Ethno-photographie sélective d’une université
L’état de délabrement matériel dans lequel se trouve l’université Paris 8 est difficile à imaginer. Mais il est connu et a déjà fait l’objet d’analyses dans des revues anglophones à comité de rédaction [Paul Cohen « Happy Birthday Vincennes! The University of Paris-8 Turns Forty » History Workshop Journal Issue 69 doi:10.1093/hwj/dbp034 ]
Il y a des petits délabrements, dûs à l’absence de nettoyage sérieux du matériel de bureau. Par exemple, voici le clavier du seul ordinateur disponible pour la quarantaine d’enseignants-chercheurs du département de sociologie :
C’était l’état avant nettoyage (j’avais, hier, enfin pensé à amener des lingettes pleines d’antibactérien et de savon). Maintenant, le clavier est beau et propre. [On remarquera que ce n’est pas sur cet ordinateur que sont rédigés les tracts antisarkozy : les touches K, Z et Y ne font pas montre d’un usage bien fréquent.]
Il y a des délabrements plus importants.
La semaine dernière, par exemple, une fuite d’eau au deuxième étage du bâtiment B avait improvisé une sorte de petite cascade jusqu’au rez de chaussée.
Hier, pendant un cours, le tableau d’un amphithéâtre est tombé. Sur twitter, @antoineevenou raconte et photographie (j’ai utilisé sa photo) :
Les étudiantes (pas seulement les universitaires) sont donc confrontées à un environnement hostile. Voyons comment, en cas de mouvement social, ils font avec les moyens du bord.
L’inventivité de l’UNEF pour canaliser les foules est à souligner. La seule entrée disponible mardi matin avait été rétrécie par des tables sur lesquelles étaient assis des militants. Pas moyen d’échapper aux tracts. On voit mieux le dispositif si l’on prend un peu de hauteur.
Une autre technique de canalisation : le blocage. Jeudi matin, l’université était bloquée (à 9h, je ne sais pas si elle le sera encore après midi au moment où j’écris). J’ai pris quelques photos du blocus, qui était, cette fois-ci, plus un canalisage qu’un blocage : le dispositif avait pour but d’amener les étudiants à l’amphi B1 (en passant devant un stand offrant un petit-déjeuner).
12 commentaires
Un commentaire par Jean-no (28/10/2010 à 10:50)
Les bâtiments ont été réalisés en deux grandes vagues, chaque fois dans la précipitation : pour le côté antique (bâtiment A et autour), il avait fallu construire en catastrophe une nouvelle fac pour virer Vincennes à Saint-Denis. Curieusement, ça tient mieux que la seconde vague (l’autre côté de la route), qui a été construite en catastrophe aussi pour doter Saint-Denis d’une fac qui en jette au moment de la coupe du monde de 1998 (c’est ce qui nous a valu la station de métro, aussi, auparavant il fallait prendre le bus depuis la gare ou la basilique, ou bien marcher). Résultat, c’est vrai, tout part en lambeaux, et il n’y a pas un effort d’entretien très poussé. Or on doit choisir : faire des choses destinées à durer ou investir dans l’entretien, mais on ne peut pas faire d’économie sur les deux à la fois.
Dans l’atelier multimédia d’arts plastiques, le nettoyage est fait par les enseignants.
Un commentaire par Fr. (28/10/2010 à 16:01)
Où sont les soixante-huitards devenus riches ? Cette université semble n’avoir aucun mécène prêt à payer pour une réfection des locaux. Et comme il ne faut pas compter sur l’État…
Un commentaire par Baptiste Coulmont (28/10/2010 à 16:07)
>Fr. Paris8 n’a pas vraiment attiré les soixante-huitards, mais plutôt leurs successeurs immédiats, les jeunes gauchistes : ces derniers, un chouïa trop jeunes pour mai 68, ne sont pas devenus riches. Il faudrait, je pense, faire comme Doug McAdam, trouver un groupe qui a été réparti aléatoirement entre Paris8 et Paris9, et voir ce qu’ils sont devenus 40 ans après.
Un commentaire par johanna (28/10/2010 à 16:47)
ce qui reste énorme c’est la façon dont ils ont tentés de limité les dégâts de l’inondation ( les poubelles avec sacs en plastiques, je doute que ce soit efficace et pour preuve ils se sont littéralement effondrés avec la quantité d’eau). alors soit ils sont pas très malins soit Paris 8 n’a vraiment pas de frics pour acquérir quelques bassines et serpillières?
Un commentaire par Abel (28/10/2010 à 17:58)
Vous n’avez pas envie de chercher un poste aux Etats-Unis ou au Canada face à ces tristes et scandaleuses conditions de travail ? Et dire qu’on se casse le ponpon des années pour être ensuite face à ça…
Abel (encore au stade de cassage de ponpon).
Un commentaire par DM (28/10/2010 à 18:23)
Ça me fait penser aux machines de l’école doctorale d’informatique à Paris-7 quand j’y étais en DEA: couche de crasse sur les claviers (interdiction de ménage dans cette salle aux personnels d’entretien, sans doute par peur qu’ils n’endommagent le matériel), systèmes hétéroclites, administration système par des CDD, et procédures paranoïaques.
Un commentaire par DM (28/10/2010 à 18:28)
Ah oui, j’oubliais les écrans: noirs de crasse aussi.
Un commentaire par sylvette (28/10/2010 à 18:30)
Un jour j’ai rencontré un type qui avait une entreprise de nettoyage industriel. Il m’a raconté qu’il avait répondu à un appel d’offre pour l’entretien de la toute nouvelle bibliothèque, orgueil de Paris 8. Le type a vite jeté l’éponge (huhu) quand il s’est rendu compte que le budget prévu permettait à peine de faire la poussière à la va-vite et pas du tout de prendre vraiment soin du sol, par exemple… sans parler du reste. C’est donc sans doute la pingrerie de l’université qui explique l’absence totale d’efficacité des braves dames qui viennent “nettoyer” nos locaux et qui passent plus de temps pendues au téléphone dans les bureau qu’à leur balais.
Au fait… y a-t-il moyen de lire l’article de cette revue à comité de lecture sans avoir à débourser 25$?
Un commentaire par Joel (28/10/2010 à 22:48)
Le non-usage des touches K, Z et Y indique aussi qu’on écrit peu en anglais à Paris 8…. (bouh c’est mal)
Un commentaire par Twitted by freakonometrics (29/10/2010 à 4:11)
[…] This post was Twitted by freakonometrics […]
Un commentaire par Johan (02/11/2010 à 3:56)
J’aimerais bien moi aussi lire l’article du History Workshop Journal mais je ne le trouve nulle part en accès libre… JSTOR a un moving wall de 8 ans malheuresement. Il y a une autre base où la revue est dispo ?
Un commentaire par Extracting information from a keyboard… | Freakonometrics (05/02/2013 à 4:17)
[…] Baptiste published a post on “ethno-photography” (here). As he mentioned it, in Paris 8, they experience a real absence of serious cleaning of office […]