Un mythe à détruire ?
Les Presses universitaires de Vincennes viennent de publier un très beau livre Un mythe à détruire ? Origines et destin du Centre universitaire expérimental de Vincennes, livre dont j’ai pu suivre d’assez près la réalisation.
Ouvrage de près de 500 pages, il se distingue fortement des quelques autres livres publiés sur Vincennes-l’université. En effet, il ne se centre pas sur les égos surdimensionnés des membres du “noyau cooptant” (Badiou, Serres, Foucault, Cixous, Duroselle…) mais sur les disciplines et les départements. Les années soixante voient la recomposition des facultés et des disciplines académiques sur de nouvelles bases… et Vincennes est une université “à départements”, où la pluridisciplinarité s’est toujours appuyée sur des départements, disciplinaires, à l’identité affirmée.
Un mythe à détruire interroge donc les niveaux intermédiaires du monde universitaire, absents des hagiographies : les étudiants (et notamment les étudiants étrangers, rapidement très nombreux à Vincennes), les chargés de cours, les “professeurs ordinaires” qui font “tourner la boutique”, et les logiques internes au monde académique (souvent éloignées de la fabrique des grands hommes).
Ces niveaux intermédiaires sont saisis par l’intermédiaire de traces statistiques laissées un peu partout dans les archives de l’université : origines des étudiants, choix des mineures (il y a un beau graphe montrant les flux entre mineures), statuts des enseignants-chercheurs (chargés de cours, vacataires, maitre-assistants…). Un gros travail a été accompli pour synthétiser ces traces, fort bien mises en valeur dans l’ouvrage :
D’autres traces se prêtent moins à la mise en tableau : Un mythe à détruire a recours aux illustrations (ci-contre, un jeu de l’oie “Vincenn-oie”) pour montrer le monde de l’époque. Ainsi le “participationnisme” électoral est rendu visible à la fois par des statistiques (le département de sociologie était très peu “participationniste”) et par la reproduction de tracts de l’époque.
La présentation générale [PDF] rédigée par Charles Soulié est en ligne sur le site des PUV.
Un mythe à détruire est sur amazon, dans les bonnes librairies à partir du 22 mars, et dès maintenant sur le site des Presses universitaires de Vincennes.
Je disais plus haut que j’avais suivi ce livre…
Il y a quelques années, alors que se préparait le quarantième anniversaire de l’université Paris 8, fondée en tant que “Vincennes” à la fin des années soixante, Charles Soulié, collègue du département de sociologie avait commencé à réunir autour de lui une petite équipe qui s’était donnée pour tâche d’explorer l’histoire et la sociologie de l’université de “Vincennes → Saint-Denis”. Et je savais par ailleurs, parce que j’étais au comité éditorial des Presses de Vincennes (qui sont les presses universitaires de Paris 8), qu’existait un intérêt à la publication d’un ouvrage en lien avec les “40 ans”. Ma contribution fut de relier ces deux envies de recherche (et de participer à la relecture de versions préliminaires des différents chapitres). Charles Soulié et son équipe ont laissé passer les “40 ans”, et c’est pour le mieux : l’anniversaire a contribué en partie à libérer la parole de certains, et ce temps a aussi permis la découverte d’archives inexplorées.
Note : Pour les anciens du département : vous trouverez page 188 une copie de la carte d’étudiant “millésime 1969” de Guy B*, qui fut longtemps secrétaire du département de sociologie.