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Les mystérieux circuits des mystérieux colis…

Billet publié le 19/02/2008

La presse locale regorge d’articles sur les vibromasseurs… oups, les sex-toys… Généralement nous est servi le discours de la “démocratisation”. Les oppositions locales sont rarement décrites. J’ai été donc heureux de voir ce petit article dans La Nouvelle République du Centre (en date du 13 février 2008) :

Au miel, yaourt ou chocolat… les dés érotiques – et autres objets de ce type – ne sont plus l’apanage des sex-shops. On en trouve désormais dans quasiment n’importe quel magasin de cadeaux. « Jusqu’à l’an passé on vendait aussi des sex-toys, explique Stéphanie, vendeuse à Soho, dans la galerie d’un supermarché castelroussin. Et puis, on a eu une plainte de la part d’une cliente, sur Limoges, qui regrettait que ces objets soient exposés à la vue des enfants. Alors, on a arrêté d’en vendre. »

Rien de franchement nouveau sur le marché, mais les jeux de société coquins (autour d’une trentaine d’euros) ont eu le vent en poupe. « Ils ont eu beaucoup de succès à Noël », précise Stéphanie. Récemment, la gamme des dés coquins a été élargie : kamasutra, dés phosphorescents, « sex… in the bureau ». Tout un programme !

L’article avait pour titre “Cachez ce sex-toy que je ne saurai voir” et assimilait donc implicitement la cliente réticente à une Tartuffe. L’argument est un peu facile — et je plaide coupable : c’est une chose que j’ai utilisé aussi sur ce blog. Les jouets pour adultes sont associés à des thèmes de liberté sexuelle, de plaisir dans le couple, de démocratisation, d’éthiques sexuelles modernes… sans que l’on arrive à trouver aussi facilement les discours opposés. Imaginez ! comment être contre la “démocratisation” ! Ce petit article laisse percevoir le sommet d’un iceberg de réticences. J’aimerai en savoir plus, sur ces compromis locaux, qui permettent à certains magasins de gadgets de vendre des godemichés, à certains magasins de lingerie de vendre des vibro… Une personne m’a même contacté d’Orléans, où son institut de beauté propose, entre manucures et épilation, à côté des shampooings et autres laques, quelques “sex toys”.
Comme il serait intéressant de prendre la circulation de ces objets, la cristallisation de circuits différents (gadgets, soins du corps, lingerie…) associés probablement à des publics différents… pour comprendre des éthiques sexuelles différentes. « Il faut considérer les faits sociaux comme des choses » proposait Emile Durkheim : prenons ici la chose, et essayons à partir d’elle de comprendre un fait social.

Croire que les sex-toys circulent sans opposition, d’ailleurs, serait un peu naïf. Toujours dans La Nouvelle République du Centre (mon Le Monde à moi), ce petit article, daté du 15 février, démontrait que l’entrée de tels objets dans la sphère domestique ne peut se faire sans y mettre les formes… Les relations de voisinage ne sont pas toujours simples.

Le mystérieux colis coquin venait de son voisin
Tribunal correctionnel de Châteauroux

La boîte aux lettres peut réserver des surprises… plutôt osées. Un jour d’août 2006, Mlle C., une institutrice de ****** reçoit un colis quelque peu inhabituel à son domicile : un paquet rempli d’accessoires sexuels. Surprise, la ****** dépose plainte à la gendarmerie. Peu de temps après, seconde plainte : l’institutrice a trouvé sa boîte aux lettres dégradée et remplie de publicités faisant la promotion de rencontres pornographiques. Une enquête est ouverte. Et révèle que commande a été passée auprès d’un magasin de sex-shop en ligne, avec deux formules de chèques appartenant à Mlle C. Les montants s’élèvent à 445 € et 301 €.
Quand l’institutrice dénonce les faits, ses soupçons ne se portent sur personne en particulier. Pourtant, Mlle C. finit par se rappeler des avances sexuelles que lui avait faites, quelque temps plus tôt, l’un de ses voisins, prénommé Bernard.
Ce dernier est entendu en octobre 2006. Une perquisition à son domicile révélera que ce quinquagénaire est un adepte des rencontres pornographiques et un client régulier du sex-shop en question. Placé en garde à vue, Bernard nie avoir volé les deux chèques de sa voisine et d’avoir passé commande dudit colis coquin. Une thèse que contredira l’expertise graphologique. Qui conclut, en septembre 2007, que Bernard est « vraisemblablement l’auteur des deux chèques falsifiés ».
« Personne ne l’a vu voler. Le dossier est vide : pas de témoins, pas de traces d’infraction et pas de mobile », défend Me André Bonhomme, avocat de la défense. Le prévenu a été condamné à un mois de prison avec sursis et 89,67 € de dommages-intérêts.
Camille CHATILLON / La Nouvelle République du Centre / 15 février 2008

L’affaire est un peu compliquée, mais on remarquera que la journaliste ne parle pas, ici, de “sex toys”, mais d'”accessoires sexuels”, et que ces objets ne proviennent pas de magasins “sexy”, mais de vulgaires “sex shops”… que l’homme est un “client régulier”, voire un “adepte” (comme le membre d’une secte).
A chaque “circuit” est donc associé un ensemble de mots et de significations.

[yarpp]