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Les billets de October, 2009 (ordre chronologique)

Les hommes des cavernes étaient cartographes

On trouve dans un article de Catherine Delano Smith, “The Emergence of ‘Maps’ in European Rock Art: A Prehistoric Preoccupation with Place” (Imago Mundi, Vol. 34. (1982), pp. 9-25) le dessin suivant, identifié comme une carte préhistorique (datant de l’âge du bronze) :
prehistoricmap
A lire rapidement l’article, il me semble que c’est la répétition des mêmes éléments (rectangles remplis de points, petits cercles pointés, lignes de connections entre éléments) qui ont guidé l’interprétation de ce dessin comme étant une carte. Mais que représentent-ils ? Simple passage à l’image d’objets réels (le champ de Ügur le chef du village et de Srrööö la sorcière ?), signes représentant des points saillants du paysage environnant (ou lointain), ou véritables symboles (Here lies dragon) ?
A-t-il fallu un minimum d’organisation “étatique” ou “gouvernementale” pour dresser cette carte — presque un cadastre ?
C’était un petit hommage à StrangeMaps et, en avance des Vases Communicants de vendredi, un clin d’oeil à Scriptopolis.

Note : à l’âge du bronze, mes ancêtres n’étaient déjà plus tous cavernicoles, je sais…

Pour la généalogie sauvage

Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : chaque premier vendredi du mois, un auteur écrit sur le blog d’un autre et vice-versa, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement…
 

Aujourd’hui sur coulmont.com : Philippe Artières, de Scriptopolis.

genealogiesauvage
Il paraît qu’il n’y a jamais eu autant de généalogistes ; il est vrai que les salles de consultation des archives municipales et départementales sont pleines de ses chercheurs d’ancêtres. Certains trouvent qu’ils parlent très fort et sentent le vieux… qu’y en a marre des généalogistes qui nous empêchent de bosser. Ils ont bien tort car ceux-là abattent un sacré travail et exercent un droit inscrit dans la loi des archives : chacun peut aller aux archives ; c’est un service public.

Reste qu’ils parlent fort et que ça c’est intolérable, cette méconnaissance des codes… aux Archives on chuchote, on parle bas comme au confessionnal. Moi, aime bien ces vieux messieurs appareillés, ils n’ont pas honte de demander quand ils ne savent pas ; ils n’hésitent pas non plus à vous adresser la parole — j’avoue qu’à force ça agace mais bon une fois de temps en temps c’est charmant et puis ça change, ça évite le « Et sur quoi vous travaillez en ce moment ? » du collègue.

Moi, ce qui me gène vraiment avec ces troupes de chercheurs d’ancêtres, c’est leur sérieux à dessiner une ligne qui viendrait du passé, c’est cette obsession à se trouver des racines ; avec ça j’ai du mal … Le pire est sans doute lorsqu’à l’occasion d’une réunion de famille (leur colloque à eux), les plus avancés présentent un poster vous montrant que bien sûr déjà sous Louis IV « vous » aviez des terres. Ils ne manquent pas ensuite d’une part de vous envoyer le résultat de leur noble recherche et surtout d’afficher au beau milieu de la salle à manger de la maison de famille un arbre généalogique qui vient recouvrir le délicieux papier peint fleuri. Oh le bel arbre ! fier et solide sur lequel on ne voit aucune feuille morte, aucun raté (Il n’est guère de généalogistes qui vont fouiller dans les dossiers médicaux des hôpitaux psychiatriques ou dans les dossiers judiciaires).

Pour lutter contre ces pratiques généalogiques, pour en finir avec la racine comme symbole de civilisation, je propose que nous développions la généalogie sauvage : vous croisez un anonyme du passé qui vous plaît, adoptez-le et inscrivez-le dans votre arbre, faites-en la biographie ; ne cherchez plus sa trace dans le grenier de la maison familiale mais sur les brocantes, dans les cartons des vide-greniers. Emparez-vous du passé à la manière de l‘écrivain G. Sebald. Faisons de nos familles des lieux imaginaires ! Ecrivons des généalogies sauvages à partir des archives des autres, brouillons les cartes !
 

Philippe Artières.

Jeux d’échelles : circulations évangéliques

Parlons un peu de circulation régionale, de circulation internationale et de religion.
Il y a quelques jours, je proposais cette carte de la répartition des églises évangéliques “noires”, ou “d’expression africaine” en région parisienne, en me basant sur une collection d’affiches :
eglisesnoires1
Cette carte incite implicitement à une lecture “locale” : les lieux de culte sont situés dans les communes les plus pauvres de la région parisienne [pour être plus précis dans les communes où sont sur-représentés les ménages pauvres]. Et comme le soulignait en commentaire F. Dejean une autre lecture “locale” est possible, en associant cette carte à celle de la répartition des immigrés d’Afrique sub-saharienne.
L’on pourrait ainsi comprendre ces églises comme ancrées sur un espace communal. Mais le processus même de recueil des données incite à une autre interprétation. Toutes les affiches dont je dispose (presque 80) ont été photographiées à Château Rouge, un quartier commerçant de Paris proche de Barbès fréquenté par les diasporas africaines, qui sert ici de “plaque tournante” ou de “redistributeur” : c’est en allant faire ses courses à Château Rouge que l’on peut rencontrer l’église dans laquelle on ira le vendredi soir ou le dimanche suivants.
oursinlocalL’on pourrait donc représenter les adresses des lieux de culte comme des directions plutôt que comme des points. Si l’on considère que Château-Rouge est l’origine, alors il est possible de dresser cette carte étoilée, “en oursin” [au centre, Château Rouge, et à chaque extrémité, un lieu de culte]. Inversement, cette carte montre l’attraction régionale (ou le rayonnement) de ce quartier parisien.
Quel est l’intérêt d’une telle carte ? Elle donne peut-être un peu mieux l’idée du mouvement ou des déplacements que les fidèles peuvent faire.
exempleaffiche
Elle entre aussi en résonnance avec la carte des invitations de pasteurs. La carte suivante est une ébauche de représentation spatiale des voyages des pasteurs mentionnés sur les affiches d’églises africaines.
Car l’on trouve souvent, sur ces affiches, mention d’un “pasteur invité” accompagné de son pays de résidence (parfois aussi de la ville). Au centre de l’étoile l’on trouve la région parisienne (les lieux de culte mentionnés sur les affiches), et au bout des rayons, les villes de résidence de ces pasteurs.
pasteurs invitations

Avec ces cartes, je souhaite rendre visible la multiplicité des échelles utilisables pour décrire ces églises. J’ai précédemment cartographié la répartition des églises en Île de France : c’est principalement en Seine-Saint-Denis qu’elles sont localisées.
Ici l’on voit qu’à cet espace s’est “accroché” une dimension transnationale, qu’au “local” s’est accroché le “global” mais que ces deux dimensions sont “lues” simultanément sur ces affiches. Je multiplie ici à dessein les guillemets : je n’ai pas encore de vocabulaire précis à ma disposition qui me plaise suffisamment. Le passage obligé par l’objectivation statistique m’aide donc à asseoir l’usage de termes comme “global” sur les possibilités offertes par la cartographie.
Continuons.
L’espace dessiné par les invitations de pasteurs étrangers révèle plusieurs choses :
1- Un espace africain : l’afrique sub-saharienne uniquement. Peut-être parce que certaines églises sont des boutures européennes de créations congolaises (par exemple). Peut-être parce que d’autres, inscrites dans des liens préalables à l’immigration, continuent à entretenir la référence à l’Afrique.
2- Un espace européen : Londres, Berlin, Bruxelles sont les pointes d’un polygone qui inclut la Seine-Saint-Denis en tant qu'”espace européen” ou “espace TGV”. Est-il alors suffisant de décrire ces églises comme “noires” ou “africaines” ou même “d’expression africaine” ? Même en acceptant, et l’hypothèse est très restrictive, que les fidèles sont des locaux, à l’échelle régionale, il semble que les pasteurs (sous cette dénomination ou une autre, apôtre, prophète…) dessine un espace clérical à une autre échelle : ils circulent entre pays.
3- Un espace américain : Canada, Bahamas, Etats-Unis et même au Sud. L’Amérique, c’est à la fois des sessions de formation, des stages bibliques, auxquels ont pu participer certains pasteurs, mais c’est aussi le lieu mythique de la réussite, réussite évangélique et réussite sociale.

Note sur la méthode : J’ai utilisé R pour tracer les cartes, puis un logiciel de dessin vectoriel. Pour dessiner des cartes en oursin, il m’a semblé “simple” de faire ainsi :
Mes données ont cette structure. Les données, ici, s’appellent “oursinlocal”

Adresse		lon		lat
briand 		2.448342	48.868919
ChatRouge 	2.351933	48.887745
arago 		2.325025	48.904659
ChatRouge	2.351933	48.887745

Je répète, une fois sur deux, la longitude latitude de Château-Rouge ce qui permet de tracer des lignes.
J’ai téléchargé un fichier shapeline (.shp) de la France sur le site de l’IGN (qui s’appelle GEOFLA ou un truc de ce genre). Il faut aussi les packages “maptools” et “sp” pour R
franceshp<-read.shape("geofla/LIMITE_DEPARTEMENT.shp", dbf.data = TRUE, verbose=TRUE, repair=FALSE)
plot(franceshp,xlim=c(2,2.6),ylim=c(48.6,49))
lines(oursinlocal$lon,oursinlocal$lat,col="red")

J’en profite pour signaler que je n’ai pas compris comment passer d’une projection à une autre… Ce qui donne, au départ, des cartes un peu “écrasées” par rapports aux projections habituelles de la France. Mais si j’utilise le fichier GEOFLA en projection “lambert”, je n’arrive plus à placer mes églises…
Pour la carte “mondiale”, il existe, dans le package “maps”, des données sur les principales villes du monde, world.cities. La partie complexe consiste à lier ces données, world.cities, à la liste des villes relevées sur les affiches.

Mise à jour
franceshp< -readShapeSpatial("Desktop/geofla/LIMITE_DEPARTEMENT.shp",proj4string=CRS("+proj=longlat")) fonctionne parfaitement (avec R 2.11.1)

Retour sur… le wiki auditions en Philosophie

Au début de l’année 2009, j’ai reçu le mail d’une personne souhaitant quelques conseils pour créer, sur le modèle du “wiki auditions” en sociologie, un wiki de suivi du recrutement en philosophie. Ce wiki semble avoir été un succès. Voici un “retour” sur cette expérience :

Voici à ta demande et pour l’information des candidat-e-s quelques réflexions suscitées par le wiki auditions en section 17 (Philosophie), que j’ai monté l’an dernier.

Lors de précédentes campagnes, j’avais comme de nombreux collègues eu l’occasion de déplorer la trop grande opacité, depuis la perspective des candidat-e-s, des travaux des commissions (pour plusieurs postes, nous ne disposions toujours pas des résultats de l’élection dix jours après la commission et je ne suis pas totalement hors des circuits où cette information peut circuler…). Il est pénible de ne pas être auditionné-e, il l’est encore plus de ne pas avoir exactement quand on est “hors-jeu”. Dans de très nombreux cas, la composition des commissions était extraordinairement difficile à obtenir, y compris dans des situations où l’on était soi-même auditionné-e par ladite commission. Ce n’était pas acceptable (je souscris à la plupart des remarques de Kalai Elpides, et ai pu partager des expériences tout à fait semblables).

Suivant l’exemple des wiki auditions des autres sections — et en particulier le tien, que j’avais eu l’occasion de suivre — j’ai mis en place un wiki sur une plateforme ouverte (pbwiki, mais il y en a d’autres) qui devait recueillir (1) les profils de poste, (2) les compositions des CS, (3) les dates de réunions et d’audition, (4) la liste des auditionné-e-s, (5) le résultat.

(1) s’obtient maintenant facilement avec Galaxie, avec toute une palette dans la richesse des détails. À peu près dans les temps. Mais pour certains postes, nous avons pu avoir des attendus plus détaillés, ou des pvs de réunion décidant de la formulation du profil.

(2) devrait, selon les textes, être rendue publique avant les travaux du comité, c’est-à-dire en tout état de cause avant l’examen et la répartition des dossiers. Cela n’a pas toujours été le cas l’an dernier, et certains CS n’ont été affichés sur les sites des universités que très tard, mais globalement, nous avons pu avoir toutes les compositions de tous les CS, ce qui est très précieux, ce qui fait en outre bien apparaître certaines dynamiques lorsqu’une équipe est très représentée aussi bien dans les membres internes que dans les membres externes (dans un cas extrême, une seule équipe était majoritaire dans la commission, car tous les membres externes sauf un en étaient membres, et le non-membre en question était absent des deux réunions). Il y a une marge de progrès pour que cette information apparaisse systématiquement, elle est au fond aussi importante que l’université dans laquelle enseigne un-e membre du comité … et souvent plus.

Pour (3), (4) et (5), les institutions ne communiquent pas, mais alors pas du tout, et une bonne surprise du wiki a été son appropriation par les utilisateurs et utilisatrices (il a été très visité, avec plusieurs milliers d’affichages de la page d’accueil, je n’ai pas l’information pour les “visiteurs uniques”). Je m’attendais à devoir faire moi-même, pour cette première édition, l’essentiel de la chasse aux informations. Dans les faits, je n’ai pas eu à solliciter directement des membres de CS, et une très grosse moitié a été renseignée par des usagers et usagères qui se sont approprié-e-s le wiki. Dans un ou deux cas, la vitesse avec laquelle cela a été rempli me donne à penser que des membres de CS eux-mêmes (elles-mêmes) ont renseigné des profils. Dans un certain nombre de cas que les lecteurs et lectrices de ce blog pourront facilement identifier sur le wiki philosophie, il reste que nous ne savons toujours pas qui a été auditionné-e, voire le résultat (dont le poste à “super-moustache”). Quand j’ai demandé des renseignements moi-même auprès des services du personnel, je l’ai fait en nom propre ou à partir de l’adresse générique du wiki.

Sur l’expérience elle-même : cela prend du temps, et c’est un paramètre qu’il ne faut pas négliger. Je ne suis pas sûr-e de pouvoir m’en occuper cette année, mais je céderai volontiers les clés à quelqu’un-e d’autre, et d’ailleurs, c’est un wiki, il suffit de se créer un profil pour pouvoir l’éditer ! J’ai eu par deux fois de la “modération” à faire, et dans un cas, une tentative probable d’intox; je l’ai fait dans ce cas de manière transparente, en indiquant sur le wiki que j’avais édité un élément d’information et la raison pour laquelle je l’avais fait.

Plusieurs recommandations:

— La plus importante. Pour les résultats de l’examen des dossiers, c’est-à-dire la liste des auditionné-e-s, je suggère aux comités la chose suivante, qui ne coûterait rien ou presque: le soir de l’audition, plutôt que d’appeler ou de joindre uniquement les heureux élus, il faudrait à mon sens envoyer la liste des auditionné-e-s par mail collectif à tou-te-s les candidat-e-s. On ferait ainsi d’une pierre deux coups (on informe en même temps les auditionné-e-s et les “recalé-e-s”), avec un temps limité (même quand il y a 100 candidat-e-s, entrer toutes les adresses mail, cela ne prend pas plus d’une heure), et c’est bien le moins que l’on puisse faire: cette information a vocation à être publique et c’est une courtoisie minimale à l’égard de celles et ceux qui ont pris le soin d’envoyer un dossier. Ou: plus court encore, on poste la liste des auditionné-e-s sur le site du département qui recrute.

Protéger son anonymat. Il est à mon sens dangereux d’apparaître en nom propre tant que l’on n’est pas titulaire quelque part. Il n’est pas absurde d’ouvrir une deuxième adresse mail/pseudo pour poster sur le wiki ou pour demander des infos aux universités. Aucun risque du côté des inscriptions sur le wiki, mais protégez-vous pour tout ce qui apparaît en clair. Cela peut paraître un peu paranoïaque, mais il ne faut pas oublier que les “recruteurs” et “recruteuses” ne sont que quelques dizaines, un peu plus pour les candidat-e-s, que tout se sait et surtout que toute information postée sur le web y reste à jamais ou presque.

— Il faut demander les rapports d’expertise de dossiers. J’ai fait une demande au président du comité, pour un des postes, et n’ai pas eu de réponse. Pour diverses raisons, qui tiennent au poste et à l’université en question, je n’ai pas insisté, mais c’est un motif d’annulation de l’élection. A ce que je sais, la procédure de collecte des rapports a été faite très sérieusement dans un certain nombre de grandes universités, précisément pour protéger le résultat des élections, il va peut-être devenir plus facile de les consulter (je ne suis pas sûr-e que l’on soit obligé-e de passer par le président du comité).

— Pour le ministère: trouver un meilleur outil que Galaxie. Les alertes pour les profils “au fil de l’eau” ne marchent pas toujours. Pour les usagers: il est prudent de s’inscrire à partir d’une autre adresse que celle que vous utilisez. L’an dernier, il était possible de se faire désinscrire à son insu par quelqu’un qui connaissait votre adresse mail car aucune confirmation de désinscription n’était demandée. Cela a pu changer, mais c’est à vérifier.

— Lorsque l’on est auditionné-e, merci aux comités de penser à renvoyer les dossiers et de ne pas s’en remettre à l’hypothèse que les services du personnel le feront spontanément.

Voilà. D’autres détails me reviendront peut-être par la suite…

Merci !
Au tour, maintenant, de Matthieu Hély d’écrire un “retour sur… le wiki auditions en sociologie”.

Quelques liens

  • Sur Paperolettes, Shakr, le Syrien kurde sans nationalité.
  • Chez Camille Peugny, Les privilèges de la naissance
  • Maïa tape sur les vieux :

    J’ai expliqué que les vieux qui refusent de partir à la retraite gardent les postes de pouvoir dont ils n’ont plus besoin, que la transmission du savoir en entreprise se faisait des jeunes vers les vieux et pas l’inverse (en management autant qu’en informatique), que nous demander de nous sacrifier pour les vieux était injuste vu qu’avec leur dette publique et leur mépris de l’écologie, on allait déjà payer bien assez cher leurs erreurs.

  • Chez Takuherz, ce qui arrive une fois le point final placé en fin de thèse.
  • Chez Laspic : Bac plus 7 et zéro euros par mois
  • Quand j’écris en alexandrins, tout le monde s’en fiche.
  • La Revue française de Sociologie fait un bilan annuel : l’activité de la rédaction…. Le but : “rendre le travail d’évaluation des articles plus clair pour les lecteurs”.
  • Qui va acheter cela ? “Raymond Boudon A Life in Sociology” Edited by Mohamed Cherkaoui and Peter Hamilton £525.00. Ca fait 563€… et c’est en quatre volumes ! Certains doivent sincèrement croire que rémonboudon est un grand sociologue… Quitte à choisir, je préfère quand même de loin Bou’ à Maff’
  • Michel Maffesoli n’a obtenu aucun prix Nobel… normal, il n’était pas dans le jury… (pas de prix Goncourt non plus, il n’est pas au jury et le gouvernement ne peut l’y nommer)… Mais en revanche, il s’est donné une belle promotion sonnante et trébuchante (en tant que juge et partie il se trouve génial).
  • Toujours en parlant de faillite. La bibliographie d’un collègue — dont je tairai le nom par charité — m’a beaucoup fait rire :

    L’exploitation familiale agricole: entre permanence et evolution

    La confrérie des «goustiers de l’andouille»: entre marketing et célébration

    Entre l’Europe communautaire et l’exploitation familiale, le rôle des médiations

    Le territoire: entre l’Europe et l’Etat-nation

    Les formes de constructions identitaires modernes: entre territoire et profession

    Il ne manque que “entre tradition et modernité” pour faire la totale !

Le prénom, la nation : l’affaire Amirouche

Trouvé aujourd’hui dans un vieux numéro du Journal Officiel de la République Française scanné et mis en ligne sur le site de l’Assemblée nationale… une intervention d’un député RPR, en 1980, Pierre Bas (photo reproduite ci-contre). Cet honorable membre de l’Académie des Sciences d’Outre Mer, député de Paris, maire d’arrondissement… s’était alors ému :

Etat civil (prénom).
25698. —11 février 1980. — M. Pierre Bas appelle l’ attention de M. le Premier ministre sur un article de La Voix du combattant qui donne l’information suivante. « Le Livre d’or pour une future maman » diffusé par les caisses françaises d’ allocations familiales, qui propose 5938 prénoms aux – familles, comporte notamment : « Amirouche, prénom kabyle illustré par un célèbre résistant algériens ». Je trouve parfaitement normal que dans un pays où, pour des raisons historiques, une partie de la population est de religion musulmane, tout en étant assez souvent française, ce prénom kabyle traditionnel soit proposé; mais ce qui n’est pas admissible c’est le masochisme des responsables de caisses françaises d’ allocations familiales qui, parmi plusieurs autres personnes ayant porté le nom d’Amirouche, vont choisir pour le proposer aux familles françaises celui d’un adversaire résolu de la France qui avait versé le sang de jeunes Français. Il lui demande s’il a l’intention de rappeler ces responsables à la décence.

La réponse est intéressante :

Réponse. — Il est précisé à l’ honorable parlementaire que « Le Livre d’or pour une future maman » est une publication trimestrielle dont un seul numéro, celui daté de juillet-septembre 1978, a été diffusé gracieusement par certaines caisses d’allocations familiales. Cette brochure comporte effectivement un volumineux dictionnaire de 5 968 prénoms masculins et féminins dans lequel sont cités, à titre d’exemple, divers personnages historiques dont Amirouche, sans que soit attribuée, pour cela, une valeur particulière à ces illustrations. Par ailleurs, ce document a été rédigé sous l’ entière responsabilité de son éditeur et de ses auteurs, les caisses d’allocations familiales ayant tenu à faire mentionner, dès la première page, que « cet ouvrage n’ engage pas la responsabilité des établissements ou des organismes qui ont accepté de le diffuser gracieusement ». Il appartient, par conséquent, à l’ honorable parlementaire, dans la mesure où il souhaite obtenir des éclaircissements à ce sujet, de s’ adresser directement au directeur de cette publication.

Vous pensez que Pierre Bas s’est tu après cela. Que nenni, notre défenseur de la pureté revient à la charge :

33221. —7 juillet 1980. —M. Pierre Bas expose à M. le ministre
de la santé et de la sécurité sociale qu’il a lu avec le plus grand intérêt la réponse, parue au Journal officiel du 9 juin 1980, à sa question 25698 du 11 février 1980. De quoi s’agissait-il ? « Un livre d’or pour une future maman », diffusé par les caisses d’allocations familiales françaises, donnait 5 968 prénoms à choisir aux familles parmi lesquelles notamment celui de : « Amirouche, prénom kabyle illustré par un célèbre résistant algérien ». Les milieux d’anciens combattants, spécialement ceux de la guerre d’ Algérie, se sont émus à juste titre de cette provocation, et l’ attitude des caisses d’ allocations familiales avait été jugée masochiste, c’ est le moins que l’ on puisse dire. Le ministre expose que, certes, les caisses ont bien distribué la brochure mais qu’elles ont pris soin de faire mentionner, dès la première page, que cet ouvrage n’ engage pas la responsabilité des établissements ou des organismes qui avaient accepté de le diffuser gracieusement.
De qui se moque-t-on? Ces caisses, en acceptant de diffuser par leurs services un texte choquant pour la France, engageaient leur propre responsabilité. Elles n’ont pas à s’abriter derrière une précaution imprimée à telle ou telle page du document distribué, elles sont responsables du scandale. Et c’ est pourquoi il lui demande de ne pas couvrir la faute commise mais, au contraire, de donner des instructions pour que le sang versé en Afrique du Nord, pour des raisons que l’histoire jugera, mais en tout cas qui fut un sang français versé, ne soit pas ignoré dans les caisses d’allocations familiales en magnifiant les adversaires. II appartient aux adversaires de glorifier leurs héros, ils ne s’en font pas faute, ils sont parfaitement dans leur droit. Il n’ appartient pas à la France de glorifier les hommes qui ont fait tuer certains de ses enfants, et le ministre de la santé et de la sécurité sociale n’ a pas à couvrir une telle action qui sera jugée assurément sévèrement et qui l’est déjà.

Réponse. — Le ministre de la santé et de la sécurité sociale confirme qu’ un seul numéro de la revue Le Livre d’or pour une future maman, celui daté de juillet-septembre 1978, a été diffusé, de manière limitée, par certaines caisses d’ allocations familiales. Depuis lors, aucune parution de ce document n’est intervenue. Toutefois, l’ attention des gestionnaires des caisses d’allocations familiales a été appelée sur le contenu de cet opuscule ainsi que sur les critiques qu’il a pu susciter de la part de l’honorable parlementaire.

Je ne commenterai pas plus.

source (PDF) et source (PDF).

Utiliser zotero (1)

J’ai commencé à utiliser zotero pour gérer les bibliographies de mes écrits. Le processus d’installation est assez “simple” : il faut installer un plugin pour firefox et un autre pour word (même s’il est recommandé d’avoir installé auparavant les dernières versions). Ensuite on rentre les informations bibliographiques dans une fenêtre firefox et il est possible, avec word, de générer automatiquement des bibliographies… utilisant des styles prédéfinis. Si l’article écrit est refusé par une revue qui demande ceci :

Coulmont, Baptiste. 2005. “The Geography of Civil Unions in Vermont.” Journal of Lesbian Studies 9:183-193.

il suffit d’appuyer sur un bouton pour avoir une bibliographie sous cette forme :

[1] B. Coulmont, “The Geography of Civil Unions in Vermont,” Journal of Lesbian Studies, vol. 9, 2005, pp. 183-193.

C’est en soit une économie de temps : plus besoin de vérifier si le point-virgule est bien à la place du point et autre choses tordues.

Mais l’avantage principal que je trouve à zotero, c’est la possibilité de “synchroniser” ses données bibliographiques. Si je suis chez moi et que j’ajoute un soir, avant de dormir, une entrée (par exemple les références d’un livre que je suis en train de lire), elle apparaîtra automatiquement dans ma base bibliographique au bureau le lendemain. Plus besoin de faire des copies de fichiers bibliographiques !

J’ai donc un “profil” sur zotero.org : ici, mais je n’ai pas encore donné accès à ma “bibliothèque” de références. J’aimerai le faire pour une partie seulement de la base (la partie “socio des religions”, mais c’est, pour l’instant “tout ou rien”…)

Il existe depuis peu un blog francophone zotero sur hypotheses.org (qui peut reproduire ce billet).

Retour sur… le wiki auditions en sociologie (et démographie)

Après deux ans sur coulmont.com/auditions/ le “wiki auditions” est maintenant géré par l’ASES, et plus particulièrement par Matthieu Hély, à cette adresse : http://matthieu.hely.perso.neuf.fr/spip.php?article11. Voici quelques mots écrits suite à cette expérience :

Il se dégage plusieurs éléments positifs de l’expérience du wiki audition mise en place sur la session de recrutement du printemps 2009 :

1. Un succès pour une première : 40 000 connexions sur la page. La plupart des établissements ont joué le jeu (sauf l’IUFM de Strasbourg).

2. Un outil indispensable dans un contexte de dilution des informations lié à l’autonomie imposée des universités et à la disparation de tout cadre national. Le wiki permet ainsi de :

– Stigmatiser les pratiques où « tout est joué d’avance ». Pratiques qui, au vu de cette première session où les comités ont remplacé les commissions de spécialistes, apparaissent renforcées par les dispositions de la loi LRU qui restreignent la taille des comités et instaurent des règles de quorum pour les extérieurs qui facilitent les décisions en petit groupe. En effet, selon la circulaire relative aux comités de sélection (C.S) du 9 janvier 2009, le CS siège valablement si la moitié des membres composant le comité sont présents et si la moitié des membres sont des extérieurs. Autrement dit, un CS où seule la moitié des membres extérieurs seraient présents, siège donc valablement.

– De plus, la publication des postes « au fil de l’eau » sans obligation de se conformer au calendrier « d’usage » et sans obligation de publier le poste au journal officiel, a engendré une dispersion néfaste de l’information.

3. Le wiki permet également pour les jeunes docteurs ou doctorants en fin de thèse de se familiariser avec les critères de recrutement académique.

4. Un outil pour introduire un débat nécessaire sur les pratiques de recrutement. Quel enseignant-chercheur peut se satisfaire des procédures actuelles où un candidat est auditionné un quart d’heure devant des collègues qui n’ont souvent pas eu le temps d’étudier de façon approfondie son dossier ? En comparaison des collègues étrangers qui consacrent une journée à chaque candidat afin de tester ses compétences pédagogiques in situ et d’échanger autour de ses projets de recherche, les pratiques de notre monde universitaire apparaissent bien rudimentaires et ne rendent pas justice à la qualité croissante des dossiers de candidature. Il n’est en effet pas rare que les candidats auditionnés disposent de compétences et d’expérience d’enquêtes plus élevés que celles des membres qui procèdent à leur audition.

Ici et là, le wiki audition a néanmoins soulevé quelques critiques. La moins fondée me semble celle qui consiste à invoquer l’effet de la diffusion publique des informations sur les pratiques de classement par les comités. Comme les classements sont rendus publics, certains candidats pourraient pâtir en étant rétrogradés du fait de leur meilleur classement sur d’autres postes. Or, cet argument n’est pas recevable pour au moins deux raisons : d’une part, cela suppose de faire « comme si » l’information ne circulait pas de façon informelle avant l’existence du wiki. D’autre part, il est souvent demandé au candidat s’il est classé dans d’autres établissements.

Une autre critique, plus pertinente me semble t’il, pointe le risque de certaines dérives dans l’usage de l’outil : une exacerbation de la concurrence, déjà très forte, en systématisant la référence aux pages personnelles des candidats. La création d’une page personnelle devient alors une compétence supplémentaire susceptible d’introduire une inégalité de traitement dans le processus recrutement. En effet, le wiki n’est pas consulté uniquement par les candidats mais également par les membres des comités !
Matthieu Hély