En catimini, le coeur juridique de ma recherche actuelle, sur les changements de prénom, vient d’être modifié. Les réponses à la question “Comment changer de prénom ?” ne changent pas, mais les réponses à la question “Qu’est-il possible de changer ?” oui.
En effet, la « loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit », a un article 51 rédigé ainsi :
A la dernière phrase du premier alinéa de l’article 60 du code civil, les mots : « ou la suppression de » sont remplacés par les mots : « , la suppression ou la modification de l’ordre des ».
Jusqu’à présent, l’article 60 était rédigé ainsi :
Toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander à changer de prénom. La demande est portée devant le juge aux affaires familiales à la requête de l’intéressé ou, s’il s’agit d’un mineur ou d’un majeur en tutelle, à la requête de son représentant légal. L’adjonction ou la suppression de prénoms peut pareillement être décidée.
Si l’enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis.
Et maintenant ainsi :
Toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander à changer de prénom. La demande est portée devant le juge aux affaires familiales à la requête de l’intéressé ou, s’il s’agit d’un mineur ou d’un majeur en tutelle, à la requête de son représentant légal. L’adjonction, la suppression ou la modification de l’ordre des prénoms peut pareillement être décidée.
Si l’enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis.
Cela ne change pas grand chose, mais quand même toute une jurisprudence, résumée ainsi dans le Rep. civ Dalloz (article de Florence Laroche-Gisserot) :
L’interversion pure et simple de l’ordre des prénoms, bien que celle-ci ait été admise de façon indirecte (…), est problématique. La Cour de cassation y est peu favorable, le demandeur ayant la liberté de choisir comme prénom usuel n’importe lequel de ses prénoms et pouvant imposer ce choix à l’Administration (Cass 1re civ. 4 avr. 1991, Bull. civ. I, no 117, Defrénois 1991.941, obs. Massip), et les arrêts récents de cours d’appel y sont généralement opposés, d’autant plus que la loi du 8 janvier 1993 (C. civ., art. 57, al. 2, in fine) a confirmé cette faculté (…).
Je n’ai pas encore compris comment, concrètement, dans le processus d’élaboration de cette loi, cet article 51 en est venu à exister. Il apparaît dans une version de 2009 (Article 28 bis nouveau de la proposition de loi adoptée le 2 décembre 2009, Texte n°376 http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/ta/ta0376.pdf)… et avant cela dans un amendement (CL409, déposé le 13 novembre 2009 par le député Sébastien Huyghe) refusé par la commission examinant le texte.
Après rectification de l’amendement, une discussion avait eu lieu à l’Assemblée nationale en décembre 2009 concernant l’amendement suivant :
Amendement n° 37 (2ème rectification) présenté par M. Huyghe, Mme Rosso-Debord, M. Alain Cousin, M. Straumann, Mme de La Raudière, Mme Vautrin, Mme Pons, Mme Grosskost, M. Spagnou, M. Vitel, Mme Fort, M. Piron, M. Diard, M. Christ, M. Dord, M. Mariani, M. Loïc Bouvard, M. Chossy, M. Geoffroy et M. Couve.
Après l’article 28, insérer l’article suivant :
À la dernière phrase du premier alinéa de l’article 60 du code civil, les mots : « ou la suppression de » sont remplacés par les mots : « , la suppression ou la modification de l’ordre des ».
L’amendement avait été déposé le 27 novembre 2009 :
Il est aujourd’hui possible de modifier tous ses prénoms mais non d’en changer l’ordre sur l’acte de naissance, alors même que de nombreux Français souhaiteraient pouvoir modifier cet ordre sans pour autant changer de prénoms.
Une personne qui use au quotidien d’un autre prénom que celui qui est placé à la première place sur l’acte de naissance par l’officier d’État civil, que ce soit pour des raisons d’appréciation personnelle ou la conséquence d’une actualité dont elle n’est pas responsable, se voit contrainte dans toutes ses démarches administratives.
Cet amendement vise donc à permettre à toute personne faisant usage d’un autre prénom que celui qui lui a été attribué en premier lieu de mettre en adéquation sa situation administrative avec sa situation personnelle et professionnelle.
source : http://www.assemblee-nationale.fr/13/amendements/2095/209500037.asp
Voici comment l’amendement est discuté :
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 37 deuxième rectification.
M. Sébastien Huyghe. En modifiant l’article 60 du code civil, cet amendement vise à réparer une bizarrerie. En effet, il est aujourd’hui permis à une personne de supprimer l’un de ses prénoms ou de changer ceux-ci, mais pas d’en modifier l’ordre. Avec cet amendement, cela sera désormais possible.
M. le président. Quel est l’avis de la commission?
M. Étienne Blanc, rapporteur . Initialement, la commission a émis un avis défavorable.
Elle a rappelé que l’utilisation du prénom d’usage constitue une solution simple qui permet déjà d’obtenir le résultat que recherche notre collègue. Ainsi la Cour de cassation a précisé, dans un arrêt du 4 avril 1991, que le prénom d’usage s’imposait au tiers comme aux autorités publiques. En clair, il suffit d’utiliser son deuxième prénom et cet usage s’impose à tous.
Cependant, une jurisprudence considère effectivement qu’il est difficile d’institutionnaliser cet état de fait et de le transcrire dans les actes d’état-civil. En conséquence, après avoir réétudié l’amendement dans le détail, nous pensons que le dispositif proposé peut être acceptable. À titre personnel, le président de la commission des lois et moi-même émettons donc finalement un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Le Gouvernement est d’autant plus favorable à cet amendement que je peux personnellement témoigner, pour avoir été confronté à ce type de situation, que le problème se pose parfois. Autant le résoudre!
(L’amendement n° 37 deuxième rectification est adopté.)
source
Les personnes qui demandaient, jusqu’à présent, à l’inversion de leurs prénoms quand elles utilisaient le deuxième et souhaitaient le voir passer en premier, se voyaient répondre que tout prénom inscrit à l’état civil pouvait être pris comme prénom d’usage (article 57 du Code civil), et que la demande n’était pas recevable.
Depuis le 19 mai, ce n’est plus le cas. Jean, François, Dupont peut demander au Juge aux affaires familiales à ce que son identité civile devienne François, Jean, Dupont. Mais cette information n’a pas encore été largement diffusée : à en croire google, seuls les sites proposant le Code civil électronique parlent de cette “modification de l’ordre”.