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Luttes internes

Billet publié le 03/12/2008

Dans mes travaux sur les sex-shops, je me suis principalement intéressé aux mobilisations de riverains ou d’élus opposés à l’implantation locale de ces magasins… Il était plus difficile de comprendre les oppositions internes. Or la concurrence n’est pas toujours la bienvenue : quand une boulangerie s’ouvre à côté d’une boulangerie, l’un des boulangers n’est pas très heureux. Cette régulation interne de la concurrence, je vais essayer d’en montrer quelques exemples ici.
Soirée sex-toys à Cholet

Une soirée très coquine jeudi soir…
Organisée par le bureau des élèves de l’ESIAME, une soirée étudiante très coquine avec pour thème les “Sex Toys” aura lieu jeudi soir au Paradise.
Pendant la soirée, des cadeaux seront distribués mais pas de Sex Toys…
Après s’être renseigné auprès du Sex Shop de Cholet et de la Sous-Préfecture, David Olliver, l’un des organisateurs de la soirée, affirme que la législation interdit toute distribution gratuite d’objet sexuel. Les étudiants les plus coquins devront donc se contenter des préservatifs, des huiles de massage, des peluches et des oreilles de lapins qui seront distribués par des hôtesses.

Je n’ai jamais entendu parler de cette législation, mais elle existe peut-être dans l’esprit de certains… et certainement dans l’esprit de ceux qui s’estiment lésés par cette concurrence, les distributions de sex-toys en boîte de nuit.

De même, quand s’ouvre un magasin sexy, l’on trouve parfois des protestations étonnantes. Voici ce que m’écrit une personne (une femme), dans le sud de la France, dont le magasin vend de la lingerie et des gadgets pour adultes :

Voila, j’espere que vous pourrez me donner quelques précisions quant à la reglementation des ces nouvelles boutiques, car les personnes de la chambre de commerce ne sont pas vraiment au fait de ce genre par ici!!
Pour tous vous dire, le gérant du plus ancien sex-shop de la ville, est venu me rendre une “visite”, vraiment pas amicale!! me pretextant que je n’avais absolument pas le droit de vendre tout ces articles!! il m’a meme demandé de retirer de mes étalages la plus grande partie de ces charmant objets, soutenant qu’il les vendait aussi!!

J’ai peu d’informations sur cette visite amicale, mais j’y vois quand même une réaction à la présence plus visible des femmes dans le commerce des objets sexuels.

Dans une autre ville, c’est le gérant d’un sex-shop qui m’écrit… étonné que des “sex-toys” puissent être vendus hors des sex-shops.

j aimerai savoir pourquoi beaucoups de commerce voir centre commercial magasin farce et attrappe ou meme vente en gros (…) sont autorisé a vendre des articles libertins. recemment des vibro franchement sexués etaient en vente a la hauteur d enfant dans un rayonnage. je pensais que ce genre d article etait reservé aux SEX SHOP qui eux ont des vitrines opaques et l’entrée interdite aux mineurs
a qui s adresser pour faire cesser cette pratique
(…)
etant dans cet activité depuis 3ans je ne suis pas inquiet de la concurence mais trouve inadmisible ce genre de produit a la vente un peu partout. J’envisage d’en referé la chambre des commerces voir le procureur de la république

Il faut comprendre sa colère : son magasin (un sex-shop) est soumis à toute une série de règles spécifiques (vitrine opacifiée, interdiction d’installation à proximité des écoles, collèges et lycées, surtaxation des bénéfices dans certains cas, etc…) alors que les magasins “sexys” qui ouvrent un peu partout en France échappent à ces règles.

*

Je présenterai ici une dernière forme de régulation plutôt que de lutte, “l’exclusivité” et le passage à l’activité de “grossiste”. Depuis une dizaine d’années, les fabricants de vibromasseurs ont développé des marques (et des gammes de couleurs, de désignations…) et proposent parfois l’exclusivité à des entreprises nationales.
– Ce peut être l’exclusivité de la vente au détail, présentée ainsi sur certains sites. AnneLolotte présente ainsi l’une des nouveautés : “Le sex toy Light up est exclusivité chez Soft Paris … et je pense que ce godemichet aura une belle place sous le sapin de Noel!”
– Mais ce peut être aussi l’exclusivité de la distribution. Certains objets sont ainsi distribués en France par des entreprises qui sont principalement des détaillants, mais qui sont “grossistes à côté”. Que leur apporte l’activité de distribution ? La connaissance de la concurrence. Si un collègue demande 1000 gadgets, ou simplement 100… le distributeur-détaillant a une idée de la taille réelle de l’entreprise concurrente. Il peut aussi, pour protéger son exclusivité, ne proposer à ses concurrents qu’un nombre inférieur aux quantités souhaitées.
Ceci ne fonctionne que si les fabricants arrivent à défendre leurs marques ou la spécificité des formes et des couleurs de leurs objets… Si ces derniers sont copiés, l’exclusivité fonctionne beaucoup moins bien.

[yarpp]