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Les billets de June, 2012 (ordre chronologique)

Se faire, se refaire, se défaire un prénom

  1. Le tirage initial de Sociologie des prénoms est maintenant épuisé, et La Découverte a souhaité réimprimer l’ouvrage. Ce n’est pas une deuxième édition, et presque rien ne change entre le tirage de mai 2011 et le tirage de mai 2012 : 4 coquilles (dont une sur le prénom de Derrida, une autre sur le nom de Halbwachs) et une rectification des grisés sur un graphique. Ca et, quand même, les “achevés d’imprimer” de la dernière page :
  2. Et puisqu’on parle de coquille : une petite incompréhension entre le journaliste et moi s’est glissé dans cet article de 20 Minutes, mais cela ne remet pas en cause tout le propos. Et les rédacteurs du quotidien, visiblement, se sont amusés à rapprocher le candidat qui veut se “faire un prénom” (Gaspard Delanoë) et ceux qui souhaitent se refaire un prénom :
  3. J’ai écrit un petit article pour un hors-série du magazine Sciences humaines : Changer de prénom, toute une histoire !
  4. Un article du magazine Marianne me cite. Alors que Bretons, Basques, Occitans, Corses, Bourgeois ont des “livres des prénoms” associés à leurs entreprises identitaires, les ouvriers et employés n’en ont pas. Si Le Figaro publie chaque année un “livret des prénoms” objectivant les choix de certains de ses lecteurs, si le “livre des prénoms bretons” (ou basques, ou corses) existe… les choix des classes populaires n’existent que sous une forme dénigrée. Car si les classes supérieures, en matière culturelle, seraient devenues “omnivores”, elles sont apparemment loin de l’être en matière de prénom.

Réseau de travail chez les députés (suite)

Il y a quelques mois, j’avais exploré le réseau de relations de travail objectivées par les propositions de loi faites par les députés. Mais leur travail ne consiste pas qu’à proposer des lois. Les députés amendent aussi, et souvent, très souvent : il y a eu quelques dizaines de milliers d’amendements déposés entre 2007 et 2009 (presque 50 000).
Rédiger et signer des amendements est donc beaucoup plus fréquent que rédiger ou signer des propositions de loi.
Les amendements tissent un réseau différent de celui des propositions de loi. Dans le graphe suivant, les UMP sont en bleu, les socialistes en rose, les “GDR” en rouge (c’étaient les Verts et les communistes), les “nouveaux-centre” en orange, les non-inscrits en noir.

On distingue bien, à gauche les socialistes, à droite l’UMP. Mais aussi, au centre, un groupe de députés cosignant de nombreux amendements. Au “Centre-Sud”, un rassemblement (comportant des rouges, des roses et des bleus) réunit celles et ceux qui sont les champions des amendements, qui en ont signé ou rédigé un nombre gigantesque.
Mais cette représentation est trompeuse. Pour la produire, j’ai considéré comme étant d’un poids égal toutes les signatures d’amendement. Or il existe de nombreux amendements “de groupe”, signés par plus de 100 ou 200 députés. Le graphe suivant (réalisé avec le même algorithme que le précédent) prend en compte le poids des liens : j’affecte un poids de 1/n à une signature quand l’amendement est signé par n personnes.

Et là, on retrouve, semble-t-il, la structure observée quand on s’intéressait uniquement aux propositions de loi.

Pour réaliser cette étude, je me suis appuyé sur les données diffusées par nosdeputes.fr. Mais au lieu d’établir des statistiques individuelles comme celles qu’utilise Mme Hoffman-Rispal (usage repéré par Sylvain Parasie), j’essaie de repérer des relations entre députés. J’imagine que “Nosdeputes.fr” le fera prochainement : repérer la députée la plus connectée.

Qui se ressemble, s’assemble

De passage à la mairie du XIXe arrondissement, j’en ai profité pour photographier les bans de mariage. Comme le sens commun et la sociologie du couple nous l’apprend, qui se ressemble s’assemble, ou a tendance à s’assembler.
Ainsi le serveur épouse la serveuse, le cuisinier épouse la serveuse, l’enseignant la professeure, l’étudiant l’étudiante [j’ai cherché en vain le professeur épousant l’étudiante]. L’administrateur des finance épouse l’administratrice des finances, le conseiller commercial épouse la “Manager marketing”, et le serveur la traiteur.

On pourrait retourner tout cela, et faire comme Gribaudi dans un article célèbre : non pas dire “les mariés se ressemblent”, mais “les groupes sociaux des épousés se ressemblent”, et traiter comme “proches” des groupes sociaux qui, souvent, se retrouvent dans les professions des couples — pour proposer un découpage alternatif de l’espace social. Je me demande ce que cela donnerait, à partir d’une enquête sur les bans de mariage, aujourd’hui.

Propositions de sujets de master

Le département de sociologie de l’université Paris 8 est un lieu vivant de recherche sociologique. Pourquoi ne pas y faire un master ?

  1. Pourquoi pas un master sur un thème de sociologie politique sur le vote par procuration, à partir de sources administratives notamment. Il s’agirait non seulement de faire des entretiens avec des responsables politiques locaux (dans les permanences des partis, auprès de ceux qui géraient les sites internet des candidats), mais aussi de repérer, sur les listes d’émargement, qui est le mandant de qui. Ces listes sont consultables dans les mairies, les procurations sont indiquées en rouge… Comment les mandataires choisissent leur mandant ? Quelle rôle joue la confiance ? quel rôle joue la proximité politique ?
  2. La nomination des animaux : Qui choisit le prénom des animaux domestiques ? Comment ces prénoms sont utilisés (par les vétérinaires notamment) ? Utilise-t-on le prénom sous lequel le chien est enregistré ou un prénom d’usage différent ? L’enquête pourrait porter aussi bien auprès de vétérinaires qu’auprès des organismes gérant l’identification des animaux domestiques, mais aussi auprès des éleveurs et des propriétaires…
  3. Les mariages civils : cérémonie “pauvre” en ritualité ? Il s’agirait ici de travailler à partir de sources publiques : les bans de mariage; mais aussi de lieux publics : les halls des mairies, les salles des mariages… Travail d’observation et de comptage (combien d’invités, combien de temps d’attente…). Avec l’ouverture possible du mariage aux couples du même sexe au cours des prochaines années, le sujet prendra une autre dimension. Et déjà, cette cérémonie est devenue un lieu d’affrontement politique car accompagnée de trop de rituel
  4. les francisations : le journal officiel publie les noms et prénoms des personnes ayant choisi, au moment de leur naturalisation, de “franciser” leurs noms ou prénoms. Quelques milliers d’individus le font chaque année. A partir de ces décrets de francisation, il devrait être possible d’estimer quelques unes des caractéristiques de celles et ceux qui optaient pour la francisation en 1955, 1965, 1975… 2010. [Voir ci dessous un exemple illustré de ce que l’on trouve dans le Journal officiel
  5. La liste de sujets de master continue : certains des sujets que je proposais en 2009 n’ont toujours pas trouvé preneur

Les étudiantes intéressées peuvent me contacter, ou contacter les responsables du master de sociologie de l’université Paris 8.

Extrait du Journal officiel : les décrets de francisation donnent des informations sur l’âge, le pays de naissance, le sexe, le département de résidence en France, le prénom/nom de départ le prénom/nom d’arrivée :

Nom-Prénom : AJ-Famille juin 2012

La revue AJ Famille publiée par Dalloz est ce mois-ci consacrée au nom et au prénom. Le public principal de cette revue est composé des professionnels du droit de la famille, juges, avocats, juristes. C’est probablement pour cette raison que le nom n’est pas décrit ici comme marque commerciale (“Michelin”…).
Et de fait, le coeur de la revue est consacré au changement de nom ou de prénom. I. Corpart propose une synthèse de la jurisprudence, en soulignant que le changement de prénom est soit l’objet principal de la demande faite à un tribunal, soit l’objet accessoire d’une autre demande (accès à la nationalité française, changement de sexe, adoption). L. Briand, en analysant plus de 80 décisions récentes de cours d’appel, montre le lien souvent présent entre nationalité, migrations et changement de prénom : la volonté de modifier un prénom ridicule “ne se retrouve que dans peu d’affaires”. I Copé-Bessis et A. Karila-Danziger rendent compte de l’expérience d’une juge, d’une procureure et décrivent une demi-douzaine d’audiences, soulignant les habitudes de certains tribunaux.

La proximité sociale

Comment savoir si deux professions sont “proches” ? Blum et Gribaudi, dans un article célèbre, Des catégories aux liens individuels [ci après B&G] s’appuient sur l’enquête “TRA” (enquête des “3000 familles” dirigée par Dupâquier) pour repérer une partie des proximités.
Aujourd’hui, cette enquête est accessible aux chercheurs — et j’en ai demandé l’accès dans le cadre d’une enquête en cours. J’ai reproduit, très rapidement, une partie de la méthode utilisée par B&G pour repérer des professions proches.
Ici, j’ai restreint ma recherche aux époux : je considère que deux professions sont en lien quand le couple (ProfessionA–ProfessionB) est au moins neuf fois plus représenté dans la base que dans une population qui se marierait “au hasard”.

Cliquez pour visualiser le graphe

Ce graphe, une première exploration, laisse voir des choses amusantes : Les domestiques agricoles, ouvriers agricoles et servantes s’épousent… et épousent des métayers/métayères, fermiers et fermières. Les ouvriers du fil (fileuse, tisseurs, teinturiers…) s’épousent en suivant la chaîne de production. Les employés et instituteurs voisinent avec les comptables, les boulangers et les négociants. [Les couleurs des étiquettes ont été déterminées par un algorithme de recherche de communautés, “walktrap”]

Quelques flux de mobilité

Je continue l’exploration commencée dans le billet précédent. Je regarde ici, à partir de quelques dizaines de millier d’actes de mariage au XIXe siècle, les professions de l’époux, du père de l’époux et du père de l’épouse. Ceci pour prendre en compte non pas seulement la mobilité “père–>fils”, mais aussi la mobilité “beau-père–>beau-fils”.
Les “flux” ne sont pas les mêmes.
Ainsi “l’employé aux chemin de fer”, plus que de raison, épouse une fille d’employé, mais il est lui-même fils de mécanicien. L'”avoué” est fils de “propriétaire”, mais il épouse une fille de “rentier”. Le garçon boucher est fils de boucher, il épouse la fille d’un marchand. Les serruriers “donnent” leurs filles à leurs partenaires de travail : aux mécaniciens et aux menuisiers. Les filles de terrassiers et de peintres choisissent des maçons.
Explorez le graphe en haute résolution