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Ethique ou déontologie du sociologue

Billet publié le 31/10/2007

Par paresse, et avant même de chercher sur jstor, persee ou cairn… je lance cette question à la mer internet.
Je recherche des articles dans lesquels des sociologues exposent la déontologie de leur pratique et proposent quelques normes. Pas des textes de philosophes moraux, pas des réflexions généralistes, mais des articles en lien avec des recherches empiriques.
L’origine de cette recherche est multiple, mais il suffira ici de la relier au livre récemment traduit de Laud Humphreys, Le commerce des pissotières. Dans cet ouvrage, le sociologue observe, incognito et en se laissant percevoir comme un voyeur, des fellations dans des toilettes publiques. Il relève ensuite les numéros de plaque minéralogique des participants, arrive à retrouver l’adresse d’une petite centaine d’entre eux, insère ce groupe dans une enquête statistique par questionnaire et va les interviewer (en changeant son apparence pour ne pas être reconnu). Ces méthodes ont été critiquées… violemment, aux Etats-Unis. Breach of privacy, absence de Informed Consent Form, falsification d’identité, bousillage d’enquête statistique (en y insérant un échantillon pas vraiment aléatoire)… mise en danger des personnes observées (à l’époque, elles risquaient non seulement des peines de prison pour acte contre nature, mais aussi des peines renforcées pour actes en public, et enfin de perdre leur emploi et leur respectabilité…).
Quelles sont les limites éthiques que se fixent les sociologues ? Il me semble bien qu’en France, il n’y en a pas (et j’en suis gré, la liberté d’enquête ne doit pas être réduite a priori)… mais, plus grave, il me semble aussi que les sociologues “de terrain” n’ont pas réellement élaboré de guides éthiques, qu’il serait possible de discuter (ou de donner à lire aux étudiants, par exemple, lors d’un cours de première année). Quelques paragraphes dans le Guide de l’Enquête de terrain de Beaud et Weber. Quelques paragraphes aussi dans le Repères de Peretz sur L’observation… Les lectrices de ce blog auraient-elles d’autres références ?
précisions : “Boudoniens mous” (et assimilés) s’abstenir : je ne cherche pas des règles universelles. Je connais par ailleurs les “Informed Consent Forms” nécessaire aux recherches aux Etats-Unis, pas la peine de m’en indiquer les liens. En revanche, des perles inconnues, comme (imaginons) un texte de Touraine de 1955 précisant qu’on peut tout à fait mentir aux enquêtés, un texte de Bourdieu de 1961 précisant qu’on peut utiliser des matériaux recueillis par d’autres sans le préciser, un texte d’un sociologue de l’art de 1998 précisant qu’en travaillant sur les artistes, on a des prix intéressant, et qu’il n’hésite pas à acheter à prix réduit… m’intéresseraient.
(Un texte précisant qu’un universitaire a le droit d’utiliser un blog pour faire faire à d’autres un travail documentaire m’intéresserait aussi…)

[yarpp]

33 commentaires

Un commentaire par thi (31/10/2007 à 21:23)

j’espère que vous allez avoir des réponses car on doit être quelques uns à être intéressés;

Trés bien écrit votre dernier paragraphe. Bravo

Un commentaire par Baptiste Coulmont (31/10/2007 à 21:29)

> Thi : j’aimerai savoir, incidemment, si, lors de vos études (en socio ?) vous avez eu un cours explicitement consacré à ces questions… ou si on vous a juste dit de vous débrouiller.

Un commentaire par Fr. (01/11/2007 à 10:54)

Il y a des travaux de grande qualité qui ne peuvent pas se passer d’une description de leur guide éthique (v. par exemple ce qui se fait en socio/anthro médicale, où l’enquête empiète sur les conventions de confidentialité médecin-patient), mais rien de systématique à ma connaissance, tout le monde bricole au fur et à mesure.

Outre-Manche, il y a profusion de textbooks sur ces questions.

Un commentaire par Baptiste Coulmont (01/11/2007 à 11:08)

> FR : Des noms, des noms ! (pas celui des textbooks anglophones… celui des auteurs / auteures de travaux français…)
Il me semble aussi que les questions médicales obligent aux réflexions éthiques (Le Serment d’Hypocrate fait tâche Hyppocrate fait tache d’huile). Mais en sociologie rurale, en sociologie des religions, en sociologie économique… je cherche encore. En sociologie du droit ?

Un commentaire par Markss (01/11/2007 à 18:19)

Cela ne vous aidera pas beaucoup mais j’aime beaucoup le concept de boudonien mou…

Un commentaire par Baptiste Coulmont (01/11/2007 à 19:00)

> Markss : boudonien mou… je n’en suis pas très fier ;-)
A part cela, j’ai eu plusieurs mails privés m’indiquant quelques pistes. Des thèses de sociologie, tout d’abord, qui doivent aborder ces questions, mais de manière peu normative. Des discussions anglophones ensuite : protestations contre les I.R.B. par des ethnographes, rédactions de “protocole éthique et déontologique” pour toute recherche collective.

Un commentaire par Marie Ménoret (01/11/2007 à 22:40)

Il y a qq années, un comité de veille éthique et déontologique a vu le jour à l’EHESS, à l’initiative notamment de C. Herzlich, sociologue de… la médecine. Le serment d’Hippocrate pourrait en effet faire tache (sinon “tâche”!) d’huile puisque les conséquences de cette initiative semblent à peu près invisibles.
PS:l’URL du forum « éthique et déontologie à l’EHESS » est : http://www.ehess.fr/debats. Pour des raisons de sécurité, une identification est nécessaire. Pour obtenir le mot de passe, veuillez vous adresser à webmestre@ehess.fr.

Un commentaire par xavierm (30/11/2007 à 21:08)

Il y a eu en 2005 un numéro des dossiers africains qui s’intitulait “Terrains sensibles. Expériences actuelles de l’anthropologie”, et dont la présentation dit notamment ceci (je ne l’ai pas lu) :

Souvent pris dans un dilemme de distanciation-implication vis-à-vis des divers acteurs avec lesquels il travaille, le chercheur opérant sur des terrains sensibles rencontre des problèmes d’ordre épistémologique, méthodologique et éthique qui, s’ils sont particulièrement saillants, sont aussi intrinsèques à toute pratique ethnographique du terrain. Dès lors, ce volume invite à une réflexion sur la discipline anthropologique, son ouverture au monde et les formes possibles et souhaitables de sa participation aux débats de nos sociétés actuelles.

Bon, ce sont des anthropologues, mais cela fait-il une différence ?
La table des matières est ici :
http://lodel.ehess.fr/ceaf/document.php?id=46

On trouve un petit compte-rendu ici :
http://www.scienceshumaines.com/terrains-sensibles-experiences-actuelles-de-l-anthropologie_fr_5758.html

Un commentaire par Baptiste Coulmont (03/12/2007 à 13:23)

> Merci bien Xavier ! Ca m’aide et, en effet, je ne fais pas de différence entre sociologues et anthropologues.

Un commentaire par xavierm (03/12/2007 à 21:18)

Et il y aussi eu le dossier intitulé “Travailler sur la déviance. Problèmes méthodologiques et déontologiques des recherches en sciences sociales.” dans le numéro 1 de Socio-Logos :
http://socio-logos.revues.org/sommaire2.html.
C’est tiré d’un journée d’étude du rt3 de l’AFS qui comprenait d’autres communications sur le même thème, mais je n’ai pas réussi à mettre la main ne serait-ce que sur le programme…

Un commentaire par xavierm (03/12/2007 à 21:41)

J’allais oublier le dossier “Dilemnes éthiques et enjeux scientifiques dans l’enquête de terrain” (apparemment, c’est surtout du “terrain” que viennent les problèmes “éthiques”) de la revue SociologieS :
http://sociologies.revues.org/sommaire202.html

Et on peut lire avec profit le dossier “enquêter en milieu “difficile”” publié dans la Revue Française de Science Politique (toujours le “terrain”), avec en particulier quelques pages explicitement consacrées aux “questions éthiques” dans les articles de Vincent Romani et Patrick Bruneteaux :
http://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2007-1.htm

Un commentaire par xavierm (18/12/2007 à 13:29)

Dans le dernier numéro de Genèses, le sociologue Sylvain Laurens, qui a fait une thèse sur les hauts-fonctionnaires et l’immigration en France, publie un article sur les problèmes posés par les entretiens avec des “imposants” (débat récurrent dans la revue). Un article essentiellement méthodologique, mais qui aborde par endroits des questions éthiques, comme celle du “off” : peut-on citer des propos dont l’enquêté vous fait comprendre que “vous n’êtes pas forcément obligé de le mettre dans votre thèse” ? S. Laurens l’a fait (il cite un exemple concret), mais en appelle à une réflexion collective sur les “conditions de citation des entretiens ou d’utilisation d’archives privées (…) avant que des règles aussi abruptes que celles subitement décrétées aux Etats-Unis – par exemple à travers le programme Human Subject Protection – ne s’imposent aux chercheurs sans que ces derniers n’aient produit le début d’une réflexion autonome”.
Il renvoie pour une information sur les débats américains à un blog :
http://institutionalreviewblog.blogspot.com/

et à la page du University Commitee on Activities involving Human Subjects (UCAIHS) de l’université de New York :
http://www.nyu.edu/ucaihs

Sylvain Laurens, “””Pourquoi” et “comment” poser les questions qui fâchent ?” Réflexions sur les dilemmes récurrents que posent les entretiens avec des “imposants””, Genèses, N°69, décembre 2007, p.112-127
http://www.cairn.info/revue-geneses-2007-4-p-112.htm

Un commentaire par Baptiste Coulmont (18/12/2007 à 13:42)

Merci encore… J’ai juste eu le temps de feuilleter cet article dans le centre de doc de mon labo, et je suis certain qu’il rentrera très prochainement dans mes biblios.

Un commentaire par xavierm (14/01/2008 à 20:53)

Vu en passant, cet article (accessible en ce moment gratuitement grace à une période d’essai des revues de sociologie publiées par sage : http://online.sagepub.com/cgi/freetrial )

Research Ethics in the UK: What Can Sociology Learn from Health?
Sue Richardson
University of Plymouth, smrichardson@plymouth.ac.uk
Miriam McMullan
University of Plymouth, mmcmullan@plymouth.ac.uk

Sociology, Vol. 41, No. 6, 1115-1132 (2007)
DOI: 10.1177/0038038507082318

http://soc.sagepub.com/cgi/content/abstract/41/6/1115

The article reviews ethical consideration in social research and identifies current approaches to safeguarding ethical standards. One of these is the requirement to obtain approval from research ethics committees (RECs). Based on the results of a survey of UK social science academics about the process of applying to National Health Service RECs, we conclude that lessons can be learned for Sociology from the experiences of social researchers in Health. Overly rigid ethics committees could be counter-productive; we may need to reassess the functions of RECs and to strengthen other procedures to ensure the highest ethical standards for Sociology. Some suggestions for how this might be done are taken from the literature in the hope that they will stimulate debate.

Key Words: health • research ethics • research governance • social research • web-based survey

Un commentaire par xavierm (10/03/2008 à 15:56)

A nouveau, la revue Genèses publie, dans son dernier numéro (n° 70, mars 2008) deux articles ayant trait à la déontologie des sciences sociales.
Dans la rubrique “Savoir-Faire”, Aude Béliard et Émilie Biland, sociologues publient un article intitulé “Enquêter à partir de dossiers personnels. Une ethnographie des relations entre institutions et individus” dont le résumé dit ceci :

Cet article explore les usages quantitatifs et ethnographiques offerts par l’exploitation de dossiers personnels. Soucieuses de réfléchir aux enjeux éthiques posés par ces matériaux confidentiels, les deux contributions (s’appuyant l’une sur des dossiers de carrière de fonctionnaires, l’autre sur des dossiers médicaux) montrent que ceux-ci permettent d’analyser les formes institutionnelles de traitement des individus ou, plus exactement, les modalités proprement scripturales de l’encadrement institutionnel. Ces dossiers témoignent également des formes individuelles d’appropriation des logiques institutionnelles.

Dans la rubrique “Courrier”, l’ethnologue Florence Weber livre un texte à propos des enjeux déontologiques de la publication de “cas ethnographiques”. Un texte qui précède la publication d’un courrier que l’écrivaine Victoria Therame a adressé à la revue Genèses (dont F. Weber est membre du comité de rédaction), un “droit de réponse” à un article que Delphine Naudier avait consacré à son cas justement, et dans lequel V. Therame ne se reconnaît absolument pas (erreurs factuelles, interprétatives, ton méprisant, etc.)

Le sommaire du dernier numéro de Genèses :
http://www.cairn.info/revue-geneses-2008-1.htm

L’article de Delphine Naudier mis en cause par V. Therame :
http://www.cairn.info/revue-geneses-2006-3-p-67.htm

Un commentaire par Baptiste Coulmont (11/03/2008 à 8:51)

Merci beaucoup !

Un commentaire par Pierre M (17/03/2008 à 22:31)

Je faisais une petite recherche sur la déontologie dans les recherches en sciences sociales à la suite de la publication du document de travail de B. Suchaut sur la notation au baccalauréat. Et je suis tombé sur ce billet (que j’avais lu avec attention en octobre dernier) mais également sur le site de l’AIS, avec une belle page reprenant le code d’éthique de l’asso :
http://www.isa-sociology.org/fr/code_ethique.htm

Un commentaire par Baptiste Coulmont (18/03/2008 à 11:18)

> Pierre M : merci. Tous ces commentaires enrichissent profondément mes réflexions.

Un commentaire par XavierM (05/05/2008 à 13:41)

Quelques réflexions déontologiques dans l’entretien que James A. Beckford, sociologue anglais spécialiste des nouveaux mouvements religieux, a accordé à véronique altglas et laurent amiotte-suchet pour la revue en ligne ethnographiques.org.

Sectes, controverses et pluralisme : une sociologie sceptique des religions. Entretien avec le sociologue des religions James A. Beckford
http://www.ethnographiques.org/2008/Amiotte-Suchet,Altglas.html

Petit extrait :

Comment procédez-vous quand vous débutez une recherche ?

Formellement, je commence par discuter avec le groupe. « Est-ce que je peux venir poser des questions, mener une enquête ? Est-ce que je peux faire passer des questionnaires ? » Parfois, le groupe me répond : « Peut-être, mais il faut répondre à quelques questions ». Ils me demandent alors : « Comment avez-vous l’intention de faire ceci et cela ? Combien ? Quand ? Et après, lorsque vous allez écrire quelque chose, est-ce que nous aurons le droit de lire ? Avant la publication, est-ce que nous pourrons modifier des choses ? Y aura-t-il des noms ou est-ce que ce sera anonyme ? Etc. » À mon avis, il faut toujours négocier. Il faut protéger la liberté de chaque partie. Chacun veut protéger ses intérêts, c’est normal.

Par ailleurs, il a déjà été question de Véronique altglas sur ce blog, me semble-t-il…

Un commentaire par XavierM (23/05/2008 à 15:01)

Tout plein de “questionnements éthiques” sur “les dilemmes et les ambiguïtés de l’enquête en sciences sociales” dans un dossier de la revue Cultures & Conflits de septembre 2002 :
“Les risques du métier. Engagements problématiques en sciences sociales”

A travers des récits d’expérience, ce numéro explore les dilemmes et les ambiguïtés de l’enquête en sciences sociales. Des praticiens s’interrogent sur leur confrontation à la violence de guerre, le redoublement de la recherche par l’engagement, l’ancrage de l’enquête dans la biographie et les difficultés d’une anthropologie militante. Cette réflexion devrait permettre au lecteur de repérer des analogies entre des situations d’enquête à priori très éloignés. Et d’anticiper les risques du métier.

numéro intégralement en ligne :
http://www.conflits.org/index34.html

Un commentaire par Baptiste Coulmont (23/05/2008 à 20:55)

> XavierM : merci ! Je m’aperçois qu’il y a de quoi faire un cours complet sur ces questions !

Un commentaire par Altglas (27/05/2008 à 12:49)

Hello!

je me suis beaucoup intéressée à la question de la déontologie des sciences sociales, que j’enseigne parfois ici et là, dans ces aspects généraux tels qu’ils ont été débattus dans la sociologie anglo-saxonne ou appliquées à la sociologie des religions. Il y a de quoi faire une année de séminaire sur la question! Surtout que des règles déontologies sont à présent appliquées dans de nombreux pays, conditionnant le financement de la recherche.

J’ai écrit un article sur le sujet; « Les mots brûlent » : sociologie des Nouveaux Mouvements Religieux et déontologie », Archives de sciences sociales des religions, 131 (2005). Je serais ravie d’en discuter avec qui le souhaite!

Un commentaire par XavierM (05/06/2008 à 11:37)

Vu en passant dans le dernier numéro de la revue Sociétés Contemporaines (n° 70, 2008/2) :

LES SOCIOLOGUES ONT-ILS DES COMPTES À RENDRE ?
Enquêter et publier sur le front national
Daniel Bizeul
Résumé de l’article:
Le compte rendu d’enquête dépeint un groupe humain sous un certain jour, parfois qualifiable de positif ou de négatif, et il rend publiques des conduites destinées à rester ignorées. Comment les sociologues font-ils face en pratique à la responsabilité qui en découle, s’efforçant notamment d’être fidèles aux faits et loyaux envers ceux étudiés ? Des solutions possibles sont celles qui ont cours parmi les journalistes et au sein des tribunaux : accorder un droit de réponse, entendre les diverses parties. C’est de cette façon que l’auteur a pu améliorer un compte rendu d’enquête sur les militants du Front national.

Article disponible en ligne :
http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=SOCO_070_0095

Un commentaire par XavierM (29/06/2008 à 7:52)

Une évocation de la déontologie de l’anthropologue dans l’entretien avec Maurice Godelier paru dans le dernier numéro de Sciences & Avenir .Voici l’extrait :

“Une question continue d’intriguer : faut-il, et comment, conserver le secret d’un rituel ou d’un rite d’initiation ?
L’anthropologie doit respecter une déontologie. Il m’a parfois été demandé de ne pas divulguer ce à quoi je venais d’assister. On peut dire que je fais partie des premières générations d’anthropologues qui demandaient respectueusement ce qu’il était possible ou pas de publier. Dans mon livre la Production des grands hommes, j’explique que je n’ai jamais décrit certains gestes rituels s’il m’avait été demandé de ne pas le faire. Il pouvait aussi parfois s’agir de ne pas divulguer le nom de plantes «magiques». Aux yeux de ceux qui me confiaient leurs secrets, cela aurait pu donner à d’autres tribus le pouvoir d’utiliser cette plante contre eux. Quand je leur posais la question de savoir si je pouvais en parler, la réponse était souvent la même : «Tu peux le faire, à condition que ce soit en Europe, chez les Blancs. Pas ici.» Ne pas souscrire à cette déontologie serait une prédation de la connaissance.”

Maurice Godelier, anthropologue
«Pratiquer l’anthropologie, c’est se soumettre à l’ascèse»
Sciences & Avenir n° 737, juillet 2008
http://sciencesetavenirmensuel.nouvelobs.com/hebdo/parution/p737/articles/a378204-.html

Un commentaire par XavierM (09/09/2008 à 9:46)

Vu dans le dernier numéro de la revue Sociétés Contemporaines (n°71, 2008/3) :

L’ÉTHIQUE, AU-DELÀ DE LA RÈGLE
Réflexions autour d’une enquête ethnographique sur les pratiques de soins en Afrique du Sud
Didier Fassin
Résumé : Les travaux de sciences sociales font de plus en plus souvent l’objet d’évaluations a priori de leur conformité à des normes éthiques par des instances fonctionnant dans le référentiel de la recherche biomédicale. Si cette pratique n’existe pas dans le contexte français, il est vraisemblable que les choses changent à court terme avec l’harmonisation des procédures scientifiques, notamment au niveau européen. Une enquête conduite sur les soins aux malades dans un grand hôpital d’un township sud-africain permet d’explorer deux questions : les difficultés de mise en uvre du consentement éclairé, tel que prescrit par le comité médical d’éthique ; les problèmes rencontrés dans la détermination de la responsabilité des chercheurs, telle qu’affirmée par le code éthique de la profession anthropologique. Finalement, plutôt que de s’en remettre à la formalisation des comités ou à la normalisation par les codes, cette expérience invite à considérer l’éthique comme un processus de construction au cours duquel les chercheurs explicitent les questions, en explorent les enjeux et en négocient les réponses.

http://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2008-3-p-117.htm

Un commentaire par XavierM (11/09/2008 à 9:24)

Dans le dernier numéro de la revue Mouvements (55-56, 2008/3-4), un petit dossier (“thèmes”) est consacré à “l’extension du domaine de l’éthique” dans les sciences sociales. Didier Fassin (encore lui !) y introduit deux textes tirés d’un séminaire sur la “régulation éthique en sciences sociales” qu’il a animé en février 2007 :
http://www.cairn.info/revue-mouvements-2008-3-p-124.htm

Suit un texte de Robert Dingwall :
AUX ARMES, CITOYENS ! »
Résister au défi des réglementations éthiques dans les sciences humaines et sociales
Robert Dingwall
La réglementation éthique est devenue une menace majeure pour la liberté d’enquêter en sciences humaines et sociales dans le monde anglophone. Les chercheurs se sont plaints à de nombreuses reprises de ses effets pervers sur leur travail, mais sans remettre en cause sa légitimité. Dans ce texte, Robert Dingwall défend l’idée que la réglementation éthique est fondamentalement néfaste, car les dommages qu’elle inflige à la société démocratique dépassent de loin ceux qui sont susceptibles d’être causés par les chercheurs. La réglementation de la recherche est plus une forme de censure qu’une manière de protéger le public. Il alerte le public et les chercheurs français qui ont encore la possibilité de résister à cette tendance et de proposer un modèle alternatif.
http://www.cairn.info/revue-mouvements-2008-3-p-142.htm

Et un autre de Carine Vassy et Richard Keller :

FAUT-IL CONTRÔLER LES ASPECTS ÉTHIQUES DE LA RECHERCHE EN SCIENCES SOCIALES, ET COMMENT ?
Carine Vassy & Richard Keller
Aux États-Unis et au Canada, des sociologues, des anthropologues et des historiens, se plaignent que les comités d’éthique mettent des obstacles à leur travail de recherche. Ces comités justifient leur action par leur volonté de s’assurer que les recherches ne nuisent pas aux personnes qui fournissent des informations aux chercheurs. En France, ce contrôle n’existe pas, à quelques exceptions près. Certains chercheurs pensent qu’il n’a pas lieu d’être car ils n’ont pas de capacité de nuisance vis-à-vis des personnes qui se prêtent à leurs recherches. Mais est-ce si sûr ? Et si les comités d’éthique ne sont pas un bon mode de régulation, faut-il continuer à faire confiance à la seule capacité des chercheurs français à établir leurs propres règles ?
http://www.cairn.info/revue-mouvements-2008-3-p-128.htm

Le sommaire intégral du numéro :
http://www.cairn.info/sommaire.php?ID_REVUE=MOUV&ID_NUMPUBLIE=MOUV_055

Un commentaire par XavierM (03/03/2009 à 14:34)

L’Association Française de Sociologie soumet à ses membres une proposition de charte de déontologie :
http://www.afs-socio.fr/formCharte.html

Un forum est dédié à la discussion du texte :
http://www.afs-socio.fr/formCommentaires.php

Un commentaire par XavierM (27/03/2009 à 20:36)

Nouvel article dans le dossier “dilemmes éthiques et enjeux scientifiques dans l’enquête de terrain” de la revue Sociologies (http://sociologies.revues.org/index202.html ) :

http://sociologies.revues.org/index182.html
Les coûts subjectifs de l’enquête ethnographique
Enquêter comme militante dans l’association Droit Au Logement (DAL) à la fin des années 1990
Bénédicte Havard Duclos

Résumé
L’enquête ethnographique implique toujours un engagement personnel et de longue durée du chercheur, et donc une socialisation minimale au milieu enquêté. Dans une enquête dans des associations, partis ou mouvements militants, dont un des enjeux est de produire de l’adhésion et de l’« enrôlement », la sur-socialisation au milieu enquêté est d’autant plus probable que l’affinité du chercheur avec la cause défendue est préalable au démarrage de l’enquête. À travers le récit du déroulement de l’enquête et des états psycho-moraux traversés au cours de celle-ci, sont ici donnés à voir tant les conditions rendant possibles l’adhésion et la loyauté militantes que les coûts subjectifs et éthiques liés à la rupture avec le terrain, constitutive de l’acte d’écriture.

Bizarrement, ils semblent avoir aussi rajouté aujourd’hui un éditorial :
http://sociologies.revues.org/index266.html

Un commentaire par XavierM (01/09/2009 à 19:23)

Nouvel article dans le dernier numéro de Genèses (75, 2009/2) :
LA RÉGULATION ÉTHIQUE DE LA RECHERCHE AUX ÉTATS-UNIS : HISTOIRE, ÉTAT DES LIEUX ET ENJEUX
François Bonnet
Bénédicte Robert
Les autorités américaines ont été amenées à penser la nécessité d’une régulation éthique à la suite de scandales dans la recherche médicale. Les principes de cette régulation ont été posés en 1979 dans le rapport Belmont, dont les recommandations s’appliquent à toutes les recherches comprenant des sujets humains – y compris par les sciences sociales. Elle est mise en œuvre par des comités d’éthique décentralisés au niveau de l’Université, les Institutional Review Boards, dont la critique s’est durcie ces dernières années. L’histoire de la régulation éthique aux États-Unis soulève un certain nombre d’enjeux qui ne sont pas spécifiques au contexte américain.
http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=GEN_075_0087

Un commentaire par Baptiste Coulmont (01/09/2009 à 20:42)

>XavierM : merci de toutes ces indications !

Un commentaire par XavierM (14/12/2009 à 13:11)

“Menaces sur le droit d’enquêter”
Un entretien avec Sylvain Laurens, co-organisateur du colloque “droit d’enquêter, droit des enquêtés” ( http://droitenquete.blogspot.com/ ), dans Sciences Humaines n° 211 :

Livres retirés de la vente, procès en diffamation, recherches enterrées : enquêtés et commanditaires n’hésitent plus à faire valoir leur droit de regard sur les recherches en sciences humaines. Le sociologue Sylvain Laurens en appelle à la création d’un véritable « droit à la connaissance ».

http://www.scienceshumaines.com/menaces-sur-le-droit-d-enqueter_fr_24734.html

Un commentaire par XavierM (22/09/2010 à 9:13)

Vient de paraître l’ouvrage “L’arrière-cour de la mondialisation. Ethnographie des paupérisés”, sous la direction de Patrick Bruneteaux et Daniel Terrolle (Ed. du Croquant), qui contient toute une partie intitulée “éthique et outils d’enquête en terrains difficiles”. Parmi les questions abordées : comment faire, lorsqu’on étudie les pauvres ou les “marginaux”, pour acquérir une autre place que celle que les associations d’aide, passage souvent obligé pour accéder au “terrain”, veulent bien vous laisser ? Autrement dit, pour percevoir que bien souvent les pauvres détestent l’Abbé Pierre, par exemple ? Comment évoquer avec les SDF leur rapport à la mort ? Jusqu’à quel point faut-il partager la condition et les pratiques (fumer des joints, par exemple) de la population étudiée ? Que fait-on lorsque l’on va filmer ou photographier les pauvres ? etc…
Avec des textes de Yann Benoist, Sylvain Aquatias, Karine Boisnot (une psychologue), Maryse Marpsat, Véronique Chesneau
http://www.atheles.org/editionsducroquant/terra/larrierecourdelamondialisation/index.html

Un commentaire par BAILLAVOINE (10/11/2010 à 21:20)

Bonjour,
Je ne sais pas si ça pourra t’aider mais il y a beaucoup d’articles en anthropo, car la réflexivité et les interrogations sur la place du chercheur font partie des impositions qui nous sont faites désormais en anthropologie.
Il y a un livre très bien sur l’implication du chercheur : les non-dits de l’anthropologie