Espace social
Les sociologues ont l’habitude de proposer des représentations synthétiques de la société, présentant souvent des analogies avec la cartographie. L’expression d’espace social vient renforcer ces représentations. Pyramides, “modèle du feu de camp”, échelles… positionnent les groupes sociaux relativement les uns aux autres, la proximité spatiale entre groupes — sur la feuille de papier — représentant une proximité sociale.
L’espace social le plus connu — des sociologues de ma génération — est sans doute l’espace bourdieusien, structuré autour de deux formes de capitaux, le capital culturel et le capital économique. Les analyses factorielles ponctuant — par exemple — Homo Academicus en sont l’illustration typique. Mais ces expressions savantes sont-elles celles des étudiants ?
L’un de mes collègues, Charles Soulié, a pris l’habitude de demander aux étudiants, en début d’année, de dessiner la société : “Si vous aviez à dessiner la société, quelle figure feriez-vous ? Pouvez-vous la dessiner, puis y placer votre famille ?” J’ai repris cette question avec enthousiasme cette année, pour une classe de première année de Licence de sociologie, à l’université Paris 8.
Le premier dessin est complexe. Il est expliqué ainsi par son dessinateur : “Au centre l’idée de nation, et, gravitant autour, les personnes qui vivent dans ce pays et ayant des interactions plus ou moins importantes”. La sociologie proposée est réticulaire, mais laisse une place à une “canopée” macrosociale, un horizon des valeurs (ici la nation, mais probablement sans aucune visée nationaliste). Granovetter + Luckmann/Berger.
Immédiatement à droite : plusieurs nuages… “La société est vaste et hétérogène” écrit son auteur. Aucun principe ne semble la structurer.
En dessous, le triangle découpé propose une description classique d’une société hiérarchisée, et, si l’on suppose que les aires sont proportionnelles à la population… l’idée que les classes ou milieux populaires sont plus nombreux que les élites. Comment l’auteur explicite son dessin : “La société est constituée de personnes intégrées et d’autres moins, de personnes “riches” [guillemets dans le texte] et d’autres moins. Les riches et très bien intégrés se situeraient en haut”… Plusieurs principes de structuration dans ce dessin… qui luttent pour entrer dans la pyramide.
Sous la pyramide, un arbre : “ses branches qui montent au ciel peuvent bien représenter les élites de notre société. Puis le tronc, la classe moyenne. Et enfin les racines que l’on entrevoit parfois, la classe ouvrière”.
Dernier dessin, en bas à gauche : “la société est composée de groupes d’individus, avec certains exclus”. Les exclus sont situés hors des frontières du nuage de point.
Cette cartographie sociale m’aide à saisir que les descriptions hiérarchiques et relationnelles entre groupes sociaux ou “professions et catégories socioprofessionnelles” sont peu connues… alors qu’elles me paraissent naturelles.
Ailleurs: Les Cartes mentales d’un professeur de lycée (géographie). Une Carte des grèves sur EspacesTemps.net. Dans la revue Mappemonde : Cartes mentales du bassin de Genève.
Mise à jour : un passage en revue des représentations graphique de l’espace social chez SOS S.E.S.