Les femmes et les sex-shops
Une enquête a enfin relevé la proportion d’hommes et de femmes entrant dans les sex-shops. Petite victoire, peut-être, mais qui permet d’en savoir un peu plus sur les modes genrés de consommation. Des travaux précédents s’étaient intéressés à certains magasins mais n’avaient pas procédé à un relevé méthodique des entrées sur plusieurs magasins (Berkowitz, Hefley — mentionné rapidement ici).
Que nous apprend alors l’article de Richard Tewksbury [cv] et Richard McCleary [cv], Female Patrons of Porn ? [Notez : en anglais, “Patron” signifie client. L’article porte sur les clientes.]
Un mot sur la procédure de recherche : 9 assistants de recherche ont observé 33 sex-shops californiens : 271 observations, le tout ayant duré 162 heures, réparties sur l’ensemble du jour et de la nuit.
Qu’est-ce qui a été observé :
Of the 1,258 patrons who entered the 33 stores during 162 hours of observation, 1,044 (83 percent) were men, 214 (17 percent) were women. Most men (75.6 percent) entered alone, most women (86.9 percent) entered in groups, either same-sex (49.1 percent), mixed-sex (22.4 percent), or in a traditional couple (15.4 percent).
Les femmes constituent donc 17% du public des sex-shops. C’est non négligeable, mais minoritaire. Si les hommes visitent le plus souvent ces magasins seuls, les femmes font partie de groupes.
Quel type de magasin préfèrent-elles ? Plusieurs caractéristiques ont été relevées. “Toutes choses égales par ailleurs”, la présence de vigiles à l’extérieur fait fortement augmenter la probabilité que des femmes soient observées parmi les clientes. Une forte fréquentation est aussi lié à une forte proportion de femmes parmi les clients. La présence de cabines vidéo est négativement reliée à la présence de femmes parmi les clientes. Plus étrange, les femmes sont moins présentes dans les magasins qui emploient des vendeuses, ce qui semble opposé au “bon sens” des entrepreneurs (notamment en France, où la présence de femmes parmi les vendeuses est présentée comme le signe que le magasin s’adresse aux femmes).
L’on trouve, sur le site de l’association qui a financé la recherche, un rapport de McCleary qui donne d’autres informations, sur la variation journalière et horaire (en nombre de clients par heure) :
Les femmes sont du milieu de la semaine et du milieu de la journée, les hommes plutôt de la fin de la semaine et du milieu de la nuit. Comme si l’on avait, finalement, deux publics prêts à s’éviter.
Ailleurs sur internet : ceci.
Bibliographie :
Berkowitz, Dana. 2006. Consuming Eroticism: Gender Performances and Presentations in Pornographic Establishments. Journal of Contemporary Ethnography 35, n°. 5: 583-606. doi:10.1177/0891241605285402.
Hefley, Kristen. 2007. Stigma Management of Male and Female Customers to a Non-Urban Adult Novelty Store. Deviant Behavior 28, n°. 1: 79-109. doi:10.1080/01639620600987491.
McCleary, Richard, et Richard Tewksbury. 2010. Female Patrons of Porn. Deviant Behavior 31, n°. 2: 208-223. doi:10.1080/01639620902854985.
5 commentaires
Un commentaire par Tweets that mention Baptiste Coulmont » Les femmes et les sex-shops -- Topsy.com (25/07/2010 à 11:25)
[…] This post was mentioned on Twitter by coulmont, Le Phare Sociologie. Le Phare Sociologie said: #sociologie Les femmes et les sex-shops http://bit.ly/cc5VoB […]
Un commentaire par johanna (26/07/2010 à 19:59)
les 17% ne sont pas très étonnant faut dire que les sex-shop sont des univers très masculins, glauque, très peu raffiné pas très vendeur pour la gente féminine. Mais c’est uniquement les femmes et les sex-shops qui vous interesse ?parcequ’il me semble qu’elles sont plus de 17% à consommer des sex toys ou à visionner ( si on compte les sites de ventes, les boutiques gothiques et les studios de tatouages et autres boutiques non spécialisées).
Un commentaire par Sex Shop (01/08/2010 à 11:14)
Bonjour,
En regardant les graphiques de fréquentation des sex shop, il me vient une réflexion toute bête: si les femmes sont moins nombreuses à travailler que les hommes, elles font leur shopping coquin en semaine et plutôt l’après midi. Les messieurs travaillant ils ne leur restent que les soirées et le week-end.
D’autre part, pour des raisons de sécurité, il est possible que les femmes seules ne préfèrent pas se déplacer en soirée dans la rue et donc dans les sex shop.
Par contre il est effectivement surprenant de constater la baisse de fréquentation féminine des sex shop lorsque ceux-ci emploient des vendeuses. Cela pourrait s’expliquer par 2 choses: les femmes n’ont pas envie d’être conseillées ou vues par des vendeuses, ou bien, les sex shop employant des femmes ont une déco qui se veut concept store à l’intention des femmes et ratent leur cible par manque de sincérité dans leur démarche (les patrons de ce genre de boutiques sont majoritairement des hommes).
Bref ça colle pas, peut être que finalement, les femmes suffisamment à l’aise préfèrent les bons sex shop “qui sentent le Q” (avec présence de vigiles, ça rassure), plutôt que les trucs à « l’eau de rose » hypocrites?
Denis
Un commentaire par johanna (08/08/2010 à 21:25)
“l’eau de rose hypocrite?” je comprend pas désolé cher Mr mais on peut être à l’aise avec le sexe sans acheter dans des sex shop ( quelle différence entre un gode acheter dans “un bon sex shop qui sent le Q” pour vous citer ou un site internet ou une boutique tenu de façon propre sans pour autant être une boutique spécialisée?). cela vient peut être du fait qu’une femme n’a pas le même statut qu’un homme, qu’il est beaucoup plus mal perçus qu’une femme fréquente les sex shop que les hommes. Les hommes et les femmes n’ont pas le même rapport à la pudeur.
Un commentaire par Ernest (17/08/2010 à 9:10)
Relativisons les chiffres. Les chiffres à gauche sont les « personnes », assorties d’imprécisions de calcul. Les chiffres de droite, les pourcentages cités dans le texte.
Je vous propose une autre lecture, elle aussi subjective.
1258,00 100,00 Total
1044,00 82,99 hommes
214,00 17,01 femmes
789,26 75,60 hommes seuls
254,74 24,40 hommes accompagnés
28,03 13,10 femmes seules
185,97 86,90 femmes accompagnées
28,64 15,40 couples
41,66 22,4 mixed
91,31 49,10 groupes
Primo, il n’y a eu sur les 1200+ personnes à entrer dans les sex shops, que 214 femmes. C’est déjà nettement moins représentatif.
Sur les hommes accompagnés, il y en avait 254, dont au moins 28 en couple, et entre 1 et 41 accompagnés de femme(s).
Sur les 214 femmes, 28 (15%) sont venues avec leur compagnon, Question : c’est lequel des deux qui a pris l’initiative de venir ? Sans doute certaines sont venues « pour suivre ».
Au final, ça réduit le nombre de femmes motivées pour venir dans le lieu de leur propre chef à 28, + une proportion de femmes « leader d’opinion » des groupes/couples.
À comparer aux 780+ hommes seuls.
Y’a encore de la marge.