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Mon 11 septembre

Billet publié le 10/09/2010


Il y a de beaux récits personnels répondant à la question que faisiez-vous ce jour-là. Je ne sais pas trop écrire ainsi.
Mais le 11 septembre, j’ai écrit. Voici le contexte. L’image ci-dessus est une photographie prise en 2000 du salon de l’appartement que j’occupais alors à New York, ayant pris la succession de Muriel D., avant que n’arrive, pour m’y succéder, Pascaline D.. Si ça se trouve, Romain L. est aussi dans le même appartement.
Le 11, parce qu’il faisait beau et que je n’enseignais pas, je suis parti lire de vieux papiers aux archives de l’Eglise méthodiste unie, dans le New Jersey.

Voici ce que, le lendemain, j’écrivis dans un mail collectif largement destiné aux connaissances les plus variées qui pouvaient se poser des questions sur ma survie éventuelle. D’où le style, plus matter of fact qu’émotif :

(…) Hier, comme je n’enseignais pas, je suis allé travailler aux archives de l’United methodist Church, à Drew University, Madison, dans le New Jersey, et c’est à 50 km de NY environ. Levé à 6h30, train à 7h40 à Penn Station, et arrivée à 8h45 à Madison. C’est vers 9h30 qu’une des responsables des archives est venu prévenir tout le monde (j’étais le seul chercheur présent). A 10h, tout le monde est monté au premier étage car on venait d’apprendre qu’une tour s’était effondrée.
Il est assez vite apparu que je ne pourrais pas rentrer à NY, car tout était
bloqué, et impossible de pénétrer dans Manhattan. J’ai essayé de continuer à travailler, sans grand succès, passant mon temps sur nyt.com et yahoo.com (yahoo a toujours bien fonctionné, tout au long de la crise). Bien sur, les téléphones vers NY ou vers la France étaient tres problématiques, mais le mail a toujours fonctionné.
Drew University, à l’origine un college de théologie qui s’est agrandi, a
très vite organisé des groupes de prière et un service d’aide psychologique. (…)

Mes mails, le 11 septembre, étaient encore plus secs.


----- Original Message -----
From: Baptiste Coulmont
To: christian.b***@ens.fr
Cc: olivier.g***@ens.fr
Sent: Tuesday, September 11, 2001
Subject: tout va bien

Bonjour,

J'etais dans le New Jersey ce matin, donc tout va bien de mon cote.
Je risque de rester coince cette nuit, mais ce n'est rien de grave.

Baptiste Coulmont

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Baptiste Coulmont - bc4@nyu.edu
http://homepages.nyu.edu/~bc4
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J’étais coincé pour plusieurs raisons. D’abord parce que j’avais l’habitude de toujours sortir sans carte bancaire (l’idée de la perdre et de devoir faire opposition m’inquiétait trop). Et parce que je ne sortais qu’avec une trentaine de dollars, de quoi faire l’aller-retour, et manger. Pas de quoi payer une nuit d’hotel. Ensuite parce que les trains vers New York avaient été tous stoppés.
J’ai été hébergé par l’une des employées des archives, qui, je me souviens, prenait le soir un verre de vin, de préférence du rouge. C’est peut-être de là que date une habitude que j’ai aussi prise. Attaque terroriste ou pas.

[yarpp]

5 commentaires

Un commentaire par Eureka (10/09/2010 à 18:33)

Le 11 septembre 2001, j’ai reçu un courrier (inattendu) du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité m’informant qu’on me libérait prématurément des obligations de mon Service National, que j’effectuais alors en tant qu’objecteur de conscience dans un labo de recherche.
J’ai passé l’après-midi à constituer en catastrophe, le dossier réclamé par l’Université pour postuler au DESS qu’initialement, j’ambitionnais d’intégrer la rentrée suivante.
En catastrophe car le 11/09 était la date limite de dépôt du dossier bien sûr.

Un commentaire par Jean-no (11/09/2010 à 0:12)

J’ai la même habitude de boire un verre de rouge tous les soirs mais je n’aurais jamais pensé à en accuser les terroristes islamistes ou les archivistes méthodistes !

Un commentaire par régis coquard (12/09/2010 à 14:16)

Au moins le vin rouge rend-il pleinement justice à la valeur sacrificielle de l’événement!
Le 11 septembre 2001, je regagnais mon lieu de travail principal et, me trouvant sur l’autoroute, j’avais branché France Info en boucle vers 15 heures. Le récit, sans illustration par l’image ou la vidéo, prenait des dimensions mythiques ou canularesques. Quelque chose s’était produit, certainement, mais n’y avait-il pas dans le traitement de l’information et dans l’effervescence des commentaires tous les ingrédients du grossissement épique? On parlait déjà du terrorisme islamique et quelques années auparavant on avait pu vérifier, lors de l’affaires des Bouddhas, que l’islam radical s’accommodait mal des structures élevées, qu’elles fussent des représentations d’êtres divinisés ou des symboles plus quelconques. S’imposa confusément à moi le souvenir d’une bouffée d’événements ou de titres tels que le Crépuscule des Idoles, la Querelle des Iconoclastes, la Chute de l’empire Romain, le sac du Temple de Jérusalem par Titus. La projection de puissance développée par les agresseurs donnait froid dans le dos. L’habileté monstrueuse! On pouvait survoler le territoire américain comme quinze ans plus tôt le très oublié Mathias Rust avait parcouru 700 km en URSS à bord d’un coucou tout juste muni d’un radar! Et puis les informations devenant plus précises au fur et à mesure que j’atteignais ma destination, j’admis ce qui était à la fois l’inaudible et l’inoui. Ce fut comme dans le poème d’Appolinaire La Petite Auto: à mon arrivée j’avais compris qu’une ère nouvelle commençait.

Un commentaire par Pauline (19/09/2010 à 21:49)

Le 11 septembre 2001, le mari de ma collègue a débarqué dans notre bureau en pleine après-midi en déclarant “c’est la guerre aux Etats-Unis” je me souviendrais toujours de son irruption intempestive et de sa déclaration grandiloquente !
Pas mal la photo… historique !
Sympa les archivistes ;-) !!