

Un commentaire par Michelle Schatzman (15/10/2007 à 19:22)

La description de la sociologie lilloise ressemble d’assez près à ce qu’étaient les mathématiques, en particulier pures, il y a une trentaine d’années. Mathématicienne appliquée, j’ai toujours fonctionné, depuis le début de ma thèse de troisième cycle en 1970, dans le cadre d’une vie de laboratoire, avec présence quotidienne dans les locaux, relations intenses avec les collègues, quelque soit leur âge, et les doctorants du labo. Un de mes collègues, disons physicien théoricien du côté de la mécanique des fluides, définit d’ailleurs un laboratoire comme un “gaz de doctorants”. Dans tout labo vivant, il y a plein de doctorants qui rient, qui font des farces (y compris aux profs), qui bossent souvent comme des tarés et qui de temps en temps se la coulent douce.

Des recrutements locaux, j’en ai vu beaucoup ; je me suis opposée très fortement à ces pratiques à partir des années 90, et cela m’a valu beaucoup d’ennemis. Mais les choses ont changé. L’université Lyon 1, où je suis basée, ne voulait pas sanctionner les recrutements locaux il y a dix ans; maintenant, si on fait un recrutement local dans une UFR de Lyon 1, on perd un poste : un poste est redéployé en interne si on ne peut pas présenter une justification convaincante. Il y a eu une prise de conscience: qui dit recrutement locaux dit baisse statistique de qualité du recrutement.

Cette prise de conscience de la nocivité des recrutements locaux a pris du temps. Il y a onze ans, on m’expliquait encore “Mais tu comprends, si on ne recrute pas nos propres étudiants, qui va les recruter” (sous-entendu, les pratiques des autres sons analogues, donc ne pénalisons pas nos étudiants).

Maintenant, sur la préparation en amont des recrutements, il faut se rendre compte de la difficulté de l’exercice du recrutement. La principale caractéristique en est que le recrutement des enseignants-chercheurs est sans remords. Et comme c’est une entreprise humaine, il y a des erreurs de recrutement, même si on met un maximum de chances de son côté, en évitant autant que faire se peut les conflits d’intérêt, l’absence de sérieux dans la lecture des dossiers et les rivalités entre coteries.

Or un recrutement réussi ne peut se juger que sur un terme assez long: il ne s’agit pas seulement de la qualité des travaux de recherche, mais aussi du comportement humain par rapport aux étudiants et aux collègues.

Certains revendiquent le recrutement des enseignants-chercheurs au plus près de la thèse. Je crois que ce n’est possible que si on en vient à un système de passage en revue au bout de cinq ans, avec possibilité effective de faire partir les gens qui ne donnent pas satisfaction. Il n’y a pas de raison de pérenniser les bras cassés dans un type d’emploi qui demande des athlètes intellectuels. En particulier, si on veut que le sort des vacataires et autres instables soit meilleur, il *faut* accepter que la stabilité puisse être remise en cause pour les statutaires, quand ils renoncent à faire leur travail longtemps avant l’âge de la retraite.

M. Dunezat se demandait pourquoi l’atmosphère est souvent épouvantable dans les universités. C’est facile à comprendre: c’est un monde sans sanctions, avec des enjeux généralement minables, et la tentation permanente de passer son temps à se battre contre d’autres personnes plutôt que contre sa propre incapacité à comprendre le monde. Ajoutons à cela une grande étanchéité entre les différentes disciplines intellectuelles, et on a la recette du ragoût d’enseignant-chercheur mijoté à l’amertume et aux illusions perdues dans de petits mondes repliés sur eux-mêmes.

Un commentaire par Troll (15/10/2007 à 19:34)

Et voilà… la célébrité avec Le Monde : les universitaires, qu’on se le dise, sont tous adeptes du “copinage” et du “mépris” des étudiants. Comme quoi les gauchistes invétéré-e-s, s’érigeant en parangons de la vertu, finissent toujours par réussir leur coup : faire le jeu du sarkozysme qu’ils dénoncent par ailleurs… en oubliant que la sociologie de la dénonciation (le Monde nous apprend aussi que M. Dunezat dit réfléchir avec d’autres sur une “dénonciation collective du système”) est une bien mauvaise sociologie qui oublie complètement les principes d’empathie exigés de tout bon enquêteur… Comprendre, expliquer, on ne le dira jamais assez, n’est pas dénoncer. Mais trop tard. Voilà les universitaires voués aux gémonies, sans aucune distinction, quelle que soit leur discipline, quel que soit leur investissement, quelles que soient leurs pratiques… La réforme en cours des universités, nécessaire pour sortir du jeu pervers d’une sélection par défault à l’entrée (à laquelle participent d’ailleurs les lycées) et d’une sélection par l’échec à la sortie, demandait l’instauration d’un climat de confiance évitant toute dénonciation et tout amalgame. Merci, M. Dunezat, d’y avoir contribué.

Un commentaire par Mme Perla Serfaty-Garzon (15/10/2007 à 19:59)

Professeur de psychologie sociale pendant plus de vingt ans dans une grande (!) université française, je peux témoigner de l’exactitude du portrait dressé par M. Xavier Denuzat. Le portrait était juste en 1969, lorsque j’ai été recrutée comme très jeune assistante, et il était plus que jamais juste lorsque j’ai décidé, 15 ans après être devenue maître de conférences et docteur d’Etat, de quitter l’université française pour une université à l’étranger. Les modalités de mon recrutement auraient dû m’éveiller à la suite des choses, c’est-à-dire aux modalités de l’avancement au titre de professeur … et je ne me trouve d’excuses que ma jeunesse, mon ignorance et mon candide enthousiasme à enseigner et à faire de la recherche …Je peux témoigner de couloirs déserts à Paris, dans les environs de Paris, et dans nombre de villes universitaires françaises. Je peux témoigner du manque complet de disponibilité des enseignants auprès des étudiants, des bureaux de professeurs perpétuellement fermés et des maigres “heures de bureau” concédées à contre coeur par les professeurs sous la pression de quelques administrateurs, d’ailleurs entièrement motivés par l’hostilité envers leurs collègues que par “le bien” des étudiants. Je peux, avec encore plus de vigueur, témoigner de l’injustice et du favoritisme qui, pratiquement seuls, président à l’avancement aux postes de professeur. Enfin, je peux témoigner de l’exploitation éhontée des jeunes assistants par certains professeurs (pas tous les professeurs, loin s’en faut, très heureusement), exploitation qui a duré des années et qui, bien connue de tous, n’a jamais été sanctionnée. En sciences sociales au moins, la seule issue pour progresser en recherche et ne pas renoncer à l’enseignement, dispensé par vocation, est de se rendre à l’étranger. Ce n’est pas simple, et les coûts – moraux, économiques, sociaux, etc – en sont élevés. Mais, au moins, dans ces universités où les enseignants sont évalués tous les trimestres, on n’a pas à traîner avec soi le sentiment de sa complaisance envers des pratiques malhonnêtes.

Un commentaire par B2+ (15/10/2007 à 20:44)

Bonjour,
je suis McF en langues et retrouve dans cette lettre de démission tout ce qui m’a fait fuir de l’Université après qqs années.
Avec une touche d’anti-libéralisme primaire en plus, très lassante je dois dire. Les remarques sur ce point ont déjà été bien faites sur ce blog (un grand merci à Baptiste Coulmont au passage).

Mais presque tout y est, du recrutement biaisé aux traitement des étudiants en passant par le lord travail des Iatos, le désert social, la monumentale désorganisation, l’absence de reconnaissance du travail fait, l’opacité de toutes les chaînes de décisions, le corporatisme syndicale, le mépris de collègues au melon hypertrophié, etc.

Mon propos sera cependant de dire ici que l’on peut trouver dans l’Université des petits îlots motivants, du travail en équipe, de la conception pédagogique collective, etc. je dirige aujourd’hui, en tant que McF de l’Educ. Nat., un service dans une école d’ingénieurs intégrée à l’université.

Je ne dis pas que tout y est rose, mais au moins j’ai retrouvé le plaisir de travailler dans un environnement social motivant, transparent et collectif.

(Je n’ai pas bien compris ce que disais ci-dessus à ce propos Yorick, mais mes étudiants trouvent quasiment tous un emploi d’ingénieur dans les 6 mois qui suivent).

J’ajouterai que ce nouvel environnement a pour moi une qualité qui les résume toutes, et qui fait défaut à l’université : une véritable identité avec des objectifs communs.

Merci encore à B. Coulmont, et à tous les intervenants sur ce blog.

Un commentaire par Artopi (15/10/2007 à 20:58)

Voila une démarche courageuse.. il est en effet très difficile de quitter le sérail tellement l’image qu’il renvoie est dégradée.

Juste une remarque et quelques interrogations, pour faire bref après tous ces commentaires:
– j’ai reconnu ce qui est décrit pour la fac de socio… c’est du pareil au même en gestion (mon cas), en éco ou en droit (des voisins de couloir)
– comment se fait-il que les enseignants-chercheurs (hormis ceux qui dépendent de matériel en labo) désertent les facs ? Auraient-ils d’autres activités rémunérées ?? Déclarées ?? Autorisées ????

Il reste encore quelques tabous…

Un commentaire par Zoop (15/10/2007 à 21:33)

Chapeau pour ce texte qui décrit toutes les failles du système et en souligne les soubassements sociaux. Le recrutement local est ce qui me paraît le plus scandaleux pour des établissements, les facs, qui sont au faîte du système éducatif, lequel est censé privilégier la compétence.
C’est désespérant pour des thésards après autant d’investissement personnel de se retrouver pris à un tel jeu de dupes. Cela équivaut à dire que l’école elle-même ne reconnaît pas la valeur de ses diplômes…

Un commentaire par Cosinus33 (15/10/2007 à 23:41)

Ancien universitaire, aujourd’hui chercheur dans un EPIC j’ai été sollicité une fois pour participer à une commission de spécialistes débattant de l’embauche d’un jeune maître de conférence en sciences. Ce que j’ai vu, entendu, je ne l’aurai pas cru si je ne l’avais pas vécu.
Une docte assemblée était longuement rassemblée pour discuter de cette embauche. Clairement, chacun avait son avis, basé sur son point de vue, complètement différent de celui de son voisin. En clair, chacun avait à répondre à une question, mais ne se posait pas la même.
Bref, quelqu’un a finalement été désigné, mais personne n’était capable d’expliquer pourquoi celui-là et pas un autre et pour faire quoi ! Nous étions au comble de l’irresponsabilité la plus totale, sans aucune vision constructive d’avenir.

Ayant trouvé le système extrêmement performant (au moins pour entrainer la faillite actuelle de l’université) , on essaye aujourd’hui de le généraliser au financement de la recherche via l’ANR. On y retrouve les mêmes commissions, tours de Babel irresponsables, et la même irresponsabilité. Essayez de trouver un interlocuteur pour motiver la décision prise à votre encontre…
Après avoir prouvé que le système ne marchait pas pour les embauches des jeunes maîtres de conf à l’Université (ou au CNRS), on étend la méthode au financement de la totalité de la recherche.
Je cherche du boulot ailleurs …. Ma femme a déjà trouvé… A mon tour ?

Un commentaire par L'expat (16/10/2007 à 6:26)

Ca fait plaisir de voir que certaines personnes decident de finalement presenter au public ce que tous les gens qui vivent a l’universite connaissent bien…
Meme si l’echantillon de personnes qui parcourt ce site web est sans doute statistiquement biaise, je note que la grande majorite des commentaires va dans le sens du temoignagne de Mr Dunezat.

Bon, et si on parlait des autres institutions sclerosees et perverties ? Le CNRS par exemple… en matiere de copinage, ca fait reference !

Un commentaire par Zoop (16/10/2007 à 9:25)

Un petit ajout : je pense que certains universitaires seraient disposés à recevoir plus largement les étudiants lors de permanences dans leur bureau… s’ils avaient un bureau ! Dans les universités anglo-saxonnes, les enseignants ont un bureau personnel où ils peuvent travailler et donc rester durant des heures. C’est loin d’être le cas dans toutes les universités françaises. A Paris III, en lettres, même les Professeurs n’ont pas de bureau individuel, les entretiens pour débattre de l’avancement du master de tel ou tel étudiant se font… dans la salle des profs, dans le bruit des conversations et de la machine à café. Il y a là un problème d’espace et de moyens caractérisé.

Un commentaire par Baptiste Coulmont (16/10/2007 à 9:34)

> Zoop : je pense aussi que l’absence de bureaux est peu compris hors de l’université. Un exemple à Paris 8, au département de sociologie. Pour une trentaine d’enseignants titulaires, et une dizaine de vacataires/non-titulaires… il n’y a qu’une “salle des enseignants” (avec deux ordinateurs qui fonctionnent), et aucun bureau… même partagé, ni même pour le directeur ou la directrice du département.

Un commentaire par Marianne Nardin (16/10/2007 à 11:32)

En tant que mère de famille, dont un des enfants est en 3ème année à l’université de Paris, ayant moi-même fréquenté l’université entre 1975 et 1981, je voudrais porter un certain témoignage. Les tensions au sein du système universitaire étaient déjà d’actualité, mais les rapports semblent s’être d’avantage sclérosés. Les étudiants sont à l’image de leurs enseignants, sans relations avec leurs pairs, face à un enseignement dont ils ne voient pas les applications concrètes et qui finit par les ennuyer. Les enseignants défendent leur thèse en cours, mais ne les débattent pas. Les échanges n’existent pas. Les uniques préoccupations des étudiants finissent par s’orienter vers l’optique de gagner les bons points pour passer dans l’année supérieure. Le système de notes permet des rééquilibrages entre matières pour obtenir la moyenne nécessaire, mais sans règles précises établies. On apprend déjà à naviguer à vue, en se débrouillant. Où est l’exemple de l’attitude citoyenne ? Quel gâchis de la part de nos enseignants dans leur rôle d’apprentissage ! Que peuvent faire les parents sinon les encourager à prendre une autre voie pour ceux qui le peuvent ? Et n’est-ce pas là le drame ? Qui peut quoi à l’université ? Son rôle est-il de reproduire un modèle qui ne satisfait personne, qui ne leurre que les plus naïfs, ou n’intéresse que les plus conciliants avec le modèle ?

Un commentaire par Ax2x (16/10/2007 à 12:35)

J’ai lu la lettre. J’ai trouve enfin resume ce qui m’a fait abandonner une potentielle carriere universitaire, apres un DEA. (je m’excuse pour les accents, mais le clavier est qwerty). Apres un passage par le secteur prive et un autre par celui de la fonction publique internationale (ou je suis reste), je n’ai jamais eu a affronter un milieu aussi clot, violent et injuste que le monde universitaire Francais. Je pense que dans la lettre la question de l’evaluation des professeurs est centrale (pourquoi pas par leurs pairs..) ainsi que la remise en cause de leur statut a vie. La question est : quel est l’avantage pour l’etudiant d’avoir un professeur qui a un statut de professeur a vie, bien sur si l’on tente de remettre l’etudiant au centre des preoccupations universitaires. Une evaluation par les eleves de leurs professeurs pourrait etre envisagee, comme elle se fait tres souvent a l’etranger.

Un commentaire par Informatick (16/10/2007 à 13:12)

La Sorbonne : un banal produit commercial

Par Valéry Rasplus, sociologue, membre du comité de rédaction de la revue « Des lois et des hommes ».

Le 8 octobre 2006, une antenne de la prestigieuse université française la Sorbonne ouvrait ses portes à Abu Dhabi, capitale des Émirats arabes unis.
Ce petit pays de 2,6 millions d’habitants (dont 70 % d’immigrés) avait acheté quelque temps auparavant la célèbre marque « Louvre » pour un peu plus d’un milliard d’euros.

http://www.lefigaro.fr/debats/20070924.FIG000000145_la_sorbonne_un_banal_produit_commercial.html

Un commentaire par Tangra (16/10/2007 à 14:02)

Les pratiques dénoncées par M. Dunezat sont abjectes, et je le félicite pour son courage. Cependant, ce genre de témoignages personnels, écrits souvent sous l’émotion (ici déception bien perceptible), prennent une importance disproportionnée sur la place publique. Le résultat en est des généralisations, et une stigmatisation de plus du milieu universitaire. M. Dunezat est bien clair sur la subjectivité de sa lettre, mais tous ceux qui vont le citer vont omettre ce détail (il suffit de voir l’article paru dans Le Monde, où on se contente de citer hors-contexte les phrases choc).
Certes, il y a beaucoup de choses qui vont mal à l’Université en France, mais les choses sont en train de changer de l’intérieur. Malheureusement, les gens racontent rarement les bonnes expériences, et les journaux s’y intéressent moins. J’ai moi même fait ma thèse de doctorat à Lille 1 (l’université dont parle M. Dunezat), mais dans une autre discipline, et l’ambiance y était très très différente. Ca m’aurait arrangé qu’ils recrutent les locaux, j’aurais eu plus de chances d’avoir un poste. Mais ce n’est pas le cas, et ils essayent de priviligier les candidats extérieurs. Il existait quelques enseignants correspondant à la description faite par M. Dunezat, mais ils étaient assez marginaux. Ces exceptions mises à part, je n’ai vu ni mépris pour l’étudiant, ni examens corrigés sans barème, ni programmes farfelus. Au jurys, on était une 20 aine au moins. Je compatis avec tous mes anciens collègues qui liront cette lettre et qui s’en sentiront tâchés, alors qu’ils sont si nombreux à faire plein d’efforts pour construire une autre Université, sans attendre les réformes venant du haut.

Un commentaire par un oeil franco étranger (16/10/2007 à 14:06)

Mon profil : francais ayant débuté ses études en France (licence) et ayant obtenu son doctorat a l étranger, actuellement en post doc, passant la qualification mais de moins en moins intéressé à revenir vers la France.

J ai assez aimé cette lettre dans les constatations qu’elle tire, une ambiance que j ai vécu, alors étudiant en France, et que j ai été heureux de ne plus vivre une fois à l’étranger, au canada).

Puisque le ton est a la parole libre, alors soyons directs:

Comme un certain nombre d’entre vous, je diverge dans les raisons d’une telle situation qui tiennent bien plus, selon moi, de la mentalité francaise (a laquelle je m’identifie d ailleurs) que de l’influence d’une politique libérale.

Les différences de moyens des universités étrangeres sont manifestes et sont sans doute en partie la cause du mieux etre des profs et etudiants (malgré une pression quant a l’objectif de publication a mon avis supérieure ici, du fait de l’inexistance de l’emploi a vie notamment).

Je pense qu’il y a aussi une différence au niveau comportemental entre chercheurs francais et canadiens. Ayant signé les premiers appels de SLR, je m’en désolidarise de plus en plus tant je trouve que l’objectif sous jacent vise à maintenir un certain nombre de privilèges (ou d’acquis, c est selon).

J’ai appris a apprécier l’idée de compétition constructive entre chercheurs, ce qui laisse également la place a la collaboration. J’apprécie l’idée de méritocratie(meme si je concois que les organismes décisionnaires sont parfois tres partiaux) et j ai changé d’idée depuis mon arrivée au Canada quant aux principes de sélection et de couts des études (meme si je suis partisan d un accès a l’éducation pour tous).
– la sélection parce que trop souvent en France j ai vu des étudiants perdre leur temps dans des voies de garage en attendant de voir mieux mais également parce que je ne pense pas que ce soit bon de laisser trop d’étudiants s engager sur des voies avec tres peu de chance de débouchés par la suite.
– le cout des études car cela responsabilise les étudiants vis a vis de leurs études, rendrait donc un certain nombre d entre eux plus serieux. Par ailleurs cela est couplé avec l existance au Canada de moyens de financement (bourses, prets, jobs étudiants) bien plus nombreux et conséquents qu en France. Je ne suis pas originaire d un milieu bourgeois et j ai pu faire financer 6 ans d’études par ces moyens, ayant un niveau de vie tres correcte

Cependant pour mon expérience personnelle et contrairement a un précédent témoignage, j ai aimé mes années universitaires francaises, au niveau relations avec les autres étudiants. Si on ne peut etre ami avec toute sa promo, les gens que j y ai cotoyés etaient quand meme en général très sympathique et ne rechignaient pas a apporter leur aide si besoin était. Alors qu’au Canada, c’etait parfois un peu du “chacun pour sa gueule”.

L’évaluation par les élèves, j y ai gouté en tant que chargé de TD. J’en retire un sentiment positif vu que ca m’a permis de m’ameliorer (les commentaires pouvant etre consultés par les profs) et que c’etait généralement fait de maniere mature (pas de chasse aux sorcieres).

Tout ceci contribue a avoir des étudiants motivés et des profs interessés a travailler avec eux meme si la chaleur interpersonnelle dépend de chacun et que la nation francaise n’est pas reconnu à l’etranger pour etre la plus charmante et accueillante des nationalités. Un effort de chacun donc.

Voila, une petite contribution au débat qui vaut ce qu’elle vaut.

Bon courage tout le monde.

Un commentaire par un oeil franco étranger (16/10/2007 à 14:10)

Un petit détail supplémentaire, et comme le dit un autre commentaire, l’ambiance des équipes de recherche francaises que j’ai pu cotoyer me semble assez éloignée des constatations de M. Dunezat. Je les ai souvent trouvé tres soudées et assez chaleureuses. Mais mon expérience est limitée.

Un commentaire par BG (16/10/2007 à 14:15)

Bien que n’appréciant pas particulièrement la politique de notre président, il me semble que vouloir lui mettre sur le dos l’ensemble des tristes constats de cette lettre est un peu exagéré. Comme dit plus haut : ces problème sont bien antérieurs au “retour de la droite”.

Pour autant, ils me semblent bien réels et pas cantonnés à Lille I.

Chercheur CNRS dans un labo hors université, je n’ai pas de témoignage direct à apporter pour compléter ce tableau. En revanche, ce que je viens de lire colle en tout point avec ce que ma femme, en train de finir sa thèse de Droit, me raconte chaque soir. Les ATER et allocataires de Droit sont vraiment traités comme du bétail, et la pression exercée grâce à l’évocation de l’éventuel poste à venir étouffe toute tentative de critique : sur le mode carotte “faire ces cours de M2 gratuitement, c’est bon pour votre CV, pour qu’on ne vous oublie pas” (après 3 ans de monitorat et 2 d’ATER, on doit pourtant commencer à être connu sur son lieu de travail) ou sur le mode bâton “si tu ne fais pas ces fiches de TD/ces corrections/cette surveillance, tu vas te faire mal voir”.

Les Jury comprenant 5 personnes dont une majorité de chargé de TD, la surveillance de la bibliothèque, et même le déménagement de ladite bibliothèque, rien ne lui aura été épargné… Aura-t-elle un poste ? Rien n’est moins sûr, suite de l’histoire l’an prochain…

Un commentaire par un oeil franco étranger (16/10/2007 à 14:20)

>Un commentaire par L’expat (16/10/2007 à 6:26 am)

[…]

>Bon, et si on parlait des autres institutions sclerosees et perverties ? Le CNRS par >exemple… en matiere de copinage, ca fait reference !

Je vois qu on est d accord entre expats, une agence qui recoit des moyens a distribuer et qui a des équipes de recherche, ca parait un peu bizarre a l etranger…

Un commentaire par Mag (16/10/2007 à 14:51)

En ce qui concerne le recrutement local, pourquoi ne pas commencer par publier chaque année, sur un support libre (type Liens Socio, ou cet excellent blog), une cartographie des recrutements à l’échelle nationale et qui mentionnerait, non pas l’identité du recruté, mais son université d’origine ? cela circulerait très vite au sein de la communauté et il est possible que les ardeurs localistes – lorsqu’elles sévissent – en soient légèrement freinées. Le grand enjeu, et cette lettre le montre bien, c’est de faire accéder ces pratiques à l’espace public.

note de BC : c’est ce que j’ai fait sur http://www.coulmont.com/auditions/

Un commentaire par bergot (16/10/2007 à 15:05)

On retrouve dans la lettre de base et les commentaires ci-dessus “tout ce que tout le monde savait mais que personne ne disait”
Les defauts de l’emploi universitaire et donc des commissions de spécialistes sont connus (et pas seulement en sociologie):
-les postes sont “fléchés”; en clair, on sait à l’avance qui l’aura. cela peut s’appeler mandarinat mais c’est du clientélisme
-l’embauche ,lorsque le poste est “ouvert” (rarement) se fait au kilo de papier en dehors de tout autre critère
-le service rendu est défini en “horaire” (21h, 18h, 6h ou rien, il y en a) comme celui des tâcherons d’autrefois
-l’élu a rarement un bureau: c’est dit plus haut, cela semble anecdotique, mais c’est peut-être le plus fondamental
-il ne faut surtout pas présenter des travaux “appliqués”, faits en entreprise ou parus dans un journal de grande diffusion. Cela doit être validé par un Comité de lecture, composé de gens qui ont cessé de penser depuis quelques années et font publier dans des revues lues…par eux seuls. Pourtant les seules spécialités qui marchent sont tournées vers le dehors: Médecine, Droit , IUT, BTS, même si on y apprend beaucoup le …mandarin.

Dans tout ce gachis (le terme revient souvent plus haut), deux mots manquent:
ETUDIANT et COMPETENCE

Sil’on reprenait donc en positif tous les critères déclinés plus haut en négatif et que l’on y ajoutait le suivi des étudiants et la compétence, on arriverait au nirvana.
Pas sûr!
Les grandes Ecoles sont orientées vers l’extérieur, elles fournissent un bureau aux profs, leur service est défini en présence (3jours généralement), le recrutement se fait (souvent) à la compétence pour un poste ouvert ET….on s’y préoccupe du devenir de l’étudiant
Oui, mais,…. Cela marche mieux qu’à l’Université ou au lycée, mais le clientélisme n’en est pas absent. On pourrait même parler de clanisme si l’on suit les anciens dans les entreprises “à ingénieur”.

Un peu mieux donc mais non parfait. Si l’on y ajoute la discrimination contre les femmes, les gauchos ou les poètes, on en arrive à la créativité française actuelle: nulle dans le public, “peut mieux faire” dans le privé.
Trop de piston dans le moteur français et voilà pourquoi, loin de s’emballer, la croissance explose, …vers le trou

Le seul vrai critère de réussite d’un établissement de formation devrait être le parcours des anciens élèves: qui l’étudie ? (objectivement s’entend, parce que les débouchés des Grandes Ecoles, c’est Hollywood!) Ce devrait être le boulot de nos politiciens de définir les moyens des Ecoles, des lycées, de l’Université. Mais leur propre recrutement laisse à désirer, non?
Quoique… Profitons du fait que le Président et quelques ministres ne soient pas énarques et demandons au Président, au Ministre du Travail, à Kouchner et à Lagarde de faire évaluer les Universités et les Ecoles. Voeu pieux. A voir

Un commentaire par Franc (16/10/2007 à 15:49)

D’abord bravo à Xavier Denuzat ! Tout ce qu’il raconte est vrai et m’a détourné d’une carrière universitaire il y a vingt cinq ans…pour passer une agrégation de sciences sociales…
J’en ai encore un peu le regret car j’aime la recherche, j’aime me cultiver, j’aime la connaissance et j’admire ceux qui écrivent, publient, confortent mon savoir, enrichissent mon esprit critique…
J’aime, malgré moi, cette Université et je n’ai qu’une envie c’est de la défendre, qu’elle prolonge cette longue histoire tumultueuse, diverse et complexe. Et je sais que si j’écris aujourd’hui c’est pour qu’on n’oublie pas tout ce qu’on lui doit malgré nos déchirements, en dépit de toutes les frustrations qu’elle a fait naître en moi …
Malgré cela, je lui ai confié mes enfants… et après le rouleau compresseur du secondaire, j’ai vu la “machine bureaucratique” continuer de malaxer nos, mes enfants avec ses professeurs absents, les travaux longuement préparés volés ? disparus ?,la notation invraisemblable, l’arbitraire le plus total…Mais le jour où vos enfants reviennent transportés par le cours d’un prof, l’appétit qu’il a créé en eux, vous vous dîtes que tout n’est pas foutu…
Quand, je lis Denuzat, je lis du Crozier, celui du “Phénomène bureaucratique” (1967)appliqué à une industrie culturelle. Ce qui est vrai à l’Université l’est aussi en Classes Prépa : j’y enseigne…La population enseignante y est du même tonneau, le mépris au même niveau quelque-fois en pire… Le soupçon du piston y est prégnant même si vous ne pensiiez pas en bénéficier…la rumeur, la défiance !
La différence réside essentiellement dans la taille et la qualité des groupes d’élèves et le volontarisme de chacun! Mais le métier reste solitaire : nous lisons, nous écrivons, nous imaginons, nous reconstruisons…et c’est ce qui me fait vivre!
L’innovation se fait en cachette, à l’abri des regards (sauf des étudiants), faire sans avoir l’air de faire, pour ne pas choquer, rester dans la ligne, le doigt sur la couture du pantalon, “éviter la descente d’inspection”, comme si vous étiez “Monsieur Jourdain” qui innove sans en avoir l’air… “passe-muraille”. Tout ceci est courtelinesque !
Comment sortir de là ? Il y a un mot qui me vient à l’esprit c’est “confiance” : avoir confiance dans les autres malgré tout, car c’est le lien principal qui nous rattache à nos étudiants, faire en sorte que la confiance naisse et se déploye de haut en bas du système. C’est la tête qui doit insuffler cela !
Est-ce que la réforme de l’Université permettra cela ? Je ne sais pas. Je crains la professionnalisation de l’Université. Je crains le formatage pour nos étudiants au nom de l’efficience économique! Je crains que l’on affiche des objectifs déshumanisants pour nos humanités.
J’ai aimé apprendre à l’Université, j’ai aimé papillonné à l’Université, courir d’une fac à une autre, y entrer quasiment librement pour étancher ma soif de savoir…je ne crois pas que nos étudiants soient différents aujourd’hui d’autrefois : ils ont soif donnons leur à boire !

Je suis content d’avoir lu Denizat et surtout le commentaire de son élève : je suis fier de ce métier à en pleurer.

Un commentaire par Mag (16/10/2007 à 16:50)

A Baptiste : oui, j’avais vu et c’est remarquable. Je pense que sur cette base l’on pourrait imaginer quelque chose de synthétique et photographique (votre liste est extra, mais réclame du temps pour consulter les différents liens, se renseigner sur les profils etc) : une carte de géographe, qui ne retiendrait comme critère que – par exemple – une coïncicence ou non entre l’université de recrutement et l’universtité où l’élu a fait sa thèse. Même si ce type de classification “sauvage” serait largement sujette à débats, ce serait tout de même intéressant et surtout, sous cette forme cela circulerait facilement. Mais c’est une proposition facile à énoncer, et certainement moins à réaliser…

Un commentaire par ulujm (16/10/2007 à 17:09)

Concernant le piston et oui Piston piston, piston, rien d’autre.
moi meme une victime de ce genre de recrutement miserable. vous faites 8H d’avion pour servir de faire valoir. scandaleux.

pourquoi ne pas faire comme au usa.
Une personne ne peut etre recrute dans l’universite ou elle a realise son phd.

Cela permet d’eviter une routine et stimule l’echange d’idee etc…

Un commentaire par Samdji (16/10/2007 à 18:22)

texte intérréssant par certain aspect, nottamment le passage effrayant sur la manière dont sont choisi les enseignants, l’opacité totale etc. Mais je crois en revanche que M.Dunezat n’apporte aucune réponse et que ses critiques du Sarkozysme sont totalement infondé par rapport a son constat. L’autonomie des université devrait permettre de choisir les enseignants sur leur qualité et non simplement leur localité.j’ajoute qu’en tant qu’étudiant, je souhaite réellement que l’insertion professionnelle soit prise en compte dans les objectif de l’université, et concernant les etudiants en bac pro, même si leur inscriptino est un droit, il me semble totalement légitime de les prévenir du peu de débouché que permet la sociologie. car même si c’est une matière intérréssante, une société ne peut pas survivre avec que des sociologues monsieur! Par contre je suis d’accord avec vous sur le manque de vie dans les universités. Et je vous conseil de voir la vitalité des universités americaines ou brittaniques, antre du capitalisme… franchement c’est autre chose!!

Un commentaire par Michelle Schatzman (16/10/2007 à 18:43)

Un lien avec un site mis en oeuvre par des mathématiciens et permettant de savoir qui est sélectionné pour les auditionset qui se trouve sur la liste finale de 5 au plus pour les concours d’enseignants-chercheurs. Sur le même site, on trouve aussi les résultats des autres concours (CNRS et INRIA principalement). Cela concerne les sections 25 (maths) 26 (maths applis) et 27 (informatique) du CNU, c’est un service rendu par des individus dévoués, et maintenant, tout le monde dans ces sections reste logué sur le site en question pendant la période des recrutements.

http://postes.smai.emath.fr/

Le même site permet de voir les profils de poste, s’ils sont communiqués par les établissements, et même d’avoir accès aux CV des candidats qui déposent des documents sur le site. Il est bien sûr recommandé de se faire une page ouaibe personnelle. Enfin le site contient des recommandations aux candidats.

Pourquoi ne pas mettre en oeuvre des sites analogues dans d’autres disciplines? A ma connaissance, les autres ne sont pas plus branques que les matheux…

Note de BC : c’est en cours de réalisation. Une rencontre entre un responsable de l’opération poste et des responsables associatifs étudiants en sciences sociales a eu lieu…

Un commentaire par Ludo (16/10/2007 à 19:30)

les stats montrent que beaucoup de recrutés ne le sont pas dans leurs fac d’origine…(le pdf sur la campagne de recrutement de l’an dernier dispo sur le site du ministère, j’ai pas les stats en tete, mais c’est énorme)

de plus, le “localisme” n’est pas forcement négatif, être systématiquement contre, c’est comme prendre qq en CDD pendant des années et lui dire un jour “merci, au revoir” alors qu’il fait l’affaire…c’est débile. le piston ca existe, mais y’a pas que ca…dans ma fac, les locaux étaient mauvais, ils n’ont pas été recrutés.

et quand on voit que certains posteurs craignent la professionalisation de l’université….moi ce que je craint c’est que mes étudiants soient au chomage à bac+5 ou passent le capes par désespoir…

je travaille tous les jours à l’université et on est bien loin de ce qui est écrit…c’est cliché au possible…

Un commentaire par Alexandre Jacquot (16/10/2007 à 19:55)

Pour les recrutements Xavier Dunezat fait un constat du monde tel qu’il est, et en même rend accessible a tous les règles du jeu.

J’ajouterais que ces regles du jeu, si injuste soient elles existent aussi dans le monde de l’entreprise. Je ne disserterai sur l’injustice du monde.

Il existe des étudiant sans réseaux, car les parents n’ont pas de réseaux. Un professeur, un maître de conférence qui enseigne au niveau d’une université, doit aider ces étudiants. Cela passe par une “révolution culturelle”. Le professeur, le maître de conférence doit nouer des liens avec le monde socio-économique, créer le réseaux pour ces étudiants, suivrent ce qu’il font après la fac, oul ils travaillent. Ce sont autant de portes d’entré pour la génération d’étudiante suivante.

Un commentaire par B2+ (16/10/2007 à 21:00)

@bergot (16/10/2007 à 3:05 pm) : les UFR suivent parfois le parcours de leurs anciens étudiants, en LEA par exemple pour ce que je connais. Mais ça reste souvent très approximatif par manque de moyens.
Dans les Ecoles d’Ingénieurs le suivi est bcp plus solide et précis. Dans la mienne (intégrée à l’université), 82% des étudiants ayant obtenu leur diplôme en juillet ou septembre dernier ont un emploi en CDI en ce mois d’octobre. Les statistiques sont suivies attentivement et les associations d’anciens fonctionnent souvent très bien.
A ma connaissance les UFR d’université n’ont quasiment jamais d’associations d’anciens, ce qui reflète l’absence totale de sentiment d’appartenance et d’identité partagée.

Un commentaire par Sophie M (16/10/2007 à 22:31)

La lettre de X. Dunezat s’adresse pour partie aux étudiants des universités et, en tant qu’étudiante, j’apporterai une modeste réponse/témoignage. Un aspect (mineur) du texte m’a particulièrement étonnée: pourquoi un si grand rejet vis-à-vis des démarches visant à “professionnaliser” les cursus universitaires? Etudiante en sociologie (aujourd’hui en Master 2 professionnel “Aménagement et Urbanisme”) j’ai vécu d’innombrables “crises” quant à mon orientation… quel avenir, quels débouchés? Des questions qu’il aurait certes été plus utile de poser avant de choisir cette discipline. Mais tel a été mon choix et je me félicite de l’existence de filières qui tentent de rendre un peu plus “opérantes” nos connaissances en sciences sociales (d’autant que ces filières coexistent avec celles dites de “recherche”) Comme le suggère un commentaire précédent, il est important de savoir ce que deviennent les étudiants au sortir des facs (de sciences humaines notamment); autrement, c’est le règne du “advienne que pourra”! Pourquoi l’adaptation a-minima des cursus de sciences humaines et sociales au marché du travail serait-elle si tragique? Pardon pour ces questions bassement pratiques mais, très franchement, les étudiants, il me semble, se préoccupent d’abord de cela.

Un commentaire par Mambo (16/10/2007 à 23:10)

Pour fixer le cadre de mon point de vue: je suis chercheur en sciences de la terre, j’ai fait ma these a l’universite de montpellier et suis maintenant en postdoc aux USA. A mon avis, le cas de la sociologie est un peu particulier car ce milieu scientifique (ainsi que l’économie) est en permanence déchiré et distordu par la pression de l’instrumentalisation politique (lire l’article de Jean-Pierre Garnier dans le Monde Diplomatique d’octobre, surtout la 2eme moitié)
A propos de la demission de X. Dunezat, ce n’est absolument pas une « fuite ». La demission est un acte symbolique fort. Sa lettre est courageuse et aura certainement un impact plus fort et plus rapide qu’une supposee « action de l’interieur » qu’il n’aurait de toute facon probablement jamais été capable de mener, car les fouteurs de merde, on ne les laisse pas monter en grade. D’autre part, le secondaire a tout autant besoin d’enseignants comme X.D.

– Le piston/recrutement local : Dans l’ensemble il y a progres, mais dans de nombreux endroits la pratique semble incurable. Une bonne partie du probleme provient du comportement de quelques individus qui 1) ont concentre beaucoup de pouvoir administratif et 2) sont scientifiquement mediocres et qui recuperent par la magouille ce que leurs qualites ne leur permet pas d’obtenir. Alors que faut-il faire ? Les identifier et les ecarter ? Mais qui va le faire ? Les memes qui sont a la source du probleme, et qui se seront acheté une virginité en adhérant a la dénonciation publique? Ca me rappelle les etats generaux de la recherche ou on avait denoncé (entre autre) le système du mandarinat qui faussait le système de repartition de l’argent et des postes. Et les memes mandarins de s’immiscer dans la lettre de demission collective des chefs de labo (qui reste un acte fort et sans precedent) et de parader en defenseur de la veuve et de l’orphelin en disant aux etudiant : « c’est pour vous qu’on le fait »…

– L’enseignement : en plus de tout ce qui a déjà été mentionné, je voudrais souligner le fait que bon nombre (je ne risquerais pas un pourcentage, mais je le soupconne elevé) de MdC le sont a contre-cœur. Je veux dire par la que les MdC ont en general une formation dirigée vers la recherche, ils ont fait une these de recherche, des postdocs, des etudes longues, des conditions de vie pas toujours faciles, des sacrifices…etc tout ca pour quoi ? Etre chercheurs, pas enseignants. Meme si l’association est courante, ce n’est pas le meme metier. Un poste de MdC est souvent pris par defaut de postes au CNRS ou autre institut de recherche. Dans le travail quotidien c’est toujours le temps de la recherche qui est compressé par rapport aux charges d’enseignement et administrative. C’est pourtant la recherche qui est souvent la raison de l’engagement des MdC, et en plus c’est d’apres leur recherche qu’ils sont jugés et qu’ils peuvent esperer faire progresser leur carriere. Au final ces MdC sont de mauvais enseignants et ont en plus une faible production scientifique. Pas etonnant que certains deviennent aigris.
A mon avis, il ne faut pas condamner le MdC d’etre incompetent dans une activite pour laquelle il n’est pas formé et qu’il n’a pas souhaité exercer. Il faut plutôt se demander si, pour enseigner, il ne faudrait pas recruter des enseignants (quelle idee geniale). Les 3 premieres annees de fac requierent des enseignants a plein temps, qui soient des professionnels de la pedagogie, qui se soient presentés au concours de recrutement pour enseigner, pas pour les 10-30% d’activité de recherche qu’on espere grapiller. Ce qui libere d’autre part du « temps de recherche » pour les enseignants-chercheurs de master.
Le debat est vif sur la question du concours d’entree a l’université, mais il faut de toute facon rehausser les exigences de niveau sur les etudiants, d’une manière ou d’une autre. Si ce n’est pas par la pression du concours (effet concurrence), ca doit etre imposé par le niveau inflexible des examens. Actuellement, le niveau des etudiants est tellement bas qu’il est courant que les notes d’examen soient rehaussées pour remplir les classes du cycle suivant. C’est vraiment la spirale vers le bas ! Les diplomes universitaires sont donnés, jusqu’à la these ! resultat : ils ne valent plus rien et la seule alternative au chomage est d’etre embauché par ceux-la meme qui t’ont mis dans cette merde. Le niveau des diplomes universitaires doit etre maintenu élevé coute que coute des le debut, peu importe si un nombre derisoire d’etudiants passe au debut. Il faut forcement un temps d’equilibrage.

– Autre probleme tres grave de la fac : elle tourne en cercle fermé. Elle ne fait que produire ses propres enseignants chercheurs, elle est donc son propre juge, or on est toujours indulgent avec soi-meme. C’est ce qui fait la difference essentielle des facs de medecine et de droit qui ne sont pas concernées par tous ces problemes : elles produisent avant tout des professionnels au service de la societe, seuls quelques uns se chargent de l’enseignement et qui 1) exercent en general a l’exterieur et 2) sont aussi souvent les plus brillants de leurs pairs. Ces facs sont jugées par la societe. De plus, elles donnent acces a des metiers socialement hautement valorisés. Le metier d’enseignant-chercheur est sous-considéré en France par rapport a l’etranger et en particulier aux USA. Aux US, etre prof d’universite, c’est prestigieux, et le salaire va avec : dans l’universite ou je suis : 9000$ par mois pour un prof permanent (subtilités du système US : la fac paye seulement 9 mois de salaire, les 3 autres sont payés par des projets de recherche. Si un prof a beaucoup d’argent de recherche, il peut racheter ses mois d’enseignement). Cette reconnaissance se manifeste tous les jours dans les journaux et televisions qui les sollicitent en permanence. Pas une edition locale sans au moins un interview d’un prof. de la fac locale, sur son activite ou sur son avis sur un probleme particulier. Les universitaires sont la references de savoir et on fait appel a eux.

– Aux USA : il y a déjà eu un commentaire d’expatrié (Yorick) qui rappelle qu’aux USA, embaucher un non local est quasiment une regle imposée. Si cette regle est generalisé, le raisonnement (déjà mentionné) « si on n’embauche pas nos thesards, qui va le faire » ne fonctionne plus. Par contre, dire que les etudiants sont motivés parce qu’ils payent cher et que c’est ca la solution, est une grosse connerie de brute irreflechie (avez-vous remarqué combien d’imbéciles tiennent des discours de droite simplement pour se donner une posture de virilité qui, esperent-ils, compense leur pauvre réalité ?). Peut etre que c’est parcequ’il y a une formation motivante qu’ils acceptent de payer cher. S’il y a bien quelque chose a garder de notre système et a ne pas prendre des Americains, c’est bien ca. Il y d’autres manieres, plus saines et plus justes de motiver les etudiants. Les etudiants de medecine sont extremements motives et ils ne payent pas plus que les autres, la fac est publique et produit d’excellents medecins. Pourquoi ? D’abord ca commence par un concours. De plus, ils aiment ce qu’ils font et ce a quoi ils se destinent. Vu l’intensite du concours, de toute facon, il n’y a que ceux la qui passent. Ca signifie aussi des facs qui ne soient pas sinistres sur le plan des locaux. Et bien sur, un metier a la fin qui fasse envie. En rentrant des US en France, mon niveau de vie sera divisé par deux, je laisserai un bureau lumineux et confortable pour un gourbi mal chauffé dans un batiment en ruine, et mes cocitoyens me traiteront de privilégié inutile.
La France est donc prise dans un cercle vicieux, peu importe par ou on commence : pas de reconnaissance sociale des enseignants-chercheurs donc metier peu attractif donc n’attire pas les meilleurs donc médiocrité de niveau donc pas de reconnaissance sociale. Pour briser le cercle : 1) améliorer les conditions de vie et de travail des enseignants-chercheurs, répartir de manière plus pragmatique les taches d’enseignement et de recherche et modifier le mode d’evaluation. 2) niveau des etudiants imposé par concours ou examen + créer des passerelles des grandes ecoles VERS la fac (puisqu’on ne pourra pas supprimer le système des prepas-ecoles). Beaucoup d’etudiants de grandes ecoles iraient vers l’enseignement et la recherche si on allait les chercher, et si on leur proposait des conditions de vie décentes. Le but de ce dernier point est de briser l’enfermement de la fac et de rehausser le niveau general des enseignants-chercheurs. Le système des prepas-grandes ecoles est un gachis extraordinaire pour la science : les etudiants les plus doués et motivés pour les sciences sont canalises, acheminés vers des postes de « manager » dans des multinationales, de consultant, de banquier, ou je ne sais quoi d’autre qui n’a plus rien de scientifique, où, tres souvent, ils se morfondent desillusionnés par leur bouleau intellectuellement creux, attendant les vacances où ils s’oublieront en claquant leur grosse paye dans un voyage exotique. Tandis que le corps des enseignants-chercheurs, censé etre l’élite intellectuelle du pays, doit se constituer a partir d’un pool d’etudiant de niveau moyen bas ou les etoiles sont rares. Le système des prepas-grandes ecoles est un véritable hold-up qui pompe les meilleurs étudiants vers les entreprises privées au détriment de la société publique. C’est d’autant plus grave que la formation extremement couteuse de ces etudiants est financée par l’argent public. La solution n’est pas necessairement de detruire ce système, mais de le detourner en ramenant ces etudiants vers le public. Les entreprises multiplient les conferences, les cours et les offres de stage pour les grandes ecoles. Qu’est-ce-qui empeche les universitaires et les chercheurs de faire la meme chose ?

– Le desert relationnel : je n’ai pas du tout vecu ca a Montpellier. Les relations humaines n’étaient certes pas idylliques en raison de nombreux conflits, ce qui est probablement le cas de tous les milieux professionnels, mais les interactions sociales etaient dynamiques (pauses dejeuner entre collegues, discussions en salle café, ambiance animee par les etudiants, thesards ou DEA, veritables amities entre collegues…). La comparaison avec les USA est assez speciale. Ici, les couloirs sont le plus souvent vide, la pause dejeuner est pour beaucoup un sandwich devant l’ordi, mais des « evenements sociaux » sont institutionnalises. Au bout du compte, je preferais l’interaction sociale naturelle et quotidienne a la francaise que ces tentatives forcees qui restent souvent superficielles. Cependant elles ont le merite d’exister, et il semble qu’a la fac de Lille, elles pourraient etre utiles.

Enfin, entre mon message et les autres, ca fait beaucoup de « il faut » qui ne seront probablement jamais concrétisés tant que la droite sera au pouvoir. « Il faut » donc commencer par cesser de voter a droite. Ceux qui pensent que 90% des enseignants-chercheurs votent a gauche ont tout faux (plus proche des 60%). Quant aux enseignants chercheurs qui se plaignent de leur sort et votent a droite , ils sont la preuve qu’on embauche pas forcement les plus malins.

Un commentaire par SABRAS (17/10/2007 à 6:10)

Mon témoignage fera un peu ancien combattant, dans la filière recherche en physique
En 1992, j’ai postulé pour un poste de maître de conférence dans une université, dont la ville est réputée pour sa spécialité charcutière et une course automobile d’endurance… Ayant fait mon premier et deuxième cycle dans cette fac et connaissant les enseignants, je les ai contacté : “3 postes, 63 candidatures, les 3 postes sont déjà pourvus avec des étudiants qui on fait leur thèse ici, c’est pas la peine que tu te déplaces…” Au moins, cela avait le mérite d’être franc.

* Désert social : plutôt indifférence sociale après la thèse, pas de coup de fil de mon ancien directeur de thèse. La chaleur sociale était plutôt palpable chez les autres thésards, les techniciens et ingénieurs. Les directeurs de recherche étaient assez préoccupés par leur évolution de carrières : “Lui? Il est à cet échelon? Mais c’est un nul qui n’a pas beaucoup publié! Oui, mais il a un copain dans sa commission…”.

* Mandarins : début 1991, lors d’une soutenance de thèse, le directeur du DEA (dont le fils avait été recruté à un poste de chercheur) se tourne vers l’assistance et sort :” Ah oui, pour les autres étudiants : le marché du travail est un peu tendu en ce moment, mais pour la renommée du DEA, je vous interdit de vous inscrire au chomâge à l’issue de votre thèse!”

Un commentaire par en vrac sur diigo… 10/17/2007 « bibliothécaire (17/10/2007 à 6:30)

[…] en vrac sur diigo… 10/17/2007 17/10/2007 Posted by MRG in Non classé. trackback Baptiste Coulmont » Archives » La démission de Xavier Dunezat  Annotated […]

Un commentaire par Michelle Schatzman (17/10/2007 à 9:33)

Médecine, droit… excellents parce que professionnalisés? Oui et non. Le concours de médecine: pas ce qu’il y a de mieux pour recruter des futurs médecins, parce que centré sur les sciences fondamentales, et noté au moyen de QCM, donc se prêtant parfaitement au bachotage. En plus, il élimine des gens d’orientation plutôt humaniste, et à présent, il y a une forte tendance à remettre de la philo et du français dans la formation des médecins. Il n’est pas trop tôt.

De plus, après le concours, il n’est pas clair que les études de médecine soient sélectives. Si je m’en rapporte au cas des écoles d’ingénieur, une scolarité avec concours d’entrée et pas de sélection ensuite n’est *pas* une garantie de qualité.

Les meilleurs médecins sont professeurs en médecine? Euh… de fait les concours d’enseignants-chercheurs de médecine sont complètement ficelés d’avance. Et comment je le sais? J’ai fréquenté suffisamment de médecins, genre ancien interne des hôpitaux, ancien chef de clinique, qui m’ont raconté comment ils ne sont pas devenus profs de médecine. Voici un récit de première main d’un de ces médecins: “mon patron m’avait dit depuis un bon bout de temps ‘c’est toi’; puis un beau jour, il m’a dit ‘c’est pas toi’, alors que j’avais déjà passé une des étapes administratives, et ça a été fini. Pourtant, j’aimais enseigner”.

Bien sûr, tout ça se passait il y a une bonne vingtaine d’années, mais il paraît que rien n’a changé. Quant au localisme et au népotisme, cela reste plus que répandu en médecine.

C’est une des raisons pour lesquelles on peut être fort bien soigné dans le secteur privé en France: on peut être soigné par des médecins ayant suffisamment d’indépendance intellectuelle pour ne pas avoir plu à leur patron à la fac.

Le droit? Les enseignants de droit ont réussi contre vents et marées à maintenir un taux d’échec incroyable, malgré les objurgations du ministère. Et oui, je regrette d’avoir manipulé des notes pour ne pas avoir trop d’échec aux examens – je plaide coupable, absolument coupable. Je suis chercheur CNRS, mais j’ai été professeur d’université pendant une dizaine d’années (en maths).

Remarquer que c’est un des vices du système: du jour où certains enseignements sont optionnels, il peut y avoir une concurrence de la démagogie, pour faire venir des étudiants, puisque le nombre d’heures est proportionné au nombre d’étudiants. Il y a eu une forte baisse du nombre d’étudiants en sciences depuis quinze ans. Cette évolution a sans doute deux causes: l’accroissement du nombre de places en prépas, qui sont surtout scientifiques, et les changements de programme du secondaire, qui ont creusé un incroyable fossé entre le niveau d’arrivée des bacheliers et les exigences nécessaires pour comprendre les cours des deux premières années d’université. On rajoute là-dessus une certaine démagogie…

Un remède possible? poser en clair le problème de la démagogie, comme le faisait Mambo. Les intervenants qui mettent en évidence le problème du jugement interne ont entièrement raison. Il s’ensuit que les corps universitaires ont, par construction, bien des difficultés à faire le ménage, et s’ils en avaient la capacité, ils ne le feraient sans doute pas proprement. Donc pour moi: concurrence, exigence de qualité des recrutements, publicité des profils et des résultats des recrutements, et quant aux recrutements locaux, s’ils ne sont pas toujours mauvais (parce qu’il se peut qu’une institution donnée produise des candidats de qualité fantastique), ils sont mauvais pour le moral des troupes. Si M. X ou Melle Y, formés à, disons, Paris 6 (Université Pierre et Marie Curie) sont de toute première force dans leur discipline, qu’est-ce qui les empêche d’être recrutés comme MC dans une grande université de province, et ensuite de candidater sur Paris au niveau prof? Le coût des appartements parisiens? Ou la nécessité de rester le plus près possible des organisateurs du milieu de leur discipline?

Que chacun décide en son âme et conscience.

J’oubliais: il faut bien sûr rapprocher le système grandes écoles/prépas du système universitaire, mais ce n’est possible que si on accepte qu’il y ait plusieurs vitesses dans un établissement donné. Je sais que cela va contre l’opinion de l’UNEF et de beaucoup de gens de gauche. Mais c’est un choix réaliste: sachant qu’il y a plusieurs vitesses d’enseignement dans notre société, faut-il fermer les yeux en les mettant dans des systèmes étanches les uns aux autres, ou faut-il regrouper ensemble chaque classe d’âge dans les mêmes établissements, avec l’enrichissement social que cela implique?

Un commentaire par Les raisons d’une démission… « bibliothécaire (17/10/2007 à 9:57)

[…] a été présentée et a donné l’occasion d’une discussion profuse sur le blogue de Baptiste Coulmont (avec une annexe). Elle a par ailleurs fait l’objet d’un article dans le Monde daté […]

Un commentaire par mez (17/10/2007 à 10:09)

Petite remarque, de passage sur ce blog:
Avez-vous remarqué que le “localisme” semble bien plus important dans les grandes écoles qu’à l’université? Les recrutements y sont-ils bien plus “transparents”?

Un commentaire par Tortuga (17/10/2007 à 10:24)

Au passage, l’attribution des bourses de theses par ce systeme stalinien des ecoles doctorales (ceux qui y siegent ont des interets dans les decisions qu’ils y prennent) est tout aussi scandaleux. Pour ceux qui l’ignorent encore, sachez que dans certaines universites francaises, la note finale des etudiants dans certains DEA est augmentee pour que les memes etudiants se presentent plus nombreux devant l’ecole doctorale rattachee a ce DEA. Sachez par exemple que parfois, le directeur de ce meme DEA est le president de l’ecole doctorale. En sachant que le souci d’independance n’effleure meme pas une seconde l’esprit de ces gens la, ca fait un peu tache je trouve.

Ma maigre experience d’il y a quelques annees: j’ai été refusé pour une these en biologie en France, alors que j’etais tres bien classé au DEA, sur la base, je l’ai su plus tard, d’un copinage assez degoutant. Un tres bon institut de recherche en Angleterre m’a pris deux heures apres une interview, 2 mois plus tard.

Ah. Ils me font bien rire les pleurnichards qui pondent ces spots publicitaires debiles sur la fuite des cerveaux.

Un commentaire par yann (17/10/2007 à 10:33)

Bonjour,

Est ce que le le fait d’obtenir un doctorat dans une des nombreuses disciplines universitaires rend apte à la gouvernance des structures aussi importantes que les universités ?
J’ai suivi un cursus universitaire jusqu’en maitrise de chimie mais pour trouver un emplois je me suis inscris en licence professionnelle donc j’ai eu une petite expérience du monde universitaire. j’ai travaillé 4 ans dans le privé, aujourd’hui, Je suis technicien à l’éducation nationale et plutot fière d’avoir passé un coucours comportant des épreuves écrites ou la selection se fait principalement au mérite !

Les enseignants, chercheurs, et professeurs ont un niveau de qualification très éleves mais aussi relativement restreint à leur discipline. Tout comme l’enseignement et la recherche sont deux disciplines qui ne demandent pas les memes aptitudes. La gestion d’un établissement ne demande pas, à priori, les memes qualités (qui à mon avis sont plutot managériales et administratives) que le métier de l’enseignement.

je ne penses pas qu’une organisation où le personnel dirigeant s’auto-administre ( fixe ses propres primes et décide de ses quotats heures complémentaires, pour ne pas dire supplémentaires) sans exigeance de résultats (l’université est une grande socièté dont le produit principale est “le jeune diplomé”, si les entreprises privés ou publiques n’achètent pas ce produit, l’université est en faillite ! et de nombreuses formations pourraient etre qualifiées comme telle !), et sans rendre de compte public (comme par exemple un compte rendu d’activité qui est une pratique courrante dans de nombreuses administrations, et des procédures de récrutement transparantes comme les concours écrits) puisse etre viable.

La technique qui consiste à tenter de faire de la sélection à l’entrée des universités est assez habile car elles permets de ne pas changer le systeme tout en espérant que la selection permettent d’obtenir de bons produits : en gros on cherche à améliorer les matières premières (nouveaux étudiants), sans changer l’organisation de la chaine de fabrication !
à qui cela profitera ?

Un commentaire par jl (17/10/2007 à 10:45)

je suis mcf en gestion, doctorat d’économie, en poste sur un IUT.

Oui il y a du localisme et j’en ai bénéficié. Pourquoi ? Parce que dans ma fac s’affrontaient et s’affrontent encore deux courants théoriques : 1 dominant qui bloque pratiquement tous les postes et considére les autres recherches comme du pipo et 1 dominé (dont je fais partie) qui arrive à disposer de quelques postes pour faire vivre un courant théorique marginal. Ce sont des logiques de labo, avec derriere des individus qui jouent une carrière mais aussi une vie familiale. Le localisme n’est pas forcemment mauvais : une personne qui a construit sa vie familiale sur un site, qui satisfait aux conditions de pédagogie et de recherche, pourquoi lui demander de partir à pétaouchnok avec femmes et enfants..
Sur mon IUT on a fléché récemment des postes pour recruter des personnes qui travaillaient depuis plus de 5 ans dans la structure avec, à la clé, la mise en place de nouvelles licences, ou des actions d’envergure sur la collecte de taxe d’apprentissage. l’IUT ne peut pas se passer de telles personnes-ressources et prendre le risque d’embaucher un mcf qui va surtout s’intéresser à sa carrière de chercheur. Ce n’est pas dans l’intérêt de la structure.

Au niveau de la vie des équipes pédagogiques, en IUT (en fonction bien sûr des individus) il Il n’y a pas de désert relationnel, du point de vue de mon expérience du moins. Dans mon département il y a une vie très riche : on se voit, on s’apprécie, on discute de l’harmonisation entre nos cours etc. et pourtant je suis sur un site délocalisé.
L’intérêt des IUT réside également dans la mixité des profils d’enseignants (prague, mcf, professionnels (past)) et dans la proximité avec les étudiants : en général au bout de deux ans je connais quasiement tous les noms et prénoms et je peux les interpeller directement dans un cours d’amphi.
La plus grande difficulté réside dans la non reconnaissance, dans la carrière, des activités pédagogiques, administratives ou internationales (mise en place de projet européen par exemple). Le mcf qui s’investi dans la pédagogie fais un choix perso mais pas un choix de carrière et pourtant c’est une grande satisfaction de travailler avec les étudiants. c’est même, et avant tout, une chance (on a un public captif) et une responsabilité que nous confie la société.

Un commentaire par Nick (17/10/2007 à 10:55)

Le texte de Xavier Dunézat est intéressant, mais pourquoi son auteur se croit-il obligé d’écrire étudiant-e-s, enseignant-e-s, étranger-e-s, etc, parfois trois ou quatre fois dans le même paragraphe. A force, cela finit par devenir totalement insupportabl-e et illisibl-e de se voir infliger-e ce jargon-e. :)

Un commentaire par Louis (17/10/2007 à 17:46)

D’accod avec Xavier sur la lourdeur du style. La grammaire fraçaise a beau ête sexiste, elle permet d’alléger les textes.

Sinon je voudrais apporter le témoignage d’un jeune diplômé qui galère sur le marché de l’emploi :

On repère en fin de texte :
“Dans le même style, j’ai été très choqué par des discussions de couloir au cours desquelles des sociologues de gauche, dont j’apprécie les écrits, défendaient ou comprenaient la mise en place de formes de sélection à l’entrée en master ou en doctorat. Elles et ils prenaient acte de la raréfaction de l’emploi en sociologie et proposaient d’éviter de faux espoirs aux étudiant-e-s qui rêvaient de devenir sociologues. Tuer le rêve plutôt que lutter contre le capitalisme et sa censure de la sociologie…”

Je trouve que c’est le paroxysme du formateur irresponsable : il reconnait former de futurs chomeurs, et trouve ça normal… Rêver c’est le propre des étudiants, il faut leur laisser ce privilège. Les enseignants, eux, ne sont pas payés pour rêver, mais pour être réalistes. Qu’il laisse les élèves rêver et qu’il se charge de les former intelligemment à une profession d’avenir.

Un commentaire par Sophie Pontzeele (17/10/2007 à 18:37)

Je viens de lire la lettre de Xavier Dunezat, et je dois dire que mon expérience d’ex doctorante puis ATER (d’ailleurs dans cette même université de Lille 1, mais je n’ai pas eu la chance d’être pressentie comme heureuse candidate locale…) va dans le même sens. Le “désert relationnel”, certains profs que je n’ai JAMAIS vus et dont je ne connaissais que le nom, certains autres qui se tapent tout le boulot de coordination, les stratégies hyper individualistes de certains qui n’hésitent d’ailleurs pas à les formuler ouvertement devant les p’tits bleus que nous étions (“ce qui compte c’est tes papiers – comprendre “articles”-, le reste ça n’a pas d’importance. Donc moi, pour le reste, j’en fais le moins possible”), le fossé entre les beaux discours et les recherches de certains sur les inégalités sociales, le sort des réfugiés et le droit d’asile, et leur absence totale de mobilisation concrète auprès des étudiants étrangers et/ou sans papiers, ou des étudiants tout court contre le CPE etc.
Le mépris des étudiants et de la fonction d’enseignement que dénonce Xavier Dunezat est une autre partie importante de sa lettre. En tant qu’ATER, je m’étais investie dans la préparation de mes TD (en 1ère et 2ème année, bien sûr, ce qui n’intéresse pas la plupart des titulaires) et le suivi de mes étudiants, y compris en dehors des cours, par mail ou en me montrant accessible. Mais tout cela n’entre absolument pas en ligne de compte quand vous candidatez sur un poste à l’université, pas même quand c’est dans votre propre université, là où l’on est pourtant le plus à même de jauger et d’apprécier ce type d’investissement. Non, ce qui compte, au mieux pourrait-on dire, ce sont vos recherches, vos publications. Et au pire, mais bien souvent, les pistons dont vous disposez, qui permettront, d’abord, que le profil du poste vous corresponde, et qu’ensuite vous soyez l’heureux élu.
De mon côté, je suis devenue professeur des écoles et j’exerce actuellement dans un collège. Là aussi les choses sont loin d’être parfaites, mais on n’y rencontre pas un mépris si profond ni si généralisé pour la pédagogie et les élèves, même si la difficulté d’enseigner dans certains établissements peut parfois décourager les plus enthousiastes.
Merci encore M. Dunezat.

Un commentaire par Bruno Décoret (17/10/2007 à 20:58)

Merci à Xavier Dunezat pour son texte qui fait du bien à lire, malgré certains défauts déjà soulignés par d’autres. merci à tous ces autres qui ont enrichi le débat. moi aussi, j’ai quitté l’université, non par démission (je n’ai pas eu ce courage) mais en prenant ma retraite. Pour amuser Xavier Dunezat, je précise que je l’ai obtenue avec deux ans d’avance en tant que père de trois enfants, mais que j’ai dû pour cela faire condamner mon ministre, qui me la refusait, pour discrimination sexuelle.
Ayant enseigné-cherché pendant 38 ans dans des disciplines comme les mathématiques, l’informatique, la psychologie ou les sciences de l’éducation, je confirme l’analyse de Xavier Dunezat, à des nuances importantes tout de même d’une discipline à l’autre. Ce qui me semble commun, c’est que l’université dans son ensemble marche mal. Elle a tout pour être un véritable paradis (quel bonheur que d’apprendre, d’échanger, de chercher, de trouver, de diffuser ses idées, de former les jeunes, dans une ambiance de liberté et en étant payé pour cela!) mais elle tourne parfois à l’enfer et souvent à l’absurde. Or, ce qui me frappe dans la majorité des réactions, comme dans la lettre initiale, c’est le peu de remise en cause générale. On est beaucoup dans le débat intra-universitaire, qui tient comme acquis des vérités discutables comme le lien indissoluble recherche-enseignement, le recrutement par concours de titulaires à vie, le cloisonnement étanche entre les disciplines, l’unicité du statut, les commissions de tout genre, et bon nombres d’autres axiomes que l’on se garde bien d’interroger. Maintenant que je suis dehors, et exerce une autre activité à temps partiel, j’aimerais démarrer le débat à partir de deux questions: quelles sont les finalités de l’enseignement supérieur ? quelles recherches est-il bon de faire? à partir des réponses à ces deux questions, on peut envisager de construire un, ou des organismes, ayant mission d’assurer l’enseignement supérieur et un ou des autres , pour faire de la recherche, les deux pouvant être bien entendu connectés, sans que ce soit forcément un postulat de base. évidemment, les personnes chargées de mener à bien cette tâche devront bénéficier de suffisamment de liberté et d’indépendance. Je ne sais pas quelles constructions sortiront d’une telle réflexion, car c’est trop compliqué. Mais je fait le pari que l’on n’aboutira pas à l’université française actuelle (ni, sans doute à celle de beaucoup d’autres pays ).
Bonne réflexion à tous.

Un commentaire par MAP (18/10/2007 à 14:16)

“J’ai senti combien les personnels de la documentation étaient si peu intégrés aux dynamiques (inertes) pédagogiques.” Alors là, je me retrouve complètement dans cette phrase, je suis documentaliste à l’université depuis 32 ans et depuis tout ce temps je regrette de n’avoir eu aucun contact (ou si peu !) avec les enseignants, la plupart n’ont jamais mis les pieds dans la bibliothèque, mais tous disent facilement à leurs étudiants que les livres qu’ils leur conseillent sont dans cette bibliothèque, sans prendre la peine bien sûr ni de proposer des acquisitions et encore moins de venir voir un peu dans les rayons ou exposer le contenu de leur cours afin que le fonds documentaire soit en lien. Et je ne parle pas des publications que l’on ne va pas s’abaisser à transmettre à la documentaliste ! Mais c’est bon, je vais arrêter ce travail et oublier ce désert relationnel moi aussi….

Un commentaire par ALLOCATAIRE-MONITRICE ARTS DU SPECTACLE (18/10/2007 à 15:27)

Un commentaire d’une autre discipline – arts du spectacle – et d’une autre fac – Paris X pour répondre au commentaire de Tom Roud du 3 octobre. Il y est fait allusion aux formations CIES que suivent les moniteurs.
Il y est dit que ces fromations “si elles sont bien utilisées et organisées peuvent vraiment être intéressantes”, le problème est qu’elles ne le sont absolument pas, et ce au moins dans l’ensemble des facs parisiennes, lyonnaises et grenobloises (pour les témoignages directs que j’ai pu en avoir). Il faut savoir qu’elles ne sont pratiquement pas orientées vers la pédagogie (ces formations tournent autour de la vulgarisation des connaissances et de leur transmission certes, mais beaucoup ont aussi à voir avec l’avenir du chercheur qui se cache derrière le moniteur : mise en ligne de ses recherches, approche du monde de l’entreprise pour la valorisation de la thèse…), que les CIES regroupent des moniteurs de matières tellement différentes (celui d’Orsay auquel j’appartiens regroupe ‘informatique, droit, chimie, maths,littérature, sciences sociales…) qu’aucun enseignement pédagogique ne peut mener à grand chose (c’est bien la transversalité, mais cela a quand même des limites) et en reste toujours à des généralités inintéressantes (quand au bout de la dizième journée de formation on vous répète pour la énième fois que seuls 10 % de votre discours arrivent au cerveau de vos étudiants, on est découragé forcément!). Donc ne nous leurrons pas, le MDC, ancien AM pour la plupart, n’ont jamais reçu de formation pédagogique digne de ce nom.

Un commentaire par Thierry LODE (18/10/2007 à 15:49)

Professeur d’ecologie en université, je suis frappé de la justesse de ce que dénonce Xavier Dunezat après un an à peine . Oui, l’université est bien malade. j’ai du moi même démissionner de mon rôle de direction d’une UMR, n’assumant plus le fonctionnement quotidien, les lourdeurs administratives, le copinage et la pression exercée sur les étudiants au nom de leur “avenir” et l’inouie jalousie et méchanceté de certains collègues. Bien entendu, il y a des maladresses de mon côté aussi, mais le fonctionnement interne des universités sans organe de vraie régulation, sans gestion claire parait laisser le pouvoir à des discussions de couloir entre personnes secrètes. Il faut dire que la plupart de ceux qui assument le pouvoir des universités sont rarement des enseignants passionnés et encore moins des chercheurs très actifs…
Le gachis des “ressources humaines” est immense et ce quelque soit la matière enseignée…
Bravo à Xavier Dunezat pour le courage de son discours…

Un commentaire par Dufoyer Jean Pierre (19/10/2007 à 0:05)

Je suis maître de conférences en psychologie à l’université René Descartes de Paris. Nommé Assistant en 1968. C’est dire… J’ai eu, au long de ma carrière de nombreuses responsabilités administratives. Avec plus ou moins de bonheur et de réussite.
Si je rapproche la lettre de notre collègue de ma longue expérience, je dirai que j’adhère assez largement à son analyse. Je ne détaillerai donc pas. Mais tout ce que j’ai pu connaître n’a jamais atteint le niveau de détérioration qu’il dépeint. Autrement dit tout est vrai, mais pas aussi vrai que cela. C’est une question de dose. Sans doute Xavier Dunezat est-il vraiment “mal tombé”. Chez nous, il nous aurait trouvé les mêmes défauts, mais peut-être pas au point de démissionner. Peut-être. Il y a donc des UFR qui font des efforts en matière de coordination, d’information, de pondération des notes, etc..
Il n’empêche que, corrélativement, rien n’est faux. Et nous avons à travailler pour faire évoluer dans le bon sens notre institution. Et là, il est vrai que le courage manque. Sans doute parce que tous ceux d’entre nous qui ont essayé n’ont pas réussi. Ou très peu. Alors, lassitude…
Mais, contrairement à ce qu’il semble croire, la collégialité est un obstacle. Personnellement, j’aurais préféré des directeurs d’UFR ayant plus d’autorité (sur un projet collectif), y compris contre certaines féodalités administratives qui contribuent aussi à cette sclérose.
Il y a probablement, à l’Université, un pourcentage de paresseux et de médiocres comparable à ce qui peut exister dans toute institution. Le problème est qu’on ne peut guère s’en débarasser ou, au moins, les mettre au placard. Mais la lassitude de la plupart d’entre nous, usés par des réformes et des réformes inventées par des gens ignorent ou donne l’impression d’ignorer tout de nos conditions de travail, est une raison majeure.
Enfin, la question d’intégrer certains bacheliers mériterait une étude approfondie. Car si 80% de chaque classe d’âge atteint le baccalauréat, on sait que ces bacs sont loin d’être équivalents. Et il est dur d’être méprisé quand on obtient pas, naturellement, la même réussite que les classes prépa, alors que nous devons accueillir tout le monde.

Un commentaire par d'une région ultramarine (19/10/2007 à 5:32)

Il est intéressant de faire la corrélation entre “distance domicile-lieu de travail” et “investissement collectif” … Je suis assez d’accord avec l’analyse de X. Denuzat sur ce point. En même temps, on peut aussi s’interroger sur la logique des recrutements locaux, tants décriée et pourtant généralisée. La juxtaposition de ces deux commentaires pose une question cachée… Ces enseignants-chercheurs de Lille qui habitent Paris ou Marseille ont-ils fait l’objet de recrutements locaux?

Plus sérieusement, il est certain que les distances et les temps de trajet domicile-lieu de travail ont beaucoup augmenté en France. Dans les régions dites ultra marines, ce sont les temps qui augmentent, les distances étant bornées sur des territoires iliens. Comment répondre à cette problématique avec des niveaux de revenus dont la dynamique de croissance ne suivra jamais celle des prix de l’immobilier ? C’est une vraie question … Et pas seulement pour les fonctionnaires.

Un commentaire par Ex doctorante. (20/10/2007 à 12:56)

Tout d’abord, un vif remerciement à Monsieur Dunezat pour son honnêteté et son courage. Votre lettre (me) soulage. Vous m’avez donné l’envie (la force ?) de prendre la plume à mon tour. Ce témoignage s’adresse aux incrédules, à ceux qui pensent que vous noircissez le tableau, à ceux qui vous soutiennent bien sûr mais aussi et surtout à ceux qui auront envie de le lire (ce sera long !). Ceci n’est pas une plainte de ma part, ni un élan d’ego mais un simple témoignage : mon histoire. C’est on ne peut plus en rapport avec ce que vous avez vécu mais dans une autre université, avec d’autres gens et quelques années plus tôt. Le “détail qui tue” est que cela se termine beaucoup moins bien. Pour plus de clarté, je vais procéder de manière chronologique. Certains de mes propos paraîtront peut-être choquants. Il s’agit néanmoins de la stricte vérité, biaisée évidemment par mon ressenti et ma propre subjectivité (mais celui qui se proclame parfaitement objectif ment). Commençons.

1999 : Fin de la maitrise Economie-Gestion, entrée en DEA Sciences de Gestion.

Après avoir obtenu (avec mention) ma maîtrise Eco-G, j’ai décidé de me lancer dans la recherche en Sciences de Gestion. Ayant obtenu un 15/20 tout à fait honnorable au mémoire présenté pour valider cette 4ème année, mes professeurs estimaient (comme moi) qu’il était de bon ton de poursuivre. Il se trouve que je voulais, en effet, devenir enseignant-chercheur à l’université. Le passage obligatoire pour ce faire étant le DEA et la thèse, je me suis donc inscrite au concours d’entrée en DEA Sciences de Gestion à l’IAE. [N’avez-vous pas mentionné que ce type de sélection est illégal ?].
Mes acquis étant sérieux, j’ai réussi le concours et fut convoquée à l’entretien. [ Deuxième étape de sélection. Sigh]. Ce qui s’est passé lors de cet entretien fut tellement abherrant que je n’ai réalisé que plusieurs jours après l’ignominie de la chose :
Huit heures trente, six hommes assis en demi-cercle me posent des questions pendant 45 minutes. Les questions semblaient assez simples, voire simplistes mais, ne connaissant pas leurs us, je ne me suis pas formalisée.L’apothéose de cet “entretien” fut lorsque l’un d’entre eux me fit clairement comprendre que j’étais un “OVNI”. En effet, les étudiants qui “venaient d’Eco-G” étaient rarement admis au concours d’entrée en Sciences de Gestion. “Cela faisait 15 ans qu’ils n’avaient pas vu ça”. Cet homme a même poussé le commentaire en me demandant, de manière ironico-insinuo-instistante, ce que je pensais de ceux qui “venant d’Eco-G” faisaient un an de remise à niveau. Vexée, j’ai répondu que s’ils en sentaient le besoin, grand bien leur fasse, mais que je ne me sentais pas concernée. Après plusieurs moues dubitatives, des consultations répétées à mes résultats au concours d’entrée et quelques regards carrément méprisants, j’ai finalement été acceptée.
Me posant des questions sur le ressenti pour le moins désatreux de cet “entretien-procès” et sur une éventuelle paranoïa naissante, j’ai interrogé, quelques jours plus tard, les cinq autres personnes également acceptées en DEA sur la manière dont s’était passé leur entretien. J’ai froncé le nez cinq fois en entendant : “houla ! Une formalité : ils étaient deux et ça a duré dix minutes !”. Exit la paranoïa, ils s’étaient vraiment penchés sur mon “cas” et ledit cas ne plaisait pas à certains. Pourquoi ? Afin de répondre à cette question, je suis allée voir mes anciens professeurs d’Eco-G. Ils m’avaient soutenue dans cette voie mais avaient omis de me préciser qu’un “mépris ancestral” régnait entre “Eco-G et l’IAE”. Soit.
Etant persuadée que personne ne pouvait être assez bête pour porter crédit à ce genre de comportement et que ma “provenance malheureuse” serait vite oubliée, j’ai rapidement fait l’impasse sur cette histoire et me suis concentrée sur mon DEA. Tout s’est bien passé : j’ai obtenu la deuxième moyenne générale, je tenais le rythme sans problème.
La fin de l’année me réservait quelques surprises. Comme le sait tout un chacun, un mémoire de fin d’année (projet de recherche) doit être présenté. Les choses étant bien faites, deux des matières enseignées permettaient de “pré-rédiger” ce mémoire et d’en faire noter les parties afin d’aller dans la bonne direction. S’inspirer des commentaires pour parfaire le tout était évidemment fortement recommandé. Ayant obtenu 13 et 14 aux parties concernées et m’étant sagement inspirées des remarques de mes correcteurs, je rendis mon mémoire confiante et me présentais à la soutenance dans le même état d’esprit. Quelle déconvenue ! Des deux hommes en face de moi, l’un essayait de se cacher derrière ses notes et l’autre, carrément hostile, me servit le même regard méprisant que le jour de l’entretien de sélection. Un peu douchée par l’ambiance, j’effectue néanmoins ma soutenance croyant m’être trompée de ressenti et attribue tout ceci à mon stress. Las ! L’homme caché montrait cependant une mine désapprobatrice dès que son collègue ouvrait la bouche : ils étaient visiblement en désaccord, mais n’agissait pas. L’autre fut odieux, discourtois voire grossier. N’étant pas en position de faire valloir mon ressenti, j’ai répondu aux questions (quatre fois la même !) et ai gardé mon calme tant bien que mal.
Un tel fossé entre mon année et cette soutenance était pour moi abherrant mais j’eu la certitude “qu’on” voulait m’évincer lorsque mon mémoire reçu un 9/20 (noté 13 et 14 auparavant… pour mémoire). Ne voulant pas m’apitoyer sur mon sort mais en avoir le coeur net, j’ai décidé de ne pas changer un seul mot dudit mémoire et l’ai représenté en septembre à l’identique, exception faite de deux paragraphes (de vingt lignes chacun) inversés. Verdict : 12/20. Risible, non ? Oui, on se foutait ouvertement de ma gueule et me coupait en même temps l’accès au financement (bourse) pour le doctorat… réservé à “ceux qui sortaient de l’IAE” bien sûr. Sans être affiché sur les murs, le message était explicite dans les faits comme dans les têtes.
Après avoir ravalé ma fierté, surmonté mon dégoût et remis les choses dans leur contexte, j’ai décidé de ne pas me laisser abattre. D’autres avant moi ont réussi des doctorats sans bourse, alors pourquoi pas moi ? Je me suis donc inscrite en thèse.

2000-2005 : Le doctorat.

L’école doctorale et le laboratoire de recherche se trouvaient, à l’époque, dans le même bâtiment. Tout le monde avait un bureau, un ordinateur, un téléphone et des étagères… sauf les doctorants non boursiers… pas même un casier, rien. Il faut travailler chez soi, soit. Pour les articles de recherche, la photocopieuse est nécessaire. “Elle est réservée à ceux qui donnent des cours à l’IAE”, en d’autres termes, aux boursiers. Vous allez me dire, “quelle importance ? Ce n’est qu’une photocopieuse !”. J’en conviens mais en cinq ans, je n’ai jamais eu le code de ce copieur alors que tout le monde l’avait ! J’ai pourtant donné des cours à l’IAE (CQFD). Ce fut le début d’une longue suite de brimades et rabaissements en tout genre.
Dans les grandes lignes, mon directeur de thèse (qui avait froncé le nez lors au moment d’accepter de diriger mes recherches) refusait de me recevoir. Il ne tenait jamais compte de mes interventions en atelier, me parlait constamment sur un ton condescendant, agressif ou méprisant selon l’humeur. On peut légitimement se demander si tout cela n’était pas un pur produit de mon imagination. Mes collègues thésards (les plus sympatiques) m’ayant quelquefois dit qu’ils ne trouvaient pas normal la façon dont cet homme s’adressait à moi et me considérait, démontre le contraire.
Afin de financer ces années, j’avais réussi à obtenir des vacations diverses et variées où j’étais appréciée tant par mes étudiants que mes collègues. Ces derniers furent tout aussi dégoûtés que moi lorsque je fus évincée de cours “rigolos” au profit de doctorants boursiers qui “devaient” avoir un monitorat. Evidemment les non-boursiers cèdent la place, c’est la coutume, elle est connue et admise par tous. Je me tais et vais voir ailleurs si des vacations existent.
A part l’ambiance lourde à l’Ecole doctorale, je réalise tranquillement ma thèse, effectue des cours qui sont jugés bons par mes élèves (présents et contents) et mes pairs (enfin, ceux qui me parlent). Je rédige donc le document final et le transmets à mon directeur pour “une première appréciation-commentaires-rectifications finales-envoi”… comme tout le monde, quoi. J’en profite également pour relire et corriger les parties de thèse de certains thésards étrangers qui ont du mal avec le français et refaire les calculs statistiques d’autres qui ont de sérieux soucis avec leur modélisation. Bref, tout va bien… ou pas : à partir de là ce fut la dégringolade (ou l’escalade ?). L’enchainement des événements que je décris ensuite est, une fois encore, la stricte vérité même s’il paraît incroyable.
Ma thèse, rendue reliée, me revient déchirée chapitre par chapitre. J’imagine que mon directeur avait voulu se faciliter la lecture et la “correction”, mais ça fait mal au coeur. Une surprise désagréable s’en suivi : des pages entières barrées sans un seul commentaire. Les seules remarques que je trouvais portaient sur mon français : “phrases trop longues’ (il faut du sujet-verbe-complément), “mot inapproprié” (j’emploie parfois la deuxième acception d’un terme, c’est trop compliqué !). J’étais d’autant plus décontenancée que toutes les parties de thèse réécrites pour mes collègues avaient reçu un excellent accueil. En outre, aucune remarque sur le fond de ma réflexion (élément essentiel) n’était faite.
Ne pouvant être reçue par ce monsieur, je rédige de nouveau les nombreux passages incriminés. Je me force à suivre scrupuleusement les rares commentaires et à corriger mon style inadapté. Ce travail accompli, je dépose la deuxième version de mon document… un peu triste de l’avoir dénaturé et d’en faire quelquechose qui me semble insipide, mais certaine qu’ainsi il sera mieux accueilli. Absolument pas. Le schéma s’est reproduit cinq fois ! J’ai réécris entièrement cinq fois ma thèse en tenant compte de chaque commentaire, dont certains étaient strictement contradictoires d’une version à l’autre. Je ne me suis pourtant pas découragée et ai réussi à atteindre une version finale qui ne fut pas rejetée par mon directeur de thèse. En réalité, vu les contradictions dans ses commentaires et le nombre de pages barrées sans explication je me demande encore aujourd’hui s’il l’a seulement lue.
Le nom et le sérieux de cet homme étant en jeu, s’il acceptait de présenter ma thèse à des rapporteurs c’est qu’elle était au moins acceptable. J’emploie ce terme à dessein car, malgré la compétence dont j’avais fait preuve jusque là, les barrières érigées par cet homme au long de ces années m’ont fait douter de moi. J’ai donc revu mes ambitions de “très bon travail” à “acceptable” et m’en serai contentée, ne serait-ce que pour en finir.
De ce que j’en avais vu pour les autres, la définition d’un jury de thèse (comprenant des rapporteurs), la fixation des dates de présoutenance et de la soutenance était un processus simple et bien huilé qui se déroulait sans accroc. Ce ne fut pas mon cas. Mon directeur désigna deux rapporteurs et m’annonça “qu’on verrait plus tard pour le reste du jury et les dates”. J’ai trouvé cela inhabituel et suspect mais ai résolument décidé que ce n’était pas grave. Ce qui me dérangeait, en revanche, était le fait qu’un des rapporteurs se trouvait être un maître de conférence dont j’avais contredis une partie de thèse (j’estimais que, pour mieux modéliser l’un de mes items, il fallait utiliser une fonction et non une addition). Je pensais bien que cela n’allait pas lui plaire et m’interrogeais sur la pertinence du choix effectué par mon directeur. Cependant, s’il s’agissait d’un bon chercheur, il réagirait en homme intelligent et tendrait à ouvrir le débat avec moi et non à me “saquer” pour l’avoir contredit. Erreur… mais je ne le savais pas encore.
J’ai dû attendre deux mois pour avoir les rapports (un peu long). En effet, mes deux exemplaires de thèse se sont perdus et pour cause : la secrétaire, qui reçoit et envoie souvent des courriers à ces messieurs, m’a donné deux adresses complètement erronnées (dont l’une était même un mélange d’adresse personnelle et professionnelle. Ca ne s’invente pas), malchance ou acharnement ? Les intéressés m’ayant fait par de leur étonnement de ne par recevoir ma thèse, j’ai réexpédié les documents et me suis assurée que chacun avait bien reçu son exemplaire.
Je n’avais toujours pas de date de soutenance, mais j’ai effectué ma présoutenance en atelier et ai reçu des appréciations positives. J’ai également rencontré un de mes rapporteurs à la soutenance d’une de mes collègues. Il m’a serré la main avec un grand sourire et m’a dit “J’ai lu votre document, à très bientôt ! “. Il ne pouvait en dire plus mais le ton, le contenu et le sourire franc étaient favorablement disposés. J’ai donc repris confiance. J’ai encore attendu les rapports quinze (longs) jours. La secrétaire les a reçus, lus (sigh), transmis à mon directeur et m’a prévenue… trois jours plus tard lorsque j’ai moi-même appelé pour savoir si elle avait des nouvelles à ce sujet. J’ai, encore une fois, fait fi de cette mesquinerie et ai accouru pour lire ces précieux rapports… passeports pour la date de la soutenance. Douche froide, le monde s’écroule. Que s’est-il passé ? Le rapporteur, si enthousiaste quinze jours auparavant, conclut son rapport par “réservé”. Quant au deuxième (celui dont j’ai contredit le calcul) rend un rapport “défavorable”. Je tombe de très haut, évidemment. Aurais-je pu prévoir un tel dénouement ? Non, car cela “n’arrive jamais” me dit-on de manière surprise, désolée et navrée autour de moi.
Les commentaires dans les rapports sont on ne peut plus surprenants : il paraîtrait que je ne maitrise pas l’outil statistique. Or, aucune des remarques, pourtant négatives, de mon directeur de thèse n’a porté sur mes calculs et pour cause : j’étais à cette époque (vanité mise à part) la meilleure de l’ED et beaucoup de mes collègues se sont réferrés à moi à ce sujet. Mes calculs étaient, de l’avis de tous, rigoureux. J’avais contredit les calculs de cet homme, cela avait-il un lien ? Quant au rapport “réservé”, les commentaires tenaient (selon les HDR que j’ai interrogé à ce sujet) plus de questions à poser en soutenance qu’autre chose. En prime, quel revirement de sa part !
Anéantie, déçue et dégoûtée, j’ai rassemblé mes affaires, rendu ma carte d’accès et ai quitté le laboratoire sans au revoir.
Je n’ai pas cherché à connaître le “pourquoi du comment”. Le fin mot de l’histoire est venu tout seul. Une de mes amies de l’ED, chez qui j’ai passé des vacances quelques temps plus tard, m’a fait une “drôle” de révélation / confidence. “Tu sais, je crois que je devrai t’en parler…” me dit-elle. “J’ai surpris Monsieur …….. au téléphone dans son bureau avant que tu reçoives tes rapports. Il ne m’a pas vue et comme j’avais entendu ton nom, je suis restée pour écouter. Il a appelé tes deux rapporteurs et leur a demandé de faire un rapport défavorable, sous n’importe quel prétexte, à l’un et de changer son rapport, à l’autre”. Mon amie était désolée pour moi mais, ayant trouvé ces conversations hallucinantes, elle espérait s’être trompée ou avoir mal compris. Sur le coup, elle n’avait su quelle conduite tenir. Etant elle-même en passe de soutenir et ayant écouté ce qu’elle n’était pas censée entendre… elle s’est tue. Eut-elle parlé, aurait-ce changé quoi que ce soit ? Pour moi, certainement pas, elle a donc bien fait de protéger ses arrières.

Ce fut long et je félicite tous ceux qui ont réussi la lecture exhaustive de ce témoignage. Vous parliez de piston, Monsieur Dunezat. Il me semble en avoir fait les frais dans l’autre sens et ce pendant cinq ans. Résultat : malgré mes compétences, ma motivation et même mon acharnement, je n’ai pu lutter contre ledit piston qui avait déjà promu certains pour ne laisser aucune place au mérite. Heureusement pour moi, cette expérience douloureuse m’a permis de faire la lumière sur les pratiques en vogue à l’université. J’ai décidé de ne plus y mettre les pieds et de me tourner vers des laboratoires privés aujourd’hui. C’est dommage car je crois en l’égalité des chances et en l’éducation nationale… mais le fruit est pourri et il me fait vomir. Dommage encore, car mes collègues et élèves appréciaient mon efficacité d’enseignante. Je fais, en effet, partie de ceux qui se sont rendus compte que dans “enseignant-chercheur”, il y a enseignant. J’ai dû abandonner tous les cours dont j’avais la charge. Après avoir annoncé la nouvelle, j’ai reçu beaucoup de réponses désolées qui me remerçiaient sincèrement de mon travail. J’étais rassurée sur ce que je vaux. Les élèves m’ont fait des haies d’honneur, des cadeaux et des chants (“elle est vraiment phénoménale” !!) lors de mes derniers cours. Je suis partie brisée mais la tête haute, certaine que tout cela n’avait effectivement rien à voir avec mes compétences mais bien avec tout ce que vous dénoncez, Monsieur Dunezat.
J’espère honnêtment que ces pratiques cesseront. Je suis d’un naturel oprimiste et refuse le “no future” si aisément prôné par les blasés du système. J’aimerai que tous vous souhaits et illusions (perdues) concernant l’université se réalisent. Je suis navrée que ni vous, ni moi, n’ayons la force de revenir dans ce système pour le changer de l’intérieur. D’autres prendront la relève, je l’espère. Pour ma part, j’ai mis longtemps à me relever de l’expérience et à reprendre réellement confiance en moi et en mes compétences. Aujourd’hui je sais que je n’aurai pas la force d’y retourner. La seule chose que je peux faire, c’est écrire ce témoignage en réponse à votre “longue lettre”. Puisse cela servir.

Encore merci, Monsieur Dunezat ,d’avoir écrit, Monsieur Coulmont, d’avoir publié.

A vous, à tous, bon vent !

Un commentaire par christian Pihet (20/10/2007 à 17:49)

Ex-doctorante : vous livrez un témoignage hallucinant et qui doit vous être particulièrement douloureux.
Mais le lecteur est interloqué. Quelle analyse, quelles explications donnez-vous à cette situation? A vous lire, on pense qu’il s’agit simplement d’une “punition” liée à votre origine hors-filière. Est-ce bien cela ou autre chose?

Un commentaire par Ex doctorante. (21/10/2007 à 15:30)

M. Pihet : je comprends que vous soyez interloqué. Il est également naturel que vous vous posiez la question de savoir “pourquoi ?” . Je pourrai donner une analyse, voire une simple explication, si j’avais moi-même posé cette question aux intéressés. Je ne l’ai pas fait et ne le ferai pas, vous vous en doutez.
Donc, je ne peux proposer que quelques théories unilatérales :
– Comme le dit très justement Mambo “les fouteurs de merde, on ne les laisse pas monter en grade”. Vu mon effroyable honnêteté, j’étais très certainement considérée comme une fouteuse de merde. J’ai, par exemple, rit lorsque à l’entrée en DEA, au premier cours, le directeur de l’ED nous a sorti “vous êtes l’élite de la nation” et “concernant les femmes, je vous interdis de tomber enceinte pendant votre thèse”… il y a de quoi se demander où on est tombé et pour qui se prennent les gens qui pensent être supérieurs aux autres alors qu’ils sont censés être à leur service.
– Comme l’énonce Tortuga “sachez par exemple que parfois, le directeur de ce meme DEA est le president de l’ecole doctorale. En sachant que le souci d’independance n’effleure meme pas une seconde l’esprit de ces gens la”. C’était le cas dans cette ED donc le mandarinat classique (que beaucoup citent dans leur commentaire) s’appliquait implacablement.
– M. Dunezat dénonce le recrutement hypocrite de candidats locaux. Il y a encore plus hypocrite : dans le laboratoire de gestion que je mentionne, la politique officielle annoncée est “pas de recrutement local, tout le monde doit partir”. En réalité, le directeur de l’ED choisit chaque année un doctorant qu’il prend sous sa coupe aide et place.
– Au niveau du sexisme dénoncé également par M. Dunezat et même si certains se voilent la face à ce sujet, je dois dire que j’ai toujours refusé de me mettre en mini-jupe et décolleté pour être reçue par mon directeur de thèse. Contrairement à mes collègues, je n’étais donc pas reçue.
– Pour finir, “simple punition” me semble légèrement réducteur, mais oui, le fond de l’histoire est peut-être que n’étant ni issue de l’IAE, ni de l’Ecole Normale, ni du programme préférentiel réservé aux étrangers , je n’avais rien à faire là.

J’imagine que le tout combiné, on atteint un début d’explication. Mais je n’aurai pas la prétention d’assurer que c’est la bonne,vu le biais astronomique que j’y introduis. Il me semble juste que mon témoignage est une bonne illustration de l’aboutissement de ce qui ne fonctionne pas à l’université.

Un commentaire par Damien - Chercheur au Royaume-Uni (21/10/2007 à 15:59)

Je commencerai aussi par poser des préalables:
1) Les prises de position politiques partisanes desservent largement le propos de M. Dunézat. Cela est regrettable. Loin d’être une analyse ou déconstruction sociologique argumentée, une doxologie mass-médiatique hors sujet nous est servie, que je préfère ignorer.
2) Les jugements idéologiques proférés à l’encontre du monde de l’entreprise sont tendancieux. Je doute que M. Dunézat connaisse suffisamment ce dont il parle sur ce sujet. Cela est symptomatique d’un des échecs majeur de l’université française (et plus largement du monde intellectuel) qui se complait dans un dénigrement stérile de l’entreprise plutôt que d’interagir efficacement avec elle et de tenter de la penser.
3) Malgré la noirceur de ce qui va suivre, je souhaite affirmer qu’il existe des laboratoires universitaires d’excellente qualités qui fonctionnent efficacement et sainement sous l’impulsion d’individualités responsables, combinant compétences et qualités humaines. Cependant, je ne pense pas que cela soit la règle générale.

Ces préalables étant posés, la lettre de M. Dunézat est un document rare et donc précieux. Elle constitue une première brisure de l’omertà sur la « médiocratie universitaire républicaine ». Quelques papiers parus ces années passées dans les pages Débats du Monde avaient déjà initiés le processus. M. Dunézat ayant passé peu de temps au cœur de l’institution, beaucoup de turpitudes lui ont sans doute échappé. Le corps de l’enseignement supérieur étant exceptionnellement fermé, Il serait souhaitable qu’un espace de débat existe afin que ses personnels qui le souhaitent puissent parler et que ses dysfonctionnements propres apparaissent en toute clarté.
J’appartiens au monde des sciences dites « dures ». J’ai été thésard/moniteur, puis ATER dans une université de province de taille moyenne. Empli d’un dégout profond pour l’institution universitaire française après les cinq années passées en son sein, je suis parti travailler comme chercheur dans une université américaine. A présent je suis chercheur dans un laboratoire national britannique.
Mon expérience et mes observations sur le système français rejoignent largement les descriptions faites par M. Dunézat.

Le mépris
Je confirme M. Dunézat dans ses propos et le mépris est une des premières choses que l’université m’a apprise.
Comme dans tout corps fermé, rigide, et formellement hiérarchisé le mépris est un élément fonctionnel du corps et participe des relations entre les différents statuts. Dans une structure professionnelle complexe, un département des ressources humaines (le terme est horrible j’en conviens) a pour but de fluidifier ces interactions. A l’université un tel département n’existe pas.
Le mépris commence par celui de l’étudiant (surtout de feu DEUG). Il n’est vu que comme de la chair à enseigner, mais une statistique attentivement surveillée tout de même car liée aux octrois de postes. Évidemment l’université ne s’est jamais adaptée à l’objectif politique de 80% d’une classe d’âge obtenant le BAC, et les deux premières années universitaires ne sont rien d’autre qu’une sélection dont on ne veut pas dire le nom pour des raisons idéologiques. Prompt à qualifier cette chair à enseignement de nulle et incapable, le corps enseignant faute en se réfugiant dans une infaillibilité pédagogique. Systématiquement on attribue l’échec de la transmission de savoir à l’étudiant. Qu’en ait-il de la responsabilité de l’enseignant ? Personnellement j’ai suivi de nombreux enseignements ou un automate exhumait de sa sacoche des feuilles jaunies par le temps et ânonnait machinalement une mélopée soporifique sans intention de faire un travail de qualité. J’ai aussi eu des enseignants exceptionnels, de ceux qui initient aux jouissances intellectuelles, mais faisant un bilan général, la pédagogie universitaire était loin d’être à la hauteur de ce que l’on doit en attendre. Les enseignants doivent se remettre en cause aussi, ils doivent accepter l’évaluation.
Le doctorant quant à lui est plutôt le combustible d’avancement des carrières. Pour le statutaire, ce n’est surtout pas un collègue. J’ai le souvenir d’un président de département proférant devant les doctorants rassemblés qu’il ne considérait pas les doctorants comme des collègues, pour ensuite expliquer qu’ils n’étaient que des « chienchiens courant après un su-sucre » je cite exactement). Le doctorant corvéable a merci, sera l’occasion d’obtenir primes d’encadrement, sa productivité en la matière sera même augmentée par le truchement des co-encadrements (étonnamment plus on a de co-encadrants moins on est encadré, et l’encadrement est de toute manière très souvent ectoplasmique). Si le doctorant publie des articles, alors nombreux sont ceux qui exigent d’être co-auteur, bien qu’aucun travail substantiel n’est été produit pour la publication à venir. Il est encore plus simple de voler son travail et de le publier à son insu. Le doctorant est généralement tenu malléable par les promesses de poste s’il se comporte comme on le souhaite. Faussement on lui inculque que quoiqu’il puisse lui arriver de positif, il devra en être éternellement reconnaissant envers son encadrement.
L’ATER lui se situe dans les limbes. J’avoue avoir ri (jaune) aux larmes quand le mouvement « Sauvons la recherche » soudain instrumentalisa la précarité des doctorants et ATER pour un intérêt politique de circonstance, alors qu’un mutisme assourdissant et une pusillanime acceptation fut toujours la règle de l’institution.
Ensuite, la place manque, mais le mépris se décline sous toutes les formes entre divers type de personnel, entre différentes disciplines, entre les différentes équipes d’un même laboratoire, entre les différents groupes d’une équipe, entre les membres d’un même groupe. Ce mépris généralisé nuit à un fécond travail d’échange et en équipe, et est particulièrement délétère et contre-productif. Amis sociologues pourquoi ne pas entreprendre un travail mettant a jour ces mécaniques. Auriez-vous peurs d’être à la fois sujet et objet?

Recrutement
En accord avec M. Dunézat, c’est une vaste fumisterie. Pourtant c’est un enjeu d’importance et conditionne l’avenir de l’institution. Hélas, comme tout corps clos, la tendance est à la reproduction à l’identique et rend pessimiste sur les chances d’une possible évolution venant de l’intérieur du système. Opacité, hyper-profilage, arrangements de circonstance, localisme effréné, combinatoire carriériste. Élément essentiel de l’égalité des chances républicaine, comme je l’ai écrit plus haut, la méritocratie a été dévoyée en médiocratie. Le localisme est une exception française et une catastrophe pour le brassage et la circulation des idées.
La promptitude à blâmer le système est aisée. Quid de la responsabilité individuelle ? Au sein des commissions, si à un moment donné, un membre délibérément fait le choix d’un candidat qu’il sait pertinemment être moins méritant qu’un autre pour le poste proposé n’y a t-il pas là engagement de sa responsabilité ? Vous me direz tout être humain a sa part de médiocrité particulièrement quand des intérêts personnels sont en compétition avec les intérêts de la chose publique.
En tout cas, au cours de mes cinq années passées dans l’université, je n’ai vu qu’un seul professeur claquer la porte et démissionner de la commission car outré de ses pratiques.
Il y a aussi une certaine méfiance envers les candidats de qualité: ils ont le pouvoir potentiel de mettre a jour, et a mal, la médiocrité ronronnante et les intrigues. Je me souviens des paroles d’un professeur se targuant de pratiquer un cynisme affiché. Du fait de cette posture, il était enclin à faire des diagnostics clairs du système duquel il jouait avec délectation (alors que la politique de l’autruche est plutôt de mise). Quand ce dernier apprit que je démissionnai de mon poste d’ATER pour partir dans une université américaine il me tint ses propos: « je préfère vous prévenir, si vous souhaitez revenir dans une université en France vous aurez très peu de chances. Auréolé de votre expérience américaine, vous serez une menace et ferez peur aux équipes en place. »

Vie professionnelle au sein d’un laboratoire
Cette fois encore M. Dunézat a vu juste. De toutes mes expériences professionnelles, c’est a l’université que j’ai rencontré les ambiances de travail les plus conflictuelles, les plus malsaines. Dans ce milieu la notion chrétienne d’héritage de la faute a encore cours. (D’ailleurs une comparaison avec les abbayes et leurs intrigues pourrait être pertinente) D’un professeur, les conflits se répercutent sur les doctorants et perdurent ad vitam aeternam. Les égos et les gestions de carrières s’affrontent et s’entrechoquent au grand dam du travail d’équipe et de l’efficacité. Les haines sont vivaces, anciennes, souvent puériles, et se reproduisent. Elles consomment l’essentiel des énergies, qui se dissipent dans l’élaboration des coups tordus qui actualisent ces haines. Le paroxysme est atteint quand de nouvelles attributions de postes sont en jeu. J’ai eu l’occasion d’assister à des épisodes vraiment burlesques de crachats entre enseignants, de courses poursuites à travers le campus avec intention d’en venir aux mains. Encore une fois l’équivalent d’un département des ressources humaines fait cruellement défaut.
D’autres situations absurdes apparaissent quand, comme l’écrit M. Dunézat, les énergies sont utilisées à minimiser au maximum la charge de travail. Le coté absurde venant du fait que la mise en place de ces stratégies d’évitement d’une tâche nécessite parfois plus d’efforts que de faire la tâche elle même! L’impunité totale, l’absence de contrôle se traduit par l’absentéisme (personnels venant faire leur service règlementaire et disparaissant le reste du temps), ou bien une inactivité complète sur le lieu de travail. D’une manière générale la conscience professionnelle et l’éthique sont sérieusement a revoir. Cela vaut aussi au niveau scientifique (publications croisées, multi-publication, technique du salami qui consiste à délayer un travail unique dans le plus grand nombre de publications possibles, dossiers gonflés…etc…).
La vocation ultime des personnels n’est pas une transmission efficiente du savoir, ni l’avancée des connaissances, mais la gestion d’une carrière personnelle et par tout les moyens, même parfois les plus abjects. La profonde perversité du système se trouve dans le fait que l’avancement est totalement découplé des objectifs théoriques affichés de l’institution. Évaluer, contrôler, rendre transparents et redevables les actes à tous les niveaux (recherche, enseignement, recrutement, management, promotions, …) me parait une tache essentielle d’assainissement. Des monceaux d’argent public sont engloutis, et ne serait ce que pour cette raison, l’institution devrait justifier les activités entreprises avec cette manne. L’éternel slogan de l’institution universitaire « des sous, des postes » ne tient plus la route. Avant d’injecter d’avantage de moyens (résolument nécessaires) il doit y avoir une réorganisation en profondeur afin d’assurer la bonne utilisation de ces moyens.

M. Dunézat s’interroge sur les syndicats. Ils ont très présents mais de manière opaque. Tout comme le CNU, c’est un sous système dans le corps, particulièrement important car c’est un instrument puissant de gestion de carrière (et n’a pas grand chose à voir avec une instance de défense des personnels). N’étant pas statutaire, j’avoue ne pas avoir observé leurs mécanismes. Cependant, je me souviens d’un épisode de promotion « professeur hors classe » que je vous soumets en guise d’illustration. La situation était caricaturale. Deux candidats étaient en lice: un professeur connu pour être un bourreau de travail, reconnu par tous pour ses compétences et la qualité de son travail. L’autre candidat était très connu aussi, mais plutôt pour son absentéisme exemplaire, et l’inexistence de son travail de recherche. C’est bien sur le deuxième qui fut promu. Les néophytes furent stupéfaits. Renseignements pris, c’est par des réseaux syndicaux que le tour de force fut réussi.

Ce commentaire est déjà trop long, il faut conclure. Comme en témoigne certains aspects de la lettre de M. Dunézat, la situation des conditions de travail et du fonctionnement des universités est catastrophique et alarmante. Je ne crois plus à la réforme de cette institution qui, finalement, dans ses filières longues ne forment qu’aux métiers de l’enseignement. Une remise à plat générale pour préparer l’avenir me semble nécessaire. L’extraordinaire complexité de l’enseignement supérieur français (grandes écoles, écoles d’ingénieur, CNRS, universités, …) ne facilite la tâche en rien.

Un commentaire par piste? (21/10/2007 à 16:00)

Ex-doctorante:
est-il possible que vous ayez porté sur vos épaules un “conflit d’écoles” venant l’incarner en votre personne devant votre directeur?
En provenant d’une filière non habituelle, voire habituellement soumise, vous boulversiez peut-être la donne des rapports ancestraux entre les deux filières, remettant en cause la domination et/ou le mépris de la 1ère sur la 2nde? Peut-être même votre directeur voyait-il resurgir en vous les professeurs de votre ex-matière avec qui il était lui-même pris dans un rapport “conflictuel”? Ma question est donc la suivante: ne pensez-vous pas, comme on peut en faire l’hypothèse à lire votre premier post, que les enjeux de pouvoir entre la matière dont vous proveniez et la matière dans laquelle vous arriviez peuvent expliquer la violence du rejet de votre directeur?
Malheureusement votre “effroyable honnêteté” ne pouvait pas beaucoup vous prémunir contre de tels enjeux de pouvoir dépassant de beaucoup votre personne… Sans doute, cette spontanéité et cette insoumission ont aggravé votre cas dans l’esprit d’un directeur déjà fort mal disposé et vraisemblablement peu scrupuleux par ailleurs.
Avez-vous pensé à chercher des directeurs/école doctorale qui pourraient être mieux disposés à votre égard et accueillir votre travail pour ce qu’il est? …loin de votre ex-directeur, éventuellement dans une autre université. Dans ce type de cas, il est peut-être possible de s’inscrire pour un an? C’est sans doute très difficile pour vous… mais cela vaudrait peut-être vraiment le coup. Avez-vous parlé de cela avec les professeurs avec qui vous avez fait une pré-soutenance?

Un commentaire par mez (23/10/2007 à 7:33)

[Merci de ne pas modifier de texte, publiable uniquement tel quel]

Merci pour ce blog.

Comme M. Dunezat, je suis enseignant du secondaire (agrégé). J’ai occupé divers postes dans l’enseignement supérieur et la recherche publique (non-univ.), avec un rythme moyen de 4 ans sur la/le même activité/poste, donc pas mal de “démissions”. Ce rythme de changement est considéré depuis 20 ans comme optimal par les gens chargés de réfléchir à l’avenir de la fonction publique… Je suis actuellement en disponibilité (“convenances personnelles”) : après avoir participé à la création d’une entreprise (encore en vie), j’exerce aujourd’hui comme consultant indépendant, en profession libérale. C’est très difficile de gagner sa vie. Je suis souvent en concurrence avec des grandes écoles ou universités: labos ou profs exerçant en libéral pour leur argent de poche, affranchis entre autres des délais de paiement. Si je compare avec la carrière “normale” que j’aurais pu faire, j’ai perdu beaucoup d’argent, disons le prix d’une belle maison. Mais je fais un travail passionnant, j’apprends des tas de choses, et n’ai aucun problème de conscience. J’ai en outre la chance d’être un observateur un peu atypique, placé à un poste-frontière entre la recherche publique et l’entreprise – sans gilet pare-balles. Je me permets de vous livrer quelques obervations de ma petite lorgnette. Pour la petite histoire, j’arrive désormais à la fin de ma dispo et vais demander ma réintégration, mais je ne compte pas candidater dans le supérieur.

– Il y a quelques temps, j’ai fait des vacations à l’université, pensant que l’on avait besoin de gens ayant à la fois une formation universitaire solide, une expérience forte d’application et une connaissance de l’économie et de l’entreprise. J’ai monté des tp/tds nouveaux pour un salaire horaire inférieur à celui d’un employé de maison, payé avec un délai de plusieurs mois. J’ai dû arrêter en fin d’année pour éviter de me “suicider” économiquement. Dans le passé, j’ai été enseignant en classe prépa. Je constate que l’état français paye environ 10 fois plus (coût employeur) pour servir en “colle” des exercices éculés à trois étudiants que pour monter des tp/tds innovants (stat./économétrie) pour une promotion de master!

– Les entreprises qui veulent bénéficier d’un crédit d’impôt-recherche pour une recherche “en interne” doivent prouver à l’administration fiscale qu’elles ont fait un réel travail de recherche et qu’il ne s’agit pas d’une fraude fiscale. Soit. L’administration ne demande pas la même chose aux organismes publics, mais je ne vois pas bien selon cette logique comment on peut continuer à rémunérer un chercheur qui n’a rien publié depuis plusieurs années(?)

– J’ai été convié à un traditionnel “dîner de cons” de recrutement sur un poste PAST très obscur, comme semble-t-il la plupart des postes de ce type. Les PAST semblent en pratique dispensés de travail recherche(?), et ne sont donc que des enseignants comme les PRAG (agrégés du secondaire) avec en gros “1 Past = 0.40 Prag”. Il m’aurait cependant fallu en cas de succès démissionner de mon statut d’agrégé pour “re-rentrer” à l’université après des journées de démarches administratives, avec un salaire moindre et un statut de CDD assez exotique. Passons. Le jury s’est largement moqué de moi: “votre entreprise, elle sera encore en vie dans 3 ans?” (rires). Il est inquiétant de voir que des universitaires peuvent être ainsi coupés de la réalité économique, et faire preuve d’une outrecuidance et d’une autosatisfaction aussi pathétiques. J’invite tous ceux d’entre eux qui pensent pouvoir gagner beaucoup dans le privé… à le faire: la disponibilité est faite pour cela! Écrire une lettre de motivation et passer des entretiens est aussi un exercice très salutaire auquel les professeurs devraient s’exercer de temps en temps.

Il n’y a rien de terrible dans le “localisme” s’il est assumé, équitable et limité – facile à vérifier “ex-post” sans monter de nouvelles usines à gaz. Il est en revanche très douteux que des gens soient payés pendant des jours comme “jury” d’une pseudo-compétition truquée, sans avoir conscience que c’est au détriment du contribuable et de candidats souvent démunis, victimes d’une véritable humiliation.

Sur ce blog ou ailleurs, l’ampleur des dicussions sur certains thèmes (comme le “localisme”) est à mon avis décalée par rapport à l’état de notre système de recherche-innovation et d’enseignement supérieur. Taux de chômage de docteurs inédit dans le monde, paupérisation des étudiants, auto-reproduction des élites, désindustrialisation dans les secteurs de pointe, pénurie de brevets, tarissement et sur-masculinisation des vocations scientifiques ou techniques, etc. En outre, une partie des structures de recherche publique disparaitra nécessairement dans les années à venir, ne serait-ce que comme conséquence d’engagements pris depuis des années (ouverture/régulation de certains marchés, montée de structures internationales): il est donc urgent de remettre à plat pas mal de choses. On a un gros paquebot qui prend l’eau depuis des lustres, qui n’est plus manoeuvrant et est à désamianter complètement; ce n’est plus le moment de nettoyer le pont ou de lustrer les cuivres. J’invite ceux qui consacrent du temps et de l’énergie sur ce thème à ne pas rester aussi centrés sur l’université, et à ne pas être autant “franco-français”. Pensez recherche et formation dans un cadre plus global!

Un commentaire par Baptiste Coulmont (24/10/2007 à 17:48)

Merci à tous pour vos commentaires. J’aimerai conclure en soulignant que si j’avais choisi de diffuser la lettre de Xavier Dunezat sur mon blog, ce n’était pas par aigreur envers l’université ou le CNRS, mais pour poursuivre une conversation qui a lieu, le plus souvent, entre deux portes, sur un mode mineur.
J’ai fini par trouver dérangeant une partie des commentaires, qui, en s’accumulant, finissait par donner l’image d’une université peuplée de “tous pourris”. Sentiment qui n’est pas dû à un seul commentaire, mais à la succession de textes qui ne vont, finalement, que dans un sens. Les histoires heureuses ne se racontent pas aussi facilement.
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