Categories

Archives

Les billets de February, 2009 (ordre chronologique)

Universités en grèves

Le 2 février, tout s’arrête…
http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2009/02/universits-jour.html
http://libelyon.blogs.liberation.fr/info/2009/02/les-enseignants.html
http://www.libemarseille.fr/henry/2009/01/grve-des-profs.html
http://universitedemocratique.blogspot.com/
http://www.sauvonsluniversite.com/ (a des petits problèmes de site en ce moment)
http://www.rue89.com/2009/02/01/chers-etudiants-voici-pourquoi-je-ne-donnerai-pas-vos-notes-0

Le syndicat AutonomeSup appelle au blocage des universités (enfin… des conseils universitaires)

… et des motions votées par les sections du Conseil national des universités :

La Section 04 (Science politique) du CNU demande expressément :
1° le retrait du projet actuel de décret modifiant celui du 6 juin 1984 (n°84-431) fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs. Ce projet crée les conditions propices à une gestion locale arbitraire des activités exercées par les enseignants-chercheurs, qui accentuerait les inégalités et les tensions entre personnels, disciplines et établissements, au détriment de la recherche scientifique et de la formation des étudiants ; il revient sur l’une des dimensions fondamentales de notre métier qui consiste, à partir de nos activités de recherche, à élaborer nos enseignements dont le volume horaire ne saurait en aucun cas excéder le niveau actuel de 192hTD ; il réduit l’autonomie des enseignants-chercheurs par rapport aux instances administratives et remet gravement en cause leurs libertés académiques et leur indépendance scientifique.
2° La reconnaissance du rôle du CNU, seule instance nationale d’évaluation représentative des enseignants-chercheurs , dont le rôle ne saurait se réduire à celui d’une simple instance consultative ou de recours à l’encontre de décisions prises par les organes dirigeants des universités.
Ce retrait doit être le point de départ d’une concertation nationale visant à assurer le renouveau et le développement de l’Université, mais aussi à donner aux enseignants-chercheurs les moyens et le statut garantissant l’accomplissement de leurs missions.

Parmi d’autres protestations, celle de la 19e section (sociologie et démographie) :

CNU 19e section – Motion 1
Les membres de la 19e section du CNU, réunis le 22/1/2009, ont décidé la rétention des résultats des évaluations concernant les qualifications à fin d’obtenir le retrait du décret n° 84-431 du 6 juin 1984 sur les statuts des enseignants-chercheurs.
Ils demandent aux autres sections de procéder de la même manière.
CNU 19e section – Motion 2
Les membres de la 19e section du CNU demandent le retrait du projet actuel de modification du décret n°84-431 du 6 juin 1984 sur les statuts des enseignants-chercheurs.
Ce texte confère aux exécutifs locaux des établissements d’enseignement supérieur des pouvoirs exorbitants qui fragilisent les équilibres de la recherche et de l’enseignement au mépris de l’intérêt scientifique et de celui des étudiants.
Ils réclament que soit restitué au Conseil National des Universités son rôle d’instance collégiale de gestion des carrières des enseignants-chercheurs.

J’allais oublier… : un prix nobel, Albert Fert critique sévèrement, très sévèrement, les projets en cours : réforme dangereuse et hypocrite ! (lire sur fabula.

Six livres…

On m’oblige à donner la liste de six livres qui me représentent. Ce seront cinq articles.

La numérisation des revues de sciences sociales a produit quelques effets pervers : nous lisons beaucoup “en ligne” et probablement moins en bibliothèque… et pourtant de nombreuses revues, qui ne sont aujourd’hui plus publiées, ne sont pas numérisées. Les numéros des années soixante-dix et quatre-vingt et quatre-vingt-dix de la revue Economie et statistique, jusqu’à récemment, n’étaient consultables qu’en bibliothèque. Ils entrent en ce moment sur persee.fr (vous savez, ce site où tout est écrit en gris très clair sur blancet où des “scripts lents” font planter safari…).

C’est l’occasion de revisiter des classiques :

Pour satisfaire Tom Roud, quand même, voici deux ou trois ouvrages :
Feu pâle de Nabokov (lu en traduction française), lu au lycée, probablement en première. Dans mon souvenir, c’est l’histoire, formidable, d’un professeur de littérature aux Etats-Unis qui explique un poème lyrique d’un poète mineur. Ce faux roman académique m’a permis d’écrire tous les commentaires de texte qui ont suivi au cours de ma carrière scolaire.
Les lances du crépuscule de Descola. Lu en khâgne probablement. M’a permis de comprendre que l’ethnologie, c’est amusant, mais que l’Amazonie, très peu pour moi. Lu en même temps que La Noblesse d’Etat de Bourdieu, qui m’a probablement converti à la sociologie.

Ailleurs : François B., Damien B., Denis C., Phersu P.

“Choix” politiques et “choix” de recherches

En 1985, dans un numéro rare des “Cahiers Jeunesses et Sociétés”, Gérard Mauger et Claude Fossé-Poliak proposaient un “essai d’auto-socio-analyse” retraçant leur entrée dans la recherche.
Parce que je trouve cet essai intéressant, et quasiment introuvable, en voici une reproduction (avec l’accord de G.M.) :

Claude Fossé-Poliak et Gérard Mauger, « “Choix” politiques et “choix” de recherches : Essai d’auto-socio-analyse (1973-84) », Cahiers du réseau Jeunesses et Sociétés, n°3-4-5, février 1985, p. 27-121 [PDF]

Mauger et Poliak appartiennent à cette génération de sociologues étant entrés en sociologie “par la politique”, à partir de la fin des années soixante ; des militants gauchistes “reclassés” dans le monde académique. Ils font partie de cette génération, qui, en ce moment, est proche de la retraite, ou déjà partie.
Leur texte se présente donc comme « une double contribution : contribution à une sociologie de la sociologie française contemporaine [i.e. celle des années 70-80] et de quelques-uns des conflits qui la traversent depuis une quinzaine d’années, contribution à l’analyse sociologique des “discours sur la jeunesse” en France entre 1968 et 1984. »
Formellement, l’article « met[…] en évidence successivement ce que [leur] production sociologique des dix dernières années doit à l’inscription de [leurs] trajectoires biographiques dans le champ politique, dans le champ intellectuel, sur le marché de la recherche contractuelle, dans le champ sociologique. »

mauger poliak

Pour qui s’intéresse à la sociologie française des années soixante-dix… cet article est à lire ! Et sa lecture se combine assez bien avec celle des extraits de Labo-contestation présentés ici-même récemment.

Gérard Mauger me signale être revenu sur cet exercice à deux reprises : dans une contribution à l’ouvrage collectif qu’il a dirigé, Rencontres avec Pierre Bourdieu (Editions du Croquant, 2005) et plus récemment pour un entretien dans la revue Agora, n°48, 2008.

Faire grève…

Liens-socio s’arrête :

[T]outes et tous doivent être conscients aussi que Liens Socio ne manquerait pas d’être mécaniquement une des premières victimes des réformes en cours, et en particulier de la réforme du statut des enseignants-chercheurs : Liens Socio est réalisé actuellement de façon entièrement et strictement bénévole par ses rédacteurs et ses contributeurs. Cela n’a, en soi, rien de choquant, si l’on considère, comme le stipule d’ailleurs le statut des enseignants-chercheurs, que cette activité s’inscrit pleinement dans les missions des enseignants-chercheurs, puisqu’ils ont « également pour mission (…) la valorisation » des résultats de la recherche. Mais quand le projet en vient à définir le service des enseignants-chercheurs, il le partage également entre enseignement et recherche. Point. Oubliées, non comptées, les heures consacrées à ces activités de valorisation, les innombrables heures consacrées, depuis 7 ans, à fabriquer Liens Socio, à valider et publier les nouvelles, à répondre aux nombreux courriers, à solliciter les auteurs, à envoyer les ouvrages, à publier les comptes-rendus.

Oubliées, non comptées, et fatalement, non évaluées… La conséquence est immédiate : nous est signifié ainsi que le temps et les compétences investies dans Liens Socio ne font pas partie intégrante de notre métier. Dès lors, au moment de fixer le volume de nos charges d’enseignement, il ne sera pas tenu compte dans l’évaluation de notre activité par nos établissements, du temps passé à « faire » Liens Socio. Si comme on peut le craindre, il en résultait une augmentation de nos charges d’enseignement, Liens Socio disparaîtra…

Toutes proportions gardées, coulmont.com est peut-être dans le même cas.

Dernières nouvelles :
Axel Kahn le président de Paris 5, et l’un des ex-soutiens du décret, déclare :

“Aujourd’hui l’affaire est emmanchée de telle sorte qu’elle n’aboutira pas,” a-t-il poursuivi.
“Puisque le président de la République a fait l’honneur d’accorder quelque poids à mon avis, il s’est réclamé de moi, qu’il m’écoute : M. le président de la République, vous n’arriverez pas à faire passer ce décret aujourd’hui et par conséquent il faut reprendre le dialogue, voir comment on évalue le métier des enseignants chercheurs, comment on valorise toutes leurs activités.”

Les “doyens” des départements de droit se sont réunis :

la conférence des doyens de droit se réunissait aujourd’hui à Lyon. Après un débat serré, le président de la conférence Paul-Henri Antonmattéi a été mis très largement en minorité. Sous l’impulsion notamment du doyen Gaudemet, la conférence a nettement pris position en faveur de la “ligne la plus dure” d’opposition à la réforme du statut appelant à mettre en cause la loi LRU et son application.

Les Académiciens se rebellent :

L’Académie des sciences souhaite faire état de la vive émotion soulevée parmi ses membres par l’appréciation portée récemment sur l’état de la recherche scientifique dans notre pays

Des présidents d’université entrent en lutte :

Les réformes actuelles risquant d’affecter gravement le service public d’enseignement supérieur et de recherche ainsi que les conditions de travail de ceux qui l’animent, les universitaires doivent aujourd’hui se saisir des questions qui regardent l’avenir de l’institution universitaire. Cette conférence sera l’occasion de débattre et s’exprimer sur l’ensemble de ces réformes (gouvernance, réforme du décret de 1984, masterisation, répartition des moyens, démantèlement des grands organismes, suppressions de postes, etc.) qui poussent légitimement toute la communauté universitaire à manifester aujourd’hui sa désapprobation quant à la manière dont elles sont conduites et quant aux objectifs qu’elles poursuivent. Ce sera également l’occasion d’engager une réflexion collective sur un projet alternatif pour l’université de demain.

Et la présidente de Nanterre, lit-on dans le même article, écrit directement à la ministre : « Madame la Ministre, je vous en prie, écoutez la rumeur qui enfle chaque jour en provenance des horizons de pensée les plus divers..
Ailleurs, des choses à lire :
un point de vue de Dimitri Houtcieff, le site de SLRU-EHESS, où se trouve une intervention de Marcel Gauchet (pas vraiment à gauche, mais qui parle ici de “vandalisme stupide” de Pécresse et de ses “sbires”).
Il faut aussi lire et relire l’analyse d’Olivier Beaud, qui sera à l’université P9 (“Dauphine”) lundi.
Et enfin, un dernier lien : http://universitesenlutte.wordpress.com/.

Indices

Mon premier livre a été tiré à 2000 exemplaires, et a été vendu, pour l’instant, à 410 exemplaires. Il est présent dans 27 bibliothèques universitaires. C’est donc loin d’être un best-seller, et je n’ai touché, directement et matériellement, que 300 euros. Mais “symboliquement”, il est probable que le retour sur investissement soit plus rentable.
La vie de l’ouvrage continue : des stocks existent, et de nombreuses manières de l’acheter existent. Directement chez l’éditeur, ou sur les sites de vente par internet, ou dans votre librairie de quartier (il suffit de le commander). Il est probable qu’une trentaine s’en vendront chaque année, pendant encore quelques années.

En suivant le “rang” que le livre occupe sur amazon, il est possible de repérer les ventes (chaque “pointe” correspond à la vente d’un livre sur amazon) depuis sa sortie :

ventes sur amazon

J’ai été surpris de l’absence apparente de corrélation entre couverture médiatique et ventes. Seule une chronique sur Canal +, dans une émission de la mi-journée, a déclenché une succession visible d’achats sur amazon, dans les heures qui ont suivi. Mais à la réflexion, il semble quand même que (sur amazon) le livre se soit aussi autant vendu les six premiers mois que les douze suivants… ce qui donne une prime à la nouveauté.
Au moment de la sortie du livre, j’avais fait la même chose.

La chemise cagoule

Lu récemment sur sexactu de Maïa Mazaurette, un billet intitulé “La chemise à trou”, sur une chemise de nuit trouée (à l’emplacement du sexe) utilisée pour des relations sexuelles avec contact minimal.
Je me souvenais avoir vu en photo ce genre de chemise de nuit, parfois appelée “chemise cagoule”. On en trouve une reproduction dans l’ouvrage de Hans-Peter Duerr, Nudité et Pudeur : le mythe du processus de civilisation, Paris, ed. de la MSH, 1998, qui est reproduit en partie sur google books (Nudité et pudeur).
chemisecagoule-duerr-p163Je ne sais pas de quelle collection est extraite cette photo, et cette chemise, très probablement de l’ancien Musée des Arts et Traditions Populaires (à vérifier).
L’on remarque, à l’emplacement de la fente, le mot d’ordre, brodé, “Dieu le veut”.
Comme dans le blog auquel sexactu fait référence, cette chemise a souvent été comprise comme une manifestation physique du carcan conservateur qui enserrait le corps (et la sexualité) des femmes. De l’existence de l’objet, et de discours parfois religieux, il en a été déduit que l’objet n’avait qu’un seul sens. Il est fort rare de pouvoir disposer de connaissances sur les pratiques effectives des personnes qui possédaient de telles chemises.
Par simple esprit de contradiction, et parce que d’autres sous-vêtements troués existent, voici une page de publicité parue dans le magazine éphémère et érotique, Flair, en 1969, et qui propose des culottes fendues. Comme le souligne la publicité, les illustrations sont extraites d’un livre intitulé Fétichisme et amour publié lui aussi vers 1968-1969.

frivolites-flair1969
lien vers l’image entière

Les objets accompagnent constamment les gestes de l’amour. Certains accompagnements sont constants (je pense au lit, ou aux coussins). D’autres sont plus rares, chemises à trou aussi bien que culottes à trou. Et ces objets sont rarement disponibles sans un discours d’accompagnement, qui précise ce en quoi consiste une “bonne” sexualité, qu’elle soit basée sur les commandements divins ou sur une injonction à la libéralisation ou à l’esthétisation du fantasme.

Autonomie ?

Le gouvernement essaie de vendre comme “autonomie” ce qui s’apparente à une mise sous contrôle de l’Université conjugué à un abandon des universitaires.
Ainsi apprend-on récemment plusieurs choses :

  • Qu’une fille d’un conseiller du président Sarkozy va obtenir, de manière dérogatoire, un poste de maîtresse de conférence à Paris 4 malgré les protestations de l’UFR concerné.
  • Qu’un conseiller du président se voit parachuté professeur au conservatoire national des arts et métiers…
  • Et l’on se souvient, récemment, de la nomination faite au mépris des règles de l’évaluation scientifique, d’un certain Michel M*** à l’Institut Universitaire de France.
    Ce ne sont que trois petits exemples… mais peut-on vraiment parler d'”autonomie” ?

    Ouvertures, fermetures : la vie des magasins sexy

    Autour de la Saint-Valentin s’ouvre une poignée de magasins qui se consacrent à la vente de lingerie et de gadgets. On en repère l’ouverture à Lille, dans l’Ariège, dans l’Aude… Ce sont à chaque fois des petites surfaces, des petites boutiques de centre ville. La multiplication des articles fait penser à un marché en croissance… mais c’est probablement un effet d’optique.

    Dans l’Ariège, à Lavelanet, d’après la Dépêche du Midi, un coin coquin fait revivre une triste rue du centre ville :

    Triste la rue de Verdun (ex-rue des Marchands), avec sa majorité de rideaux tirés, magasins fermés ? Pas sûr, pas vraiment, car des commerces, il en reste encore quelques-uns et ils valent le détour, tant par l’accueil qui est réservé que par la qualité des services et produits proposés.
    (…)
    Après avoir descendu quelques marches, en sous-sol, le coin coquin. « Je ne suis pas sex-toy ni poupée gonflable, je suis pour le coquin, on peut avoir tout pour s’amuser sans passer à l’extrême, se faire des mises en scène, des scénarios en tenues rêvées ou fantasmées, érotiques, sensuelles, ça met du piment. »

    A Lille, dans le quartier du Vieux-Lille, a ouvert une boutique “dédiée aux plaisirs féminins, “Pink”. L’article de Nord Eclair précise :

    Pour lancer son entreprise, la jeune femme a bénéficié de plusieurs dispositifs. Tout d’abord elle a été épaulée par la Mission locale de Villeneuve d’Ascq et la Boutique de gestion d’espace (BGE) l’a aidée à monter son dossier. Elle a également proposé son projet devant le Clap (Comité local d’aide aux projets) et le jury lui a accordé une aide financière de 2 500 E. Elle a pu bénéficier d’un prêt au taux zéro grâce à Initiative-clé. Des aides précieuses pour financer les nombreux travaux pour sa boutique.

    On trouve aussi d’autres informations sur le site de la Mission locale. Les boutiques proposant lingerie et jouets pour adultes ne rencontrent donc pas toujours l’opposition des administrations. Et c’est peut-être quelque chose de nouveau, même si les aides financières semblent plus difficiles à obtenir pour des magasins plus “classiques” :
    carol-ive-lehavre3A l’ouest, au Havre, c’est une boutique plus traditionnelle qui a ouvert récemment, et là encore sans opposition virulente de la mairie (voir l’extrait ci-contre). Les propriétaires du magasin “Carol’Ive” ont néanmoins dû changer en partie le nom de leur boutique, de “sex-shop” en “lover-shop”. Comme les magasins précédents, ils ont eu droit à un article dans la presse locale, célébrant leur ouverture. Mais aucune mention de subvention n’est mentionnée.
    carol-ive-lehavre carol-ive-lehavre2

    Pour un autre article, sur l’ouverture d’un magasin de Dieppe, “Eros boutique”, suivez ce lien.

    Si l’on arrive à repérer l’ouverture de plusieurs magasins autour de la Saint-Valentin, c’est que, pour certains journalistes : Le phénomène des cadeaux coquins est (…) bien sensible à l’occasion de cette fête des amoureux écrit Le Bien Public :

    « Deux semaines avant le 14 février, les premiers clients viennent pour acheter des cadeaux pour la Saint-Valentin, remarque Elisabeth Guillaume-Reisser, gérante du magasin Erotika à Dijon. La plupart ont un budget entre 10 et 50 euros. Nous avons aussi des commandes spéciales de jeunes adultes qui veulent être sûrs d’avoir le produit désiré à temps. » Vendeuse spécialisée dans le domaine depuis 30 ans, elle explique aussi que certains clients de passage s’y prennent au dernier moment, « soit la veille ou l’avant veille ». Une tendance soutenue à Planet Dream, où Nathaly note que « l’affluence augmente jusqu’au jour de la Saint-Valentin inclus. Cette année, les gens n’hésitent pas à dépenser ».

    Les éventuelles réticences des “riverains” (et des commerçants déjà sur la place) à l’ouverture de magasins sexy sont souvent passées sous silence. Dans un article de La Dépêche du Midi, sur un magasin nommé « La Tentation des anges » à Carcassonne, on trouve quand-même trace d’un petit énervement :

    Ce qui est sûr, c’est que cette boutique, à peine ouverte, attise les curiosités et n’est pas du goût de tout le monde. La communauté catholique, par exemple, s’émeut de son appellation et de l’usage du mot « anges ». Il est même question d’une pétition… Pourtant Stéphane Cogan a voulu faire quelque chose de sucré, et rien de piquant. En outre, il répond à un manque. On parle souvent d’absence d’équipements sportifs, piscine, patinoire ou club-house. Eh bien pour le sport en chambre, c’est une affaire réglée !
    source : l’éroti-coquin a pignon sur rue

    [Mise à jour du 17 février 2009 : un article du Midi Libre sur la boutique Tentations des Anges compare cette dernière avec le sex-shops “classique” de Carcassonne.]
    Dans le même ordre de protestations, un correspondant attentif attire mon attention vers un blog du magazine Le Pèlerin, dans lequel un thérapeute catholique se plaint : la radio NRJ offre des canards vibrants à des mineures pour la Saint-Valentin.

    NRJ mobile offre un sex toy aux mineures
    (…)ces “plus produits” sont vendus pour la saint Valentin, la fête des couples et des amoureux normalement synonyme d’un bon et heureux moment partagé ensemble. Avec son calendrier et son sex toy, NRJ Mobile renvoie chacun vers des “plaisirs” tristement solitaires. Elle est glauque la saint Valentin avec NRJ Mobile !

    Si les ouvertures de magasins sont souvent annoncées dans la presse locale, les fermetures le sont beaucoup moins. Or déménagements, mutations, envie d’ouvrir un nouveau commerce… conduisent nombre de ces petites boutiques à fermer. Une correspondante (du Sud de la France) m’annonce par exemple récemment :

    « Aujourd’hui, je vends non seulement un bail commercial, mais aussi un stock et le plus important : une clientèle! »

    L’évaluation, c’est la qualité, et des bureaux aussi

    Sur la liste de diffusion publique de l’Association des sociologues enseignants du supérieur (ASES) on peut lire les lignes suivantes, au sujet du mouvement de protestation universitaire et des conséquences de l’évaluationite :

    il me semble que l’ASES ne devrait pas être absente de ce débat. En effet, d’après les classements de l’AERES, écrire un livre maintenant ça ne compte plus. Pour preuve, une jeune collègue de mon labo, qui a publié un livre chez Odile Jacob, a été considérée comme non publiante. Fort de cette évaluation, le président de l’Université a essayé de lui retirer son bureau! Les luttes, encore isolées, des collègues sociologues contre la vision de l’évaluation qui tend à s’imposer méritent vraiment d’être soutenues. Donc qui s’y colle?
    source

    Voilà une conséquence infortunée du travail de l’AERES (l’agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur) et du classement des revues en “A”, “B” et “C” : dans cette université à courte vue, qui n’est ni Paris 8, ni Paris 10, les chercheurs jugés “non publiants” se voient privés de bureaux. Ecrire des livres, ça ne rend plus “publiant”. Avoir un article accepté dans “Annales Histoire Sciences sociales” si on est sociologue ou économiste, c’est être “non publiant”. Et comment “améliorer la recherche”, dans l’esprit même de la direction de cette université ? En piquant les bureaux des chercheurs…

    J’ai eu l’occasion de vérifier (par croisement des sources) l’information ci-dessus… mais je n’en connais pas d’autres. Il serait bon que les informations remontent et ne restent pas confinées aux discussions de vive voix.

    Mise à jour. Je lis tardivement sur evaluation.hypothseses.org un texte de Sophie Roux : « un certain nombre de mesures convergent actuellement dans le même sens, à savoir déposséder les savants non seulement du fruit de leur travail, mais aussi des conditions matérielles qui leur permettront d’exercer décemment leur travail »

    De la circulation des prénoms

    L’étude de “la mode dans les noms de baptême” a intéressé divers érudits (et curieux) au cours du XIXe siècle et au début du XXe siècle. On trouve une discussion intermittente et de plusieurs années dans L’intermédiaire des chercheurs et des curieux, entre 1901 et 1908. Dans ce trimensuel composé de questions et de réponses envoyées par courrier, tout commence le 30 octobre 1901 :

    Ne serait-il pas intéressant de dresser ici la statistique des prénoms usités aux siècles derniers et de nos jours, en notant ceux qui étaient d’un usage plus fréquent aux diverses époques ?

    … demande un certain Coton.
    Mais assez rapidement, la discussion s’oriente vers certains prénoms qui apparaissent, aux lecteurs de l’époque, étranges et de mauvais goût. Des rumeurs circulent. Une féministe, Hubertine Auclert, aurait appelé son fil “Lucifer”… Elle se voit obligé de répondre :

    Madame Hubertine Auclert nous demande l’insertion de la lettre suivante :

    Paris, 2 décembre 1901.
    Monsieur le Directeur

    Je lis avec stupéfaction dans l’article sous ce titre : La mode dans les noms de baptême, signé Duclos des Erables et publié par l’Intermédiaire des Chercheurs et Curieux du 30 novembre :
    Que je me suis vu refuser la permission de donner à mon fils des prénoms burlesques et ridicules.
    Or, non seulement je n’ai pas de fils, mais je n’ai même jamais eu d’enfants…
    Je vous prie, monsieur le directeur, de bien vouloir faire rectifier l’erreur de votre rédacteur ; car vous comprendrez que ce n’est pas parce que je réclame lesdroits politiques pour mon sexe, que je puis me laisser attribuer les opinions et les actes ridicules de toutes les femmes ; et que si les anti-féministes trouvent habile de me calomnier, je dois, dans l’intérêt de la cause que je m’efforce de servir, rectifier leurs fausses allégations.
    Veuillez agréer, monsieur le Directeur, l’assurance de ma considération la plus distinguée.
    Hubertine Auclert.

    Après de longs échanges de lettres sur les orthographes de Clothilde et Clovis, un rappel à l’ordre :

    De trop savantes dissertations nous écartent de l’objet principal de la question. Ce qui serait intéressant à montrer ; c’est la cause qui a fait adopter, (…) de nos jours, généralement tels noms plutôt que tels autres. Pourquoi Jean est-il si aristocratiquement porté quand il était, hier, laissé au paysan ou à l’ouvrier ? Pourquoi, la mode est-elle, en ce moment, aux Madeleine et aux Germaine qui menacent de détrôner le succès de Marie et de Louise. Il y a là une influence. D’où vient-elle? On a vu le nom d’Alphonse, si bien porte jadis, subitement subir une éclipse après la pièce de Dumas fils.
    C’est de ce côté qu’utilement nous pourrions orienter cette enquête. Elle comporte une statistique des noms de baptême les plus répandus pour une époque, et la recherche de l’abandon de certains noms ou de leur vogue.
    Y.
    L’intermédiaire des chercheurs et des curieux, vol.49, 1904, col.596-597

    En 1907 encore (tome 56), le sujet revient :

    Dans une lettre datée du 17 fructidor an VI, Bernardin de Saint-Pierre s’exprime ainsi :
    Je ne saurais aller dans les promenades que je n’entende de tous côtés : « Ne courez pas. Virginie ! Allons un peu plus vite, Virginie! Attends, attends, Virginie ! » Il me semble que la génération future, du moins pour les filles, sera ma famille. Les Paul ne sont pas, si communs.
    Ton ami,
    De Saint-Pierre.

    Voilà donc l’origine de la popularité de ce nom, qui a fait couler bien des pleurs!

    On en revient donc à l’influence supposée de la littérature sur les pratiques de nomination. Mais quand un auteur, lui-même, s’interroge, la réflexion devient circulaire, et le cercle, vicieux. Alexandre Dumas fils écrit ainsi ces lignes suivantes, au sujet de sa pièce “Monsieur Alphonse” :

    Pourquoi les noms de Joseph, de Jean, de Victor, d’Antoine, de François évoquent-ils plus l’image d’un domestique que les noms de Guy, de Raoul, de Marc et de Gontran ? Nous demandons son nom à un paysan, il nous répond Jean, Thomas, Nicaise. Ce nom paraît tout simple. Supposez qu’il nous réponde Valère, Agénor, Gaston ou Raphaël : nous voilà étonné et comme frappé d’une dissonance et d’une aberration.
    Alexandre Dumas, fils, Théâtre complet, vol. 8, p.365, Paris, Calmann-Lévy, 1898, disponible sur Gallica

    Parfois même, ô vice encerclé, l’auteur du roman se place comme narrateur — à moins que ce ne soit l’inverse. Victor Hugo, dans Les Misérables (tome 1, Livre 4, fin du chp.2) écrit ainsi :

    la Thénardier ne fut plus qu’une grosse méchante femme ayant savouré des romans bêtes. Or on ne lit pas impunément des niaiseries. Il en résulta que sa fille aînée se nomma Eponine. Quant à la cadette, la pauvre petite faillit se nommer Gulnare; elle dut à je ne sais quelle heureuse diversion faite par un roman de Ducray-Duminil, de ne s’appeler qu’Azelma.

    Au reste, pour le dire en passant, tout n’est pas ridicule et superficiel dans cette curieuse époque à laquelle nous faisons ici allusion, et qu’on pourrait appeler l’anarchie des noms de baptême. À côté de l’élément romanesque, que nous venons d’indiquer, il y a le symptôme social. Il n’est pas rare aujourd’hui que le garçon bouvier se nomme Arthur, Alfred ou Alphonse, et que le vicomte—s’il y a encore des vicomtes—se nomme Thomas, Pierre ou Jacques. Ce déplacement qui met le nom «élégant» sur le plébéien et le nom campagnard sur l’aristocrate n’est autre chose qu’un remous d’égalité. L’irrésistible pénétration du souffle nouveau est là comme en tout. Sous cette discordance apparente, il y a une chose grande et profonde: la révolution française.

    La Révolution et un “remous d’égalité” viendrait donc mettre des prénoms plébéiens sur l’aristocrate.

    N’ayons pas peur de l’anachronisme ni de décourager les lecteurs et jetons-nous un siècle après Dumas fils, près de deux siècles après l’époque des Misérables afin de repérer certains des usages pratiques des prénoms littéraires.
    Sur un forum internet, en 2007, la jeune mère de Arwën (f) et Eowyn (m) écrit : Besoin d’aide prénom Seigneur des Anneaux

    Alors bon, moi j’étais sure que mon zom voulais Galadriel, mais finalement ça le botte pas trop.

    J’ai fait ma petite recherche (que sur le pavé S des A, on vas chercher sur le Simarillion quand notre amie nous l’aura rendue), et ça donne :

    Déorwine
    Elbereth
    Fréawine
    Fria
    Galadriel
    Eléowine
    Goldwine
    Winfola
    Woses
    Celeborn

    Autant vous dire que à part Galadriel (que j’adore) je vois pas du tout, rien ne nous plaît.
    (…)
    Donc là y a Estel qui nous plaît (sachant qu’Arwën devais s’appeler Estel mais on a craquer sur Arwën entre temps !), ou Lobélia qui reste plus dans l’originalité que l’on recherche… Mais c’est le nom d’une femme de Hobbit, ce qui plaît moins à zom.

    Notes : j’ai trouvé certaines des références (mais pas celle du hobbit) dans Baudelle, Yves, « Les connotations sociales des prénoms dans l’univers romanesque », Roman, histoire, société, U. Lille 3, 2006.

    Les usages sociaux des prénoms

    baronnestaffeNous autres sociologues connaissons mieux les prénoms tels qu’ils sont objectivés par l’état civil que les prénoms tels qu’ils sont utilisés quotidiennement.
    Pour me faire une idée du paysage normatif, je collectionne, pour le moment, ce que les manuels de bonnes manières, les guides des bons usages et les recueils du bon ton proposent.
    La Baronne Staffe, à la fin du XIXe siècle, décrit finement les différents usages possibles des prénoms ; si finement que cela semble parfois constituer une véritable obsession :

    Un homme, qui n’est pas son parent, ne doit pas désigner une femme par son prénom, hors de sa présence ni en sa présence, à moins d’une très grande intimité. Encore fait-il bien d’employer le moins possible et même de ne pas employer du tout ce prénom, lorsqu’ils se trouvent tous deux avec des étrangers ou des gens qui ne les connaissent pas beaucoup. On tourne la difficulté en ne se donnant pas son nom. La femme agit de même à l’égard de l’homme.
    source : Baronne Staffe [Blanche Soyer] Usages du monde, Paris, 1891, p.132, Librairie V. Havard.
    permalien gallica

    Le cas des “domestiques étrangers” mérite lui aussi une précision importante :

    On n’a pas du tout le droit de donner leur prénom tout court aux domestiques étrangers, c’est-à-dire à ceux qui ne font pas partie de nos gens.
    On dit très bien Mademoiselle Colette à la femme de chambre d’une personne de connaissance; mais, alors, si cette personne n’est pas mariée, on se garde de lui donner son prénom; en parlant d’elle à sa femme de chambre, à ses domestiques, on ne la désignera pas mademoiselle Louise, mais on lui donnera son nom de famille : mademoiselle Durand
    source : Baronne Staffe [Blanche Soyer], Usages du monde, Paris, 1891, p.215, Librairie V. Havard.
    permalien gallica

    On trouve, un peu plus tôt dans le siècle, d’autres précisions. De Champgar (prénom inconnu) nous donne quelques indications sur les usages mondains, dans la famille :

    Toutefois un homme bien élevé ne tutoiera jamais sa cousine, et il ne l’appellera par son prénom tout court que s’il existe une assez grande intimité entre eux; encore vis-à-vis des étrangers cette façon de parler est-elle peu convenable.
    source : Champgar, Du ton et des manières actuels dans le monde, Hivert, Paris, 1854 (6e ed.), p.27-28
    lien GoogleBooks

    Ces propositions normatives étaient-elles suivies ? Etaient-elles mêmes partagées (ou n’existaient-elles que dans l’esprit de leurs promoteurs) ?
    Au delà, un autre problème se pose. Les manuels de bonnes manières proposant des usages normatifs du prénom semblent peu nombreux. Or c’est dans la série que des tendances émergent. Pour étayer la thèse qui voudrait que le prénom a, au cours des derniers siècles, pris une importance qu’il n’avait pas, j’en suis pour l’instant réduit à une mauvaise comparaison avec Le nouveau savoir-vivre, convenances et bonnes manières de Berthe Bernage et Geneviève de Corbie (Paris, Gautier-Languereau, 1974), qui écrivent, page 143 :

    On emploie de moins en moins d’appellation « bébé ». Tout petit, l’enfant est appelé et désigné par son prénom qu’il apprend ainsi à connaître et c’est beaucoup mieux.

    Cours public, devant l’ENA

    Parmi les actions menées pendant le mouvement actuel de protestation universitaire, certaines des plus visibles sont sans doute les cours publics, dans l’espace public.
    Hier, plusieurs collègues du département de sociologie de l’université Paris 8 étaient devant une annexe de l’ENA à Paris. Pas pour lire La Princesse de Clèves, mais pour une exposition des inégalités sociales dans l’enseignement supérieur :
    ena-greveLa journaliste Véronique Soule, de Libération en rend compte, avec photo, sur son blog :

    Là, c’est du lourd, un vrai cours de socio, très politique, en prise avec le mouvement, dispensé par un enseignant de Paris 8. Le titre: “Les inégalités sociales dans l’enseignement supérieur”, le sous-titre: “Une leçon pour Pécresse”. On va même nous distribuer trois feuilles avec des tableaux statistiques du ministère de l’Education nationale pour suivre. (…)
    Charles Soulié, maître de conférences en sociologie à Paris 8 Vincennes-Saint Denis, explique d’abord pourquoi on est devant l’Ena: “c’est devenu un des hauts lieux de la reproduction sociale, de la noblesse d’Etat, qui va rejoindre ensuite les état-majors politiques de droite comme du PS, devenir des promoteurs zélés des réformes néolibérales. Parmi les anciens de l’Ena, une certaine Valérie Pécresse. On peut dire que l’Ena est une anthithèse de Vincennes qui accueille des étudiants salariés à plein temps, des enfants d’immigrés, un public coloré”…

    A lire ailleurs : Mme de Pecqueresse et M. de Sarquise : « La magnificence et l’économie n’ont jamais paru en France avec tant d’éclat que dans les dernières années du règne de Nicolas premier. »

    Notre belle université

    Vous souvenez-vous des photographies des conditions de travail à l’université Paris 8… (Rappel 1 et aussi Rappel 2).
    Voici une université du sud de la France (Notre belle université (diaporama PPS))

    img_7764
    sympa2
    100_4494

    Vous trouverez toutes les photos sur picassa, et aussi un joli powerpoint PPS Notre belle université (diaporama PPS).

    Ceci donne une idée des raisons de la colère actuelle des enseignants, chercheurs, étudiants et personnels administratifs de l’Université française. Travailler dans de telles conditions, répandues dans toute la France, n’est plus possible.

    Ailleurs : Aixtal – technologie du langage, poolp, concours photo à Toulouse.