L’Affaire Olesniak, c’est une petite histoire judiciaire qui se déroule entre 1969 et 1971 à Paris. En une dizaine d’épisodes (probablement un par semaine), je vais relater ici-même le travail de la police.
Le 16 janvier 1969, l’affaire débute. En bonne logique policière : par un rapport.
Voici comment leur rapport commence :
Depuis un certain temps des renseignements obtenus au cours de notre service journalier de voie publique nous faisaient connaître que des touristes, français et étrangers, étaient racolés aux environs de la place Pigalle pour être conduits chez des particuliers où étaient organisés des projections de films pornographiques.
Ce genre de racolage était effectué soit de jour, mais plus particulièrement de nuit par des nord-africains ou des français aux environs des boites de nuit de Montmartre en général mais plus souvent à proximité de la rue Pigalle et des Boulevards de Clichy et Rochechouart.
Des surveillances furent organisées à différentes reprises aux abords de la Place Pigalle, mais la faune des chasseurs de boites de nuit, travestis et autres nous connaissance (sic) de bonnes date, ces surveillances s’avéraient difficiles.
Toutefois lors de ces surveillances, nous apprenions que des projections étaient effectuées depuis bien longtemps chez une concierge de la rue des Martyrs, dans la portion comprise entre le boulevard Rochechouart et la rue ***.
Des surveillances furent à nouveau établies, notamment dans cette artère et notre attention fut attirée par des allées et venues discrètes de nord-africain conduisant de temps en temps un homme, jamais le même, au *** rue des Martyrs.
Or, à cette adresse, la loge est tenue, suivant nos renseignements, par une femme assez forte, blonde, âgée de la cinquantaine environ, signalement correspondant à celui qui nous avait été donné par un informateur.
Avant d’aborder la suite du rapport (dans le prochain épisode), posons-nous un moment sur cette description du boulevard de Clichy. Il apparaît ici comme une plaque tournante du commerce pornographique. Mais ce commerce est, du point de vue des policiers, structuré de plusieurs manières. D’un côté les touristes. De l’autre des petits travailleurs du sexe (rabatteurs, travestis…). Et enfin, spécificité de l’affaire, des “particuliers”, chez lesquels des projections de films pornographiques sont organisés.
Nous sommes en 1969, et les films pornographiques sont interdits : ils constituent des objets outrageant les bonnes moeurs. Ce n’est que vers 1974-1975 que la pornographie sera autorisée, puis régulée. Mais interdiction ne signifie pas absence. Le commerce de la pornographie est bien vivant, surtout depuis que, en 1967, certains pays scandinaves ont accepté de libéraliser ce commerce. Mais le commerce de “la porno”, en France, reste clandestin… et il faut pouvoir apparier offre et demande.
Cet appariement, c’est l’affaire des rabatteurs. A Pigalle, ces rabatteurs sont décrits par les policiers, très souvent, comme des “nord-africains”. D’un côté la pornographie, c’est un petit commerce ethnique, dans lequel des immigrés (originaires d’Algérie le plus souvent) jouent un rôle. Entre la station Pigalle et la station Barbès, il n’y a qu’une station intermédiaire. De l’autre, l’expression “nord-africain”, ou “de type NA”, est un restant du contrôle policier des populations maghrébines pendant la guerre d’Algérie… mais j’en sais bien trop peu pour m’étendre dessus. Les catégories racialisantes, en tout cas, perdurent.
Carte : Zone de résidence des “Nord Africains” à Paris, en 1950.
Le regard policier, fort explicite dans les rapports que, semaine après semaine, je vais vous proposer, n’est pas le seul regard présent. Nos policiers se trouvent sous le regard des intermédiaires : les surveillances sont difficiles, nous sommes trop connus ! disent-ils. Mais les travestis, les chasseurs de cabaret et autres prostituées n’ont pas laissé de traces quotidiennes de leur surveillance. Dommage.
Passons au dernier point que je souhaite aborder aujourd’hui : la concierge ! Sans la concierge, pour être honnête, l’histoire m’aurait bien moins intéressé. Mais là, nous avons une personne, centrale dans la vie d’un immeuble parisien, qui est soupçonnée d’organiser, dans sa loge (qu’on imagine petite), des projections pornographique pour des touristes amenés par des “nord-africains”.
L’information “confidentielle” donnée aux policiers sera-t-elle suivie ? La concierge organise-t-elle vraiment des projections dans sa loge ? Sera-t-elle arrêtée ? Vous le saurez au prochain épisode.
flux RSS spécifique aux épisode de l’Affaire Olesniak… abonnez-vous !
Mise à jour (5/3/2008) : l’épisode 2 est en ligne