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Les billets de April, 2010 (ordre chronologique)

Les 100 mots de la sociologie

Un « Que Sais-Je ? », Les 100 mots de la sociologie a été écrit en accompagnement à la création de la revue Sociologie. L’année dernière (et jusqu’à récemment cette année) une partie des comités de rédaction étaient consacrés aux « 100 mots ».
Le résultat est un travail collectif dans lequel se donne à voir la diversité du comité.
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D’autres informations sur le site des PUF.
Rappel : N’oubliez pas le colloque Le sociologue dans la Cité, la semaine prochaine.

Autogérée

Cela faisait quelques semaines que je n’avais pas proposé des photos de l’université Paris 8. En voici donc quelques unes.

Commençons par ma salle de cours du vendredi matin (la C224). La fenêtre cassée n’a pas été réparée (malgré le signalement fait en février, il y a plus de deux mois). Mais il y a eu un travail de peinture… qui s’est arrêté à 1m70 du sol. Etrange… Je pense que c’est une manière de montrer que “on a travaillé alors arrêtez de vous plaindre” tout en soulignant, de manière “passive-agressive”, l’existence pérenne des graffitis (qui, eux, ne s’arrêtent pas à 1m70 du sol).
Mais comme me l’a dit l’un des responsables de l’entretien (ou des travaux, je ne sais plus) : “au moins, vous avez une salle, pourquoi vous vous plaignez”. Il est vrai que, par tradition, les salles doivent être gagnées par les enseignants-chercheurs, comme l’écrit un collègue de l’université de Toronto ayant enseigné à P8 :

[…] on my very first day of class. Faculty and students crowded closely around the department secretary, who shouted out the classrooms we had been assigned as they were communicated to her by the central administration via the telephone she gripped tightly to her ear.
Twenty minutes after my course was to have begun, but still without a room, I was collared by an imposing man – my first meeting with the then department chair, Michel Cordillot, a former lyce´e principal and historian of labour and utopian socialist movements. With a twinkle in his eye and a voice filled with conviction, he explained that in such cases it was our duty to protest the administration’s failure to manage its space better by cancelling class. So it was that my first act as a teacher at Paris-8 was to write out a formal letter to the university president to this effect and go home. It would be three weeks before a classroom could be found and I could begin teaching.
source : Paul Cohen « Happy Birthday Vincennes! The University of Paris-8 Turns Forty » History Workshop Journal Issue 69 doi:10.1093/hwj/dbp034

Mais ce qui m’a surpris en arrivant ce matin, c’est la présence d’une cantine autogérée dans les locaux d’une cafétéria (fermée depuis deux ou trois ans), et n’appartenant pas à l’université, déclare, rapidement, le président :

A la communauté universitaire,
Les locaux actuellement occupés par des étudiants au niveau de l’entrée principale du campus universitaire appartiennent à la société SA IACU (Société Anonyme Immobilière pour l’Aménagement des Campus Universitaires) en vertu d’une convention datant de 1998. L’université n’a en conséquence aucune compétence sur ces locaux. Le propriétaire est seul en mesure de garantir le respect de l’affectation desdits locaux, conformément à l’affectation prévue par ladite convention.
Bien cordialement
Le président

Cette cantine a vu le jour à la suite de quelques assemblées générales étudiantes. Il paraît — je n’ai pas enquêté — que ce seraient “des étudiants de SUD” qui en seraient responsables (même si, comme dans toute bonne autogestion, il n’y a pas de responsables).

Autogérée ?
Cela signifie que personne n’a de place attitrée ni de spécialité, qu’il n’y a pas de chef-fe, que les tâches tournent et que les décisions sont prises collectivement. Pour y parvenir, nous essayons de visibiliser tous les aspects de l’organisation pour assurer leur transmission, aussi de mutualiser nos savoirs (cuisiner, écrire des tracts, etc), et menons une réflexion collective et politique sur nos pratiques.
Nous voulons casser les automatismes marchands, sortir de la relation service/usager-e et de la posture de consommateur-trice.
source

Un tract, avec drapeau pirate et tête de mort (et menace d’un concert de slam) a été produit : cantoche.pdf [et produit avec un logiciel libre, attention !].
L’autogestion semble s’accompagner de vandalismes et de dégradations (oups) d’expressions artistiques contre-culturelles sur lesquelles il ne faudrait porter de jugement :

Ces photos, prises hier (et recadrées pour insister sur les graffitis, pour dramatiser un peu et pour les besoins de l’administration de la preuve), ne résument pas la journée. Il faisait beau, et, pris de haut (depuis la B336), le cliché suivant montre des étudiants “fourmis” en train de réviser au soleil ou de se reposer entre deux cours. Disons que c’est une forme d’autogestion individualisée du temps…

Diagramme de Venn

Je voulais créer une chose amusante avec un diagramme de Venn, mais je n’ai que l’idée de départ :

Il me faudrait trouver des intersections intéressantes.

L’art de ne pas être gouverné

[Petit hommage à moitié ironique à James C. Scott via Daniel Little]
 
L’amphithéâtre est un espace social politique. Il suffit d’en avoir fréquenté pour savoir que les people of the hills, ceux qui s’assoient tout en haut, sont rétifs à l’étatisation représentée par le professeur. Le discours enseignant classique leur a donné une nature propre, presque une ethnicité : ils seraient les étudiants potentiels non civilisés, ils représenteraient in vivo une condition pré-étudiante ancestrale. Leur destin serait de descendre, petit à petit, de la “zomia” (cette zone haute peu accessible au pouvoir étatique en raison de la “friction” du terrain) pour se rapprocher du centre étatisé.
Mais une autre tradition de recherche comprend ces rebelles comme ayant été générés par l’étatisation : on peut comprendre toute leur organisation sociale comme une réponse rationnelle à la pression étatique. Egalitarisme des relations sociales, agriculture non sédentaire…

La rebellion estudiantine ne s’objective pas dans des raids esclavagistes, mais dans l’absentéisme ou diverses formes de grèves du zèle. Un indicateur archéologique existe cependant — archéologique au sens où il persiste dans le temps : le graffi-table (graffiti sur table).

Proposons un plan d’un petit amphi universitaire (à peine six rangées). Il est probable que l’on puisse observer ceci, où l’intensité des graffitis à un endroit donné (i) est fonction du carré de la distance au professeur (d) :

i=ƒ(d²)

et — de manière plus qualitative — où, à des rangées particulières, sont associés des types de graffitis particuliers.
Un espace sans graffitable a été repéré dans plusieurs amphithéâtres. Les versions professorales y voient une objectivation de l’espace du charisme personnel — ou du charisme d’institution — reconnu au professeur. D’autres y voient l’espace dit des postillons, une zone trop proche de l’État pour que des étudiants s’y installent.

 


 
En bon empiriste positiviste, il me fallait vérifier cela. Ce fut fait lors d’une surveillance d’examen.

Pour en savoir plus : Une longue tradition d’enquête sur graffitis existe, dont je ne donnerai que quelques exemples : 1, 2, 3

Liste de choses à lire

Allons-y :

Enseigner Bourdieu dans le 9-3, par Fabien Truong.
Ce corps-là : l’Europe des identités nationales, par Eric Fassin.
Politique du langage et dénonciation du plagiat.
Le goût amer de l’autonomie, texte anonyme. Pourquoi le monde académique italien est médiocre (par Diego Gambetta) et pourquoi le monde académique français est peu compréhensible.
Comment faire la sociologie de processus d’alignements ? avec du mouvement (par Erik Voeten et surtout Adam Bonica).

Recherche étudiants de master

L’année dernière, je proposais ici même une liste de sujets de master que j’aimerais encadrer. Un an après, je suis toujours à la recherche d’étudiant-e-s intéressé-e-s. Je republie partiellement donc ce billet.

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C’est l’époque : les étudiantes en fin de licence ou de M1 sont à la recherche d’un sujet de mémoire de master. Voici quelques sujets qui feraient, je pense, des mémoires de master intéressants, et que j’aimerais encadrer. Les étudiants et étudiantes qui seraient intéressées peuvent me contacter (ou laisser un commentaire plus bas).

  1. Les demandes de changement de prénom : les travaux de Nicole Lapierre nous renseignent sur les changements de nom de famille. On a relativement peu d’information sur les changements de prénom mis à part une série d’articles de presse. Ce mémoire s’inscrirait à la fois en sociologie du droit (il me semble que des observations in situ sur le travail des juges est nécessaire) et en sociologie de la famille ou de l’immigration…
    Françoise veut s’appeler Hania, Une histoire de prénoms, Quand Olivier préfère s’appeler Saïd, Quand Jean-Pierre préfère s’appeler Mohamed, The Obama effect and why François becomes Mohammed :

    The trend in which Louis, Laurent or Marie want to become Abdel, Said or Rachida has made the media recently, so, along with Marie Tourres, our Paris reporter, I looked into it.

    Mise à jour : ce billet sur le rajeunissement social lié aux changements montre mon intérêt persistant pour cette question. Un lecteur pointe l’intérêt d’une étude des prénoms pris par les Résistants entre 1940 et 1944 : il devrait être possible de faire à ce sujet un beau travail.

  2. La nomination des animaux : Qui choisit le prénom des animaux domestiques ? Comment ces prénoms sont utilisés (par les vétérinaires notamment) ? Un début de réflexion ne me suffit pas. Ce sujet sera sans doute plus difficile à traiter : la question de départ est très mince si l’on ne trouve pas l’accès à des données solides. Mais comme les animaux domestiques (les chiens seulement ?) sont tatoués, il doit y avoir, quelque par un registre des animaux tatoués. La difficulté : obtenir l’accès à un extrait de cette base de données.
  3. Les dédicaces de BD (d’après une idée de Denis Colombi) :

    Y a-t-il pratique plus étrange que celle de la dédicace telle qu’elle s’est peu à peu institutionnalisée dans le monde de la bande-dessinée ? Elle consiste, lors de certains événements (sorties d’album, festivals, invitations de librairies…), à donner – le terme est important – un dessin réalisé sur le moment aux lecteurs ou à toute personne qui se présente. (…) Pourtant, ce don revêt souvent un caractère obligatoire à partir du moment où le dessinateur est présent. (source)

    Les dédicaces sont-elles présentes depuis le début des salons de la BD ? Voit-on une augmentation de leur place dans les programmes publiés ? Des entretiens avec des dessinateurs âgés pourrait donner des informations intéressantes. Prendre l’angle des dédicaces permettrait d’impliquer dans la recherche à la fois les producteurs et les consommateurs.

En conclusion : étudiants intéressés par un master de sociologie à Paris 8, prenez contact avec le département de sociologie, ou alors directement avec moi.

Un dessin vaut mieux que mille mots

J’ai participé, en octobre dernier (2009), à un colloque fort intéressant organisé par le Cerlis (le labo de De Singly), l’INED et la Caisse nationale d’allocations familiales.
J’y ai présenté un travail en souffrance, réalisé à partir l’analyse partielle de quelques centaines de “editorial cartoons” publiés sur le thème du mariage gay, entre 2003 et 2009, aux Etats-Unis. Travail “en souffrance”, car je n’ai jamais réussi à trouver un angle qui me convienne parfaitement.
La Cnaf vient de publier les actes du colloque en ligne Les transformations de la conjugalité : Configurations et parcours, Dossiers d’études, n°127, avril 2010. Vous trouverez ma communication entre les pages 48 et 54.