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La libéralisation du choix des prénoms

Billet publié le 16/07/2010

Le choix d’un prénom (pour un nouveau-né) a longtemps été restreint. Une loi (celle du 11 germinal an XI) posait des limites : celle des noms en usage dans les calendriers, plus quelques personnages de l’histoire.
L’Instruction générale relative à l’état civil de 1955, rédigée pour guider les officiers d’état civil, précisait qu’il fallait “refuser d’enregistrer les prénoms de fantaisie” [J.O., 22/9/55, p.9351]. Cette circulaire eu sans doute pour conséquence d’interdire certains prénoms à un moment où quelques couples souhaitaient non seulement donner à leurs enfants des “prénoms bretons”, mais aussi faire inscrire ces prénoms à l’état civil. Cette interdiction a donné « L’Affaire des prénoms bretons » (que je ne résumerai pas ici).
Onze ans après, donc, en 1966, cette Instruction générale est modifiée. La loi de Germinal an XI est précisée : Les dispositions de cette loi “procèdent du principe que les enfants français doivent, normalement, recevoir des prénoms français”. Plusieurs paragraphes précisent L’application pratique de cette loi :

on voit mal les officiers de l’état civil, en tant que juges immédiats de la recevabilité des prénoms, chercher à inventorier les ressources exactes des calendriers et de l’histoire ancienne afin de déterminer si tel prénom figure ou non parmi ceux de ce patrimoine du passé. Il leur appartient, en réalité, d’exercer leur pouvoir d’appréciation avec bon sens afin d’apporter à l’application de la loi un certain réalisme et un certain libéralisme, autrement dit de façon, d’une part, à ne pas méconnaître l’évolution des mœurs lorsque celle-ci a notoirement consacré certains usages, d’autre part, à respecter les particularismes locaux vivaces et même les traditions familiales dont il peut être justifié. Ils ne devront pas perdre de vue que le choix des prénoms appartient aux parents

[J.O., 3/5/66, 3523]

J’ai souligné ce qui m’apparaît être un changement : au refus d’enregistrement succède le “réalisme”, le “libéralisme”, “l’évolution des mœurs”, le “respect des particularismes”… Certes, il reste des interdits : les onomatopées ne peuvent être choisies comme prénom. Mais tout un ensemble de prénoms, basques, bretons, étrangers (comme “Nadine”)… peuvent désormais être acceptés.

Une note m’a intéressé : les rédacteurs de l’Instruction générale de 1966 ont cru bon de préciser :

Ces considérations militent en faveur de l’admission des prénoms coraniques pour les enfants de Français musulmans. Il y aurait d’ailleurs intérêt, dans ce dernier cas, à ce que l’officier de l’état civil conseille discrètement aux parents d’adjoindre un prénom français au prénom coranique de leur enfant. Cette pratique serait, en effet, de nature à permettre ultérieurement, une meilleure assimilation de l’intéressé à la communauté nationale.

Je ne sais pas si beaucoup de Fatima, Isabelle Benarfa sont nées après 1966. Et je ne sais pas comment ce conseil de “discrétion” donné en note dans une instruction ministérielle a été suivi. Il faut toujours suivre les conseils de discrétion, me direz-vous. Mais ça me semble un peu contradictoire ici.

Quoi qu’il en soit, cette instruction de 1966 a libéralisé en partie le choix des prénoms, donnant aux bretonnants la possibilité de bretonner. Le processus s’est poursuivi par la suite, avec, notamment un arrêt amusant de la Cour de cassation, qui précise en 1981 : “il n’y a pas lieu d’exiger que le calendrier invoqué émane d’une autorité officielle” (première chambre civile, 10 juin 1981). Les personnes motivées pouvaient alors imprimer leur propre calendrier.

[yarpp]

3 commentaires

Un commentaire par Matoo (16/07/2010 à 16:42)

Du côté de mon père, c’est une ascendance algérienne par mon grand-père et franco-allemande par ma grand-mère. Dans cette grande fratrie (8 gamins), les 6 premiers ont des prénoms français et second prénoms algériens (Mireille/Mira, Françoise/Aïda, Denise/Zouina etc.), en revanche les deux derniers (nés en 50 et 55) ont un prénom algérien et un second prénom français (mon père se prénomme Malek / Gabriel et ma tante Fatima / Christine).

Il faut absolument que je demande le pourquoi du comment de ce phénomène. Je m’en suis toujours demandé la raison…

Un commentaire par Tweets that mention Baptiste Coulmont » La libéralisation du choix des prénoms -- Topsy.com (17/07/2010 à 14:11)

[…] This post was mentioned on Twitter by coulmont, Le Phare Sociologie. Le Phare Sociologie said: #sociologie La libéralisation du choix des prénoms http://bit.ly/bXGnjc […]

Un commentaire par Baptiste Coulmont » Basques et bretons au collège (28/09/2010 à 9:25)

[…] deux cartes comme un début de recherche, une première visualisation des effets à la fois de la libéralisation du choix du prénom et, je le pense, des entreprises politiques de différenciation culturelle. L'ordinateur vous […]