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Publier en anglais

Billet publié le 17/03/2010

Une étude intéressante, rédigée par Yves Gingras et Sébastien Mosbah-Natanson, La question de la traduction en sciences sociales [PDF]
s’intéresse aux effets de la publication en anglais de la revue française de sociologie et de la revue Population.
A partir d’une méthode bibliométrique, les auteurs étudient « l’effet en termes de citations de cette stratégie linguistique dans les années qui suivent sa mise en œuvre, comparant ainsi un « avant » et un « après » de la visibilité de la revue »
Un premier résultat de l’étude est contre-intuitif : « les sociologues et les démographes français s’insèrent largement dans le champ scientifique international en publiant directement en anglais, en particulier depuis les années 1990. […] [Cependant] La stratégie linguistique mise de l’avant par Population et la Revue française de sociologie repose, entre autres, sur l’idée selon laquelle la démographie et la sociologie françaises, c’est-à-dire les sociologues et démographes français, seraient mal connues à l’étranger, idée pour le moins discutable ».

Quand l’étude se penche sur la revue Population, les choses deviennent intéressantes. En publiant tous les numéros en français et en anglais (il y a deux éditions), « l’objectif [était] de donner à la revue une meilleure position dans le champ international des revues de démographie.» Mais ce « n’est pas nécessairement compatible avec celui de faire connaître à l’étranger les travaux français, à moins de faire augmenter le nombre d’articles par numéros ou d’accroître le nombre de numéros publiés par année » car ce qui s’est passé, c’est une diminution du nombre d’articles publiés par des chercheurs “français” (repérés par leur adresse professionnelle).

Sur la Revue française de sociologie, les auteurs concluent sur :

les limites de l’effet-traduction pour la Revue
française de sociologie
, limites qui ne renvoient pas seulement à un problème de diffusion et donc de visibilité de la revue dans son édition anglaise mais aussi, plus largement, aux pratiques de citation à la revue dans les sciences sociales de langue anglaise, pratiques qui, à leur tour, renvoient aux intérêts de connaissance qui animent les chercheurs anglo-saxons ou non francophones qui citent la revue.

Un collègue à qui j’ai forwardé cette étude me répondait ces lignes (et ne pouvant dire mieux ou même aussi bien, je recopie) :

Ce qui prouve, une fois de plus, qu’il faut faire un double effort de traduction pour publier en anglais: au dela de la langue, il faut s’inscrire dans un espace de discussion aux enjeux et formes épistémologiques propres (cf. notre absence d’interet pour 90% des articles de socio US).

10 commentaires

Un commentaire par cs (17/03/2010 à 23:42)

n’oublions pas que vu d’ailleurs, le champ de la sociologie française tend aussi à être “un espace de discussion aux enjeux et formes épistémologiques propres”…

Un commentaire par Fr. (18/03/2010 à 3:53)

Notre collègue a raison, mais 90%, c’est sous-estimé, on doit être plus proche de 97% vu la masse critique de publications en anglais (à noter que même à l’intérieur d’un espace de discussion scientifique, 75% des textes n’attirent de toute manière aucun commentaire).

Un commentaire par DM (18/03/2010 à 8:25)

Pouvez-vous préciser pour un non-sociologue cette question de la différence entre la sociologie française et la sociologie américaine ? On m’a dit qu’en Amérique du Nord on faisait plus du « quantitatif », de l’analyse de réseaux, etc., sujets peu représentés en France, est-ce le cas ?

Un commentaire par Baptiste Coulmont (18/03/2010 à 9:42)

>CS : bien sûr !
>FR. : je dirai même 99,99% !
>DM : il n’y a pas de différence d’essence, mais une structuration par espaces nationaux. Les canadiens discutent avec des Canadiens, les Irlandais avec les Irlandais, et les Français avec des Français… Les questions qui semblent pertinentes sont attachées fortement à l’endroit où les gens vivent.

Un commentaire par Gilles Pradeau (18/03/2010 à 20:03)

Un commentaire par DM (23/03/2010 à 20:30)

@Baptiste: Une petite observation –

Il y a en France des équipes de géologues, de géophysiciens, qui travaillent sur des phénomènes que l’on ne trouve pas en France — par exemple la plupart des types de volcans et de tremblements de terre.

Si on appliquait le même raisonnement, les Japonais devraient seuls étudier les tremblement de terre au Japon, les Chiliens les tremblements de terre au Chili, et qui pour s’occuper d’Haïti?

Un commentaire par Régis (01/04/2010 à 23:14)

Petite et modeste expérience de pblicateur; dans les revues anglaises on écrit en anglias, das les revues françaises on se casse le cul à rédiger dans un français châtié. (et non en belge, p ex…)
Les articlles en anglais parussant dans des revues francophones sont en général des travaux de ème choix refusés par les revues internationales et q’un journal français, avec componction, inserre sans traduction comme une rareté. Ne nous y trompons pas.
Travaillons à plaacer nos travaux dans des reves internatigonales et oeuvrons pour qe les revues françaises fassent monter leur IF (c’est simple….)

Un commentaire par Baptiste Coulmont (02/04/2010 à 8:45)

> Régis : beaucoup de coquilles dans ce commentaire…

Un commentaire par étienne (08/04/2010 à 2:55)

@BC et DM. Il y a d’autres facteurs, évidemment, que les latitudes sous lesquels vivent les chercheurs. La sociologie US, comme sa comparse française, est le produit d’un espace de production particulier, avec une histoire, un chemin épistémologique, des institutions, des types d’enseignements, des modes d’écriture, etc. différents (ce qui explique que la socio US classique est quelque peu déconcertante au sociologue français en premier abord).
Pour les préciser, il faudrait des pages, et pour les expliquer encore plus. Si ca vous intéresse, il existe des ouvrages sur le sujet. Par ex., Calhoun (dir), Sociology in America, a History, The University of Chicago Press, 2008.

Un commentaire par Baptiste Coulmont (08/04/2010 à 9:19)

>Etienne : Sur le livre de Calhoun il existe un compte-rendu dans le dernier numéro de la revue française de sociologie.