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L’appropriation du monopole de l’évaluation

Billet publié le 29/09/2011

Les réformes qui ont touché le monde de l’enseignement supérieur ont conduit à une évaluationite aigüe. Différents organismes ont été créés, ou ont été réformés, pour évaluer le travail des universitaires.
Maintenant l’AERES, une agence d’évaluation, est chargée d’évaluer les procédures d’évaluation. Exactement : c’est de la méta-évaluation. Voici un extrait de la lettre envoyée récemment par la direction de l’AERES aux présidences des universités :

Pour éviter le ridicule, l’AERES ne parle pas d’une évaluation-au-carré (e²), mais d’une “validation des procédures d’évaluation des personnels”.
« Pas si vite, coco ! » a répondu l’autre instance d’évaluation, le Conseil national des universités.

Commencez-donc par évaluer la façon d’évaluer les procédures d’évaluation (e³), répond le CNU à l’AERES. Faites du e³ avant d’essayer de faire du e², voyons.

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9 commentaires

Un commentaire par Totoro (29/09/2011 à 9:30)

Mais c’est tout à fait classique et dans la lignée de “The Audit Society” de Michael Power. Les formes de contrôle exercés par les organismes officiels sont des contrôles de second niveau, vérifiant en fait le contrôle de premier niveau. De nombreuses législations européennes (et donc françaises) sont fondées sur ce principe, voir par exemple les travaux de Bonnaud & Coppalle sur la sécurité sanitaire des aliments.
Après, on peut se poser la question de l’intérêt de ce méta-contrôle, de la capacité des universités (et EPST) à mettre en place de la vraie évaluation de premier niveau, mais c’est une reconnaissance de deux points :
1/ un principe d’auto-organisation des établissements, conforme à la LRU mais aussi à une logique d’évaluation par les pairs
2/ la faiblesse de l’AERES en terme de moyens et personnels pour pouvoir exercer une véritable évaluation de “premier niveau” (là encore c’est tout à fait ordinaire, les légilisation de type “carré” correspondant à des services de contrôle de l’Etat peu développés)

Un commentaire par Baptiste Coulmont (29/09/2011 à 9:34)

Certes, Totoro, mais là, il me semble que les choses se jouent entre le CNU (CP-CNU) et l’AERES, pas tellement entre les universités et l’AERES. Ceci dit, comme je suis totalement ignorant des travaux sur l’audit… c’est peut-être classique.

Un commentaire par Totoro (29/09/2011 à 10:01)

C’est lié d’une part à la dissociation entre évaluation individuelle et évaluation collective, inscrite dans la loi ( secondairement l’AERES n’est pas censée évaluer les projets mais faire un bilan du passé), d’autre part à une logique classique de concurrence institutionnelle sur ce genre de questions.

Un commentaire par Baptiste Coulmont (29/09/2011 à 10:03)

oui, et c’est la concurrence qui m’intéresse !

Un commentaire par totoro (30/09/2011 à 10:46)

Mais peut-on considérer l’AERES et le CP CNU comme des institutions ? Très peu de moyens, comportement très variables suivant leur membres et directions. Le cas de la 19 illustre bien ça : machin complètement déconnant et pourtant aucune forme de sanction ou de réprobation n’est venue de “l’insititution” CP CNU. De même l’AERES est une “boite vide” (par opposition à “boître noire”) dont les positions et jugements dépendent fortement des personnes qui y sont détachées à un moment donné.
Du coup, comment traiter de la “concurrence” dans ce cadre, hors bien sûr d’une collection de cas ?

PS : vous remarquerez qu’il n’y a quasiment aucun délégué scientifique AERES chercheur, presque tous sont issus de l’université

Un commentaire par Baptiste Coulmont (30/09/2011 à 10:53)

Deux boîtes vides qui s’envoient des lettres, cherchant à être au premier plan de l’évaluation individuelle… c’est encore plus intéressant.
Même pas des “institutions bâtardes” au sens de Hughes (car les institutions bâtardes ne sont pas légitimes, alors que l’AERES et la CP-CNU sont légitimées par les décrets, sinon par la reconnaissance des pairs). Il y a de quoi réfléchir.

Un commentaire par Joël (03/10/2011 à 14:38)

Tu as aimé l’évaluation au cube, tu vas adorer l’évaluation puissance 4 : http://fr.wikipedia.org/wiki/European_Association_for_Quality_Assurance_in_Higher_Education (le machin européen en charge d’évaluer les instances nationales d’évaluation de l’évaluation)…

Un commentaire par Baptiste Coulmont (03/10/2011 à 14:58)

Hmm, ça manquait en effet, une instance capable d’évaluer les instances nationales d’évaluation de l’évaluation

Un commentaire par DM (05/10/2011 à 14:14)

J’attends l’irruption du Comité national de la recherche scientifique (chargé de l’évaluation des chercheurs CNRS).

L’aspect méta est déjà présent dans les modalités d’évaluation. On lit rarement les publications des chercheurs qu’on évalue ; on s’en remet à des listes de publications, en supposant que si elles ont été acceptées à tel ou tel endroit, c’est qu’elles avaient tel ou tel niveau de qualité. C’est comme acheter du produit de marque réputé sérieuse sans faire d’essai comparatif…