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Les billets de February, 2008 (ordre chronologique)

A journalistic sex toy raid

IIn the US, some states prohibit the retail of sex-toys. And citizen journalists are fighting to enforce these laws, too often neglected by the police. Yesterday in Jackson Mississippi, a strong-willed local and undercover journalist tried to buy one personal vibrator. A purple one.
Adult Store Caught Selling Illegal Sex Toys : “Adult Video and Books on McDowell Road in Jackson is apparently selling illegal sex toys again.”
A…GAIN ! ? Indeed : « A “3 on Your Side” undercover investigation shows that the business is back at it again and is not even discreet about selling the devices.
WLBT received the tip, so we decided to go undercover to see if it was true. »

[flashvideo filename=”../../blog/fichiers/2008/20080131-wblt-sextoys.flv” width=”320″ height=”240″ /]

Unfortunately : the police doesn’t care… even though « Section 97-29-105 of the Mississippi Code provides that knowingly selling, advertising, publishing or exhibiting any three-dimensional device designed or marketed as useful primarily for the stimulation of human genitalia (“sexual devices”) is illegal.» [Miss. Code Ann. § 97-29-105 (Rev. 2000)]

Elsewhere on the internet : Cory Silverberg, JackBeNimble, Violet Blue

La fin des bonnes moeurs

Après avoir enquêté sur les sex-shops et écrit un livre… mes recherches continuent en partie à s’intéresser aux commerces pornographiques. J’étudie en ce moment la construction d’un marché du sexe à partir de sources judiciaires et policières : les procès pour outrages aux bonnes moeurs, entre 1967 et le début des années soixante-dix.
L’outrage aux bonnes moeurs est un bel objet : il est défini dans le Code pénal (articles 283 et suivants), mais les “bonnes moeurs” elles-mêmes étaient laissées à l’appréciation des juges… Mais, avant-même que les juges interviennent dans ce processus, la définition des bonnes moeurs est laissée aux policiers, qui vont décider ou non de considérer que telle chose participe aux bonnes moeurs ou non. C’est donc un domaine du droit où le travail des différents acteurs intervient dans la définition de la situation. Et, plus intéressant encore pour moi, les “OBM” ont été peu étudiées par les juristes : ce sont toujours les mêmes 3 ou 4 décisions publiées qui sont citées… et très peu de décisions concernant les OBM ont été publiées.
Pour mieux saisir le travail de la justice, un outil est très intéressant, le Compte général de la justice, qui a publié annuellement des statistiques sur les condamnations. Voici un graphique résumant l’épuisement des condamnations entre 1958, début de la Ve République, et 1985… Je n’ai pas, pour l’instant, réussi à trouver le nombre de condamnations entre 1986 et 1993 (année où l’outrage aux bonnes moeurs disparaît du Code pénal).
Statistiques Condamnations pour outrages aux bonnes moeurs
L’installation du gaullisme s’accompagne d’une hausse des condamnations pour OBM, qui retombent assez rapidement. En 1969, entre de Gaulle et Pompidou, minijupe et sexy danoises, les juges s’arrêtent de condamner. L’installation du pompidolisme renforce les condamnations. On trouve dans les archives judiciaires des lettres d’un sous-ministre quelconque à un sous-directeur transférant une dénonciation anonyme (“Machin, il a des revues porno”) aux services compétants… Mais la mauvaise grippe de Pompidou, puis le libéralisme giscardien, vont tuer les Outrages aux Bonnes Moeurs. Sous Mitterrand, les choses statistiques ne sont pas encore très claires (changements de catégories statistiques et autres modifications rendent les comparaisons difficiles).
Mais qui sont ces condamnés ? Quelles sont les catégories sociales les plus soumises aux regards policiers et judiciaires. Je propose aux lectrices [et lecteurs… mon usage du féminin comme neutre n’est pas compris] un petit jeu. Quelles sont les catégories socio-professionnelles les plus riches en condamnation pour OBM ? (Catégories utilisées : agriculteurs (gros, petits), salariés agricoles, artisans, commerçants (gros, petits), cadres, employés (privé, public), instituteurs, professions libérales et professeurs, OQ, OS, manoeuvres, personnel de service, clergé et artistes, non actifs…)

Liste, liste liste

Sexe (changements de) : Hermaphrodisme pour convenance personnelle :

Lors de son procès, dont les archives sont conservées jusqu’à aujourd’hui, le juge demanda à Hall s’il était homme ou femme : il répondit qu’il était les deux.

Université : Les étudiants sont nuls, et comment y remédier.
Politique : Kill Hill : racisme et sexisme dans la campagne américaine
Droit administratif : Rendez-vous le 27 février à 10h, pour une “partie orale”
Antisémitisme (accusation d’) : Militant connu d’extrême droite et major de l’agregation d’histoire du droit (du coup, les historiens du droit avaient peur… mais n’ont plus peur !)
Conseil national des universités et qualification des professeurs. Philip Milburn proteste… à travers un “conte socio-illogique” :

Le cauchemar du/de la sociologue ou les sabotiers aux pieds nus
Conte presque imaginaire
Par Merlin le Désenchanteur,

Imaginez, mes chers consœurs , mes chères confrères, un monde incroyable et dépassé ou notre collectivité des sociologues serait encadrée par un Conseil supérieur, sorte de Conseil de l’Ordre semblable à celui des médecins des pharmaciens ou des juristes, issu d’une époque où la France des Corporations suçait des pastilles Vichy. Imaginez que ce Conseil de l’Ordre des Sociologues Supérieurs et Universitaires, ce COSSU, ait le pouvoir considérable de dire qui est suffisamment digne d’appartenir au cercle savant et d’accéder aux strates supérieures de l’Ordre. Un tel COSSU aurait une assise bien virile. Pourtant, dans ce monde là, les sociologues défendent souvent desidées très progressistes sur l’égalité des chances et ne veulent laisser aucune place aux discriminations ou aux à prioris (sic) sexistes. La dominance masculine dans sa chefferie est due, croyez le bien, au pur hasard et non à des déterminismes qui échapperaient au contrôle des sociologuessur leur propre société savante ! Cela paraît évident. Aussi comment expliquer l’aventure singulière que je m’apprête à vous conter ? Une jeune sociologue, appelons-la Viviane Laffé, sollicite (…)

Photo

Il y a un peu plus d’un an, Antoine Doyen, ancien étudiant en master de sociologie à Paris 8 et photographe, était venu prendre quelques photos chez moi. Dans quel but ? (Voir les commentaires, si Antoine D. souhaite décrire ce projet…)
Je lui ai demandé hier ce que ces clichés avaient donné, et il m’a envoyé deux photos (ici toutes réduites pour tenir sur 500 pixels) :
Baptiste Coulmont par Antoine Doyen
crédit : Antoine Doyen / antoinedoyen.net
Je n’ai jamais réussi à prendre des photos aussi nettes et flatteuses ! [Mes tentatives de photos documentaires et artistiques sont sur flickr] L’image de droite : un état non rangé et antérieur de mon espace de travail… pas flatteur, mais fidèle. L’appareil photo est placé à la hauteur d’un enfant de 6 ans, je ne vois pas mon bureau de cette manière.

Un droit au sex-toy ?

Il y a quelques jours, un tribunal fédéral américain, le “cinquième circuit”, a considéré qu’une loi qui interdisait la vente de sex toys au Texas était inconstitutionnelle (Reliable Consultants v. State of Texas).
Cette décision se base sur Lawrence v. Texas décision de la Cour Suprême des USA, qui, il y a quelques années, avait jugé que la loi anti-sodomie du Texas était inconstitutionnelle. Les juges du 5e circuit essaient ainsi d’étendre Lawrence à tout un ensemble de pratiques sexuelles.
Mais en 2006, le “11e circuit” avait lui considéré qu’une loi similaire était conforme à la constitution (Williams v. Madison County, Alabama, 478 F.3d 1316, 20 Fla. L. Weekly Fed. C 333). Lawrence, selon les juges du 11e circuit, était une décision restreinte à une pratique sexuelle.
Ces “circuit split” intéressent les juristes américains : c’est souvent un signal donné à la Cour Suprême afin qu’elle s’implique. Et Arthur S. Leonard remarque que ce split a une importance bien plus grande que la simple vente de vibromasseurs dans la campagne texane. L’interprétation divisée de Lawrence sur le droit au vibro pourrait présager d’interprétations tout aussi divisées sur le droit au mariage (pour les couples du même sexe) :

While the question of sale of sex toys does not loom large as an issue of burning national importance for the Supreme Court to address, a circuit split over the meaning of Lawrence v. Texas as a precedent is significant, since it may bear on other pending controversies, not least the right to marry and the right to serve in the military, currently denied to gay people and under challenge in the courts.

Ailleurs sur internet : Texas Lawyer; ou, sur mon blog, une ancienne décision du 11e circuit, en 2004, Williams v. Attorney General of Alabama (car ces histoires de vente de sex toys mobilisent les juges américains depuis fort longtemps !).

Les mystérieux circuits des mystérieux colis…

La presse locale regorge d’articles sur les vibromasseurs… oups, les sex-toys… Généralement nous est servi le discours de la “démocratisation”. Les oppositions locales sont rarement décrites. J’ai été donc heureux de voir ce petit article dans La Nouvelle République du Centre (en date du 13 février 2008) :

Au miel, yaourt ou chocolat… les dés érotiques – et autres objets de ce type – ne sont plus l’apanage des sex-shops. On en trouve désormais dans quasiment n’importe quel magasin de cadeaux. « Jusqu’à l’an passé on vendait aussi des sex-toys, explique Stéphanie, vendeuse à Soho, dans la galerie d’un supermarché castelroussin. Et puis, on a eu une plainte de la part d’une cliente, sur Limoges, qui regrettait que ces objets soient exposés à la vue des enfants. Alors, on a arrêté d’en vendre. »

Rien de franchement nouveau sur le marché, mais les jeux de société coquins (autour d’une trentaine d’euros) ont eu le vent en poupe. « Ils ont eu beaucoup de succès à Noël », précise Stéphanie. Récemment, la gamme des dés coquins a été élargie : kamasutra, dés phosphorescents, « sex… in the bureau ». Tout un programme !

L’article avait pour titre “Cachez ce sex-toy que je ne saurai voir” et assimilait donc implicitement la cliente réticente à une Tartuffe. L’argument est un peu facile — et je plaide coupable : c’est une chose que j’ai utilisé aussi sur ce blog. Les jouets pour adultes sont associés à des thèmes de liberté sexuelle, de plaisir dans le couple, de démocratisation, d’éthiques sexuelles modernes… sans que l’on arrive à trouver aussi facilement les discours opposés. Imaginez ! comment être contre la “démocratisation” ! Ce petit article laisse percevoir le sommet d’un iceberg de réticences. J’aimerai en savoir plus, sur ces compromis locaux, qui permettent à certains magasins de gadgets de vendre des godemichés, à certains magasins de lingerie de vendre des vibro… Une personne m’a même contacté d’Orléans, où son institut de beauté propose, entre manucures et épilation, à côté des shampooings et autres laques, quelques “sex toys”.
Comme il serait intéressant de prendre la circulation de ces objets, la cristallisation de circuits différents (gadgets, soins du corps, lingerie…) associés probablement à des publics différents… pour comprendre des éthiques sexuelles différentes. « Il faut considérer les faits sociaux comme des choses » proposait Emile Durkheim : prenons ici la chose, et essayons à partir d’elle de comprendre un fait social.

Croire que les sex-toys circulent sans opposition, d’ailleurs, serait un peu naïf. Toujours dans La Nouvelle République du Centre (mon Le Monde à moi), ce petit article, daté du 15 février, démontrait que l’entrée de tels objets dans la sphère domestique ne peut se faire sans y mettre les formes… Les relations de voisinage ne sont pas toujours simples.

Le mystérieux colis coquin venait de son voisin
Tribunal correctionnel de Châteauroux

La boîte aux lettres peut réserver des surprises… plutôt osées. Un jour d’août 2006, Mlle C., une institutrice de ****** reçoit un colis quelque peu inhabituel à son domicile : un paquet rempli d’accessoires sexuels. Surprise, la ****** dépose plainte à la gendarmerie. Peu de temps après, seconde plainte : l’institutrice a trouvé sa boîte aux lettres dégradée et remplie de publicités faisant la promotion de rencontres pornographiques. Une enquête est ouverte. Et révèle que commande a été passée auprès d’un magasin de sex-shop en ligne, avec deux formules de chèques appartenant à Mlle C. Les montants s’élèvent à 445 € et 301 €.
Quand l’institutrice dénonce les faits, ses soupçons ne se portent sur personne en particulier. Pourtant, Mlle C. finit par se rappeler des avances sexuelles que lui avait faites, quelque temps plus tôt, l’un de ses voisins, prénommé Bernard.
Ce dernier est entendu en octobre 2006. Une perquisition à son domicile révélera que ce quinquagénaire est un adepte des rencontres pornographiques et un client régulier du sex-shop en question. Placé en garde à vue, Bernard nie avoir volé les deux chèques de sa voisine et d’avoir passé commande dudit colis coquin. Une thèse que contredira l’expertise graphologique. Qui conclut, en septembre 2007, que Bernard est « vraisemblablement l’auteur des deux chèques falsifiés ».
« Personne ne l’a vu voler. Le dossier est vide : pas de témoins, pas de traces d’infraction et pas de mobile », défend Me André Bonhomme, avocat de la défense. Le prévenu a été condamné à un mois de prison avec sursis et 89,67 € de dommages-intérêts.
Camille CHATILLON / La Nouvelle République du Centre / 15 février 2008

L’affaire est un peu compliquée, mais on remarquera que la journaliste ne parle pas, ici, de “sex toys”, mais d'”accessoires sexuels”, et que ces objets ne proviennent pas de magasins “sexy”, mais de vulgaires “sex shops”… que l’homme est un “client régulier”, voire un “adepte” (comme le membre d’une secte).
A chaque “circuit” est donc associé un ensemble de mots et de significations.

Sectes : panique à l’Elysée ?

Par Etienne Ollion, doctorant, université Paris 1 et université de Chicago.
 
Mise à jour : une version bien plus développée a été publiée dans Ollion, E., “La secte sécularisée. Processus de requalification conceptuelle dans la lutte contre les sectes”, Genèses, n°77, Février 2010

L’interview d’Emmanuelle Mignon publiée aujourd’hui par VSD est loin d’être passée inaperçue. En déclarant qu’il n’y aurait pas (ou plus) de « problème des sectes » en France, la directrice de cabinet de N. Sarkozy a déclenché une polémique qu’elle pourrait rapidement regretter. Ces propos sont-ils toutefois le signe d’un changement dans la manière dont seront menées les oppositions aux sectes ?

Lorsque sont créées les premières associations (1) spécialement consacrées à ce sujet dans les années 1970, ce qui allait ensuite (et en France seulement) recevoir le nom de la « lutte contre les sectes », est alors un « non-problème », relégué aux pages faits divers. Et pourtant, en moins de dix ans, le sujet prend suffisamment d’ampleur pour qu’un rapport parlementaire soit commandé en 1982. Que s’est-il passé ?
Des adeptes de Moon sur la couverture du disque
D’abord une publicisation efficace de la question réalisé par les associations, qui se posent en experts à chaque fois qu’un fait divers amène les sectes sur le devant de la scène médiatique (du fait le plus local à la mort de plus de 900 adeptes du groupe People’s Temple au Guyana en novembre 1978).
Surtout, un changement a lieu dans la définition même de la secte. Un véritable travail de redéfinition est opéré dans et autour des associations de lutte contre les sectes dans ces années : nées avec le soutien de l’Eglise catholique, les premières ADFI prennent rapidement leurs distances avec l’institution qui avait jusqu’alors fait sienne la régulation du « sectarisme ». Les deux groupes d’acteurs s’opposent en effet rapidement sur ce qu’est une « secte » : alors que l’Eglise continue de les penser en termes d’hérésies, les associations insistent sur le conditionnement qui aurait lieu dans ces groupes fermés, et sur les atteintes aux droits de l’Homme qui y auraient cours.
Bref, alors que les Eglises dénoncent les sectes sur un mode théologique, les associations opèrent la leur sur une base qu’on pourrait qualifier d’humanitaire. Roger Ikor, fondateur du Centre Contre les Manipulations Mentales (CCMM) en 1981 et rationaliste de la première heure, écrivait comme pour illustrer : « Bien entendu, l’Eglise à le droit de décider ce qui est hérésie par rapport à elle ; mais secte, non : nous sommes tous concernés » (2) . Cette définition est reprise à son compte par Alain Vivien dans le rapport de 1983.
 
Les conséquences de cette transformation sont nombreuses, mais on peut montrer comment, d’hier à aujourd’hui, le changement de définition permet d’éclairer les succès et les difficultés des opposants aux « sectes ».

  • (i) Dans les premières années, la sécularisation de la définition de la secte joue un rôle important dans l’intéressement de nombreuses personnes au problème que soulèvent les associations. En faisant de leur combat non plus une querelle religieuse mais une bataille laïque, « contre l’aliénation de la volonté » et « au nom de l’Homme », les associations parviennent à enrôler des soutiens de plus en plus massifs.
  • (ii) La liste des groupes considérés comme sectaires se transforme radicalement : après une période de trouble dans les années 1970 ou « anciennes » comme « nouvelles sectes » sont évoquées indistinctement, tout une série de branches schismatiques ne sont désormais plus mentionnées comme telles. Les petits groupes protestants (baptistes, adventistes, …) ne sont plus qualifiés de « sectes », ou s’ils le sont, ils ne sont plus (explicitement du moins) incriminés pour leur caractère schismatique, mais pour les manipulations mentales qui se réaliseraient en leur sein.
  • (iii) A contrario, tout un ensemble de groupes sans prétentions religieuses ni relation à un groupe se voient qualifiés de sectaires. Au tournant des années 1980, des communautés agrariennes (Longo Maï), des groupes écologistes radicaux (Ecoovie) deviennent les cibles principales des associations et sont largement évoquées par la presse, signe de la victoire des associations. A partir de ces années, l’accusation de « sectarisme » peut, en France, toucher bien d’autres groupes, voire suite à l’introduction de la notion de « dérive sectaire », des individus (dans les années 1980, ce sont des tenants de médecines alternatives qui se voient ainsi incriminés, sans qu’il n’y ait de groupes, et plusieurs psychanalystes dans les années 1990).

Retracer la vie mouvementée de la définition de la « secte » éclaire les questionnements récents sur l’orientation à prendre en termes politiques publiques des sectes. Les déclarations de la directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy ne sont qu’une formulation radicale, mais finalement pas si éloignée, de ce que disent depuis quelques années les opposants, associations et MIVILUDES en tête : les « sectes » sont désormais moins visibles qu’avant. Constat similaire, solutions opposées, mais même cause : à force d’extension, la « secte » s’est quelque peu dissoute, et l’objet de la lutte a perdu en clarté. Sont-elles devenues un « non-problème » pour autant ? A considérer la rapidité du démenti et le tollé qu’il a suscité, probablement pas pour l’Elysée.

                                                Etienne Ollion.

Notes
(1) La première est l’Association de Défense des Valeurs Familiales et de l’Individu (ADFVI), rapidement renommée en ADFI et dont plusieurs antennes s’installent dans les grandes villes françaises dans les années suivantes.
(2) Roger Ikor, La tête du poisson, 1983, Albin Michel, p. 40.

Mise à jour (par B.C.) : (1) Merci rezo.net !.
et (2) : des propositions de réforme chez Sébastien Fath

Gadgets et sex-toys

En France, quelques magasins de gadgets (“Soho”, “Objectica”,…) proposent, entre la lampe lave et les cartes à jouet, quelques gadgets pour adultes, sans interdire l’entrée aux mineurs [voir ici quelques exemples et quelques photos]. On trouve trace de quelques protestations :

  • de clients (relevée récemment ici-même : “Jusqu’à l’an passé on vendait aussi des sex-toys, explique Stéphanie, vendeuse à Soho, dans la galerie d’un supermarché castelroussin. Et puis, on a eu une plainte de la part d’une cliente, sur Limoges, qui regrettait que ces objets soient exposés à la vue des enfants. Alors, on a arrêté d’en vendre.”),
  • mais aussi de sénateurs (je cite : “le présent article modifie la définition des établissements interdits d’installation à proximité des établissements scolaires, en visant non plus la vente de revues mais la vente d’objets à caractère pornographique, couramment appelés « sex-toys ».”)… peut-être aussi clients par ailleurs

Je viens de tomber sur ce reportage d’une chaîne de télévision locale d’Atlanta, en Géorgie (US) :
Kids Playing With Sex Toys At Metro Atlanta Malls (“des enfants jouent avec des sex-toys dans le centre commercial”) :

[flashvideo filename=https://coulmont.com/blog/fichiers/2008/20080222-wsbtv-atlanta.flv width=432 height=240 displayheight=260 /]

Caméra cachée : les journalistes montrent des enfants s’amusant avec des tirelires en forme de “male body part” (partie corporelle masculine) ou des jeunes filles s’amusant devant des recueils de positions sexuelles, et même un jeune garçon ayant acheté une sucette en forme de “male body part” aussi. La responsable d’une association est interviewée (sans que l’on sache précisément si c’est elle qui a prévenu les journalistes).

Dix jours plus tôt, dans l’Utah, à Layton, la police locale est même allée confisquer quinze boîtes de vibromasseurs présents dans une gadgèterie de la même marque, “Spencer Gifts” : Police raid novelty shop inside Layton Hills Mall titre le Deseret News (autre article sur abc4/news).

Je n’ai pas entendu parler de telles descentes de police en France… Mais si une gadgèterie a eu la visite amicale d’un officier, j’aimerai beaucoup en entendre parler.

Mains, chaussures

Autres temps, autres moeurs…

Ce fut à l’instigation de Pompidou et de René Brouillet que, en février 1959, de Gaulle accepta de présider le bal de l’Ecole(1), où plusieurs normaliens refusèrent ostensiblement de lui serrer la main ; de Gaulle, froissé, ne retourna jamais dans un établissement universitaire en France, tout en demandant instamment à en visiter lors de chaque voyage à l’étranger, et veilla à s’entourer de normaliens et d’universitaires qui manifestaient, par leur présence à ses côtés, que tous les normaliens ne participaient pas à cette rébellion.
source

Pour l’Elysée, «les sectes sont un non-problème» en France titra Libération-point-fr il y a quelques jours. Et la mission de vigilance contre les dérives sectaires (miviludes) est réduite à une instance de production de rapports. Les commentaires d’une partie des lecteurs de cet article laissent croire qu’une alliance occulte entre un président et Tom Cruise est à l’origine de cette annonce. [Un commentaire bien meilleur a été publié ici même.]
L’année dernière, dans le métro, j’avais photographié un graffiti au message similaire :

Eglise de $arkologie

Cirées ? Vernies ?
Sarko Chaussures

Notes :
(1) L’Ecole… Il s’agit bien évidemment de l’Ecole normale supérieure…

L’Affaire Olesniak, épisode 1

L’Affaire Olesniak, c’est une petite histoire judiciaire qui se déroule entre 1969 et 1971 à Paris. En une dizaine d’épisodes (probablement un par semaine), je vais relater ici-même le travail de la police.

Le 16 janvier 1969, l’affaire débute. En bonne logique policière : par un rapport.

Voici comment leur rapport commence :

Depuis un certain temps des renseignements obtenus au cours de notre service journalier de voie publique nous faisaient connaître que des touristes, français et étrangers, étaient racolés aux environs de la place Pigalle pour être conduits chez des particuliers où étaient organisés des projections de films pornographiques.
Ce genre de racolage était effectué soit de jour, mais plus particulièrement de nuit par des nord-africains ou des français aux environs des boites de nuit de Montmartre en général mais plus souvent à proximité de la rue Pigalle et des Boulevards de Clichy et Rochechouart.
Des surveillances furent organisées à différentes reprises aux abords de la Place Pigalle, mais la faune des chasseurs de boites de nuit, travestis et autres nous connaissance (sic) de bonnes date, ces surveillances s’avéraient difficiles.
Toutefois lors de ces surveillances, nous apprenions que des projections étaient effectuées depuis bien longtemps chez une concierge de la rue des Martyrs, dans la portion comprise entre le boulevard Rochechouart et la rue ***.
Des surveillances furent à nouveau établies, notamment dans cette artère et notre attention fut attirée par des allées et venues discrètes de nord-africain conduisant de temps en temps un homme, jamais le même, au *** rue des Martyrs.
Or, à cette adresse, la loge est tenue, suivant nos renseignements, par une femme assez forte, blonde, âgée de la cinquantaine environ, signalement correspondant à celui qui nous avait été donné par un informateur.

Avant d’aborder la suite du rapport (dans le prochain épisode), posons-nous un moment sur cette description du boulevard de Clichy. Il apparaît ici comme une plaque tournante du commerce pornographique. Mais ce commerce est, du point de vue des policiers, structuré de plusieurs manières. D’un côté les touristes. De l’autre des petits travailleurs du sexe (rabatteurs, travestis…). Et enfin, spécificité de l’affaire, des “particuliers”, chez lesquels des projections de films pornographiques sont organisés.
Nous sommes en 1969, et les films pornographiques sont interdits : ils constituent des objets outrageant les bonnes moeurs. Ce n’est que vers 1974-1975 que la pornographie sera autorisée, puis régulée. Mais interdiction ne signifie pas absence. Le commerce de la pornographie est bien vivant, surtout depuis que, en 1967, certains pays scandinaves ont accepté de libéraliser ce commerce. Mais le commerce de “la porno”, en France, reste clandestin… et il faut pouvoir apparier offre et demande.
Cet appariement, c’est l’affaire des rabatteurs. A Pigalle, ces rabatteurs sont décrits par les policiers, très souvent, comme des “nord-africains”. D’un côté la pornographie, c’est un petit commerce ethnique, dans lequel des immigrés (originaires d’Algérie le plus souvent) jouent un rôle. Entre la station Pigalle et la station Barbès, il n’y a qu’une station intermédiaire. De l’autre, l’expression “nord-africain”, ou “de type NA”, est un restant du contrôle policier des populations maghrébines pendant la guerre d’Algérie… mais j’en sais bien trop peu pour m’étendre dessus. Les catégories racialisantes, en tout cas, perdurent.

Carte : Zone de résidence des “Nord Africains” à Paris, en 1950.
Chombart de Lauwe Paris et l agglomeration parisienne 1952

Le regard policier, fort explicite dans les rapports que, semaine après semaine, je vais vous proposer, n’est pas le seul regard présent. Nos policiers se trouvent sous le regard des intermédiaires : les surveillances sont difficiles, nous sommes trop connus ! disent-ils. Mais les travestis, les chasseurs de cabaret et autres prostituées n’ont pas laissé de traces quotidiennes de leur surveillance. Dommage.
Passons au dernier point que je souhaite aborder aujourd’hui : la concierge ! Sans la concierge, pour être honnête, l’histoire m’aurait bien moins intéressé. Mais là, nous avons une personne, centrale dans la vie d’un immeuble parisien, qui est soupçonnée d’organiser, dans sa loge (qu’on imagine petite), des projections pornographique pour des touristes amenés par des “nord-africains”.

L’information “confidentielle” donnée aux policiers sera-t-elle suivie ? La concierge organise-t-elle vraiment des projections dans sa loge ? Sera-t-elle arrêtée ? Vous le saurez au prochain épisode.

flux RSS spécifique aux épisode de l’Affaire Olesniak… abonnez-vous !

Mise à jour (5/3/2008) : l’épisode 2 est en ligne