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De l’impossibilité de travailler

Billet publié le 18/09/2012

Aujourd’hui s’est tenu — sans pouvoir se tenir — le jury de la licence de sociologie, à l’université Paris 8. Le jury n’a pu se tenir parce que le logiciel “Apogée”, installé en septembre 2010 (il y a donc deux ans), n’est toujours pas opérationnel.
Quatre enseignants-chercheurs se sont réunis, pendant plus de six heures, pour délivrer des licences et permettre aux étudiants de passer à l’année supérieure. Mais il n’y a plus de suivi informatisé des étudiants. Certaines notes disparaissent, les règles de calcul des moyennes sont étranges (par exemple, les notes reçues en seconde session ne sont pas prises en compte)… Quelques étudiants semblent avoir “disparu” pendant un an.
Ce problème dure depuis plus d’un an. J’en avais parlé en février 2011 par exemple. Et il suffit de consulter les archives du site du département de sociologie pour s’apercevoir, par exemple, qu’en juillet 2011 il a fallu délivrer des “attestations formulaires” parce qu’il n’était pas possible de connaître les notes des étudiants. Cette année — plus d’un an après le jury de juillet 2011 — le problème n’est pas réglé, et il a fallu mettre en place une adresse mail spécifiquement destinée aux problèmes de “non-remontée” des notes sur Apogée… et demander aux étudiants de s’inscrire aux cours avec “doodle”. Certains étudiants commencent à porter ces problèmes sur la place publique.
Les responsables des jurys, les secrétariats, les responsables des cursus, non seulement s’arrachent les cheveux, mais doivent consacrer des heures, des jours, des semaines pour rattraper tous les cas individuels rattrapables, en retrouvant une note de seconde session “mal remontée”, en découvrant telle règle de compensation…
Voici, par exemple, une liste d’étudiants ayant fait un signalement précis des problèmes qu’ils ont rencontré (notes “disparues”, erreurs dans la “remontée”, non prise en compte de certaines notes…)

Et ce ne sont là que les étudiants et étudiantes ayant pris le temps de rédiger une lettre de demande, qui ont réussi à identifier le problème les concernant. Nous allons devoir, tout au long de l’année, organiser des permanences pour essayer de comprendre les situations individuelles, identifier la source des problèmes, etc…

Et parce que de nombreux départements, à Paris 8, sont dans cette situation depuis plus d’un an, les problèmes s’accumulent et se multiplient. L’année dernière, seule “une promotion” était concernée, cette année, ce sont “deux promotions”. Les problèmes rencontrés par le département A se répercutent sur les étudiants du département B qui ont suivi des cours dans le département A (par exemple des cours de langue, ou une mineure).
 
En bref : il n’est plus possible de travailler (et ne pensez pas aller aux toilettes).
 
Ou si alors vous décidez d’y aller, ce sera à vos risques et périls. C’est un problème récurrent (voir ces archives). Voici une photographie d’un urinoir pris en photo ce jour, à Paris 8, urinoir non-fonctionnel, dont la réparation a été demandée en juillet dernier — par la procédure officielle, “par intranet, sinon cela ne sera pas pris en compte”. Après signalement, le 2 juillet, j’ai reçu ce mail du service concerné par la réparation : “Votre demande de travaux concernant l’urinoir bouché va être traitée par notre service”… Nous sommes le 18 septembre, je vais devoir refaire une demande de travaux. La photo ne rend pas bien compte de la réalité : l’odeur pestilentielle (imaginez, de l’urine macérant depuis plus de deux mois) est insupportable, même dans les couloirs… et l’hygiène est loin d’être respectée. C’est la rentrée, et voici donc ce que les étudiants découvrent à leur arrivée à l’université… des toilettes bouchées depuis plusieurs mois.

 
Mise à jour du 27 septembre 2012 : Neuf jours après la publication de ce billet, cet urinoir a été débouché. Il aura donc fallu exposer publiquement des toilettes bouchées pour obtenir une réparation, plus de deux mois après un premier signalement.

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18 commentaires

Un commentaire par Tim Mason (18/09/2012 à 19:54)

Les problèmes ne s’arrêtent pas là. Ni les portes ni les fenêtres ne fonctionnent correctement. Certaines salles dans le bâtiment B sont ainsi soumis au grand froid pendant l’hiver, et sont surchauffées l’été. Les ascenseurs ne fonctionnent qu’en début de semestre – parlez-en aux agents de nettoyage. (Pour les genoux d’un prof vieillisant et ayant bcp de matériel à porter, c’est assez penible).

Quant à Apogée, ce logiciel semble poser des problèmes partout où il a été adopté, mais néanmoins le cas de Paris 8 semble particulièrement catastrophique.

Un commentaire par Jean-no (18/09/2012 à 19:56)

Réunion aujourd’hui : Apogée pose toujours de gros problème et même des injustices, comme un étudiant, je n’ai pas bien compris pourquoi, qui n’a pas la mention que d’autres ont avec les mêmes notes, par la faute d’Apogée. Par ailleurs on perd des milliers d’heures complémentaires : le budget nous imposera semble-t-il de renoncer à un nombre important de chargés de cours dès le semestre prochain.

Un commentaire par Baptiste Coulmont (18/09/2012 à 20:07)

> Jean-no: Joli cas, celui de la mention !

Un commentaire par Joël (18/09/2012 à 20:13)

Tu as une idée de qui a développé Apogée, et dans quel cadre (propriétaire/libre, inhouse/SSII extérieure, etc.) ? Je trouve quand même ubuesque qu’un pays comme la France soit incapable de développer pour ses universités un produit a priori aussi simple qu’un logiciel de gestion de bases de données.

Un commentaire par MxSz (18/09/2012 à 20:13)

… et pendant ce temps, ailleurs, en province…
http://bu.univ-angers.fr/billet/2012/3-septembre-reouverture-de-la-bu-belle-beille #autopromotion #toilettes

Un commentaire par Baptiste Coulmont (18/09/2012 à 20:25)

>Joel : Apogee, c’est payant, très cher (des dizaines de milliers d’euros par an ?)… et c’est utilisé par de nombreuses universités. Mais je n’en sais pas plus. Il y a une page sur wikipedia
http://fr.wikipedia.org/wiki/Apogée_(logiciel)

Un commentaire par Jean-no (18/09/2012 à 20:33)

@Joël : pour le prix d’Apogée, on pourrait embaucher dix développeurs en permanence pour fabriquer et améliorer un outil sur mesure ! Et pire, Apogée vieillit, on ne peut pas utiliser n’importe quel navigateur et n’importe quelle version de Java !

Un commentaire par Baptiste Coulmont (18/09/2012 à 20:35)

> JEan-no : pour les développeurs, je ne sais pas. Mais pour Java, oui : on a même reçu, l’année dernière, un mail nous disant de ne pas faire de mise à jour de sécurité, car cela cassait la compatibilité avec apogée…

Un commentaire par Sylvie (18/09/2012 à 21:04)

Ça y est je suis déprimée, avant même d’avoir repris les cours… jeudi j’ai normalement un jury de L2 en anglais… je tremble. Heureusement (ou malheureusement, je ne sais plus très bien), je n’y vais pas que pour ça. Je pense qu’on devrait tous refuser de rentrer la moindre note et filer aux secrétariats des feuilles volantes avec les notes écrites à la main.
Et je n’aborde même pas le lourd dossier “chiottes”… pas le courage. Elles sont dans le bâtiment B, bien sûr?

Un commentaire par Tim Mason (19/09/2012 à 8:54)

Notez qu’Apogée n’est pas produit par le secteur privé, mais par l’AMUE, qui est un GIP, piloté par la Conférence des Présidents d’Université. (On peut comprendre ce qui se passe en se référant à ‘Seeing Like a State.’ ) Ceci dit, j’ai assité à son implantation ailleurs, et si il’y avaient effectivement des hocquets au départ, il n’y a pas eu les problèmes qu’on voit à Paris 8. S’il s’agit d’un logiciel lourd et contraignant, il y a aussi des questions à poser sur la mise en oeuvre.

Un commentaire par Baptiste Coulmont (19/09/2012 à 8:58)

> Sylviekl : pauvres secrétariats ! je ne pense pas que ce soit au personnel administratif des départements de gérer les “bugs” liés à la mise en place et l’opérationalisation d’apogée. Les secrétaires sont déjà au contact permanent avec les étudiants perdus, ils/elles doivent en plus se former à apogée (et former “en interne” ensuite d’autres secrétaires) sans que des renforts soient accordés pour pouvoir assurer la rentrée.

Un commentaire par Sylvie (19/09/2012 à 9:11)

Oui je suis d’accord, ce n’est pas aux secrétaires de gérer la cagade apogée… mais alors que faire? Il me semble que nous sommes dans la situation absurde où nous avons un système qui ne marche pas mais aucun situation de rechange. Il y a des années j’étais à Amiens (il y a plus de huit ans) où Apogée avait été mis en place sans le moindre couac et donnait l’impression de fonctionner sans problème. Personne ne s’en est jamais plaint en tout cas. Cette année quand j’ai rentré les notes d’un cours on m’a dit une semaine plus tard que toutes les notes avaient disparu. Et puis finalement, non, elles étaient quelque part, mais certaines n’étaient plus les mêmes… Ce qui m’énerve le plus c’est le côté “tout va très bien, Madame la marquise” de Paris 8. On fait comme si de rien n’était, on donne a tout le monde des dates butoirs pour la rentrée des notes, pour la tenue des jurys, alors qu’au final cette apparence de fonctionnement normal s’écroule inévitablement.

Un commentaire par Tim Mason (19/09/2012 à 9:18)

@Baptiste Coulmont

Certes – mais la logique dans laquelle Apogée est conçue et la logique affichée de la CPU est d’éloigner autant que possible les enseignants des notes. Dans cet optique c’est le personnel administratif qui doit entrer les notes (à partir de copies anonymes, avec code bar). Apogée fait partie d’un dispositif de normalisation – mise au normes – du système universitaire français. On peut s’éclairer en lisant les pages web de la CPU

Un commentaire par Tim Mason (19/09/2012 à 9:21)

… et comme Paris 8 a toujours résisté aux normes, il n’est pas surprenant de voir que la mise en oeuvre d’Apogée s’y passe avec moults hocquets.

Un commentaire par DM (24/09/2012 à 11:39)

Confirmation de collègues d’autres établissements : Apogée est une cochonnerie qui a provoqué des crises de nerfs lors de sa mise en place, mais les problèmes ont été assez rapidement surmontés.

Un commentaire par Le dernier blog » Blog Archive » À quoi sert un étudiant en arts plastiques ? (14/10/2012 à 16:15)

[…] de l’université. Lire récemment sur son blog : La rentrée à Paris 8, édition 2012, et De l’impossibilité de travailler. [↩]Lors d’un cours de sociologie de l’art, j’ai appris que les artistes […]

Un commentaire par L.M (25/11/2012 à 13:03)

– “Tu as une idée de qui a développé Apogée, et dans quel cadre (propriétaire/libre, inhouse/SSII extérieure, etc.) ?”
– “Notez qu’Apogée n’est pas produit par le secteur privé, mais par l’AMUE, qui est un GIP, piloté par la Conférence des Présidents d’Université.”

@ Joel & Tim Mason

NON, une recherche sur leur site montre que l’AMUE (Agence de Mutualisation des Etablissements) a en charge la “maîtrise d’ouvrage” d’Apogée…
Cela veut dire que l’AMUE a dû réaliser le cahier des charges et en payer la conception (mais pas l’installation, qui comme nous le savons tous est à la charge de nos universités enfin “autonomes”).

Quant à savoir quelle est la société qui a réellement produit le logiciel, toutes mes recherches sur ce point ont échouées, nous sommes dans l’opacité la plus totale. Il serait peut-être possible d’avoir accès à des informations plus détaillées sur le logiciel en se connectant à l’espace restreint du site de l’AMUE, réservé aux utilisateurs inscrits. Théoriquement, puisque Paris 8 est membre de l’AMUE, quelqu’un au sein de l’université doit disposer des codes permettant de s’y connecter… mais qui ?
Le responsable de la DSI, peut-être, ou une personne de la fameuse “cellule Apogée” totalement dépassée par les dysfonctionnements…

Un commentaire par L.M (25/11/2012 à 13:52)

Allez voir ici -> http://www.amue.fr/fileadmin/amue/presentation/marches-conclus/listemarchesconclusen2011.pdf

Vers la fin du document, voir le marché “SAJ-DEI 11-19 – Tierce maintenance applicative et évolutive du produit Apogee” pour un montant de 125 000 euros et plus (jusqu’à combien, quien saber ?) avec la société “SOPRA GROUP”.

La “maintenance applicative et évolutive” d’Apogée est donc assurée par une société privée.
Pourquoi en aurait-il été autrement de sa conception ?

En passant, un détail souvent ignoré : Les universités paient DEUX FOIS pour l’acquisition d’Apogée, puisqu’elles financent l’AMUE qui conçoit ou paie la conception du logiciel, et qu’elles paient à nouveau pour l’installation de celui-ci. Sans parler des coûts de mise à jour, dont l’on sait déjà qu’ils seront élevées (des bruits courent sur un chiffre de 100 000 euros/2 ans, mais je n’ai rien de concret là-dessus – peut-être dans les documents prospectifs sur le SI de Paris 8 ?)