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Le Vortex

Billet publié le 22/07/2011

Le lien entre le prénom et la fréquence de mentions “Très Bien” au bac continue à m’intéresser, en ce qu’il révèle une structure sociale sous-jacente, et la complexité des stratégies culturelles des parents.
Mais jusqu’à présent, j’avais proposé quelques analyses “statiques”. Or le monde des prénoms évolue chaque année. Les Léa d’aujourd’hui ne sont pas celles d’avant-hier.
Se pourrait-il que les prénoms évoluent ainsi ?

On aurait une sorte de “vortex” : les prénoms naissent, à petits effectifs, dans des milieux artistes (les professions des arts et du spectacle), qui sont certes très innovants, mais qui n’idolâtrent pas les diplômes, leur préférant la libre expression du génie personnel. Ces prénoms (certains d’entre eux du moins) sont ensuite repris par des groupes plus enclins à maximiser les profits de l’investissement scolaire. Ces groupes, plus nombreux, font augmenter la fréquence du prénom et, simultanément, sa propension à capter le profit (ici la mention).
Ensuite, le prénom a atteint une certaine surface sociale, il est connu, il est peut-être identifié aux classes supérieures, mais entre dans les classes moyennes ou les professions tirant de l’école un profit secondaire aux autres capitaux dont ils peuvent disposer. La pression à la mention diminue. Les prénoms gagnent en popularité, ils sont presque les plus fréquents…
Et enfin, ces prénoms commencent à perdre en fréquence et à recevoir moins de mentions TB que la moyenne des bacheliers. Ils sont adoptés par des groupes exclus de la répartition des profits scolaires.

Ca, c’était la théorie. Est-ce que la réalité s’accorde avec la théorie ? J’ai comparé les résultats nominatifs au bac général et technologique en 2008 et 2011. Mes données portent sur plus de 600 000 individus.

cliquez pour avoir le graphique en PDF

Le mouvements des prénoms entre 2008 et 2011 est représenté par des flèches de couleur. Si les flèches vont “vers la droite” alors les prénoms ont plus de mentions TB en 2011 qu’en 2008. “Vers le haut” : les prénoms deviennent plus fréquents parmis les bacheliers (en haut du graphique sont placés les prénoms très fréquents). Les flèches violettes (Paul, Alice, Juliette, Louis, Louise, Alexis, Hugo…) représentent des prénoms relativement peu fréquents, et qui deviennent populaires dans des “groupes à mention”. Les flèches rouges (Camille, Marie, Pierre, Mathilde, Manon, Lea, Alexandre, Antoine, Maxime, Marine) des prénoms qui, tout en devenant plus populaires, perdent en mention TB, et les flèches oranges (Thomas, Pauline, Marion, Nicolas, Julie, Guillaume, Claire, Charlotte, Julien, Romain) des prénoms qui, globalement, sont sur le déclin au début des années 1990 (quand naissent les bacheliers de 2011).

La réalité est grosso-modo en accord avec la théorie. Il semble y avoir une relation qui pourrait être expliquée comme je l’ai fait. D’ailleurs, si on regarde ce qui se passe avec ces groupes de prénoms, les uns continuent à “grimper” après 1993 (année de naissance moyenne des bacheliers de 2011) et les autres à perdre des places.

Mentionnons quand même les précautions suivantes :
1- je n’ai pas de données longitudinales, mais juste 2 dates, qui concernent des populations différentes. Je ne peux donc pas suivre un prénom le long du vortex, mais juste repérer des prénoms à deux moments différents (ce qui permet de repérer la direction du courant du vortex).
2- il y a des prénoms qui ont un comportement non prévu par la théorie (les flèches bleues sur le graphique) : ces prénoms (Hélène, Cécile, Rémi, Sébastien, Laure, Olivier…) perdent des places, mais gagnent des mentions.

[yarpp]

1 commentaire

Un commentaire par phi (01/04/2013 à 18:14)

Cécile, Sébastien, Olivier… ont connu leur gloire et redeviennent élitistes? la boucle du vortex est alors bouclée, avant éventuellement de repartir pour un tour.