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Les billets de December, 2012 (ordre chronologique)

Osmar : manipuler des données OpenStreetMap avec R

Il y a parfois un intérêt certain à créer des cartes dans un format vectoriel. Je vais ici utiliser le paquet “osmar”, qui permet d’utiliser des données en provenance d’OpenStreetMap, avec le logiciel R.


cliquez pour ouvrir la carte au format pdf

Pour réaliser cette carte, j’ai suivi les instructions présentées dans ce document osmar: OpenStreetMap and R, by Manuel J. A. Eugster and Thomas Schlesinger.
Pourquoi passer par osmar ? L’on trouve des shapefiles extraits de OpenStreetMap sur différents sites (comme cloudmade), mais ces shapefiles commencent à être très lourds, et ils ne contiennent qu’une partie des informations disponibles sur OpenStreetMap.

install.package(osmar)
library(osmar)
src <- osmsource_api()
bb <- center_bbox(3.0775880813598633,50.37404355240673, 1000, 1000)
ua <- get_osm(bb, source = src)
 
#tracer les bâtiments
bg_ids <- find(ua, way(tags(k == "building")))
bg_ids <- find_down(ua, way(bg_ids))
bg <- subset(ua, ids = bg_ids)
bg_poly <- as_sp(bg, "polygons")
plot(bg_poly, col = "gray",border="gray")
 
#tracer une zone "commerciale"
nat_ids <- find(ua, way(tags(v %in% c("commercial"))))
nat_ids <- find_down(ua, way(nat_ids))
nat <- subset(ua, ids = nat_ids)
nat_poly <- as_sp(nat, "polygons")
plot(nat_poly, col = "#ffaaaa11",add=TRUE,border="#ffffff00")
 
#tracer les cours d'eau
nat_ids <- find(ua, way(tags(k %in% c("waterway"))))
nat_ids <- find_down(ua, way(nat_ids))
nat <- subset(ua, ids = nat_ids)
nat_poly <- as_sp(nat, "polygons")
plot(nat_poly, col = "#aaaaff",add=TRUE,border="#aaaaff",lwd=2)
 
#tracer les parcs
nat_ids <- find(ua, way(tags(k %in% c("leisure"))))
nat_ids <- find_down(ua, way(nat_ids))
nat <- subset(ua, ids = nat_ids)
nat_poly <- as_sp(nat, "polygons")
plot(nat_poly, col = "#99dd99",add=TRUE,border="#99dd99")
 
#tracer les rues, de différentes épaisseurs
cw_ids <- find(ua, way(tags(v %in% c("residential","pedestrian"))))
cw_ids <- find_down(ua, way(cw_ids))
cw <- subset(ua, ids = cw_ids)
cw_line <- as_sp(cw, "lines")
plot(cw_line, add = TRUE, col = "pink",lwd=1)
 
cw_ids <- find(ua, way(tags(v %in% c("secondary"))))
cw_ids <- find_down(ua, way(cw_ids))
cw <- subset(ua, ids = cw_ids)
cw_line <- as_sp(cw, "lines")
plot(cw_line, add = TRUE, col = "pink",lwd=5)
 
cw_ids <- find(ua, way(tags(v %in% c("tertiary"))))
cw_ids <- find_down(ua, way(cw_ids))
cw <- subset(ua, ids = cw_ids)
cw_line <- as_sp(cw, "lines")
plot(cw_line, add = TRUE, col = "pink",lwd=3)

Created by Pretty R at inside-R.org

Mes conditions de travail (3)

Il y avait, dans Le Monde, un article sur les “campus cinq étoiles” de certaines universités américaines. C’est assez simple de faire un article sur les Etats-Unis… c’est apparemment plus compliqué de faire un article sur une université française. En tout cas, l’université dans laquelle je travaille n’a pas encore eu les mêmes honneurs. Mais un journaliste de France 24 s’est déplacé French university professors decry a failing system et en français ici. Le directeur du département de philosophie y décrit les “trois salles de classe défraîchies, dont deux sans fenêtres” qui sont affectées à l’enseignement en philo.
Pour aider d’autres journalistes, voici un petit état des lieux.
Commençons par l’organisation de la scolarité : nous bénéficions, dans l’université où je travaille, depuis plus de deux ans, d’un logiciel, “apogée”. Ce logiciel ne fonctionne pas. Pas du tout. Et l’organisme qui a créé ce logiciel, l’AMUE, le rend obsolète en cherchant à en créer un autre. Du coup : l’AMUE n’assure plus le suivi technique, à ce que j’ai compris (ce qui inquiète certains présidents d’université).
Donc, pour me répéter, mais certains ont du mal à l’entendre, Apogée ne fonctionne pas du tout. Un “pré-audit”, plus de deux ans après l’installation, est en cours. Sur twitter, l’un des membres du cabinet de la Présidence me demande d’être juste : deux “groupes de travail” ont été créés. Reste que, au quotidien, rien ne marche. Mais soyons juste : deux groupes de travail ont été créés.
Voici un document, qui, sur onze pages, décrit les problèmes dans un seul département, le département de sociologie.

Etat des lieux “apogée”, département de sociologie, novembre 2012 [pdf]

• Des jurys paralysés, réduits à naviguer à vue et à éponger les erreurs

– Impossibilité de tenir le jury en février 2011.
– Jurys paralysés en juin et septembre 2011 : président et membres mobilisés plusieurs jours jusqu’à 21h ; diplômes délivrés contenant de nombreuses erreurs
– Nouvelle impossibilité de tenir le jury en février 2012 en raison d’une modélisation non terminée.
– Jury de juin 2012 paralysé : 25 licences délivrées manuellement ; aucun passage traité.
– 242 mails d’étudiants entre fin juillet et mi novembre 2012 identifiant chacun entre 1 et 6 erreurs, soit autour de 750 problèmes à traiter manuellement, par le secrétariat, les responsables de formation, de jury et la cellule Apogée.
– Jury de septembre 2012 paralysé : voir « Liste non exhaustive des problèmes Apogée » ; production d’attestations de passage manuscrites.

Une collègue, dans un autre département, s’est amusée à composer les “Œuvres complètes” d’apogée [pdf], à mettre bout à bout les mails reçus au sujet d’apogée. La lecture de ce document est aussi édifiante.
De fait se sont mis en place, dans toute l’université, des procédures parallèles à apogée, pour pouvoir assurer le suivi de la scolarité des étudiantes. C’est principalement en recourant à des “fichiers Excel” bricolés, département par département, que l’on arrive à travailler, c’est à dire — pour faire bref — pouvoir assurer à tel étudiant que oui (ou non) il est diplômé (ou ne l’est pas, pour telle ou telle raison).

Mais l’on me signale que deux groupes de travail ont été créés.

*

Je ne sais pas s’il y a un groupe de travail sur les toilettes universitaires (j’attends que l’on me renseigne sur ce point). Peut-être bien que l’achat ou la location de locaux dans “Paris intra muros” pour héberger le quartier-général du PRES-Paris-Lumière pourrait être doté d’un ordre de priorité plus élevé (mais je fais ici du mauvais esprit).

Historiquement, et surtout à partir du XIXe siècle, l’accès aux toilettes publiques et semi-publiques a été perçu comme un moyen de favoriser ou de restreindre les mouvements de certaines populations. Les résistances à la construction de toilettes publiques pour les femmes dans l’Angleterre victorienne sont bien connues (Wilson 1991). Combinées avec la montée de l’hygiénisme (qui conduit à rendre délictueux d’uriner ou de déféquer dans l’espace public), l’absence de toilettes publiques visait à restreindre l’accès des femmes à ce même espace public (Kogan 2010).
L’accès des travailleurs à des sanitaires permettant le respect de leur dignité fut aussi au centre de luttes aujourd’hui oubliées. Un seul exemple, le transport des migrants au début du XXe sicècle (Douki 2011) : l’un des combats de mouvements de défense des migrants étaient que ces populations pauvres et migrantes puissent bénéficier de meilleures conditions de transport pendant leur long voyage en bateau vers l’Amérique; évidemment la question des toilettes décentes et nombreuses étaient déjà posée, comme un moyen élémentaire pour rendre le transport plus sûr (faire baisser les risques de contagion) et aussi pour « humaniser » les conditions de transport.

Se joue-t-il quelque chose du même ordre dans l’université dans laquelle je travaille ?

Aujourd’hui, malgré leur mobilisation, les ouvriers de la “cellule logistique”, du “service technique immobilier” ou de l’entretien ne peuvent plus assurer le bon fonctionnement de ces toilettes. Ils ne sont pas assez nombreux, et ils se retrouvent face à une situation qui dégénère plus vite qu’il n’est possible de l’améliorer.

Un exemple : le bidouillage de verrous (dans les toilettes du bâtiment C)

Une conséquence néfaste de cela, c’est la privatisation des toilettes. Un peu comme dans le monde capitaliste, où se déploient des modes privés d’appropriation du profit, la lutte des classes se déploie, dans mon université, autour de l’appropriation de l’hygiène (un bien commun, produit collectif, mais disponible pour certains seulement). Celles et ceux qui le peuvent installent donc des verrous, des panneaux, des interdits. [Ceci dit, l’appropriation de l’espace collectif semble être, localement, une forme ancienne : Gérard G*, “l’homme au slip”, monopolise une salle de cours à lui seul.]

toilettes-privees-b2
Cette privatisation a pour effet de faire “refluer” les étudiants et étudiantes vers les quelques toilettes encore disponibles… qui se retrouvent sur-exploitées et qui ne peuvent visiblement pas gérer de tels “flux”.
Ces difficultés ne touchent pas que les toilettes en elles-mêmes : il semble que la surexploitation conduise à la destruction des plomberies-mêmes.

Nous recevions ainsi, le 1er octobre 2012, le mail suivant, adressé à “allp8”, qui indique la gravité de la situation :

Madame, Monsieur,
Suite à un incident technique sur les évacuations des sanitaires au bâtiment A (sous-sol), et afin de permettre une intervention rapide et dans de bonnes conditions d’hygiène, nous sommes dans l’obligation de fermer les toilettes du bâtiment A (plots B/C/D) pendant toute la journée du 2 octobre.
Les sanitaires qui restent en fonctionnement sont les suivants :
sanitaires côté Animathèque,
côté l’UFR Arts du rez-de-chaussée au 2ème,
les toilettes SPTE, Recherche,
les toilettes côté Arts Plastiques, MITSIC, ATI,
ainsi que le bâtiment G et L (amphi X/Y).
Merci de votre compréhension.
Le service technique immobilier

Cela conduit, parfois, à déboulonner les urinoirs, pour éviter qu’ils ne soient bouchés en permanence. Le principe (capitaliste?) “Pas de bras, pas de chocolat” s’appliquant ici à autre chose.

J’aimerais bien pouvoir écrire au CHSCT (le comité hygiène, sécurité et conditions de travail) de mon université, mais impossible de trouver, sur le site internet de l’université, sa composition ou son adresse.
Ces conditions de travail difficiles rendent d’autant plus agréable la collégialité: malgré l’absence de toilettes dignes, malgré l’absence de logiciel permettant d’organiser les études… il n’est pas désagréable d’y travailler.

Bibliographie :
Douki, Caroline. 2011. « Protection sociale et mobilité transatlantique : les migrants italiens au début du XXe siècle ». Annales. Histoire, Sciences Sociales 66(2):375-410.
Kogan, Terry S. 2010. « Sex Separation. The Cure-All for Victorian Social Anxiety ». P. 145-164 in Toilet. Public Restroom and the Politics of Sharing. New York (Etats-Unis): New York University Press.
Wilson, Elizabeth. 1991. The Sphinx in the City: Urban Life, The control of Disorder, and Women. Berkeley (Californie): University of California Press.

De quoi “sociétal” est-il le nom ?

On ne pose pas ses coudes à table, on tient son couteau de la main droite… et on ne dit pas “sociétal”. C’est ainsi que l’on se montre comme sociologue civilisé. Et c’est un fait : le sociologue qui utilise “sociétal”, c’est simple, est un charlatan, par définition.
C’est du moins ce que l’on apprend très tôt. Sociétal dans une copie, c’est le zéro assuré. “Jargon”.
Mais c’est plus complexe : car “sociétal” est souvent utilisé (souvent par les mêmes qui utilisent “drastique”). Voici ce que montre google N-gram (je reprends une idée de Gérôme T*) :

Sur le corpus anglophone :
societal-en
Et sur le corpus francophone :
societal-fr
(On verrait la même évolution sur le corpus germanique).

Il faudrait pouvoir expliquer cette hausse. Mais avant cela, une archéologie du terme s’impose. L’on trouverait, aux marges de la sociologie, quelques usages dans le premier XXe siècle. Mais c’est surtout Talcott Parsons qui diffuse ce mot. Il semble l’utiliser dans les années 1950, puis, de manière croissante, dans les années 1960 : la “societal community” est ce qui assure l’intégration. Pour quelles raisons en est-il venu à utiliser “societal” plutôt que “social”. Probablement pour des raisons similaires au trio Maurice/Sellier/Silvestre, dans “Politique d’éducation et organisation industrielle en France et en Allemagne” (1982) qui trouvent ce mot utile dans le cadre d’une comparaison internationale entre systèmes d’éducation. Dans ce livre l’accent est mis sur les relations d’interdépendance, dans les deux pays, entre l’organisation de la formation professionnelle et générale et les comportements des entreprises. En gros les auteurs essaient de comparer des relations entre systèmes (systèmes d’éducation, entreprises, organisations, systèmes de qualification des travailleurs). Ils vont essayer de développer ce qu’ils appellent “l’analyse sociétale” qui s’intéresse aux relations entre grosses entités (systèmes) par différence avec le social (qui serait plutôt l’ensemble des interactions entre individus, si je me souviens bien). Le “sociétal”, c’est le niveau “méso”, ni micro, ni macro.
Il n’était probablement pas nécessaire d’utiliser ce mot.
Mais il a eu une résonance au delà de la sociologie : vers 1995 est fondée la revue “Sociétal”, qui est une sorte de lien entre syndicats patronaux et monde de l’expertise universitaire. Comme Futuribles, “Sociétal” se réfère à Bertrand de Jouvenel.

J’ai bien conscience de la rapidité des raccourcis dans ce billet. J’espère que mes collègues sauront m’indiquer où trouver d’autres pistes permettant de comprendre et l’échec “intra-sociologique” du terme sociétal et la réussite médiatique du même terme.

Une certaine actualité

L’ouverture prochaine du mariage aux couples du même sexe a redonné une petite actualité [exemple 1, exemple 2] aux articles issus de ma thèse, voire à ma thèse elle-même, qui portait sur les controverses, au sein d’églises américaines, autour du mariage des couples de deux hommes ou de deux femmes .
J’ai donc mis en ligne (ou vérifié leur disponibilité) la quasi-totalité des textes que j’ai rédigés et publiés sur ce sujet (des articles un peu anciens, rédigés vers 2005-2007, publiés avant 2009).

Coulmont B. (2003), « Églises chrétiennes et homosexualités aux États-Unis, éléments de compréhension ». Revue française d’études américaines, [95], p.73–86.
Coulmont B. (2003), « Géographie de l’union civile au Vermont ». Mappemonde, [71], p.13–18.
Coulmont B. (2004), « Devant Dieu et face au droit ? ». Critique internationale, [25], p.43–52.
Coulmont B. (2004), « Les Églises américaines et les nouvelles formes de mariages ». Matériaux pour l’histoire de notre temps, [75], p.5–16.
Coulmont B. (2005), « Do the Rite Thing: Religious Civil Unions in Vermont ». Social Compass, 52[2], p.225–239.

Coulmont B. (2005), « Entre droit, norme et politique : un procès ecclésiastique contemporain ». Droit et société, [59], p.139–148.
Coulmont B. (2006), « Jeux d’interdits ? Religion et homosexualité ». Archives de sciences sociales des religions, [136], p.103–114.
Coulmont B. (2006), « Entre le débat et le banal, le mariage religieux des couples du même sexe aux États-Unis ». In A. Cadoret et al. eds. Homoparentalités : approches scientifiques et politiques. Paris, Presses Universitaires de France, pp. 87–94.
Coulmont B. (2007), « Bons à marier ? Rite d’institution et institution d’un rite ». In B. Perreau ed. Le choix de l’homosexualité. Paris, EPEL, pp. 173–195.
Coulmont B. (2008), « États-Unis. Le mariage religieux des couples de même sexe ». In É. Fassin et al. eds. Mariages et homosexualités dans le monde. L’arrangement des normes familiales. Paris, Autrement, pp. 73–82.
Coulmont B. (2008), « Mariage homosexuel, religion et État aux États-Unis ». In F. Rochefort ed. Le Pouvoir du genre. Laïcités et religions 1905-2005. Toulouse, Presses universitaires du Mirail, pp. 217–228.
Coulmont B. (2010), « Un dessin vaut mieux que mille mots ». In Dossiers d’études. Les transformations de la conjugalité : Configurations et parcours. Paris, Université Paris Descartes, Caisse nationale des allocations familiales, pp. 48–54.

Changer de prénom : journée d’études

J’organise le vendredi 11 janvier 2013, de 9h30 à 13h une journée d’études (une demi-journée, en fait) sur les changements de prénom. Toutes les infos (lieu, salle…) sont ici : https://coulmont.com/changer/.
L’entrée est libre, “dans la limite des places disponibles” (mais nous ne devrions pas être très nombreux).
Le but de cette journée d’études est notamment de faire se rencontrer des personnes qui pourraient être intéressées à participer à un colloque, dans un an, qui porterait sur le nom et le prénom en régime “libéralisé”.

La loi du 8 janvier 1993 révisa l’état civil et la filiation, en libéralisant le choix du prénom et en facilitant les changements de prénom. La France semble s’inscrire maintenant dans une conception libérale du droit au nom et au prénom, dans laquelle importe au plus haut point la manifestation de la volonté. Mais cette libéralisation est partielle. Elle reste soumise aux nouveaux centres d’intérêts de l’État (sécurisation de l’identité et des papiers d’identité, informatisation de l’état civil…), elle s’inscrit aussi dans une jurisprudence foisonnante et dans des usages individuels ou collectifs des catégories de l’état civil comme catégories narratives ou identitaires.

Est-ce un signe de libéralisation qui ne serait que partielle ? : Des parents qui souhaitaient appeler leur enfant “MJ” [M immédiatement suivi de J, le tout en majuscules] ont vu leur demande refusée et par un juge aux affaires familiales et par la Cour d’appel d’Amiens : j’en reparle prochainement…