Quartier d’artistes anonymes, suite
J’habite un quartier d’artistes anonymes, qui n’ont peut-être pas assez d’argent pour s’acheter des toiles. Elles dessinent donc sur les murs. Dans d’autres quartiers, ce sont des spermatozoïdes qui avaient envahi l’espace public. Ils ne sont pas arrivés jusqu’ici, peut-être effrayés par le Angry Cupcake qui attend à côté de l’arrêt du bus 60.
Un groupe anonyme colle des poissons, des mollusques et des cnidaires dans la rue de la Villette. Ils étaient probablement plusieurs, car de grands murs ont été couverts de petits poissons.
Mais l’artiste la plus persistante est sans doute l’auteure des graffitis au pochoir que vous trouverez ci-dessous. Persistante, car elle en produit de nouveaux presque chaque semaine. [Voir aussi ici]. Un message semble se dessiner au fur et à mesure que les pochoirs s’accumulent.
Quel message ? Elle cite le Rimbaud du Bal des pendus, elle a donc des lettres, même si Mallarmé eût été de meilleur goût. Rimbaud, c’est sans doute pour le côté rrrrrebelle. Ou alors la citation est un clin d’oeil : “Hop, qu’on ne sache plus si c’est bataille ou danse”, qu’on ne sache plus si les revendications sont sérieuses ou malicieuses.
Le thème central semble être l’autonomie sexuelle. Ni Dieu ni mec d’un côté. Un mec dans mon pieu, pas dans ma peau, de l’autre. L’un des graffitus (graffitum ?) a d’ailleurs été commenté par un homme (mâle) signifiant, assez violemment, son opposition, message qui a, en retour, été biffé par l’auteure [non photographié].
L’autonomie sexuelle s’affirme aussi dans un langage cru et direct : on croirait lire du Marie-Hélène Bourcier ou du Beatriz Preciado. “Il pleut, elles mouillent, faudrait pas que ça rouille”, “14 juillet dans ta chatte” ou “Hiroshima dans ta [image de Felis silvestris catus]”
A cela s’ajoute des messages inspirés peut-être du “développement personnel” ou d’une forme de “coaching”. Il s’agit ici d’exprimer son bonheur (“Parfois, je suis tellement heureuse que je pourrai mourir sur le champ”, “Love you” ou “You make me dance” — on sait donc que c’est danse, et non pas bataille), ou de donner des conseils face à une rupture amoureuse (“Prends de la hauteur”).
Est-elle végétarienne ? Un poulet d’élevage, mort, nous signifie “J’ai fait de la batterie”. Ou alors, peut-être bien, n’apprécie-t-elle pas les batteurs (leur préférant les bassistes ?).
Récemment, un (une?) nouvel-le artiste oooh-tellement-subversif a fait son apparition. J.G. colle des affiches représentant un sexe féminin, avec le message suivant “Regardez-moi dans les yeux” (lien vers une photo de l’affiche : Cliquez (NSFW)). J’avoue ne pas encore comprendre le message (qui reprend un slogan publicitaire) ni l’affiche (qui ressemble à une vieille publicité Benetton). L’auteur, à la différence des artistes anonymes du quartier, appose des initiales à son oeuvre. La démarche est peut-être différente.
2 commentaires
Un commentaire par Benjamin Geer (17/09/2011 à 18:37)
Graffito! (Mot italien.)
Un commentaire par Régis C (19/09/2011 à 10:19)
A part que le poulet est une vanité et une belle anamorphose…