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Les billets de November, 2011 (ordre chronologique)

Quand s’arrêter ?

Il est conseillé d’arrêter l’enquête ethnographique quand est atteinte une certaine “saturation”.

Lorsqu’une hypothèse, par rectifications successives, atteint un degré de pertinence, vient un moment où les données empiriques diverses lui apportent une confirmation régulière. Cette régularité, est-il besoin de le dire, n’a jamais rien d’une «loi» de la nature, mais renvoie simplement à la notion approximative de «bonne résistance» dans des situations empiriques variées. Alors on peut estimer que cette hypothèse est «saturée», c’est-à-dire qu’elle se comporte suffisamment bien au cours de nombreuses mises à l’épreuve pour pouvoir être considérée comme fiable.
(p. 286 de la postface au Hobo de Nels Anderson, le fameux texte sur “l’empirisme irréductible”)

La petite recherche que je mène actuellement sur les affichage des assemblées pentecôtistes africaines en région parisienne n’est pas vraiment ethnographique… Je constitue un corpus. Mais quand saurais-je que j’ai atteint un moment de saturation. Pas de saturation des hypothèses, mais de saturation des données ?
Je me dis actuellement que c’est quand j’aurai une vision assez complète des personnes présentes sur les affiches. On peut représenter cela par des points noirs (les personnes) sur des affiches (des carrés gris). Quand une personne se trouve sur une affiche, alors un point noir relie un carré gris.
Le dessin suivant montre six mois d’observation.

Ce graphe comporte une grosse vingtaine de “composantes connexes” (de groupes non reliés entre eux). Comme le montre le graphique suivant, le nombre de composantes ne cesse d’augmenter : pour l’instant, après trois ans de recueil, je vois toujours arriver des affiches qui ne comportent aucun individu qui était déjà présent dans mon corpus. [Vous pouvez voir ce phénomène dans l’animation du réseau proposée ici].

Mais depuis début 2009, il arrive que des nouvelles affiches fassent chuter le nombre de composantes, en reliant entre elles des composantes qui n’avaient aucun lien avant.
Peut-être que la saturation sera atteinte quand une nouvelle affiche ne pourra plus que faire diminuer le nombre de composantes.

Blogs sociologiques

Les blogs de sociologues n’ont jamais été très nombreux en France. Les choses ont un peu changé avec l’émergence d’Hypotheses.org, mais l’écriture est souvent collective.
Quelques blogs sont encore, pour moi, “nouveaux” :

  Antérieurement sur le même thème : 2008, 2005, 2003

À Amiens aussi, on a nos prophètes

Joël Gombin m’indique aujourd’hui sur twitter que les églises évangéliques “africaines” se trouvent aussi à Amiens. Il en veut pour preuve l’affiche suivante :

Affiche qui ne dépareillerait pas à Paris : on y retrouve les mêmes ingrédients (hommes en costumes, micro, “conférence”, mention d’une divinité…).
Mais que vont-ils faire à Amiens, ces pasteurs ? La population de cette ville de 130 000 habitants est-elle suffisante pour faire vivre une église à la fois protestante et en lien avec les migrations congolaises ou ivoiriennes ?
L’affiche qu’a trouvée Joël n’est pas isolée. Des tentatives d’installation ont même lieu dans des villes beaucoup plus petites. Noyon, 14 000 habitants, a vu l’arrivée de l’Eglise évangélique “Jésus-Christ le Rédempteur” l’année dernière.

Si les églises “africaines” sont surtout concentrées en banlieue nord de Paris (comme on peut le constater en lisant la thèse de Frédéric Dejean ou sur mon blog), l’expansion vers le Nord est rapide. Peut-être parce que l’immigration africaine, elle aussi, s’est déployée vers le Nord et que l’offre suit la demande. Peut-être aussi parce que la concurrence entre pasteurs-prophètes est tellement forte en région parisienne que le salut, pour un entrepreneur, se trouve là où elle est moins forte, voire inexistante : l’offre précède la demande. Peut-être enfin que s’installer entre Paris et Bruxelles (deux pôles importants pour ces églises) est associé à quelques avantages “transnationaux” (s’associer, par exemple, comme dans l’affiche d’Amiens, à des pasteurs parisiens d’un côté, bruxellois de l’autre).

La bourgeoisie par les prénoms

Pour accompagner la série Nom d’un prénom du blog de Marie-Anne Paveau, voici le “top 20” des prénoms les plus donnés en 2010 dans le « Carnet du jour » du Figaro.

Comme l’année dernière, Louise et Joséphine restent en premières positions, et, parmi les 10 premiers, 9 se trouvaient déjà dans le palmarès l’année dernière.
Par rapport au palmarès de 1991, il en reste 5 (Camille, Alix, Charlotte, Marie, Victoria/Victoire).
Le Carnet des prénoms, édition 2011 est téléchargeable.

Un nouveau CNU19

La réunion d’installation du CNU19, la 19e section du conseil national des universités, “sociologie, démographie”, a eu lieu ce matin, dans une heureuse ambiance collégiale, à “Supméca” (Saint-Ouen), où nous étions tous, élus et nommés, convoqués à 10h par le Ministre.
L’un des seuls problèmes de cette réunion, de mon point de vue, concernait les nominations très tardives. En effet, si les sections sont composées de 2/3 d’élus, le dernier tiers est nommé, après les résultats des élections, par le Ministère de la recherche. Et, cette année, les nominations n’ont toujours pas eu lieu officiellement (du moins, elles n’ont pas été publiées et n’étaient pas complètes). C’est très dommageable, car cela empêche d’essayer de se connaître avant les réunions formelles. [mise à jour : je m’aperçois ne pas avoir été assez précis. Les collègues nommés étaient bien nommés et présents ce matin. Mais certains n’avaient pas encore de suppléants.]
Dans quelques jours, nous connaîtrons officiellement la liste des nommés : je ne donnerai donc pas de liste incomplète ici.
Cette réunion était principalement consacrée à l’élection du “bureau” de la 19e section. Ont été élus :
– président, Olivier Martin (Paris 5)
– première vice présidente, Isabelle Astier (Amiens)
– second vice-président, Sylvain Laurens (Limoges)
– assesseure, Céline Bessière (Paris 9)
C’est ce bureau paritaire qui, maintenant, travaille : à l’élection de la “Commission permanente” du CNU cette après-midi. À la répartition des dossiers entre rapporteures demain.

Pour en savoir plus : réflexion sur ma candidature (en novembre 2010), précisions sur ma candidature (en septembre 2011).
Et ailleurs : un rappel de ce qui s’est passé lors du précédent CNU, sur agora.

Nom des chiens !

Y a-t-il une sociologie possible des prénoms des chiens ? Réponse possible lors du prochain séminaire “Relations hommes/animaux. Questions contemporaines” de Frédéric Keck & Carole Ferret (Laboratoire d’anthropologie sociale), jeudi 1er décembre 2011 : Baptiste Coulmont : Sociologie des prénoms des chiens ; Dominique Guillo : En quel sens le chien peut-il être considéré comme un acteur social ? Les animaux et la théorie socio-anthropologique de l’action aujourd’hui. Les séances ont lieu de 10h à 13h le premier jeudi de chaque mois (sauf congés) au Collège
de France, place Marcelin Berthelot, salle 1
Ci-dessous, des propositions de prénoms publiées en 1922 dans le magazine “L’éleveur” :

(On remarquera que les chiens immigrés sont censés garder des prénoms non-francisés.)

Plagiat universitaire et obligation du guillemet

Il y a à Paris8 plusieurs affaires de plagiat impliquant des docteurs, des doctorants et leurs directeurs de thèse. L’un d’entre eux, débusqué par Jean-Noël Darde, a porté plainte pour diffamation [voir ici]. Mais, ironie des ironies, le texte rédigé par ce Professeur des universités ou son avocat ne respecte pas les conventions habituelles de citation… Conventions qui sont au principe des enquêtes de Darde…
Voici un extrait d’une lettre envoyée par JND aux instances de l’université :

L’ordonnance a été rendue aujourd’hui, ce 28 novembre 2011. Le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris, après avoir constaté que:
« les propos litigieux ne sont, pour la plupart d’entre eux, ni datés de façon précise, ni mentionnés par des guillemets de sorte que le demandeur reproduit parfois en italique tant les propos tirés du blog litigieux que ses propres commentaires et que les références aux articles poursuivis sont imprécises en mêlant à ses propos, ceux du défendeur qui sont en l’espèces disséminés »,
a considéré par ordonnance rendue le 28 novembre 2011, qu’ « il n’ [était] pas possible au juge des référés de faire droit aux demandes formées par [Prénom Nom] au regard de l’assignation en date du 26 octobre 2011 qui sera déclarée nulle en application de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 » sur la liberté de la presse.
L’ordonnance a en effet rappelé que ces formalités qui exigent que le demandeur précise clairement les propos qu’il entend poursuivre, « sont substantielles aux droits de la défense et leur inobservation entraîne la nullité de la citation elle-même ».

Comme quoi, il faut parfois rappeler aux universitaires les conventions élémentaires de la citation, ce que fait ici le juge. Si on en est là, eh ben, c’est pas gagné…