Une étude intéressante, rédigée par Yves Gingras et Sébastien Mosbah-Natanson, La question de la traduction en sciences sociales [PDF]
s’intéresse aux effets de la publication en anglais de la revue française de sociologie et de la revue Population.
A partir d’une méthode bibliométrique, les auteurs étudient « l’effet en termes de citations de cette stratégie linguistique dans les années qui suivent sa mise en œuvre, comparant ainsi un « avant » et un « après » de la visibilité de la revue »
Un premier résultat de l’étude est contre-intuitif : « les sociologues et les démographes français s’insèrent largement dans le champ scientifique international en publiant directement en anglais, en particulier depuis les années 1990. […] [Cependant] La stratégie linguistique mise de l’avant par Population et la Revue française de sociologie repose, entre autres, sur l’idée selon laquelle la démographie et la sociologie françaises, c’est-à-dire les sociologues et démographes français, seraient mal connues à l’étranger, idée pour le moins discutable ».
Quand l’étude se penche sur la revue Population, les choses deviennent intéressantes. En publiant tous les numéros en français et en anglais (il y a deux éditions), « l’objectif [était] de donner à la revue une meilleure position dans le champ international des revues de démographie.» Mais ce « n’est pas nécessairement compatible avec celui de faire connaître à l’étranger les travaux français, à moins de faire augmenter le nombre d’articles par numéros ou d’accroître le nombre de numéros publiés par année » car ce qui s’est passé, c’est une diminution du nombre d’articles publiés par des chercheurs “français” (repérés par leur adresse professionnelle).
Sur la Revue française de sociologie, les auteurs concluent sur :
les limites de l’effet-traduction pour la Revue
française de sociologie, limites qui ne renvoient pas seulement à un problème de diffusion et donc de visibilité de la revue dans son édition anglaise mais aussi, plus largement, aux pratiques de citation à la revue dans les sciences sociales de langue anglaise, pratiques qui, à leur tour, renvoient aux intérêts de connaissance qui animent les chercheurs anglo-saxons ou non francophones qui citent la revue.
Un collègue à qui j’ai forwardé cette étude me répondait ces lignes (et ne pouvant dire mieux ou même aussi bien, je recopie) :
Ce qui prouve, une fois de plus, qu’il faut faire un double effort de traduction pour publier en anglais: au dela de la langue, il faut s’inscrire dans un espace de discussion aux enjeux et formes épistémologiques propres (cf. notre absence d’interet pour 90% des articles de socio US).