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Les billets de August, 2010 (ordre chronologique)

L’écart d’âge entre conjoints (1)

L’écart d’âge entre conjoints est, avec le taux de suicide, surprenament régulier. Prenez une population assez large, et vous verrez que les hommes sont plus âgés que leurs conjointes [De la même manière, comparez le taux des suicides d’une grande population sur deux années consécutives, c’est presque le même.]
Il existe une belle littérature sociologique sur le thème. En France, l’article central est celui de Michel Bozon Les femmes et l’écart d’âge entre conjoints : une domination consentie.

Dans le graphique suivant (source des données), j’ai souligné les écarts “négatifs”, quand la femme est plus âgée que son conjoint :

Une lecture attentive permet de lire que : dans 12% des couples, l’homme est 2 ans plus âgé que sa partenaire ; l’inverse n’est vrai que dans 4% des cas. [Il y a autant de couples dans lesquels l’homme est 7 ans plus vieux que sa partenaire que de couples dans lesquels la femme est 2 ans plus vieille que son partenaire.]

Associée à cette pratique se trouve l’image, répandue, du couple constitué d’un vieil homme (un “barbon”) et d’une jeune fille. Mais ces couples sont peu fréquents. Il faut probablement tourner son regard non pas vers les hommes, mais vers les femmes et les mettre au centre du processus de décision. Car ce phénomène d’écart d’âge n’est pas limité aux conjoints, aux couples co-résidants. Dès l’adolescence, les filles (de 15 à 18 ans) recrutent leurs partenaires parmi les garçons âgés de 15 à 21 ans et mettent en place un écart d’âge structurel en recherchant des jeunes hommes plus âgés.

Jusqu’à présent, les choses semblent simples. Implicitement, j’ai fait comme si “des plus jeunes” allaient avec “des plus vieux”. Mais c’est plus complexe. Il est impossible de faire comme si hommes et femmes avaient les mêmes comportements, avec un petit décalage temporel.
Regardez par exemple ce graphique (extrait de Prioux (France), « Les couples non mariés en 2005 : quelles différences avec les couples mariés ? ». Politiques sociales et familiales n° 96 – juin 2009). Il apporte une difficulté, nous comparons ici les couples mariés et les couples non mariés. Mais surtout il compare les hommes et les femmes. Comment est-il possible que les expériences collectives des hommes et des femmes varient autant ?

Car on a bien ici plusieurs choses : l’écart d’âge augmente avec l’âge pour les hommes et diminue pour les femmes. Prenons les plus jeunes : les hommes mariés avant l’âge de 24 ans épousent des femmes en moyenne plus âgés qu’eux d’un an. Mais les femmes mariées jeunes, avant 24 ans, épousent des hommes plus âgés qu’elles en moyenne, de 6 ans et demi. Le décalage de calendriers d’entrée en couple, et la composition des “sous-populations” entrant en couple ou en mariage (à des âges différents) crée ces différences collectives agrégées. Et ne parlons pas des remises en couple aux âges tardifs (et de la “jeunesse” des couples non mariés).

Il nous faudrait un graphique qui compare les flux, les entrées en couple. Et nous l’avons (le graphique est extrait de l’article de Bozon cité plus haut). Les données sont un peu anciennes, mais ça ne doit pas avoir beaucoup changé depuis. Pas fondamentalement du moins.

C’est un beau graphique. Prenons l’âge moyen de la femme en fonction de l’âge de l’homme (pour les premières unions masculines) : les hommes qui se marient avant 20 ans épousent des femmes plus âgées. S’il se marie à 21 ans et plus, il épouse une femme plus jeune. Prenons maintenant l’âge moyen de l’homme en fonction de celui de la femme, au moment de la formation du couple : les femmes qui se marient à 16 ans épousent un homme de six ans leur aîné. L’écart est minimal quand le couple se forme autour des 24 ou 25 ans de la femme.

Ces quelques réflexions seront poursuivies probablement un peu plus tard dans l’année, après lecture d’un article récent de Jean-François Mignot.

Public sex, vandalisme, nus, émeutes, concours…

Quelques liens, quelques photos, quelques images, quelques mots.
 

  • En haut des Buttes :

    [Graffiti inscrit sur les murs du Belvédère de Sybil]
    Il était intéressant d’observer les réactions des touristes : “Ils ont du faire ça la nuit. — Mais comment ? — Ils ont escaladé les grilles. — Ou alors pendant une grosse tempête. Quand il pleut, y’a personne.”
    J’ai préféré me taire et ne pas proposer de théorie.
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  • Sous la terre :
    Les panneaux publicitaires “Numériflash” ont envahi le métro. J-N Lafargue, sur hyperbate a déjà souligné l’invention en retour d’un vandalisme spécifique, visant à faire stopper ces panneaux. Il semble qu’une marque de boisson pétillante s’en soit inspiré, montrant un personnage détruire, de l’intérieur l’un de ces panneaux.
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  • Dans des bar-tabacs :
    CetteMerdeEstFolle a découvert le bon goût germanique :
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  • Dans les supermarchés :
    Le playmobil émeutier / manifestant / anarchiste et son compère le policier :

    Ce playmobil avait aussi été repéré, et acheté, par Fabio Rojas sur OrgTheory.
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  • A Toulouse :
    L’IEP de Toulouse attire surtout les derniers classés au concours commun des IEP. Pour quelles raisons ? Trop loin de Paris ? Mauvaise réputation ? Belle analyse sur le vif sur PolitBistro :
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  • Chez les préfets :
    Fausses signatures pour expulser plus vite (voir aussi pole-juridique.fr)

    Afin d’être représenté dans les audiences de sans-papiers, le préfet a donc délégué sa signature à son secrétaire général. En cas d’absence de celui-ci, à son secrétaire général adjoint. Si les deux sont indisponibles, à son directeur de l’immigration et de l’intégration. Lorsque les trois sont empêchés, à son adjoint au directeur de l’immigration et de l’intégration.
    Et lorsque ce dernier ne peut pas signer, la photocopieuse le fait à sa place…

  • Une vie de thésarde

    Si Marianne, l’effigie républicaine, est tellement figée qu’on ne peut imaginer sa vie en BD (sauf dans Superdupont), il n’en va pas de même de “la thésarde”. La doctorante n’est pas encore figée dans une représentation de plâtre : on ne trouve pas son buste, rarement sa photo, dans le bureau de son directeur de thèse.
    C’est peut-être ce qui rend fort amusant Une vie de thésarde, un bd-blog dessiné (et écrit) par une doctorante en sociologie. Et de plus, c’est une vraie doctorante en sociologie : même si elle blogue anonymement, son identité est plus facile à percer que celle de Kalai Elpides / Pandore (que seule une petite erreur m’a permis d’identifier). Et c’est une doctorante que j’ai déjà croisée, ce qui rend, à la lecture, son oeuvre dessinée encore plus amusante. J’espère que la thèse, aussi, sera illustrée.

    Villa “Mon Rêve”

    Les lieux de villégiature du littoral ont cette particularité d’avoir des maisons à prénom. La sociologue Anne Chaté est, à ma connaissance, la seule à les avoir étudiées, dans un article de la revue “Ethnologie française” et dans un livre, “Villa Mon rêve, Ker Lulu”.
    Parce que ces noms sont fortement signifiants, qu’ils proposent des concentrés d’histoire personnelle, ils résistent à l’objectivation, si ils sont pris séparément. Même les typologies sont faibles face à ce matériaux. Je ne proposerai donc ici que quelques photos.
    “Min bradé”, c’est du patois : je pensais que ça voulait dire “acheté pour pas cher à la braderie”, mais on me signale que ça veut dire quelque chose comme “mon petit chéri”.

    10 août 2010

    Saint(e) Rita, patronne des causes perdues ? Le (e) en exposant a sans doute sa raison. On trouve, dans la même petite ville, une autre maison nommée “Sainte Rita”.
    10 août 2010

    Michou. Michou ? Drôle de nom pour une maison.

    10 août 2010

    La Villa Marie-Philomene date peut-être du début du siècle. Elle n’a pas changé de nom au gré des propriétaires. On trouve parfois des plaques fantômes, des fantômes de prénoms qui montrent que, parfois, quand les temps changent, les noms changent.
    10 août 2010

    Que penser alors de cette “Villa Les Myosotis”, à peine lisible. Le “Forget Me Not” / “Vergissmeinnicht” que cette fleur dit en langue étrangère est ici combattu par le temps qui passe, par le vent sableux venu des dunes.

    10 août 2010

    Que dire alors à cette maison ? Je ne t’oublierai pas, Myosotis.

    La danse étrange des mariages

    Récemment, Timothée Poisot, en étudiant la répartition annuelle des mariages, se demandait pourquoi les variations mensuelles semblaient cycliques. En juin par exemple, tout les 5 ans environ, le nombre de mariage est plus élevé que la moyenne des années précédentes.
    Je pensais au début que c’était lié aux congés mobiles. Mais il n’y en a pas en juin. @abracarioca sur twitter, apporta la solution : c’est lié au nombre de samedis dans le mois. Il y a des années ou juin est un mois à 4 samedis, et d’autres ou c’est un mois à 5 samedis.
    Dans le graphique ci-dessous, qui représente le nombre de mariages entre mai (mois n°5) et octobre (mois n°10) entre 1975 et 2010, les mois à 5 samedis sont marqués d’un rond rouge.

    version PDF plus lisible

    Cette représentation graphique me suffit pour conclure qu’@abracarioca avait raison. Pour les mois d’été, compter 5 samedis fait augmenter le nombre de mariages.

    Aaaargh ! Helvetica !

    À la station Ménilmontant, l’autre jour, un panneau de signalisation, au lieu de contenir l’habituel Parisine, était rédigé dans un sans-serif familier.

    Le fabricant du panneau, au moins, n’a pas utilisé Arial. Ni, ouf !, Comic Sans. On trouve, ailleurs sur internet, un autre match Parisine vs. Helvetica.
    Si vous voulez savoir comment cette erreur a pu arriver et combien de points cette erreur va coûter au directeur de la station, vous pouvez lire la Petite sociologie de la signalétique de J. Denis et D. Pontille.

    Spirou et l’identité nationale

    On trouve, chez la seule personne au monde que je connaisse qui soit abonnée à Spirou magazine, un Spirou ma foi fort intéressant, publié en 2008 et écrit par Emile Bravo. Dans ce Journal d’un ingénu, Spirou est confronté à l’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie, mais réagit en Spirou. La rencontre entre d’un côté les contraintes de la bédé, l’irréalisme principalement, et un principe de réalité incarné par une sorte de fée, fonctionne fort bien.
    En plus, le “principe de réalité” décrit fort bien ce monstre idéologique :

    [j’ai repris l’image sur leblogdetom, qui avait repéré ce passage.]
    Spirou, le journal d’un ingénu (4 étoiles sur 5 au coulmont).

    Barcelone et ses “no-tell” hôtels

    Lors d’un séjour à Barcelone, il y a quelques mois, je suis tombé sur des flyers pour des “hôtels pour couples” qui promettent “discrétion”, entrées spéciales pour ne pas croiser d’autres clients, réductions si l’on reste moins de 4 heures et autres miroirs inclinables.
    Voici ces flyers scannés :

    Je ne sais pas ce que promettent ces hôtels (fortement critiqués sur internet par des clients mécontents). J’imagine qu’ils proposent les mêmes services que le no-tell motel étudié par Lilly & Ball [J. Robert Lilly and Richard A. Ball, “No-Tell Motel: The Management of Social Invisibility,” Urban Life 10:2 (July 1981), 179-198. — note : Urban Life est devenu depuis le Journal of contemporary ethnography]
    Dans leur article, Lilly et Ball décrivent un motel “confidentiel” dont la clientèle est composée de “couples hétérosexuels d’une nuit”. Ce motel a été construit à la sortie d’une ville, n’a jamais fait de publicité : il fallait échapper aux croisades morales. Les employés du motel ont pour consigne d’éloigner les clients problématiques (les familles avec enfants et ceux qui souhaitent y passer la nuit entière). Pour eux : “c’est complet”. Pour assurer l’invisibilité, les chambres sont munies d’un garage à ouverture automatique et de la possibilité de payer sans passer par l’accueil. À l’accueil, les employés s’efforcent de ne jamais regarder les clients dans les yeux. En bref, toute l’organisation vise à assurer une “ignorance institutionnelle” (les informations personnelles ne sont pas recueillies) et “co-présence fictionnelle” (tout le monde prétend que quelque chose d’autre est en train de se passer tout en sachant ce qui se passe réellement).
    Et, comme l’écrivent Brekhus, Galliher et Keys : « The local police were well aware of the motel’s actual and intended use, and in fact received a special professional rate reduction when they used the motel. »
    A Barcelone en 2010, le contexte est probablement différent. Mais ces hôtels promettent, eux aussi, comme le “no-tell motel” américain, discrétion.