L’Affaire Olesniak, épisode 6
Cet épisode sera court… il constitue, rétrospectivement — mais vous n’en êtes pas encore là — une charnière. [Vous pouvez toujours relire les épisodes 5, 4, 3, 2, ou 1]
Le 17 janvier 1969 à 19h, c’est l’heure de la “fin de la garde à vue”. Le couple Olesniak peut retourner à la maison.
Le 23 janvier, une semaine après, un rapport de police précise :
Rapportons que les surveillances effectuées par les officiers de police du groupe Rodriguez à proximité du domicile des époux Olesniak sont demeurées infructueuses quant à présent.
Elles sont poursuivies dans le but d’identifier et éventuellement d’interpeller le sieur « Philippe » et sa compagne.
Le 25 janvier, deux jours plus tard, un procès verbal de l’Officier de police principal Rodriguez signale :
A la suite de l’interpellation des époux Olesniak pour outrages aux bonnes mœurs, par la voie du film de la photo et du livre illustré, rapportons comme suit le résultat de nos investigations effectuées avec l’assistance de l’OPP Vergangen de l’OP Chèvre et des OPA Grandin et Waffé.
Les époux Olesniak s’étant engagé (sic) à nous prévenir de la visite de « Monsieur Philippe et de sa femme » nous avons décidé par mesure de prudence d’effectuer des surveillances à proximité [du domicile] aux fins de filature ou d’interpellation de ce couple.
Ces surveillances ont été effectuées dès le 19 janvier jusqu’à ce jour sans interrumption (sic) et ce sans résultat positif.
Cependant Madame Olesniak nous a fait connaître qu’elle avait reçu plusieurs coups de téléphone de Madame Philippe qui désirait obtenir le paiement des films fournis. Le sieur Philippe serait actuellement en Suède pour se procurer des revues suédoises et des films, selon la dame Philippe.
Les policiers font donc moyennement confiance à la concierge et à son mari, en s’installant pour surveiller le couple. Cinq officiers — à temps plein ? — se relaient pour surveiller les Olesniak. Les outrages aux bonnes moeurs n’étaient donc pas pris à la légère. Dans une autre affaire, que j’ai relatée précédemment, c’est un petit fabricant de godemichés qui avait fait l’objet de filatures. Dans la présente affaire, c’est la possibilité de remonter le réseau qui motive les policiers.
Le surlendemain, la situation évolue :
Le 27 courant Madame Olesniak nous informe que Madame Philippe doit l’appeler au téléphone vers 18 heures. L’un de nous (OPP Vergangen) se détache pour intercepter la communication. A 18 heures 30, une femme appelle par téléphone et se présente comme étant Mme Philippe. Elle demande ce qui lui est dû pour les livraisons effectuées. […] Elle dit que son mari est en traitement à l’hôpital Necker et qu’elle n’aura des revues et des films qu’au début du mois de février.
Le 28, ce jour, à 11 heures, Madame Olesniak nous fait savoir que Mme Philippe vient d’appeler et qu’elle viendra à la loge ce soir vers 18 heures.
A 17 heures 30, alors que nous nous trouvions dans la loge (OPP Rodriguez et Vergangen) pendant que les OPA maintenaient leur surveillance à l’extérieur, Mme Olesniak nous dit tout à coup : « Voilà Mme Philippe ». Nous n’avons que le temps de nous dissimuler dans la cuisine. C’est ainsi que nous entendons Madame Philippe qui s’exprime d’un ton très bas : « Avez-vous confiance en votre acheteur de film ? » – « J’ai besoin d’argent … » « J’apporterai des revues la semaine prochaine » – « Je pense que nous aurons des films meilleurs »
Puis « Mme Philippe » dit au revoir et sort de la loge en disant qu’elle reviendra le lendemain. Nous décidons de la prendre en filature pour voir si elle est venue en voiture. Elle remonte la rue ****, traverse, prend le boulevard de Clichy sur le terre plein central et s’engouffre dans le métro à la station Pigalle.
Cet extrait de rapport est, dans toute l’affaire Olesniak, le passage qui ressemble le plus à un polar, par la situation et le vocabulaire choisi (“nous n’avons que le temps de nous dissimuler…”, “d’un ton très bas”, “s’engouffre dans le métro”). Et encore… les deux policiers sont obligés de se cacher dans la cuisine avant de prendre en filature “Mme Philippe” (ce qui n’est pas très glorieux).
Arriveront-ils à arrêter cette mystérieuse “Madame Philippe” qui vient de “s’engouffrer” dans le métro à la faveur de la nuit tombant sur Paris ? Son mari est-il “en Suède” ou “à l’hôpital Necker” ?
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