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Les billets de January, 2010 (ordre chronologique)

Dieu change…

Après avoir collectionné, sur plus d’un an et demi, une petite centaine d’affiches de prédicateurs noirs et commencé à analyser ce matériaux, le moment est venu de commencer à présenter ce travail. Le lieu dans lequel commence à se fixer certaines explications, c’est le séminaire de recherche : pour moi, ce sera celui de Martine Cohen et Sébastien Fath, Dieu change à Paris, le jeudi 18 février à partir de 14h.
J’aurai, là, l’occasion de répondre aux interrogations que mon analyse suscitera.

Petite liste

Au menu : Alternatifs, J-P Brard, moyennisation et mastérisation

Réseaux musicaux

Les outils de la sociologie des réseaux permettent bien de visualiser, entre autres, les pratiques de citations. On voit apparaître des acteurs centraux, des personnes très citées, des personnes citant beaucoup. J’ai essayé, rapidement, de voir si les citations dans “L’Enquête sur l’évolution littéraire” de Jules Huret (1891) permettait d’objectiver une partie du monde littéraire de l’époque… Mais j’ai travaillé trop rapidement [avec le logiciel R]. Cela ne donne rien de bien joli :

Même une sélection d’un sous-réseau, suivant certains critères, ne donne pas d’image suffisamment synthétique pour être immédiatement explicative.

Si, donc, un-e étudiant-e s’intéressant à la socio-histoire de la culture, au monde littéraire de la fin du XIXe siècle… voulait faire un mémoire de master… je l’accueillerai avec plaisir ! et l’encadrerai (sans grande compétence) avec joie.
Car la sociologie des réseaux appliquée aux disciplines inspirées donne des choses intéressantes :

Deux articles récents se penchent sur la place des réseaux dans la constitution d’un “monde social” ou d’une “scène musicale”.
Karim Hammou s’intéresse aux invitations dans les chansons de rap, le featuring, dans un article intitulé “Des raps en français au « rap français ». Une analyse structurale de l’émergence d’un monde social professionnel” (Histoire et mesure, 2009, vol.24, n°1).
L’article m’a intéressé pour trois raisons :
Je n’ai pas lu énormément de sociologie des réseaux, mais j’ai apprécié la multiplicité des illustrations : quoi qu’en disent certains des auteurs que j’ai lus, les sociogrammes sont très utiles pour la démonstration. Visualiser des acteurs centraux et d’autres plus marginaux se fait plus facilement avec un petit dessin, surtout quand ce qui importe n’est pas l’établissement de théorèmes d’analyse structurale, mais l’usage des outils de la sociologie des réseaux pour la compréhension des données.
featuring-hammou

J’ai aussi apprécié l’aspect diachronique : les liens ne sont pas pérennes et s’élaborent dans le temps. L’article de K. Hammou montre que les liens se font et se défont, que des acteurs qui apparaissent centraux à un moment (comme MCSolaar) prennent de la distance ensuite.
Et, dernier point apprécié aussi, l’étude porte sur le rap (et pas sur la musique classique, le jazz ou un autre style plus légitime).

Un autre article, écrit par un sociologue britannique, Nick Crossley, a pour titre “The man whose web expanded: Network dynamics in Manchester’s post/punk music scene 1976–1980” (Poetics, Volume 37, Issue 1, Pages 24-49). La problématique est très proche de celle de K. Hammou, mais il me semble que ses sources, ses données, son matériau empirique… est moins solide (Crossley s’appuie sur des sources secondaires, des sites de fans, des biographies…).
crossley-punk

It is widely acknowledged that the Manchester scene took off in the late 70s, and it is my contention that this ‘take off ’ consisted in the formation of a network between a ‘critical mass’ of key actors who, collectively, began to make things happen in the city.

Dans un article que je n’ai pas pu lire [Pretty connected: the social network of the early UK Punk Movement, Theory, Culture and Society 25 (6) (2008), pp. 89–116.] Crossley semble faire la même chose avec la scène punk londonienne.

Ligne 13…

Sans commentaire, tout est sur twitter :

Cabines de sex-shops et impôts

Un petit article paru dans la Voix du Nord a attiré mon attention : il parlait de masturbation payante et de nettoyage de cabines. Je me permets de le reproduire en grande partie.

La patronne de sex-shop, les impôts et la pompe à fric
samedi 16.01.2010, 05:05 – La Voix du Nord
(…)
Chacun connaît l’une des méthodes employées pour contrôler un restaurant. On compte le nombre de dosettes individuelles de sucre. Cela offre une idée de la masse de cafés consommés dans l’établissement et donc de repas servis. Et pour un sex-shop, quel mètre étalon ? (…)

Dans la ligne de mire de la direction des services fiscaux du Nord, une dame de 46 ans, patronne, entre autres, d’une société gérant un sex-shop à Rouen et un autre dans le centre de Lille… Le fisc s’interroge sur des déclarations allant du 1er décembre 2003 au 31 décembre 2005. Les contrôleurs finiront par faire preuve – comment dire ? – d’une certaine dextérité.

Preuve par l’essuie-tout

À Lille, la maison propose le confort de seize cabines et salon consacrés au visionnage de films X. Rouen ? Douze cabines et un salon… Rigoureux, les polyvalents se penchent… sur les chiffres présentés. Une comptabilité trop raide à leurs yeux. Selon les observations des agents du fisc, les cahiers présentés laissent figurer une fréquentation d’un client par jour et par cabine. Or, d’après des repérages – un testing ? – réalisés par les fonctionnaires, les lieux sont régulièrement pleins. « On fait même la queue », précise, presque sans sourire, un fin connaisseur du dossier. Qui, ici, jouera le rôle du sucre ? L’idée jaillira très vite. L’essuie-tout fourni au client, pardi ! Résultat : au regard des sommes présentées par la patronne, la consommation par client égale… neuf mètres de papier tendre.

Pour redresser la commerçante, défendue par Gérard Frézal, du barreau de Rouen, le fisc, représenté par l’avocat parisien Jean-Marie Bouquet, se placera, lui, sur une base de deux mètres par client et réclamera plus de 120 000 € d’arriérés. Deux mètres par client ? Les impôts ne sont pas les seuls experts en redressement… Décision le 29 janvier. •

LAKHDAR BELAÏD

L’autre quotidien du Nord, Nord-Eclair a quelques autres informations :

Quand le fisc s’intéresse au sexe, Publié le samedi 16 janvier 2010 à 06h00

Aurélia C., 47 ans, s’occupe, comme le dit le président Jean-Marc Défossez, d’un « commerce de détail d’articles spécialisés dans le sexe ». L’établissement, vaste et bien connu des juristes puisqu’il jouxte une célèbre salle de ventes aux enchères, est établi rue des Jardins à Lille.
Un autre établissement similaire est établi à Rouen et une succursale existait, au moment des faits, à Tourcoing. Mais elle a fermé : « Dans cette ville, un sex-shop, ça ne marche pas » souligne Aurélia C.

Curieuses recettes des cabines

Bref, la société « Carré Blanc », gérée par Aurélia C., son mari et son fils, se retrouve dans le collimateur de l’administration des impôts. Ce ne sont pas tellement les objets revendus qui posent problème mais plutôt une TVA trafiquée – c’est du moins la thèse de l’accusation – et les recettes curieuses des cabines où l’on peut visionner des films pornos.
À Lille, par exemple, il existe 12 cabines pour les spectateurs isolés et un salon où l’on peut regarder les films de façon plus conviviale avec une amie.
« L’administration, en divisant les recettes officielles par le nombre de jours ouvrables, a eu l’impression qu’on ne visionnait qu’un ou deux films par jour » résume le président Défossez. Comme le dit l’administration des impôts : « Le service a évalué les prestations d’après les quantités d’essuie-tout achetées et consommées ». Et là, la comptabilité des sex-shops de Lille et Rouen capote : 21 262 mètres d’essuie-tout ont été consommés en 2007, 28 350 en 2006, 21 262 en 2005.
Bref, même à raison de 2 m d’essuie-tout par visionnage de film, base très large retenue par l’administration, on arrive à des totaux de films visionnés et payés bien plus importants que le nombre officiel. « Le vérificateur des impôts estime à 18 mètres la longueur d’essuie-tout utilisée en moyenne chaque jour » souligne le président. « Il faut tout de même prendre en compte les besoins du personnel qui utilise aussi ces torchons en papier » objecte la prévenue.
Il n’empêche que la société est redressée singulièrement. La face cachée de la comptabilité est estimée à 67 000 euros et à 47 000 euros. Ce sont en tout cas les sommes exigées par Me Bouquet pour le fisc. Les magistrats ajoutent que, déjà en 2002, la même société a fait l’objet de récriminations similaires.
Le procureur Didier Cocquio n’y va pas de main morte en réclamant 10 mois de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende. Me Frézal, du barreau de Rouen, conteste les prétentions de l’administration. Prononcé du jugement dans quelques semaines.
DIDIER SPECQ

Les services des impôts ont donc mesuré la longueur totale des essuie-tout achetés par le sex-shop et estimé ensuite un nombre de clients annuels. Des sociologues verraient dans ces rouleaux de sopalin un “indicateur” — l’objectivation n’est pas leur monopole.
Une chose n’est pas précisée dans les articles nordistes : à quoi servent ces feuilles d’essuie-tout ? Les cabines, dans lesquelles sont diffusées des films pornographiques, sont des lieux de masturbation et doivent être nettoyées régulièrement. Comme le disait une employée de sex-shop interrogée par Irene Roca Ortiz, “les hommes des fois, ben, ils sont maladroits, et ils visent pas là où ils devraient viser“.

Mais ces cabines sont aussi des lieux honteux : personne ne protestera en ne recevant pas de ticket ou de reçu, ce qui permet assez facilement aux sex-shops de sous-estimer les recettes engendrées par ces dispositifs. Divers procès ont rappelé que la délivrance d’un ticket était obligatoire ou fortement souhaitée (voir aussi ce procès ou encore celui-ci)… et que, sans cette trace, il fallait pouvoir estimer le nombre de clients :

pour reconstituer le chiffre d’affaires et le montant du bénéfice réalisé par la société MARATHON à raison de son activité de projection de films à caractère pornographique, le vérificateur s’est fondé sur la consommation électrique de l’établissement ; qu’il a déduit la consommation électrique liée à l’éclairage, au chauffage et aux travaux réalisés dans les locaux ; que le montant des recettes a été obtenu en déterminant, en fonction de la consommation électrique horaire de chaque cabine et du prix moyen horaire d’une projection, le nombre total annuel de projections

source

Mais je n’avais jamais entendu parler de l’objectivation par l’essuie-tout.

Le deuxième prénom

Comme devoir de fin de semestre, les étudiantes qui suivent un de mes cours doivent réaliser un entretien enregistré, et retranscrit, portant sur le choix des prénoms. Je suis en train de corriger ces travaux et je suis attentif aux choix des deuxièmes prénoms.
Il y a peu d’études à leur sujet. Je ne connais que celle de Bernard Vernier dans Le visage et le nom, contribution à l’étude des systèmes de parenté (Paris, PUF, coll. « Ethnologies controverses », 1999 pp.112-113), dans laquelle il remarque que ces seconds prénoms mènent une “existence clandestine”.
On peut se rendre compte, individuellement, de la clandestinité de leur existence en cherchant à dresser l’arbre généalogique de sa famille. Si l’on connaît assez bien les deuxièmes, troisièmes, voire quatrièmes prénoms de ses frères et soeurs, de ses parents, on connaît plus difficilement ceux de ses cousins ou de ses grands-parents. Les deuxièmes prénoms ne “structurent pas la parenté”, mais ils peuvent servir d’indicateur d’un espace familial restreint, un peu plus large que la famille “nucléaire”, beaucoup moins large que l’ensemble des personnes avec qui l’on entretien un lien de parenté.
Ce qui intéressait Vernier, en bon anthropologue, c’était la transmission assez fréquente du prénom d’un membre de la famille comme deuxième prénom donné à un nouveau membre de la famille. Prénom d’un grand-père, prénom d’un parrain (qui serait aussi un oncle ou un cousin…) : ce qui, au XIXe siècle, aurait été donné comme premier prénom se retrouve derrière l’identité individuelle assurée par le premier prénom.
Mais à la lecture des entretiens, d’autres pratiques apparaissent, qui ne pouvaient intéresser Vernier. Ce dernier écrivait, en gros : “Anthropologues, abandonnez l’études du premier prénom aux sociologues, leur choix n’est géré que par la mode, le goût et des luttes de classes sociales. Etudiez plutôt les seconds prénoms, qui conservent, dans les sociétés individualistes, certaines des logiques de la parenté.”
Mais d’autres pratiques apparaissent à la lecture des entretiens. Le deuxième prénom se retrouve comme dépositaire de “la liste” dressée par les parents pour trouver un prénom. Ce deuxième prénom c’est celui qu’on aimait un peu moins, disent certains enquêtés. Ou alors il est le dépositaire du choix d’un frère ou d’un cousin : un aîné a choisi un prénom, mais, comme le collier de nouilles fabriqué en maternelle, il est un peu caché et n’est porté qu’à certaines occasions.
Certains parents donnent à leurs enfants une série de prénoms alors que personne, dans leur famille, n’en avait donné aux générations précédentes. C’est ce que choisissent, parfois, les enfants d’immigrés du Maghreb pour leurs propres enfants. Pas seulement pour combiner un prénom vu comme non discriminant (prononçable en français et “pour le CV”) et un prénom arabe. C’est parfois pour donner en seconde position un prénom apprécié par une grand-mère ou un grand-père. Sans pouvoir creuser, il me semble que c’est aussi lié à une nationalisation récente des prénoms (comme le montre l’exemple marocain ci-dessous) :

L’état-civil marocain est lié — dans quelle mesure ? — à un prénom marocain, mais l’existence de nombreux MRE (“marocain-e-s résidant à l’étranger”) peut poser problème. Deux prénoms peuvent, peut-être, réduire ces problèmes : un prénom marocain pour le Maroc et ses exigences nationales, un prénom francophone pour la France et ses discriminations…

Tout ça reste à creuser…

Quelques interviews

[Attention, publicité éhontée] Parler de mes travaux me fait plaisir, et c’est sans doute pour cela qu’on peut me trouver sur SecondSexe.com ou sur les sites d’étudiants en journalisme de Toulouse (actutoulouse.fr) ou de Marseille. J’accepte en général les demandes d’interview des étudiants (je n’ai eu qu’une mauvaise expérience, avec des étudiants d’une école parisienne, qui n’ont pas rempli leur part du contrat, m’envoyer le reportage vidéo qu’ils avaient fait).

J’accepte aussi ce qui peut être considéré comme extérieur à la “valorisation”. Pour la deuxième fois en trois ans, j’ai été interviewé pour une émission de la chaine TPS-Star, “En attendant minuit”, diffusée en fin de soirée avant le film pour adultes.

Les deux fois, j’ai été agréablement surpris par les journalistes venant filmer (1 et 2). Ma vanité est toutefois ici blessée par les reflets sur mes lunettes et par certains effets de mise en scène.

J’ai aussi été filmé pour une émission de la chaine Direct 8, Business : l’interview s’est passée dans un magasin “pour adultes” du centre de Paris. Je ne sais pas encore ce que les journalistes ont gardé de mes paroles.

Un petit panonceau indiquait, sur la porte d’entrée, qu’il était recommandé de ne pas photographier l’intérieur du magasin. Mais comme j’étais filmé, j’en ai profité pour prendre quelques photos et un petit film (voir plus bas). Autant poursuivre l’amusement jusqu’au bout et filmer ceux qui me filment.

Une petite vidéo sans le son :
[flashvideo file=”https://coulmont.com/ouordpress/wp-content/uploads/2009/12/direct8-business.flv” width=500 height=270 /]

Recensement 2010

J’ai été recensé hier.

J’ai été surpris par la concision du questionnaire, à peine deux pages.

Petite joie : « à recommander vivement »

Le manuel n’est pas le genre le plus légitime, et, de fait, l’on trouve peu de compte-rendus de celui que j’ai écrit avec Céline Béraud. Je suis donc très heureux de voir que Brice Gilardi, sur Liens-socio l’a apprécié et le recommande :

En résumé, ce livre dense de 193 pages permet à la fois d’ « expliquer et de comprendre », sur le fond comme sur la forme, la sociologie française d’aujourd’hui, car il nous immerge dans sa genèse, en mêlant astucieusement structure institutionnelle et conceptuelle. Il est à recommander vivement à tous les étudiants, et aux autres, qui souhaitent mieux se familiariser avec la tradition sociologique française, et qui verront en ce texte un complément fort utile aux manuels déjà existants.
lire le reste du compte-rendu

Par ailleurs, un doctorant japonais avait écrit, au sujet du même manuel :

は、フランスを中心とした社会学史の概説です。バランスがよく、読みやすい本です。今のフランスで社会学がどういうものとして考えられているかを知るには、最適な一冊ではないかと思います。
source

ce qui est vraiment gentil
En attendant la traduction en arabe (prévue chez un éditeur libanais), et pour en savoir plus : j’ai créé une page consacrée à Les courants contemporains de la sociologie.

Citation

Un collègue attirait récemment mon attention sur un roman policier, Paris blues de Maurice Attia. L’action se passe dans les années 70, et plus particulièrement au département de cinéma de l’université de Vincennes. Ce collègue a été surpris — autant que moi — de voir figurer l’un de mes livres dans la bibliographie [1] :

Notes :
[1] Oui, c’est un roman policier avec bibliographie. Et non, je ne donne pas le nom du coupable dans Sex-shops…