Edgar Morin à Plozévet
Dans Journal de Plozévet, Edgar Morin écrit :
J’ai reçu une lettre de Lapassade dont voici quelques extraits :
« J’ai cru comprendre que tu partais en Bretagne (…) J’imagine un Edgar bretonnant, non directif et donnant le feed-back aux producteurs d’artichauts. Cette image me séduit au point que j’aurais envie de me joindre à vous après mon séjour d’avril dans les Pyrenées. »
Cette dernière phrase est lourde de menaces pour l’enquête.
Et dans les pages qui suivent, Morin décrit les interventions plus ou moins délirantes de Lapassade — un second couteau de la sociologie française, passablement ambitieux — et de son “analyse institutionnelle”. Autant les mémoires de Michel Crozier m’étaient apparus emplis de rancunes rassies, autant Morin, dont l’oeuvre m’est en grande partie inconnue (mise à part La Rumeur d’Orléans, 3 étoiles au coulmont, sur une échelle qui va jusqu’à 5, et Commune en France – métamorphose de Plodemet / plozevet), m’apparaît “sympa” et incapable au travail collectif. Ce journal de terrain (probablement en partie réécrit, je ne sais pas très bien) laisse découvrir un chercheur en quête de “le moderne”. “Nous faisons une enquête sur le moderne”, ne cesse-il de dire aux paysans locaux. Il cherche les “juke-box” (nous sommes en 1965), il compte les blousons en simili-cuir, il essaye de créer un “groupe de jeunes” dans le village breton, Plozévet. [lire la recension du livre dans ruralia]
Ailleurs dans le journal :
[yarpp][Burguière] a le visage rond, avenant, inspirant la sympathie, me rappelant celui de Bourdieu (qui me fut très sympathique, alors que j’ignorais encore que son sourire jovial dissimulait une âme rastignaco-thorézienne). Il doit avoir les qualités de l’agrégé: aptitude à la synthèse, esprit clair.
4 commentaires
Un commentaire par XavierM (27/03/2008 à 14:42)
C’est sur qu’après le fameux article de Bourdieu & Passeron “sociologue des mythologies, mythologie des sociologues” (Les Temps Modernes, n°211, 1963), qui descendait en flamme les travaux de Morin sur les “médias de masse” (l’esprit du temps, récemment rééditéchez Armand Colin par les soins d’Eric Macé), ce dernier a du percevoir Bourdieu comme un personnage arrogant, dogmatique et pas très ouvert à la discussion. Thorézien, donc ? Par ailleurs Dans “une année Sisyphe” (Seuil, 1995), E. Morin nomme “Diafoirus” une personnalité qui ressemble fort à Bourdieu (Le “Diafoirus” en question veut entre autres “décider de qui est intellectuel et qui ne l’est pas”, si mes souvenirs sont bons)
Un commentaire par Baptiste Coulmont (27/03/2008 à 14:58)
…et dans le “Journal de Californie”, m’a-t-on dit, Morin écrit, en passant qu’il a “encore rêvé de Bourdieu cette nuit”. Légère fixation sur le personnage…
Un commentaire par Etienne (27/03/2008 à 18:00)
Aura-t-on un jour accès à la liste des coulmonts par ordre croissant? aux critères de l’échelle de coulmont? Voir un broadcast live des coulmont awards avec Edgar Morin en présentateur?
Sinon, une question me travaille depuis le dernier post sur Crozier: mais pourquoi donc lis tu toutes ces biographies? Tu nous prépare un petit recueil sur “les sociologues par eux-mêmes: retourner le regard sociologique”?
Un commentaire par Baptiste Coulmont (31/03/2008 à 10:26)
… Edgar en présentateur ?… hmmm intéressant.